Communiqué

Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 - Communiqué de presse

Loi relative aux organismes génétiquement modifiés
Non conformité partielle - effet différé

Le 9 juin 2008, par sa décision n° 2008-564 DC, le Conseil constitutionnel a examiné les recours dont il avait été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs à l'encontre de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés. Les saisines mettaient en cause la procédure mise en oeuvre pour l'adoption de la loi ainsi que ses articles 2, 3, 6, 7, 8, 10, 11 et 14. Le Conseil a rejeté l'ensemble des griefs sous réserve d'une déclaration d'inconstitutionnalité prononcée, à compter du 1er janvier 2009, à l'encontre des neuvième et treizième alinéas de l'article 11.

I - La loi a été adoptée au terme d'une procédure régulière.

La loi OGM a été adoptée en termes identiques par les deux assemblées après le vote d'une question préalable par l'Assemblée nationale et la réunion d'une commission mixte paritaire provoquée par le Premier ministre. Les requérants soutenaient que l'adoption de la question préalable interrompait l'examen du texte et qu'il avait été porté atteinte à leur droit d'amendement en CMP.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il ressort de l'article 45 de la Constitution que le rejet d'un projet de loi par l'une ou l'autre des deux assemblées n'interrompt pas les procédures prévues pour parvenir à l'adoption d'un texte définitif. Il a également constaté, d'une part, que les conditions de réunion d'une commission mixte paritaire étaient réunies et, d'autre part, que cette CMP s'est effectivement prononcée sur tous les articles de la loi.

II - La loi est conforme à la Charte de l'environnement qui a pleine valeur constitutionnelle.

Les requérants soutenaient que les articles 2, 3 et 6 de la loi méconnaissaient le principe de précaution (article 5 de la Charte de l'environnement). Ils soutenaient également que ses articles 10 et 11 méconnaissaient le principe d'information du public (article 7 de la Charte).
Le Conseil a jugé que toutes les dispositions de la Charte de l'environnement avaient valeur constitutionnelle. Il a constaté qu'en l'espèce, celles-ci étaient respectées par la loi :
- D'une part, la loi, qui organise un régime d'autorisation préalable des OGM et qui soumet leur culture à des procédures d'évaluation, de surveillance et de contrôle ne méconnaît pas le principe de précaution lorsqu'elle organise la coexistence des cultures OGM et non OGM.
- D'autre part, le législateur a pris des mesures propres à garantir le respect, par les autorités publiques, du principe de précaution à l'égard des OGM. Ainsi, pour l'application de la loi, il reviendra à ces autorités de prendre en compte ce principe, espèce par espèce, pour chaque autorisation de culture.
- Enfin le respect du principe d'information du public est garanti par plusieurs mesures législatives de publicité (publicité des avis du Haut conseil des biotechnologies sur chaque autorisation, publicité du registre des parcelles où sont cultivés les OGM…).

III - La loi n'a pas méconnu les directives communautaires dont elle transpose certaines dispositions.

Les requérants soutenaient que la loi n'assurait pas une correcte transposition des directives communautaires. Après les avoir examinées, le Conseil a jugé qu'aucune des dispositions législatives n'étaient incompatibles avec ces directives. Il a donc écarté ce grief.

IV - La loi n'a pas pleinement respecté la compétence du législateur.
Par la révision de la Constitution du 1er mars 2005, le constituant a accru le domaine de la loi en matière d'environnement. D'une part, les articles 3 (principe de prévention), 4 (principe pollueur-payeur) et 7 (principe d'information du public) de la Charte renvoient expressément à la « loi » pour fixer les « conditions » de leur mise en œuvre. D'autre part, l'article 34 de la Constitution a été modifié pour prévoir que : « La loi détermine les principes fondamentaux… de la préservation de l'environnement ».
Ces nouvelles règles constitutionnelles renforcent l'intervention du législateur. Ainsi, il n'appartient qu'au législateur de préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques (article 7 de la Charte). Ne relèvent alors du pouvoir réglementaire que les mesures d'application des conditions et limites fixées par le législateur.
Le Conseil constitutionnel a veillé au respect du domaine de la loi à l'article 11 du texte déféré. Ce dernier prévoit que l'exploitant doit mettre des informations à la disposition du public quand il sollicite un agrément. Cet article 11 avait, en ses alinéas 9 et 13, renvoyé au décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les informations qui ne peuvent pas être tenues confidentielles. Le Conseil constitutionnel a jugé qu'en opérant ce renvoi au décret, le législateur, à qui il incombe de fixer les règles relatives aux secrets protégés, a méconnu l'étendue de sa compétence. Il a donc censuré les alinéas 9 et 13 de l'article 11 de la loi (3ème alinéa de l'article L. 532-4-1 et 2nd alinéa du II de l'article L. 535-3 introduit dans le code de l'environnement).

Le Conseil a décidé que cette censure ne prendrait effet qu'au 1er janvier 2009. Ainsi la France ne pâtira pas de cette annulation dans la procédure dont elle fait l'objet devant la Cour de justice des communautés européennes pour transposition incomplète des directives communautaires. Ce délai pourra permettre au législateur de voter, dans le respect du domaine de la loi, la disposition relative aux informations qui ne peuvent rester confidentielles.