Décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 octobre 2013 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Jalila K. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 87 du code de la nationalité, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, et de l'article 9 de cette même ordonnance dans sa rédaction issue de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954.
L'article 87 du code de la nationalité prévoyait que le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd la nationalité française. Toutefois, aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945, l'acquisition d'une nationalité étrangère par un Français du sexe masculin ne lui faisait perdre la nationalité française qu'avec l'autorisation du Gouvernement français. Cette autorisation était de droit lorsque le demandeur avait acquis une nationalité étrangère après l'âge de cinquante ans.
La requérante contestait ces dispositions qui prévoyaient que la perte de la nationalité française résultant de l'acquisition volontaire de la nationalité étrangère s'opérait de plein droit pour les femmes alors que, pour les hommes, elle était subordonnée à une demande de leur part aux fins d'abandon de la nationalité française. Elle soutenait que ces dispositions portaient atteinte au principe d'égalité entre les femmes et les hommes.
Le Conseil constitutionnel a fait droit à ce grief. Le Conseil constitutionnel a relevé que, dans le but de faire obstacle à l'utilisation des règles relatives à la nationalité pour échapper aux obligations du service militaire, le législateur pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, prévoir que le Gouvernement peut s'opposer à la perte de la nationalité française en cas d'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère pour les seuls Français du sexe masculin soumis aux obligations du service militaire. Mais le législateur, loin de se borner à cette orientation, avait réservé aux Français du sexe masculin, quelle que soit leur situation au regard des obligations militaires, le droit de choisir de conserver la nationalité française lors de l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère. Dès lors, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées instituent entre les femmes et les hommes une différence de traitement sans rapport avec l'objectif poursuivi et qui ne peut être regardée comme justifiée. Il a donc jugé contraires à la Constitution les mots « du sexe masculin » figurant à l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 9 avril 1954, laquelle était applicable du 1er juin 1951 jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, quia abrogé ces dispositions.
Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée par les seules femmes qui ont perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité, entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi du 9 janvier 1973. Les descendants de ces femmes peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant, compte tenu de cette inconstitutionnalité, que ces femmes ont conservé la nationalité française. Cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable aux affaires nouvelles ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel.