Communiqué

Décision n° 2012-274 QPC du 28 septembre 2012 - Communiqué de presse

Consorts G. [Calcul de l'indemnité de réduction due par le donataire ou le légataire d'une exploitation agricole en Alsace-Moselle]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 juillet 2012 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les consorts G. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 73 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

L'article 73 de la loi du 1er juin 1924 conserve les règles successorales applicables avant 1919 dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Son premier alinéa permet au donataire ou au légataire d'une exploitation agricole, s'il est le conjoint survivant ou un successible en ligne directe d'une personne ayant le statut d'Alsacien-Lorrain, de retenir en totalité l'objet de la libéralité, même si la valeur de cet objet excède la quotité disponible. Il impose alors le versement d'une indemnité aux cohéritiers. La QPC portait sur le troisième alinéa de l'article 73 qui fixe les modalités selon lesquelles cette indemnité est calculée. Par dérogation aux dispositions de droit commun de l'article 922 du code civil, cette indemnité est calculée sur la base du revenu net moyen de l'exploitation à l'époque de l'ouverture de la succession.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence selon laquelle l'existence de règles propres à l'Alsace-Moselle n'est pas, par elle-même, contraire à la Constitution (n° 2011-157 QPC du 5 août 2011). Il a donc écarté le grief tiré de la violation du principe d'égalité entre les héritiers selon que la succession est ou non régie par les dispositions contestées.

En deuxième lieu, il a écarté le grief tiré du principe d'égalité entre les cohéritiers. Si le principe d'égalité devant la loi successorale impose que les héritiers placés dans une situation identique bénéficient de droits égaux dans la succession, il ne fait pas obstacle à ce que la loi autorise le donateur ou le testateur à avantager l'un de ses héritiers par un acte de volonté. En l'espèce le législateur a entendu favoriser la transmission des exploitations agricoles en ligne directe en évitant leur cession ou leur morcellement. Les modalités d'évaluation de la valeur de l'exploitation agricole instituent une différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi.

Enfin, le Conseil a écarté le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété. Il a rappelé que les héritiers ne deviennent propriétaires des biens du défunt qu'en vertu de la loi successorale. Dès lors était inopérant le grief tiré de ce que les dispositions contestées, qui définissent les modalités selon lesquelles sont appréciés les droits respectifs des donataires ou légataires et des héritiers réservataires dans la succession, porteraient atteinte au droit de propriété des héritiers.

Au total, le Conseil constitutionnel a jugé le troisième alinéa de l'article 73 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle conforme à la Constitution.