Décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Communiqué de presse
Par sa décision n° 2016-732 DC, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.
Sur le fond, le Conseil constitutionnel a censuré deux dispositions de la loi organique qui modifient l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature et formulé une réserve. Il a, par ailleurs, censuré deux dispositions adoptées selon une procédure contraire à la Constitution comme « cavaliers ». Le Conseil constitutionnel a jugé l'ensemble des autres dispositions de la loi organique conformes à la Constitution.
L'article 25 de la loi organique crée un article 72-1 dans l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour organiser, en fixant notamment différents délais, les conditions de retour de détachement des magistrats. Son dernier alinéa exclut toutefois de l'application de ces nouvelles règles certains emplois, au motif qu'il peut être mis fin de manière anticipée aux détachements sur ces emplois.
Le Conseil constitutionnel a relevé que cette possibilité de mettre fin de manière anticipée à certains détachements n'est pas propre aux seuls emplois énumérés par le législateur. Elle s'applique à de nombreux autres emplois susceptibles d'être occupés par des magistrats en détachement. Le Conseil constitutionnel en a conclu que le dernier alinéa de l'article 72-1 institue une différence de traitement qui méconnaît le principe d'égalité. Compte tenu des conséquences qui résulteraient de la censure de ce seul alinéa, qui iraient au-delà de l'intention du législateur, le Conseil constitutionnel a censuré l'ensemble de l'article 72-1.
L'article 26 de la loi organique crée un dispositif conçu pour faire cesser les situations de conflits d'intérêts. Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution celles de ses dispositions qui imposent à l'ensemble des magistrats de remettre une déclaration d'intérêts.
En revanche, il a déclaré contraires à la Constitution les dispositions créées par la loi organique qui imposent à certains magistrats seulement de remettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de leur situation patrimoniale.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'au regard des exigences de probité et d'intégrité qui pèsent sur les magistrats exerçant des fonctions juridictionnelles et de l'indépendance qui leur est garantie dans cet exercice, en restreignant l'obligation de dépôt d'une déclaration de situation patrimoniale aux seuls magistrats énumérés par la loi déférée, le législateur a méconnu le principe d'égalité.
Le Conseil constitutionnel a donc déclaré contraires à la Constitution les 1 ° à 6 ° du paragraphe I de l'article 7-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 introduit par le paragraphe I de l'article 26 de la loi organique. Il a en revanche déclaré conforme à la Constitution l'obligation de déclaration de situation patrimoniale introduite par l'article 43 pour les membres du Conseil supérieur de la magistrature.
L'article 41-10-A créé dans l'ordonnance organique de 1958 par l'article 35 de la loi organique prévoit que les magistrats exerçant à titre temporaire et les magistrats honoraires « ne peuvent exercer qu'une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés ». Le Conseil constitutionnel a jugé que cet article ne saurait, sans méconnaître le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire, être interprété comme permettant qu'au sein d'un tribunal plus d'un tiers des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées par des magistrats recrutés provisoirement, que ce soit à temps partiel ou à temps complet.
Sous cette réserve, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 35 conforme à la Constitution. Il a également formulé une réserve similaire applicable à l'article 39, relatif aux magistrats exerçant à titre temporaire.
L'article 48 introduit dans l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel des dispositions qui imposent le dépôt de déclarations d'intérêts et de déclarations de situation patrimoniale aux membres du Conseil constitutionnel.
L'article 49 introduit dans cette même ordonnance des dispositions relatives aux conditions de dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité en matière correctionnelle et contraventionnelle.
Le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur organique pouvait modifier ou compléter les obligations qui s'imposent aux membres du Conseil constitutionnel comme les règles relatives à l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité.
Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré, au titre de sa jurisprudence sur les « cavaliers », ces deux articles dépourvus de lien avec les dispositions initiales du projet de loi organique qui concernaient le seul statut des magistrats.
Le Conseil a jugé conformes à la Constitution l'ensemble des autres dispositions de la loi organique et, en particulier, celles qui prévoient les règles suivantes :
- les procureurs généraux ne seront plus nommés en conseil des ministres ;
- les magistrats exerçant les fonctions de juge des libertés et de la détention seront nommés par décret du Président de la République ;
- il revient à un collège de déontologie distinct du Conseil supérieur de la magistrature de rendre des avis sur toute question déontologique individuelle et d'examiner les déclarations d'intérêts des magistrats qui lui sont soumises ;
- le principe de la liberté syndicale des magistrats est consacré.