Communiqué

Décision n° 2015-476 QPC du 17 juillet 2015 - Communiqué de presse

Société Holding Désile [Information des salariés en cas de cession d'une participation majoritaire dans une société - Nullité de la cession intervenue en méconnaissance de cette obligation]
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 mai 2015 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL Holding Désile, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 20 et 98 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

Les dispositions de l'article 20 de la loi du 31 juillet 2014 ont créé au sein du titre III du livre II du code de commerce un chapitre X relatif à l'information des salariés en cas de cession de leur société, composé des articles L. 23-10-1 et suivants.

La société requérante faisait valoir, d'une part, que ces dispositions, en imposant d'informer chaque salarié préalablement à la cession d'une participation majoritaire dans une société de moins de deux cent cinquante salariés, portent une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété du cédant. Elle soutenait, d'autre part, que les mêmes dispositions, en sanctionnant la méconnaissance de cette obligation d'information par la nullité de la cession, méconnaissent les principes de proportionnalité et de personnalité des peines et portent une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété.

La SARL Holding Désile reprochait également à l'article 98 de la même loi, qui prévoit l'application de l'article 20 « aux cessions conclues trois mois au moins après la date de publication » de la loi, de porter atteinte au droit au maintien des contrats et conventions légalement conclus.

Le Conseil constitutionnel a d'abord jugé qu'en imposant au cédant d'une participation majoritaire dans une société de moins de deux cent cinquante salariés d'informer chaque salarié de sa volonté de céder pour permettre aux salariés de présenter une offre d'achat, le législateur a entendu encourager, de façon générale et par tout moyen, la reprise des entreprises et leur poursuite d'activité. Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. Le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré sur ce point de l'atteinte à la liberté d'entreprendre en estimant que, compte tenu de l'encadrement établi par le législateur, l'obligation d'informer mise à la charge du cédant n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par le législateur.

Le Conseil constitutionnel a ensuite relevé que le législateur avait prévu que peut être annulée une cession intervenue en méconnaissance de l'obligation d'information, que cette action en nullité peut être exercée par un seul salarié, même s'il a été informé du projet de cession, et qu'à défaut de publication de la cession cette action en nullité ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle tous les salariés ont été informés de cette cession. Le Conseil constitutionnel a également relevé que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation et que l'obligation d'information a uniquement pour objet de garantir aux salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s'impose au cédant. La décision en déduit qu'au regard de l'objet de l'obligation dont la méconnaissance est sanctionnée et des conséquences d'une nullité de la cession pour le cédant et le cessionnaire, l'action en nullité prévue par les dispositions contestées porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

Le Conseil constitutionnel a déclaré, pour ce motif, les quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-1 et les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 23-10-7 du code de commerce contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a écarté enfin le grief tiré de l'atteinte portée aux contrats légalement conclus et jugé en conséquence conformes à la Constitution les autres dispositions issues des articles 20 et 98 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire sur lesquelles portaient la QPC.