Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 - Communiqué de presse
Le 19 décembre, le Conseil a statué sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a censuré le mécanisme de « ristourne dégressive » de la contribution sociale généralisée (CSG), lequel ne prenait pas en compte l'ensemble des facultés contributives. Il a constaté que l'article 53 de la loi déférée, relatif à l'indemnisation des victimes de l'exposition à l'amiante, ne méconnaissait pas le principe constitutionnel du droit au recours. Enfin, il a déclaré six articles étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale.
* * *
Comme toutes les précédentes, la cinquième loi de financement de la sécurité sociale a été déférée au Conseil constitutionnel.
Les principales questions tranchées ont été les suivantes :
1) L'article 3 de la LFSS pour 2001 instituait une réduction de CSG et de CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) au bénéfice des seuls revenus d'activité, dès lors que ceux-ci étaient mensuellement inférieurs, une fois convertis en équivalent temps plein, à 169 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance augmenté de 40 %.
Etait invoquée par les deux saisines une violation de l'article 13 de la Déclaration de 1789, en vertu duquel les contributions obligatoires pesant sur les personnes physiques doivent être réparties en raison des capacités contributives, lesquelles, ajoutaient les requérants, doivent tenir compte des charges du foyer.
La CSG a été qualifiée d' « imposition de toutes natures » par le Conseil constitutionnel (n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, Rec. p. 95). Elle est caractérisée par sa proportionnalité, son universalité et sa simplicité.
Il est de jurisprudence constante qu'en vertu de l'article 13 de la Déclaration de 1789, et conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives des contribuables.
S'il est loisible au législateur de modifier l'assiette de la contribution sociale généralisée afin d'alléger la charge pesant sur les contribuables les plus modestes, c'est à la condition de ne pas provoquer de rupture caractérisée de l'égalité entre ces contribuables. Or la disposition contestée ne tenait compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d'une activité, ni des revenus des membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci. Le choix ainsi effectué par le législateur de ne pas retenir l'ensemble des facultés contributives crée, entre les contribuables concernés, une disparité manifeste contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789.
L'article 3 de la loi déférée, en ne prenant pas en compte les facultés contributives de chaque foyer, introduisait donc une rupture caractérisée de l'égalité devant l'impôt. Il a été censuré, ainsi que les articles 2 et 7 par voie de conséquence.
2) L'article 53 crée un fonds d'indemnisation qui permettra d'assurer la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis par les victimes de l'amiante dans des délais rapides.
Les saisines critiquaient exclusivement le dernier alinéa du IV de l'article 53, aux termes duquel : « L'acceptation de l'offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l'action en justice prévue au V vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de l'exposition à l'amiante. »
Les saisines reprochaient à l'article 53 de méconnaître le droit au recours découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.
Cette argumentation se méprenait sur la portée des dispositions critiquées.
Tout d'abord, les intéressés disposent, à l'encontre des propositions d'indemnisation du fonds, d'un recours juridictionnel organisé devant la Cour d'appel par le V de l'article contesté. La décision de la Cour d'appel pourra faire l'objet d'un recours en cassation. En outre, l'intéressé dispose des voies de recours habituelles (juridiction civile, juridiction administrative, tribunaux de la sécurité sociale en cas de « faute inexcusable de l'employeur ») dans les conditions de droit commun s'il juge bon de ne pas saisir le fonds. Enfin, il peut saisir la juridiction pénale.
Dès lors que le fonds a vocation à réparer intégralement le préjudice, qu'une voie de recours juridictionnelle est ouverte contre ses propositions et que l'irrecevabilité instituée ne joue qu'au cas où une juridiction a statué définitivement sur la réparation intégrale du préjudice, la disposition critiquée ne méconnaît pas le droit au recours.
3) A l'encontre des intentions du législateur constitutionnel et organique de 1996, les lois de financement de la sécurité sociale tendent à s'alourdir progressivement de dispositions diverses d'ordre social. Symptomatique à cet égard est la disparition des lois « DDOS » et « DMOS » depuis 1996.
Cette inflation législative s'accommode mal des délais de vote, conçus pour des textes d'orientation brefs, non pour des catalogues de mesures disparates. Elle posait avec plus d'acuité cette année la question des « cavaliers sociaux ».
Aussi de nombreux articles « suspects » (dont certains contestés par les recours) ont-ils fait l'objet d'un examen.
Il est résulté de cet examen la censure de six articles de la loi déférée (articles 4, 24, 29, 39, 45 et 46).
L'article 24 abrogeait la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite (« loi Thomas »).