Communiqué

Décision n° 2013-336 QPC du 1 août 2013 - Communiqué de presse

Société Natixis Asset Management [Participation des salariés aux résultats de l'entreprise dans les entreprises publiques]
Non conformité totale

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 juin 2013 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société Natixis Asset Management. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 et du premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004.

L'ordonnance du 21 octobre 1986 prévoit, pour les entreprises de plus de 100 salariés (seuil ensuite abaissé à 50 salariés), que les salariés bénéficient d'un intéressement et d'une participation aux résultats de l'entreprise. Les dispositions contestées de l'article 15 de cette ordonnance renvoient à un décret le soin, d'une part, de déterminer les entreprises publiques et les sociétés nationales soumises à ce dispositif d'intéressement et de participation des salariés et, d'autre part, de fixer les conditions dans lesquelles ces dispositions leur sont applicables. Cet article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1946 a été repris au premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail.

La Cour de cassation a jugé qu'une personne de droit privé, ayant pour objet une activité purement commerciale qui n'est ni une entreprise publique ni une société nationale peu important l'origine du capital, n'entre pas dans le champ d'application du décret auquel renvoie l'article 15 de l'ordonnance et doit être soumise aux dispositions relatives à l'intéressement et à la participation des salariés.

La société requérante soutenait que les dispositions contestées, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, portaient atteinte à la garantie des situations légalement acquises et étaient contraires aux principes d'égalité devant la loi et les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs. Il a notamment jugé que l'interprétation que la Cour de cassation a retenue de la notion « d'entreprises publiques » figurant à l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 n'a pas porté atteinte à une situation légalement acquise.

Le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence. Il a relevé qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a soustrait les « entreprises publiques » à l'obligation d'instituer un dispositif de participation des salariés aux résultats de l'entreprise. Dans le même temps, le législateur s'est borné à renvoyer au décret le soin de désigner celles des entreprises publiques qui y seraient néanmoins soumises. Il s'est ainsi abstenu de définir le critère en fonction duquel les entreprises publiques sont soumises à cette obligation en ne se référant pas, par exemple, à un critère fondé sur l'origine du capital ou la nature de l'activité. Il n'a pas encadré le renvoi au décret et a conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour modifier le champ d'application de la loi. Le Conseil constitutionnel a, dès lors, jugé qu'en reportant ainsi sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence.

Cette méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination du champ d'application de l'obligation faite aux entreprises d'instituer un dispositif de participation des salariés à leurs résultats affecte par elle-même l'exercice de la liberté d'entreprendre. Le Conseil a donc déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-9 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004 susvisée.

Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil. Les salariés des entreprises dont le capital est majoritairement détenu par des personnes publiques ne peuvent, en application du chapitre II de l'ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée ultérieurement introduite dans le code du travail, demander, y compris dans les instances en cours, qu'un dispositif de participation leur soit applicable au titre de la période pendant laquelle les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient en vigueur. Cette déclaration d'inconstitutionnalité ne peut conduire à ce que les sommes versées au titre de la participation sur le fondement de ces dispositions donnent lieu à répétition.