Communiqué

Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 - Communiqué de presse

Loi relative au renseignement
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République, le Président du Sénat et plus de soixante députés de la loi relative au renseignement.

Il s'est prononcé par sa décision n° 2015-713 DC.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le recueil de renseignement au moyen des techniques définies par la loi relève de la seule police administrative. Il ne peut ainsi avoir d'autre finalité que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions. Il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs.

Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure qui énumère les finalités pour lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques définies aux articles L. 851-1 à L. 854-1 du même code. Il a cependant souligné que les dispositions de l'article L. 811-3 doivent être combinées avec celles de l'article L. 801-1 aux termes desquelles la décision de recourir à des techniques de recueil de renseignement et le choix de ces techniques devront être proportionnés à la finalité poursuivie et aux motifs invoqués. Il en résulte que les atteintes au droit au respect de la vie privée doivent être proportionnées à l'objectif poursuivi. La commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et le Conseil d'État sont chargés de s'assurer du respect de cette exigence de proportionnalité.

Répondant à un grief des députés, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article L. 821-1 du code de la sécurité intérieure, qui sont relatives à la délivrance d'autorisations de mesures de police administrative par le Premier ministre après consultation d'une autorité administrative indépendante, ne portent pas d'atteinte à la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution.

Eu égard aux garanties qu'il prévoit, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l'article L. 821-5 du code de la sécurité intérieure qui traite de « l'urgence absolue ».

Le Conseil constitutionnel a, en revanche, censuré les dispositions de l'article L. 821-6 du code de la sécurité intérieure qui traitent d'une autre hypothèse d'urgence, qualifiée d'« urgence opérationnelle ». Il a relevé qu'il s'agit de la seule procédure qui permet de déroger à la délivrance préalable d'une autorisation par le Premier ministre ou par l'un de ses collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale auxquels il a délégué cette attribution ainsi qu'à la délivrance d'un avis préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le Conseil constitutionnel a également indiqué que la procédure ne prévoit pas non plus que le Premier ministre et le ministre concerné doivent être informés au préalable de la mise en œuvre d'une technique dans ce cadre. Il en a déduit que les dispositions de l'article L. 821-6 portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

En ce qui concerne l'article L. 821-7 du code de la sécurité intérieure, le Conseil constitutionnel a relevé que ses dispositions prévoient un examen systématique par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement siégeant en formation plénière d'une demande de mise en œuvre d'une technique de renseignement concernant un membre du Parlement, un magistrat, un avocat ou un journaliste ou leurs véhicules, bureaux ou domiciles, laquelle ne peut intervenir à raison de l'exercice du mandat ou de la profession. Par ailleurs, la procédure d'urgence prévue par l'article L. 821-5 du code de la sécurité intérieure n'est pas applicable et il incombe à la commission, destinataire de l'ensemble des transcriptions de renseignement, de veiller, sous le contrôle juridictionnel du Conseil d'État, à la proportionnalité tant des atteintes portées au droit au respect de la vie privée que des atteintes portées aux garanties attachées à l'exercice de ces activités professionnelles ou mandats. Les dispositions de l'article L. 821-7 ont, par suite, été jugées conformes à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions de la loi déférée qui fixent les durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés.

Il a écarté le grief des députés dirigé contre la composition de la commission nationale des techniques de renseignement. La présence de membres du Parlement parmi les membres de cette commission n'est pas de nature à porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs dès lors qu'ils sont astreints au respect des secrets protégés aux articles 226-13 et 413-10 du code pénal.

S'agissant de la mise en œuvre des techniques de recueil de renseignement, le Conseil constitutionnel a d'abord relevé les conditions de droit commun dans lesquelles elles sont mises en œuvre, sauf disposition spécifique. Elles sont autorisées par le Premier ministre, sur demande écrite et motivée des ministres désignés par la loi, après avis préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Ces techniques, qui ne peuvent être mises en œuvre que par des agents individuellement désignés et habilités, sont réalisées sous le contrôle de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et, le cas échéant, du Conseil d'État.

En ce qui concerne les dispositions de l'article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure, qui régissent la procédure de réquisition administrative de données techniques de connexion auprès des opérateurs, le Conseil constitutionnel les a jugées conformes à la Constitution en précisant que ces données ne peuvent porter ni sur le contenu des correspondances ni sur les informations consultées. Il a également jugé conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 851-2 qui permettent, pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, le recueil en temps réel de ces données sur les réseaux des opérateurs.

Les dispositions de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure permettent d'imposer aux opérateurs la mise en œuvre de traitements automatisés permettant de détecter, sur leurs réseaux, des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. Compte tenu des importantes précautions prises pour encadrer le recours à cette technique, que la décision rappelle, le Conseil constitutionnel a jugé l'article L. 851-3 conforme à la Constitution.

Les dispositions des articles L. 851-4, L. 851-5 et L. 851-6 du code de la sécurité intérieure sont relatifs, respectivement, à la transmission en temps réel de données techniques permettant la géolocalisation, à l'utilisation de dispositifs techniques permettant la localisation en temps réel et au recueil de données techniques au moyen d'un appareil ou d'un dispositif technique mentionné au 1 ° de l'article 226-3 du code pénal. Compte tenu de l'encadrement institué par le législateur, que sa décision rappelle, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.

Suivant le même raisonnement, il a jugé conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 852-1 du code de la sécurité intérieure qui régissent les interceptions administratives de correspondances émises par la voie des communications électroniques.

S'agissant des techniques de sonorisation de certains lieux et véhicules et de la captation d'images et de données informatiques, le Conseil a également jugé qu'eu égard à l'encadrement prévu par la loi, les dispositions des articles L. 853-1, L. 853-2 et L. 853-3 du code de la sécurité intérieure sont conformes à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a censuré l'article L. 854-1 du code de la sécurité intérieure, relatif aux mesures de surveillance internationale, au motif qu'en ne définissant dans la loi ni les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés en application de cet article, ni celles du contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de la légalité des autorisations délivrées en application de ce même article et de leurs conditions de mise en œuvre, le législateur n'a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l'exercice des libertés publiques. Le Conseil constitutionnel a, pour ce motif, déclaré contraires à la Constitution les dispositions du paragraphe I de l'article L. 854-1 et, par voie de conséquence, celles des paragraphes II et III du même article, qui en sont inséparables.

Le Conseil constitutionnel a enfin jugé conformes à la Constitution l'ensemble des dispositions du code de justice administrative qui régissent le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement.

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, soulevé d'office une disposition de l'article L. 832-4 du code de la sécurité intérieure qui relève du domaine réservé des lois de finances. Il l'a, en conséquence, censurée.