Communiqué

Décision n° 2005-38 REF du 1 juin 2005 - Communiqué de presse

Proclamation des résultats du référendum du 29 mai 2005

En matière de référendum, le Conseil constitutionnel exerce un quadruple rôle :
- Il est consulté sur l'ensemble des textes, documents et dispositifs préparatoires au scrutin, depuis le décret de convocation jusqu'aux recommandations du CSA relatives à la campagne, en passant par les instructions et circulaires ministérielles et le matériel électoral. Une dizaine de séances ont été consacrées à cette préparation ;
- Il exerce un contrôle juridictionnel sur les décrets propres au référendum (convocation, organisation et campagne). Une dizaine de recours ont été rejetés à ce titre. Les autres actes relatifs à la préparation du scrutin ont été rejetés par le Conseil d'Etat ;
- Il contrôle les opérations électorales, lors du scrutin, par l'intermédiaire des premiers présidents des cours d'appel et des 1800 magistrats judiciaires et administratifs qu'il délègue à cet effet sur tout le territoire de la république ;
- Il recense les résultats au niveau national en qualité de bureau centralisateur et examine à cette occasion les réclamations des électeurs et les rapports de ses délégués.

Cette dernière opération s'est déroulée à partir du 30 mai au matin et s'est achevée à 13 h le 1er juin 2005.
Pour la remplir, le Conseil constitutionnel bénéficie du concours de dix rapporteurs adjoints du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes qui ont instruit sans désemparer les dossiers de 106 circonscriptions.
Il dispose également des moyens informatiques et d'une équipe de techniciens mis à sa disposition par le ministère de l'Intérieur.
Il convient de signaler que, dans chaque département métropolitain et dans chaque département ou collectivité d'outre-mer, a siégé dans la nuit suivant le scrutin une commission de recensement composée de trois magistrats judiciaires, chargée d'opérer une première totalisation et de statuer sur la validité de bulletins litigieux.
Au lendemain du scrutin, le cumul des décomptes établis par les commissions locales de recensement faisaient apparaître un taux de participation de près de 70 % et, parmi les suffrages exprimés, une proportion de « oui » de 45,3 % et une proportion de « non » de 54,7 %, soit un net avantage en défaveur de la ratification.
Ces chiffres étaient certes provisoires tant que le Conseil constitutionnel n'avait pas proclamé les résultats après vérification des comptes, recensement des suffrages au niveau national, prise en considération des rapports de ses délégués et des représentants de l'Etat et examen des réclamations mentionnées par les électeurs dans les procès verbaux de leurs bureaux de vote.
La décision du 1er juin 2005 ne modifie les résultats diffusés lundi matin par le ministère de l'intérieur que très marginalement.
Comme en attestent les tableaux joints à la décision, les travaux du Conseil n'ont conduit à modifier tout au plus que le deuxième chiffre après la virgule des pourcentages diffusés le 30 mai 2005 au matin.
Le sens global du vote n'en a évidemment pas été modifié.

Le Conseil constitutionnel a tout d'abord procédé à des rectifications mineures ayant pour objet de corriger des erreurs matérielles. Ces rectifications, toutes marginales (comme on peut s'en convaincre en comparant les chiffres provisoirement arrêtés par les commissions locales de recensement et ceux définitivement proclamés le 1er juin) ne sont pas explicitées dans sa décision.
Il s'est ensuite prononcé sur les irrégularités dénoncées par les électeurs ou des anomalies relevées par ses délégués dans divers bureaux de vote. Seules les annulations de l'ensemble des suffrages émis dans un bureau de vote sont motivées dans sa décision.
Les annulations ainsi décidées sont au nombre de 7. Elles ont conduit à l'invalidation de 5297 suffrages et intéressent dix bureaux de vote (sur un total de près de 65 000).
Elles règlent des questions de contentieux électoral de facture assez classique.
1) Dans l'unique bureau de vote de la commune de Chartèves (Aisne), dans lequel 198 suffrages ont été exprimés, le procès-verbal des opérations de vote n'était pas tenu à la disposition des électeurs afin, le cas échéant, d'y porter mention de leur contestation, comme le prévoit l'article 1er du règlement intérieur édicté le 5 octobre 1988 par le Conseil constitutionnel. Cette irrégularité s'est poursuivie alors même que des observations étaient faites à ce sujet par le magistrat délégué du Conseil. Devant cette méconnaissance délibérée d'une disposition destinée à assurer la sincérité du scrutin ainsi que le droit au recours, il y avait lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune.
2) De même, dans l'un des deux bureaux de vote de la commune de Sinammary (Guyane), proche de Kourou, dans lequel 98 suffrages exprimés ont été décomptés, le procès verbal des opérations de vote n'a pas été tenu à la disposition des électeurs, alors que le délégué du Conseil en avait fait la remarque. Devant cette méconnaissance délibérée d'une disposition destinée à assurer la sincérité du scrutin ainsi que le droit au recours, il y avait lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau.
3) De même encore, à Lodève (Hérault), le délégué du Conseil s'est vu refuser l'accès aux procès verbaux des quatre bureaux de vote installés dans les locaux municipaux. Or, à l'instigation du Conseil, l'article 18 du décret n° 2005-237 du 17 mars 2005, portant organisation du référendum, précise que ses délégués mentionnent leurs observations au procès verbal des opérations de vote. Le modèle de procès verbal de bureau de vote conçu pour le référendum de 2005 comportait au demeurant, à la demande du conseil, un cadre spécial réservé à ses délégués. Ainsi mis hors de mesure de contrôler la régularité des opérations et, plus particulièrement, le respect du droit au recours ouvert aux électeurs (lequel ne peut s'exercer que par inscription de leurs réclamations au procès verbal), le Conseil a prononcé l'annulation des 3 257 suffrages émis dans les quatre bureaux de vote.
4) Dans la commune de Montjoie-en-Couserans (Ariège), le président du bureau de vote n° 5, dans lequel 59 suffrages ont été exprimés, s'est opposé à ce que le délégué du Conseil constitutionnel accomplisse la mission qui lui était impartie. En raison de cette entrave à l'exercice du contrôle du Conseil constitutionnel, il y avait lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau de vote.
5) Dans l'unique bureau de vote de la commune de Helette (Pyrénées Atlantiques), dans lequel 358 suffrages ont été comptabilisés comme exprimés, les électeurs n'ont pas été invités à signer la liste d'émargement comme le prescrivent les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral, une simple croix étant inscrite en face de leurs noms. Cette pratique irrégulière s'est poursuivie alors même que le délégué du Conseil constitutionnel avait invité le bureau de vote à faire cesser l'irrégularité. Justifie l'annulation de l'ensemble des suffrages émis dans la commune la méconnaissance délibérée d'une obligation qui a pour objet de permettre le contrôle des opérations électorales et d'assurer la sincérité du scrutin.
6) Dans le premier bureau de vote de la commune de La Bernerie en Retz (Loire-Atlantique), dans lequel 754 suffrages ont été exprimés, de nombreux électeurs ont été autorisés à voter sans être passés par l'isoloir en violation de l'article L. 62 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Compte tenu de la persistance de ce bureau de vote à ne pas appliquer les dispositions du code électoral destinés à assurer le secret du vote, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure de s'assurer de la sincérité du scrutin. Il y a lieu dès lors d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans le bureau de vote.
7) Dans le 43ème bureau de vote de la commune de Saint-Pierre (La Réunion), dans lequel 573 suffrages ont été exprimés, le dépouillement des deux cents premiers bulletins a été contesté au regard des dispositions de l'article L. 65 du code électoral. Face à ces contestations, les bulletins en cause ont été immédiatement détruits. En conséquence, le Conseil constitutionnel n'était pas en mesure d'apprécier la régularité des opérations de dépouillement de ce bureau. Dès lors, il y avait lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis.

Les principales préconisations qui pourraient être faites, à la lumière du référendum de 2005, seraient les suivantes :
- Un cadre législatif et réglementaire permanent s'impose pour l'organisation des référendums et les campagnes référendaires, ainsi que l'a souhaité le Conseil constitutionnel dès 2000 ;
- La couverture médiatique devrait être régulée de façon continue par une commission ad hoc, dont le CSA pourrait être le centre et la cheville ouvrière, et qui jouerait le rôle que remplit la Commission nationale de contrôle pour l'élection présidentielle ;
- Dans toute la mesure du possible, il conviendrait de mettre fin au cloisonnement existant actuellement, pour le vote des Français de l'étranger, entre les différents types de consultations ;
- Pour le référendum comme pour l'élection présidentielle, il serait opportun de créer un délit d'entrave à l'action des délégués du Conseil constitutionnel, car, même s'ils ont été courtoisement accueillis par les bureaux de vote dans la très grande majorité des cas, ils se sont parfois heurtés au mauvais vouloir de certains présidents et assesseurs.
Au-delà des consultations référendaires, le scrutin de 2005 a mis en évidence qu'une règle aussi fondamentale que la tenue du procès verbal à la disposition des électeurs était loin d'être toujours respectée.
Enfin, la difficulté de trouver des assesseurs et des scrutateurs en nombre suffisant pour réunir un bureau de vote complet tout au long du scrutin , comme pour procéder à un dépouillement sûr et rapide des suffrages, militent :
- pour la fermeture des bureaux de vote à une heure raisonnable, ce qui n'a pas été le cas le 29 mai, la clôture des opérations de vote ayant été fixée à une heure inhabituellement tardive ;
- sans doute aussi pour le développement de l'utilisation des machines à voter, dès lors évidemment que sont réunies les garanties indispensables de fiabilité technique, de confidentialité et, ce qui est peut-être le plus difficile, d'acceptabilité psychologique.
Plaident également dans le sens du renouveau de nos procédures de vote les négligences signalées ici et là par les délégués du Conseil ou les commissions locales de recensement quant à l'observation des formalités incombant aux bureaux de vote.
Il serait préoccupant que les négligences ainsi relevées soient le symptôme d'une désaffection plus profonde pour les disciplines civiques élémentaires, à l'heure où il est pourtant question de prolonger et de « moderniser » la démocratie représentative par certaines formes de démocratie directe (référendum local et national, droit de pétition...).