Communiqué

Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 - Communiqué de presse

Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Non conformité partielle

Saisi de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le Conseil constitutionnel a prononcé deux censures et émis diverses réserves d'interprétation.
I - Sur les nouvelles procédures applicables à la criminalité et à la délinquance en bande organisée
Le Conseil a estimé que les différentes infractions relatives à la criminalité et à la délinquance organisées énumérées au nouvel article 706-73 du code de procédure pénale étaient définies assez précisément et présentaient un caractère suffisamment grave et complexe pour justifier, dans leur principe, des procédures exceptionnelles dans le cadre de l'enquête, de la poursuite et de l'instruction.
Il a vérifié que chacune des procédures contestées (prolongation de la garde à vue de quarante huit heures, perquisitions de nuit, interception des correspondances par voie de télécommunications, captation d'images et de sons dans des lieux privés ...) relèverait d'une décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction, devrait être justifiée par les nécessités de l'enquête ou de l'instruction et présenterait, du point de vue des droits et libertés constitutionnellement protégés, les garanties appropriées.
L'autorité judiciaire devra exercer la plénitude de ses prérogatives.
A cet effet, le Conseil constitutionnel a émis une réserve d'interprétation de portée générale pour l'application de l'article 1er de la loi déférée.
Cette réserve précise qu'il appartiendra aux magistrats appelés à décider de mettre en oeuvre les procédures définies par cet article de s'assurer au cas par cas :
- qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de penser que les faits constituent l'une des infractions graves commises en bande organisée énumérées au nouvel article 706-73 du code de procédure pénale ;
- que les besoins de l'enquête ou de l'instruction justifient les restrictions que ces mesures peuvent apporter à la liberté individuelle, à l'inviolabilité du domicile ou au secret de la vie privée.
Parce qu'il mettait à l'abri de la nullité certains actes de procédure ne répondant pas à ces exigences, a été déclaré contraire à la Constitution l'article 706-104 (nouveau) du code de procédure pénale, aux termes duquel : « le fait qu'à l'issue de l'enquête ou de l'information ou devant la juridiction de jugement la circonstance aggravante de bande organisée ne soit pas retenue ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement accomplis en application des dispositions du présent titre ».
Ont en outre été émises les réserves ou précisions suivantes :
- Les procédures spéciales prévues à l'article 1er de la loi déférée ne devront s'appliquer au vol en bande organisée qu'en présence d'éléments de gravité suffisants (tels que violences, atteinte à des intérêts sociaux ou au patrimoine culturel, réitération...) ;
- Ne saurait relever des délits (mentionnés au 13 ° du nouvel article 706-73 du code de procédure pénale) d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers l'action des organismes humanitaires d'aide aux étrangers ;
- Est applicable à ce même délit le principe selon lequel il n'y a pas de délit sans l'intention de le commettre ;
- En indiquant que le procureur de la République est avisé de la qualification des faits justifiant le report de la première intervention de l'avocat lors du placement d'une personne en garde à vue, le législateur a nécessairement entendu que ce magistrat contrôle aussitôt cette qualification ;
- L'appréciation initialement portée par l'officier de police judiciaire en ce qui concerne le report éventuel de l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue ne saurait ni lier l'autorité judiciaire, ni déterminer le cours ultérieur de la procédure ;
- Le « risque immédiat de disparition de preuves ou d'indices matériels » au regard duquel le juge d'instruction peut ordonner une perquisition de nuit doit s'entendre comme ne permettant une perquisition de nuit que si celle-ci ne peut être réalisée dans d'autres circonstances de temps ;
- Le nouvel article 706-101 du code de procédure pénale (relatif à la captation d'images ou de sons pour les besoins de l'instruction) limite aux enregistrements utiles à la manifestation de la vérité le contenu du procès-verbal, établi par le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui, qui décrit ou transcrit les images ou les sons enregistrés. Le législateur a nécessairement entendu par là que les séquences de la vie privée étrangères aux infractions en cause ne puissent en aucun cas être conservées dans le dossier de la procédure.
II - En ce qui concerne la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Apparentée, par son inspiration, à la « composition pénale » introduite dans notre procédure pénale en 1999, la nouvelle procédure a été jugée conforme au principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement dès lors que le président du tribunal de grande instance ou le magistrat délégué par lui a toute liberté d'appréciation pour homologuer ou refuser d'homologuer la peine proposée par le procureur et acceptée par le prévenu.
En revanche, s'agissant d'une procédure susceptible de conduire à une peine privative de liberté, le Conseil constitutionnel n'a pas admis que l'audience d'homologation ne soit pas publique. Il a donc déclaré contraire à la Constitution la disposition selon laquelle l'homologation se ferait « en chambre du conseil ».
Il a de plus émis une réserve d'interprétation invitant le président du TGI, lors de la séance d'homologation du « plaider coupable », à exercer la plénitude du pouvoir d'appréciation des faits qui incombe au juge du fond.
III - Sur la création d'un fichier des auteurs d'infractions sexuelles comportant les adresses des personnes inscrites
Le Conseil a jugé conforme à la Constitution l'article 48 de la loi déférée compte tenu :
- de l'intérêt général s'attachant à ce que soient fournis à l'autorité judiciaire des moyens d'éviter le renouvellement de crimes ou de délits sexuels, en particulier sur la personne des mineurs ;
- des garanties apportées aux personnes inscrites, notamment du point de vue de la confidentialité des données et de leur possibilité d'effacement.