Communiqué

Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 - Communiqué de presse

Loi de finances pour 2010
Non conformité partielle

Le 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2009-599 DC, a statué sur la loi de finances pour 2010 dont il avait été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Les requérants contestaient la réforme de la taxe professionnelle à laquelle se substitue notamment une contribution économique territoriale. Ils contestaient également des dispositions relatives à la contribution carbone, au régime fiscal des indemnités journalières d'accident du travail, à la majoration de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants et à l'extension du revenu de solidarité active à certains jeunes de moins de vingt-cinq ans.

En premier lieu, en ce qui concerne l'institution de la contribution économique territoriale, le Conseil a rejeté l'ensemble des griefs formés par les requérants. D'office, il a seulement censuré, comme contraire au principe d'égalité, le régime particulier pour les titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC) réalisant moins de 500 000 euros de chiffre d'affaires et employant moins de cinq salariés.

En deuxième lieu, le Conseil a jugé que l'importance des exemptions totales de contribution carbone étaient contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture d'égalité devant les charges publiques. Par voie de conséquence il a censuré l'ensemble du régime relatif à cette contribution (articles 7, 9 et 10).

Enfin, le Conseil a rejeté l'ensemble des autres griefs dirigés contre la loi de finances pour 2010 mais a censuré d'office trois dispositions qui n'avaient pas leur place en loi de finances.

I - Suppression de la taxe professionnelle et institution d'une contribution économique territoriale.

La loi de finances supprime la taxe professionnelle pour la remplacer par une contribution économique territoriale, composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que par plusieurs impositions perçues au profit des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a notamment examiné les griefs dirigés par les requérants contre la contribution économique territoriale en général et contre la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en particulier.

* La contribution économique territoriale (CET).

Le Conseil a rejeté les griefs des requérants dirigés contre le « nouveau ticket modérateur ». Celui-ci fait financer par les communes une part du dégrèvement sur la CET accordé à certaines entreprises. Cependant ce dispositif reprend un mécanisme de participation des communes, plus coûteux pour celles-ci, qui existe depuis plusieurs années. Il ne crée pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Le Conseil a également rejeté les griefs dirigés contre le mode de calcul de la « compensation relais » pour 2010. Celui-ci tient en effet compte des décisions prises par les collectivités territoriales. Il n'est pas davantage contraire à la Constitution.

D'office, le Conseil constitutionnel a censuré le régime particulier de CET applicable notamment aux titulaires de BNC employant moins de cinq salariés. Les titulaires de BNC employant plus de quatre salariés et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 euros payent une cotisation calculée sur la base de la seule valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière. Au contraire, les mêmes contribuables employant moins de cinq salariés acquittaient une cotisation foncière comprenant, outre cette valeur locative, 5,5 % de leurs recettes. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette règle en fonction du nombre de salariés conduisait à traiter différemment des contribuables ayant le même chiffre d'affaires et se trouvant dans des situations identiques au regard de l'objet de loi. Il a donc censuré le régime particulier applicable aux titulaires de BNC.

* La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Les requérants soutenaient que ce régime portait triplement atteinte au principe d'égalité devant l'impôt. Le Conseil constitutionnel a rejeté ces griefs. En premier lieu, la loi a pu mettre en place une progressivité de l'impôt dû par les entreprises sur la base du chiffre d'affaires. En deuxième lieu, elle a pu instituer deux taux différents de plafonnement de la valeur ajoutée servant d'assiette à la CVAE pour prendre en compte, en fonction du chiffre d'affaires, la situation particulière des activités à forte intensité de main-d'œuvre. En troisième lieu, elle a pu ne pas retenir le chiffre d'affaires consolidé par groupe mais imposer la valeur ajoutée de chaque entreprise établie dans la commune où le contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés.

* La péréquation de la CVAE.

Le législateur a mis en place deux catégories de fonds régional et de fonds départemental de péréquation de la CVAE. Indépendamment d'une erreur rédactionnelle corrigée par la loi de finances rectificative également examinée par le Conseil le 29 décembre, le législateur a organisé de façon suffisamment claire l'articulation entre les deux catégories de fonds. Surtout ceux-ci respectent l'autonomie financière des collectivités territoriales. En effet les ressources perçues, non seulement par les communes, mais aussi par les départements et les régions sont déterminées à partir d'une part locale d'assiette. Il en va de même des ressources des fonds. Ces fonds assurent la mise en œuvre de la péréquation entre collectivités territoriales prévues à l'article 72-2 de la Constitution.

Au total, à la seule exception du régime particulier applicable à certains contribuables relevant des bénéfices non commerciaux (BNC), le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l'ensemble des dispositions déférées relatives à l'institution d'une contribution économique territoriale. Il a notamment jugé que celle-ci ne porte pas atteinte à l'autonomie financière des collectivités territoriales ; les ressources propres de ces dernières demeureront supérieures à leur niveau de 2003, année de référence.

II - Contribution carbone.

L'article 7 de la loi instituait une contribution carbone. Les travaux parlementaires soulignaient que l'objectif de cette mesure est de « mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre » afin de lutter contre le réchauffement de la planète. Pour atteindre cet objectif, il a été retenu l'option « d'instituer une taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles » afin que les entreprises, les ménages et les administrations soient incités à réduire leurs émissions.

Toutefois, les articles 7 et 10 de la loi instituaient des exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques. Ainsi étaient totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l'électricité, les émissions des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions des secteurs de l'industrie chimique utilisant de manière intensive de l'énergie, les émissions des produits destinés à un double usage, les émissions des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d'électricité, les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs. En outre, étaient taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime.

Ces exemptions auraient conduit à ce que 93 % des émissions d'origine industrielle, hors carburant, soient exonérées de contribution carbone. Moins de la moitié des émissions de gaz à effet de serre aurait été soumise à la contribution carbone. Celle-ci aurait donc porté essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone. Pour les activités industrielles, ces exemptions n'étaient pas justifiées par le régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, ces quotas étant attribués à titre gratuit jusqu'en 2013.

Le Conseil a jugé que, par leur importance, les régimes d'exemption institués par la loi déférée étaient contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créaient une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il a, par voie de conséquence, censuré l'ensemble du régime relatif à la contribution carbone (articles 7, 9 et 10 de la loi de finances).

III - Autres dispositions.

Le Conseil constitutionnel a rejeté l'ensemble des autres griefs des requérants dirigés contre l'imposition des indemnités journalières du travail (article 85), la majoration de la taxe intérieure de consommation (article 94) et l'extension du revenu de solidarité active (article 135).

D'office, le Conseil a censuré trois articles comme constituant des « cavaliers » budgétaires qui n'ont pas leur place en loi de finances : l'article 108 sur les conditions de consultation du comité des finances locales et de la commission consultative d'évaluation des normes, l'article 116 relatif à la dévolution du patrimoine monumental de l'État et de ses établissements publics aux collectivités territoriales volontaires et l'article 145 réformant le régime d'indexation des loyers.