Communiqué

Décision n° 2015-475 QPC du 17 juillet 2015 - Communiqué de presse

Société Crédit Agricole SA [Règles de déduction des moins-values de cession de titres de participation - Modalités d'application]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 mai 2015 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par la société Crédit Agricole, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l'article 18 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

Le paragraphe I de cet article 18 modifie les règles de déduction du bénéfice imposable de la moins-value résultant de la cession de titres de participation reçus en contrepartie d'un apport, lorsque cette cession intervient moins de deux ans après l'émission de ces titres.

Le paragraphe II, contesté par la société Crédit Agricole, prévoit que ce paragraphe I « s'applique aux cessions de titres reçus en contrepartie d'apports réalisés à compter du 19 juillet 2012 ».

Il en résulte la coexistence de deux régimes. Pour les cessions de titres de participation émis avant le 19 juillet 2012, la moins-value résultant de l'écart entre la valeur d'inscription comptable lors de l'acquisition et la valeur de cession est intégralement déductible de l'assiette de l'imposition de la société cédant les titres. Pour les cessions de titres de participation émis à compter du 19 juillet 2012, la moins-value correspondant à l'écart entre la valeur d'inscription comptable des titres lors de leur acquisition et la valeur de marché de ces titres lors de leur émission n'est pas déductible.

La société requérante reprochait au paragraphe II de l'article 18 de la loi du 16 août 2012, d'une part, d'avoir porté atteinte aux exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et, d'autre part, d'avoir méconnu les principes d'égalité devant la loi et les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs.

Il a d'abord relevé qu'aucune règle constitutionnelle n'imposait le maintien des modalités de déduction des moins-values de cession à court terme de titres de participation et que les règles modifiées sont relatives au traitement fiscal des cessions de titres de participation et non à celui des apports en contrepartie desquels ces titres ont été émis. Le Conseil constitutionnel a ajouté que les dispositions contestées n'affectent pas les règles applicables aux cessions réalisées au cours d'exercices clos antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi et ne portent aucune atteinte à des situations légalement acquises ou aux effets qui peuvent être légitimement attendus de telles situations. En particulier, souligne la décision, l'acquisition de titres de participation en contrepartie d'un apport ne saurait être regardée comme faisant naître une attente légitime quant au traitement fiscal du produit de la cession de ces titres, quelle que soit l'intention de leur acquéreur et quel que soit leur prix de cession. Le Conseil constitutionnel en a déduit que le grief fondé sur l'article 16 de la Déclaration de 1789 devait être écarté.

Le Conseil constitutionnel a ensuite relevé qu'en réservant les nouvelles règles de déduction aux titres de participation reçus en contrepartie d'apports réalisés à compter du 19 juillet 2012, date à laquelle la disposition a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale, le législateur a, ainsi qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 16 août 2012, entendu maintenir, dans un souci de « loyauté » favorable au contribuable, le régime fiscal antérieurement applicable aux cessions de titres de participation émis en contrepartie d'apports intervenus avant que la nouvelle mesure soit connue. Le Conseil a jugé qu'en évitant ainsi d'appliquer les nouvelles règles à l'ensemble des cessions réalisées au cours de l'exercice clos à compter de la date de promulgation de la loi, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. La différence de traitement entre les contribuables qui résulte des dispositions critiquées est ainsi jugée en rapport direct avec l'objet de la loi. Enfin, le Conseil constitutionnel a précisé qu'en choisissant d'appliquer ces règles aux cessions de titres reçus en contrepartie d'apports réalisés à compter de la date à laquelle les dispositions contestées ont été adoptées en séance publique, le législateur a fondé son appréciation sur un critère objectif et rationnel en fonction du but poursuivi sans entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel a en conséquence jugé conformes à la Constitution les dispositions du paragraphe II de l'article 18 de la loi n°2012-958 du 16 août 2012.