Décision

Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019

Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Non conformité partielle - réserve

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sous le n° 2019-778 DC, le 21 février 2019, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Mme Emmanuelle ANTHOINE, MM. Julien AUBERT, Thibault BAZIN, Mmes Valérie BAZIN-MALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Émilie BONNIVARD, MM. Jean-Yves BONY, Ian BOUCARD, Mmes Valérie BOYER, Marine BRENIER, MM. Xavier BRETON, Fabrice BRUN, Gilles CARREZ, Jacques CATTIN, Gérard CHERPION, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, M. François CORNUT-GENTILLE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Julien DIVE, Jean-Pierre DOOR, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Pierre-Henri DUMONT, Jean-Jacques FERRARA, Nicolas FORISSIER, Laurent FURST, Claude de GANAY, Jean-Jacques GAULTIER, Mme Annie GENEVARD, MM. Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Jean-Carles GRELIER, Mme Claire GUION-FIRMIN, MM. Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Sébastien HUYGHE, Mmes Brigitte KUSTER, Valérie LACROUTE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Marc LE FUR, Mme Constance LE GRIP, M. Sébastien LECLERC, Mme Geneviève LEVY, M. David LORION, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Emmanuel MAQUET, Olivier MARLEIX, Jean-Louis MASSON, Gérard MENUEL, Mme Frédérique MEUNIER, MM. Maxime MINOT, Jérôme NURY, Jean-François PARIGI, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Mme Bérengère POLETTI, MM. Aurélien PRADIÉ, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Robin REDA, Frédéric REISS, Bernard REYNES, Vincent ROLLAND, Martial SADDIER, Antoine SAVIGNAT, Raphaël SCHELLENBERGER, Éric STRAUMANN, Mme Michèle TABAROT, MM. Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Jean-Louis THIÉRIOT, Mmes Laurence TRASTOUR-ISNART, Isabelle VALENTIN, MM. Pierre VATIN, Patrice VERCHÈRE, Charles de la VERPILLIÈRE, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, Jean-Pierre VIGIER et Stéphane VIRY, députés.
Il a également été saisi, le même jour, par Mme Valérie RABAULT, MM. Jean-Luc MÉLENCHON, André CHASSAIGNE, Joël AVIRAGNET, Mmes Ericka BAREIGTS, Marie-Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, MM. Christophe BOUILLON, Jean-Louis BRICOUT, Luc CARVOUNAS, Alain DAVID, Mme Laurence DUMONT, MM. Olivier FAURE, Guillaume GAROT, David HABIB, Christian HUTIN, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Serge LETCHIMY, Mmes Josette MANIN, George PAU LANGEVIN, Christine PIRES BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Joaquim PUEYO, Hervé SAULIGNAC, Mmes Sylvie TOLMONT, Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE, M. Boris VALLAUD, Mmes Michèle VICTORY, Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Mmes Danièle OBONO, Mathilde PANOT, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN, Mme Bénédicte TAURINE, M. Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Mmes Manuéla KÉCLARD-MONDÉSIR, Huguette BELLO, MM. Moetaï BROTHERSON, Jean-Philippe NILOR et Gabriel SERVILLE, députés.
Il a également été saisi, le 22 février 2019, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Serge BABARY, Philippe BAS, Jérôme BASCHER, Arnaud BAZIN, Mmes Martine BERTHET, Anne-Marie BERTRAND, M. Jean BIZET, Mme Christine BONFANTI-DOSSAT, MM. François BONHOMME, Bernard BONNE, Mme Pascale BORIES, M. Gilbert BOUCHET, Mme Céline BOULAY-ESPÉRONNIER, MM. Yves BOULOUX, Jean-Marc BOYER, Max BRISSON, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, M. Jean-Noël CARDOUX, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Mme Marie-Christine CHAUVIN, MM. Guillaume CHEVROLLIER, Pierre CUYPERS, Philippe DALLIER, René DANESI, Mme Laure DARCOS, MM. Mathieu DARNAUD, Marc-Philippe DAUBRESSE, Mmes Annie DELMONT-KOROPOULIS, Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Philippe DOMINATI, Alain DUFAUT, Mme Catherine DUMAS, M. Laurent DUPLOMB, Mme Nicole DURANTON, M. Jean-Paul ÉMORINE, Mmes Dominique ESTROSI-SASSONE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, MM. Michel FORISSIER, Bernard FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, M. Jacques GENEST, Mme Frédérique GERBAUD, MM. Bruno GILLES, Jordi GINESTA, Jean-Pierre GRAND, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Alain HOUPERT, Jean-Raymond HUGONET, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Mmes Corinne IMBERT, Muriel JOURDA, MM. Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Guy-Dominique KENNEL, Marc LAMÉNIE, Mmes Élisabeth LAMURE, Christine LANFRANCHI-DORGAL, Florence LASSARADE, M. Daniel LAURENT, Mme Christine LAVARDE, MM. Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Ronan LE GLEUT, Jean-Pierre LELEUX, Henri LEROY, Mmes Brigitte LHERBIER, Vivette LOPEZ, MM. Michel MAGRAS, Didier MANDELLI, Jean-François MAYET, Mme Marie MERCIER, M. Sébastien MEURANT, Mme Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Louis-Jean de NICOLAY, Mme Sylviane NOEL, MM. Claude NOUGEIN, Olivier PACCAUD, Jean-Jacques PANUNZI, Philippe PAUL, Stéphane PIEDNOIR, Jackie PIERRE, François PILLET, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Sophie PRIMAS, Frédérique PUISSAT, Isabelle RAIMOND-PAVERO, MM. Jean-François RAPIN, Damien REGNARD, Charles REVET, Hugues SAURY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Vincent SEGOUIN, Bruno SIDO, Jean SOL, Mmes Claudine THOMAS, Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART et Jean-Pierre VOGEL, sénateurs.
Il a également été saisi, le 25 février 2019, par MM. Patrick KANNER, Maurice ANTISTE, Mme Viviane ARTIGALAS, MM. David ASSOULINE, Claude BÉRIT-DÉBAT, Joël BIGOT, Jacques BIGOT, Mmes Maryvonne BLONDIN, Nicole BONNEFOY, MM. Martial BOURQUIN, Michel BOUTANT, Henri CABANEL, Thierry CARCENAC, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, MM. Michel DAGBERT, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Mme Marie-Pierre de LA GONTRIE, MM. Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Mme Frédérique ESPAGNAC, M. Rémi FÉRAUD, Mme Corinne FÉRET, M. Jean-Luc FICHET, Mmes Martine FILLEUL, Nadine GRELET-CERTENAIS, Annie GUILLEMOT, Laurence HARRIBEY, MM. Jean-Michel HOULLEGATTE, Xavier IACOVELLI, Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, MM. Eric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, MM. Eric KERROUCHE, Bernard LALANDE, Jean-Yves LECONTE, Mme Claudine LEPAGE, M. Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Philippe MADRELLE, Jacques-Bernard MAGNER, Christian MANABLE, Didier MARIE, Rachel MAZUIR, Mmes Michelle MEUNIER, Marie-Pierre MONIER, M. Franck MONTAUGÉ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Angèle PRÉVILLE, M. Claude RAYNAL, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Mme Nelly TOCQUEVILLE, MM. Jean-Marc TODESCHINI, Jean-Louis TOURENNE, André VALLINI, Mme Sabine VAN HEGHE et M. Yannick VAUGRENARD, sénateurs.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;

  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

  • l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

  • la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;

  • le code civil ;

  • le code de commerce ;

  • le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

  • le code de l'environnement ;

  • le code de justice administrative ;

  • le code de l'organisation judiciaire ;

  • le code pénal ;

  • le code de procédure pénale ;

  • le code de la route ;

  • le code de la sécurité intérieure ;

  • le code de la sécurité sociale ;

  • la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile ;

  • la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ;

  • la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

  • la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ;

  • la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016 ;

  • la décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 DC du 29 août 2002 ;

  • la décision du Conseil constitutionnel n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 14 mars 2019 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ils contestent son article 7 et certaines dispositions de ses articles 26 et 33.

2. Les auteurs des deux premières saisines contestent également sa procédure d'adoption et certaines dispositions de ses articles 95 et 106. En outre, les auteurs des trois premières saisines contestent certaines dispositions de son article 3 et son article 93, ceux des trois dernières saisines certaines dispositions de ses articles 48, 53 et 54, ceux de la deuxième et de la troisième saisines certaines dispositions de son article 56 et ceux de la deuxième et de la dernière saisines certaines dispositions de ses articles 31, 44, 46, 47, 49, 58 et 59.

3. Enfin, les auteurs de la première saisine contestent certaines dispositions de son article 107, ceux de la deuxième saisine certaines dispositions de ses articles 4, 5, 6, 9, 10, 12, 13, 16, 22, 27, 29, 30, 35, 41, 43, 45, 50, 51, 60, 61, 62, 63, 71, 82, 85, 89, 90, 91, 103 et 109 et ses articles 28, 34, 37 et 104. Ces derniers contestent également la procédure d'adoption de l'article 89 et certaines de ses dispositions. Les auteurs de la troisième saisine contestent certaines dispositions de ses articles 69 et 74 et ceux de la dernière saisine certaines des dispositions de son article 109.

- Sur la procédure d'adoption de la loi :

4. Les députés auteurs de la première saisine reprochent au Gouvernement d'avoir introduit par amendement à l'Assemblée nationale de nombreuses dispositions nouvelles et substantielles, ce qui lui aurait permis de contourner les exigences d'une étude d'impact, d'un examen par le Conseil d'État et d'une délibération en conseil des ministres. En outre, le Sénat, première assemblée saisie du projet de loi, aurait été privé de la possibilité d'examiner et de modifier ces nouvelles dispositions, du fait du recours à la procédure accélérée et de la convocation très rapide d'une commission mixte paritaire à l'issue de la première lecture. Enfin, les débats à l'Assemblée nationale ne se seraient pas déroulés dans de bonnes conditions, faute que suffisamment de temps ait été consacré à l'examen du texte. Il en résulterait une atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, ainsi qu'à « l'équilibre de la navette parlementaire, tel qu'il résulte de l'article 45 de la Constitution ».

5. Les députés auteurs de la deuxième saisine dénoncent également les conditions d'organisation du débat à l'Assemblée nationale, en particulier les fréquents changements dans l'ordre du jour et la brièveté des délais d'examen du texte et de dépôt des amendements. Ils font également valoir que, en commission comme en séance, plusieurs de leurs amendements ont été déclarés irrecevables en raison de leur absence de lien avec le projet de loi déposé par le Gouvernement. Ils reprochent à ces décisions d'irrecevabilité d'avoir été prises par le président de l'Assemblée nationale et par la présidente de la commission des lois, alors qu'ils sont membres du groupe majoritaire. En outre, ces décisions n'auraient pas toutes été motivées et n'étaient pas susceptibles de recours. Dès lors, elles présenteraient un caractère « arbitraire » et porteraient atteinte aux droits de l'opposition. Il en résulterait une méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire et du droit d'amendement garanti par l'article 44 de la Constitution.

. En ce qui concerne les conditions d'examen du texte à l'Assemblée nationale :

6. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale ». Aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

7. Il résulte de la combinaison de l'article 6 de la Déclaration de 1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1, que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées. Il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et sous réserve du respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité, notamment par la nécessité, pour un amendement, de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis.

8. En premier lieu, d'une part, ni ces dispositions constitutionnelles ni aucune autre ne font obstacle à ce que des amendements puissent, comme en l'espèce, être déposés devant la seconde assemblée saisie, y compris peu de temps avant la réunion de la commission mixte paritaire, dès lors qu'ils respectent les règles de recevabilité mentionnées ci-dessus. Par ailleurs, les dispositions nouvelles introduites à l'Assemblée nationale par voie d'amendement du Gouvernement n'ont, ni en raison de leur nombre, ni en raison de leur objet, porté atteinte au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

9. D'autre part, l'article 39 de la Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 mentionnée ci-dessus n'imposent la présentation d'une étude d'impact, la consultation du Conseil d'État et une délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements. Par conséquent, est inopérant le grief selon lequel le Gouvernement aurait méconnu ces exigences procédurales en exerçant le droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution.

10. En deuxième lieu, les délais retenus à l'Assemblée nationale pour le dépôt des amendements au projet de loi et pour l'examen de ce texte n'ont pas fait obstacle à l'exercice effectif, par les membres du Parlement, de leur droit d'amendement, ni altéré la clarté et la sincérité des débats.

11. En dernier lieu, si certaines décisions d'irrecevabilité prononcées sur le fondement du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution selon lequel « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », ont été contestées lors des débats à l'Assemblée nationale, il ne résulte pas des travaux parlementaires que les amendements déposés par les députés appartenant à des groupes d'opposition aient fait l'objet d'un traitement différent des autres amendements. Au demeurant, des amendements du Gouvernement et de députés du groupe majoritaire ont été déclarés irrecevables, en commission et en séance, sur le même fondement. En outre, aucune exigence constitutionnelle n'impose la motivation des décisions d'irrecevabilité prononcées à ce titre par les instances parlementaires, pas davantage que l'existence d'un recours au sein de l'assemblée en cause. Ni le droit d'amendement, ni les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire n'ont ainsi été méconnus.

. En ce qui concerne la procédure accélérée :

12. Selon le deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ». Ces dispositions permettent au Gouvernement, postérieurement au dépôt d'un projet ou d'une proposition de loi, de faire part à tout moment de sa décision d'engager la procédure accélérée, dès lors que les Conférences des présidents des deux assemblées sont en mesure, avant le début de l'examen du texte en première lecture, de s'y opposer conjointement.

13. En l'espèce, la procédure accélérée a été régulièrement engagée et n'a pas eu pour effet de priver les sénateurs de leurs prérogatives, dès lors qu'ils ont pu, après l'échec de la commission mixte paritaire, délibérer et exercer leur droit d'amendement en nouvelle lecture. Les articles 44 et 45 de la Constitution n'ont ainsi pas été méconnus. L'engagement de la procédure accélérée n'a pas eu non plus pour effet de porter atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 3 :

15. L'article 3 de loi déférée a pour objet de développer les modes de règlement alternatifs des différends. Le paragraphe II de cet article réécrit l'article 4 de la loi du 18 novembre 2016 mentionnée ci-dessus afin de subordonner, devant le tribunal de grande instance, à une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, de médiation ou de procédure participative, la recevabilité de demandes tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou relatives à un conflit de voisinage. Cette condition de recevabilité n'est notamment pas exigée lorsque l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime, tel que l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable. Un décret en Conseil d'État doit définir les modalités d'application du nouvel article 4 et notamment les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant en-deçà duquel les litiges sont soumis à une tentative de règlement amiable.

16. Les députés auteurs des deux premières saisines estiment que cette disposition serait entachée d'incompétence négative, au motif que le législateur n'a pas défini la notion de délai raisonnable et a renvoyé au pouvoir réglementaire la détermination du montant du litige ainsi que la définition du conflit de voisinage. Ils soutiennent également que cette disposition porterait atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif en renchérissant le coût d'accès à la justice et au principe d'égalité devant la justice en instaurant une différence de traitement entre les justiciables selon la nature de leur litige. Les députés auteurs de la première saisine invoquent également la méconnaissance de la liberté contractuelle et de la liberté individuelle. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine invoquent, quant à eux, la méconnaissance du droit à un recours effectif et du principe de « libre accès au juge ».

17. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de ces dispositions qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

18. L'article contesté subordonne à une tentative de règlement amiable préalable la recevabilité de certaines demandes en matière civile.

19. Toutefois, d'une part, il circonscrit cette condition de recevabilité aux demandes tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou relatives à un conflit de voisinage. D'autre part, les parties peuvent librement choisir entre les différents modes de règlement amiable que constituent la médiation, la procédure participative et la conciliation par un conciliateur de justice, laquelle est gratuite. Enfin, le législateur a prévu que cette condition de recevabilité n'est pas opposable lorsque l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime. Au titre d'un tel motif, le législateur a expressément prévu l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable.

20. Cependant, s'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent. Sous cette réserve, et compte tenu des garanties qui précèdent, le grief tiré d'une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.

21. En second lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles de l'article 16 de la Déclaration de 1789 que si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.

22. En instaurant la condition de recevabilité contestée, le législateur, qui a entendu réduire le nombre des litiges soumis au juge, a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. En appliquant cette condition aux litiges tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou relatifs à des conflits de voisinage d'une difficulté limitée, le législateur a retenu les litiges dont il a estimé qu'ils se prêtent particulièrement à un règlement amiable. Ce faisant, le législateur n'a pas instauré de discrimination injustifiée entre les justiciables. Par ailleurs, pour les motifs énoncés aux paragraphes 19 et 20, il a assuré aux justiciables des garanties égales.

23. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe 20, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la justice doit être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 4 de la loi du 18 novembre 2016, qui ne méconnaît ni la liberté contractuelle, ni la liberté individuelle, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est, sous la même réserve, conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 4 :

25. L'article 4 insère dans la loi du 18 novembre 2016 des articles 4-1 à 4-7 ayant pour objet de déterminer le cadre juridique applicable aux personnes physiques ou morales proposant un service en ligne de conciliation ou de médiation.

26. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir qu'en ne rendant pas obligatoire la certification de l'ensemble des personnes proposant un service en ligne de conciliation, de médiation ou d'arbitrage, les dispositions du nouvel article 4-7 de la loi du 18 novembre 2016 seraient entachées d'incompétence négative et méconnaîtraient les principes d'égalité d'accès au service public de la justice et le droit à un recours juridictionnel effectif.

27. Ces dispositions se bornent à offrir à certains services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation ou d'arbitrage, la possibilité d'une certification délivrée par un organisme accrédité. Elles n'imposent aucune obligation aux justiciables dans le choix du service auquel il doit être recouru pour la tentative de règlement amiable des litiges qu'ils sont, le cas échéant, contraints de mener avant la saisine du juge en application de l'article 3 de la loi déférée. Elles n'ont ainsi ni pour objet, ni pour effet de limiter l'accès au juge et ne créent aucune différence de traitement entre les justiciables. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté.

28. Il résulte de ce qui précède que l'article 4-7 de la loi du 18 novembre 2016, qui n'est pas entaché d'incompétence négative et ne méconnaît pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 5 :

29. Le paragraphe I de l'article 5 modifie l'article 2 de la loi du 20 décembre 2007 mentionnée ci-dessus. Il prévoit que, devant le tribunal de grande instance, les parties peuvent être dispensées, dans certaines matières, en raison de leur nature ou en considération de la valeur du litige, de la représentation obligatoire par un avocat et être représentées par leur conjoint, leur concubin, certains de leurs parents ou des personnes attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. Ces critères doivent être précisés par un décret en Conseil d'État.

30. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir qu'en prévoyant, par le renvoi à des dispositions réglementaires, de rendre obligatoire le recours à un avocat pour certains litiges, les dispositions du paragraphe I de l'article 5 seraient entachées d'incompétence négative et méconnaîtraient le principe d'égal accès au service public de la justice ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif.

31. La représentation obligatoire par un avocat devant la juridiction a pour objet d'assurer une bonne administration de la justice. Toutefois, en fonction de l'objet du litige, elle est susceptible de présenter un coût pour le justiciable non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ayant des conséquences sur l'exercice du recours.

32. En prévoyant que les litiges relatifs à certaines matières peuvent être dispensés de la représentation par un avocat en raison de leur nature ou en considération de la valeur du litige, le législateur a entendu éviter que, pour des litiges de faible montant ou des contentieux de protection et d'assistance ou présentant une faible technicité juridique, le justiciable soit dissuadé de saisir le juge. Ce faisant, le législateur qui n'a pas méconnu sa compétence, s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels. Dès lors, il n'a pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif.

33. Il résulte de ce qui précède que les mots « dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige » figurant au paragraphe I de l'article 2 de la loi du 20 décembre 2007, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la justice, ni aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 6 :

34. Les paragraphes I et II de l'article 6 modifient respectivement les articles 317 et 46 du code civil afin de prévoir que certains actes de notoriété sont désormais délivrés par un notaire, et non plus par un juge du tribunal d'instance.

35. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égal accès au service public de la justice en rendant payante la délivrance des actes de notoriété. Toutefois, de tels griefs sont inopérants pour contester le transfert à un officier public ministériel de la délivrance d'un acte de notoriété.

36. Par ailleurs, ces dispositions ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle. Le troisième alinéa de l'article 46 du code civil et les mots « à un notaire » figurant au premier alinéa de l'article 317 du même code sont conformes à la Constitution.

- Sur l'article 7 :

37. L'article 7 a pour objet de confier aux organismes débiteurs des prestations familiales, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Cette modification, en fonction d'un barème national, peut porter sur une contribution qui a antérieurement fait l'objet d'une fixation par l'autorité judiciaire, d'une convention homologuée par elle ou d'une convention de divorce par consentement mutuel ou de certaines décisions d'un organisme débiteur des prestations familiales.

38. L'ensemble des députés et sénateurs requérants estiment que ces dispositions méconnaîtraient les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions, dès lors notamment que les organismes débiteurs des prestations familiales ne présentent pas des garanties d'indépendance et d'impartialité suffisantes puisqu'ils peuvent être conduits à verser les créances alimentaires et à les recouvrer auprès des débiteurs défaillants. Les auteurs des trois premières saisines estiment que ces dispositions méconnaîtraient également le droit à un recours juridictionnel effectif. Selon les députés auteurs de la première saisine, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et méconnaîtraient l'intérêt supérieur de l'enfant et le principe d'égalité en laissant aux organismes débiteurs des prestations familiales une marge d'appréciation trop importante dans la révision du montant de la contribution. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine font également valoir que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité. Enfin, les sénateurs auteurs de la quatrième saisine invoquent la méconnaissance des droits de la défense, du principe du contradictoire et de la séparation des pouvoirs.

39. Les caisses d'allocations familiales sont des personnes privées en charge d'une mission de service public. Or, les dispositions contestées leur donnent compétence pour réviser le montant des contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants qui ont fait l'objet d'une fixation par l'autorité judiciaire ou d'une convention homologuée par elle. Si cette révision doit respecter un barème national, les caisses d'allocations familiales doivent se livrer, à cette occasion, à une appréciation de l'évolution des ressources des parents et des modalités de résidence et d'exercice du droit de visite et d'hébergement. En outre, en l'absence de production par un parent des renseignements et documents requis, elles peuvent moduler forfaitairement le montant de la contribution.

40. De plus, en application de l'article L. 581-2 du code de la sécurité sociale, les organismes débiteurs des prestations familiales sont tenus de verser l'allocation de soutien familial en cas de défaillance du parent débiteur de la contribution pour l'entretien et l'éducation des enfants et peuvent être ainsi intéressés à la détermination du montant des contributions.

41. Par conséquent, et alors même que les décisions de révision prises par les caisses pourraient faire l'objet d'un recours devant le juge aux affaires familiales, le législateur a autorisé une personne privée en charge d'un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

42. Il résulte de ce qui précède que l'article 7 est contraire à la Constitution.

- Sur les articles 9, 10, 12, 29 et 30 :

43. Le paragraphe I de l'article 9 étend le champ des actes de gestion des biens de la personne protégée que le tuteur peut prendre, sans autorisation préalable du juge. Son article 10 a pour objet de modifier les conditions d'exercice de la liberté matrimoniale par les majeurs protégés. L'article 12 modifie l'article 26 de la loi du 16 février 2015 mentionnée ci-dessus sur les conditions de renouvellement des mesures de tutelle et de curatelles. L'article 29 modifie certaines dispositions du régime de l'habilitation familiale. L'article 30 modifie les modalités d'inventaire du patrimoine et de contrôle des comptes de gestion des personnes protégées.

44. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions seraient contraires aux exigences qui découlent du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de la liberté individuelle au motif qu'elles réduiraient le contrôle judiciaire en matière de protection juridique des majeurs.

45. Toutefois, d'une part, la faculté conférée au tuteur, par les dispositions contestées de l'article 9, d'agir sans autorisation préalable d'un juge est limitée à certains actes de gestion patrimoniale. Elle ne fait pas échapper le tuteur aux contrôles auxquels il est soumis sur le fondement des articles 416 et 417 et du titre XII du code civil. Dès lors, et en tout état de cause, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Il en va de même, compte tenu de leur objet, des dispositions contestées des articles 10, 12, 29 et 30.

46. D'autre part, aucune des dispositions contestées n'est privative de liberté. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté individuelle doit être écarté.

- Sur certaines dispositions de l'article 13 :

47. L'article 13 habilite le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance des mesures visant à transférer à la Caisse des dépôts et consignations certaines missions relevant actuellement des régies des greffes des tribunaux.

48. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et qu'elles méconnaîtraient le principe d'égalité d'accès au service public de la justice et « l'exigence de clarté requise » par l'article 38 de la Constitution.

49. Aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Si cette disposition fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention, elle n'impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation.

50. En premier lieu, en habilitant le Gouvernement à transférer à la Caisse des dépôts et consignations, d'une part, la charge de recevoir et de gérer les sommes issues des saisies des rémunérations ordonnées par le juge et de procéder à leur répartition entre les différents créanciers et, d'autre part, la tâche de gérer les sommes consignées à des fins d'expertise, le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d'être prises par voie d'ordonnance ainsi que leur domaine d'intervention. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 38 de la Constitution doit être écarté.

51. En second lieu, aux termes mêmes de l'article 38 de la Constitution, le champ de l'habilitation peut comprendre toute matière qui relève du domaine de la loi. Est par conséquent inopérant le grief selon lequel les dispositions contestées seraient entachées d'incompétence négative.

52. Dès lors, le 1 ° du paragraphe I de l'article 13, qui ne méconnaît pas non plus le principe d'égal accès au service public de la justice, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 16 :

53. L'article 16 habilite le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance des mesures visant à déléguer la délivrance des apostilles et des légalisations sur les actes publics établis par une autorité française et destinés à être produits à l'étranger. Ces formalités pourraient être confiées à des officiers publics ou ministériels ou à toute personne publique ou tout organisme de droit privé chargé d'une mission de service public dont les compétences, la mission et le statut justifient son intervention.

54. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, une telle délégation ne garantirait pas le caractère gratuit des apostilles, au mépris du principe d'égalité d'accès au service public et en méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence.

55. Les dispositions contestées, qui se bornent à permettre la délégation de la délivrance des apostilles, ne portent pas sur les conditions de fond auxquelles est subordonnée cette délivrance. Elles n'instituent par ailleurs aucune différence de traitement. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant le service public ne peut donc qu'être écarté. Il en va de même du grief tiré de l'incompétence négative, qui est inopérant.

56. Par conséquent, le 2 ° du paragraphe I de l'article 16, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 22 :

57. L'article 22 modifie la procédure de divorce sans consentement mutuel, notamment en supprimant la phase de tentative de conciliation des époux prévue à l'article 252 du code civil.

58. Les députés auteurs de la deuxième saisine estiment qu'une telle suppression contreviendrait au respect de l'intérêt de l'enfant et au droit de mener une vie familiale normale. En outre, en ne prévoyant aucune garantie protectrice des intérêts des enfants concernés par la procédure de divorce, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

59. Le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Selon le onzième alinéa du même texte : « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

60. Il en résulte une exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

61. Si les dispositions contestées suppriment l'obligation d'une tentative de conciliation, avant l'instance judiciaire, dans les procédures de divorce autre que par consentement mutuel, il ressort de l'article 254 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'article 22 de la loi déférée, que le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à l'issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants pendant la période courant de l'introduction de la demande en divorce jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. En outre, lorsque le juge aux affaires familiales statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale par les deux parents séparés, l'article 373-2-6 du même code lui confie le soin de veiller spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs. Par ailleurs, l'article 371-1 du même code, qui définit l'autorité parentale comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant, impose aux parents d'associer l'enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité. Enfin, en application de l'article 388-1 du même code, tout mineur capable de discernement peut être entendu par un juge, dans toute procédure le concernant.

62. Ainsi, la suppression de l'obligation de tenir une audience de conciliation ne prive pas de garanties légales les exigences constitutionnelles précitées. Les griefs tirés de la méconnaissance des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doivent donc être écartés.

- Sur certaines dispositions de l'article 26 :

63. L'article 26 introduit deux nouveaux articles dans le code de l'organisation judiciaire afin d'étendre les possibilités de procéder à des jugements sans audience en matière civile. Le nouvel article L. 212-5-1 de ce code permet ainsi que, devant le tribunal de grande instance, la procédure se déroule sans audience et sous forme exclusivement écrite. Le nouvel article L. 212-5-2 du même code prévoit, quant à lui, le recours à une procédure dématérialisée et sans audience pour traiter les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer statuant sur une demande initiale n'excédant pas un montant défini par décret en Conseil d'État et sur les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d'une somme n'excédant pas ce montant.

64. Selon les auteurs des quatre saisines, en permettant de juger des litiges civils sans audience, éventuellement sans l'accord des parties, ces dispositions méconnaîtraient la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789, notamment le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable et les droits de la défense. Les auteurs des trois premières saisines invoquent en outre une incompétence négative du législateur. Les auteurs de la deuxième et de la dernière saisine font également valoir que ces dispositions contreviendraient au principe de publicité des débats, qui constituerait un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Les députés auteurs de la deuxième saisine ajoutent qu'elles méconnaîtraient le principe d'égal accès au service public de la justice.

65. En premier lieu, la procédure écrite et, en principe, sans audience, prévue à l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire, ne peut être mise en œuvre qu'à l'initiative des parties et à la condition qu'elles en soient alors expressément d'accord.

66. En second lieu, le recours à la procédure dématérialisée et, en principe, sans audience, prévue à l'article L. 212-5-2 du même code pour traiter notamment des oppositions aux injonctions de payer, qui n'est applicable qu'en cas d'opposition ou de demande en paiement relatifs à des litiges portant sur des sommes n'excédant pas un montant défini par voie réglementaire, est pareillement subordonné à l'initiative et à l'accord des parties. Le tribunal peut également décider de tenir une audience s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. Cette dernière ne peut être rejetée que par une décision spécialement motivée, si le tribunal estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, une audience n'est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure.

67. Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. Le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 et l'article L. 212-5-2 du code de l'organisation judiciaire, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et ne méconnaissent ni le principe d'égal accès au service public, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 27 :

68. L'article 27 insère des articles L. 211-17 et L. 211-18 dans le code de l'organisation judiciaire afin de donner compétence à un tribunal de grande instance spécialement désigné par décret pour connaître des demandes d'injonction de payer, exceptées celles relevant de la compétence d'attribution du tribunal de commerce.

69. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir que ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et porteraient atteinte au principe d'égalité d'accès au service public de la justice et au droit à un procès équitable, dès lors que la création d'une juridiction nationale unique ne permettrait pas un accès physique égal pour les justiciables.

70. Le traitement centralisé des demandes d'injonction de payer peut, en fonction du lieu de résidence des justiciables, conduire à un éloignement géographique entre le justiciable et la juridiction compétente pour connaître de son affaire.

71. En premier lieu, en donnant compétence à un seul tribunal de grande instance pour connaître de l'ensemble des demandes d'injonction de payer, le législateur a entendu décharger les autres juridictions d'un contentieux de masse et en faciliter le traitement. Il a ainsi poursuivi un objectif de bonne administration de la justice.

72. En deuxième lieu, d'une part, la procédure de délivrance d'une injonction de payer est exclusivement écrite et non contradictoire. En outre, les demandes d'injonction de payer sont formées par voie dématérialisée. Elles peuvent l'être sur support papier pour les personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire.

73. D'autre part, si l'injonction de payer délivrée dans les conditions évoquées ci-dessus peut faire l'objet d'une opposition de la personne à l'encontre de laquelle elle a été prononcée par déclaration au greffe, cette opposition peut également être formée par courrier recommandé. Dans ce cas, les dispositions contestées prévoient que l'instruction, l'audience et le jugement de cette opposition relèvent de la compétence du tribunal de grande instance territorialement compétent déterminé en fonction du lieu de résidence du débiteur poursuivi.

74. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la justice, ni le droit au recours juridictionnel effectif.

75. Par conséquent, l'article L. 211-17 du code de l'organisation judiciaire, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 28 :

76. L'article 28 autorise le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d'harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai.

77. Les députés auteurs de la deuxième saisine font grief à ces dispositions de ne pas interdire à la future ordonnance de restreindre les conditions d'exercice des recours en la forme des référés. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et une incompétence négative du législateur.

78. Les dispositions contestées ne sont, ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires au droit à un recours juridictionnel effectif. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l'article 38 de la Constitution, de respecter ce droit. Le grief tiré de sa méconnaissance doit donc être écarté. Il en va de même du grief tiré de l'incompétence négative, qui est inopérant.

79. Dès lors, l'article 28, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 31 :

80. L'article 31 modifie les règles régissant l'exécution des décisions judiciaires en matière d'autorité parentale. En particulier, son paragraphe I modifie l'article 373-2 du code civil, relatif à l'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés, qui prévoit notamment que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. Un troisième alinéa y est ajouté, prévoyant que, à cette fin, le procureur de la République peut requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel ou une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

81. Les députés auteurs de la deuxième saisine estiment que cette possibilité de recourir à la force publique pour faire appliquer une décision du juge aux affaires familiales contreviendrait au droit de mener une vie familiale normale et au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les sénateurs auteurs de la dernière saisine soutiennent que, faute de garantie entourant leur mise en œuvre, ces dispositions méconnaîtraient l'intérêt de l'enfant protégé par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

82. Les dispositions contestées visent à assurer l'effectivité des décisions judiciaires relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Elles mettent ainsi en œuvre le droit d'obtenir l'exécution des décisions de justice, qui découle du droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

83. Il suit de là que ces dispositions ne portent pas d'atteinte au droit de mener une vie familiale normale, pas plus qu'à l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

84. Par conséquent, le troisième alinéa de l'article 373-2 du code civil, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 33 :

85. L'article 33 modifie les règles de publicité des décisions de justice, en matière administrative et judiciaire.

86. D'une part, il pose le principe de la mise à la disposition du public, à titre gratuit sous forme électronique, des décisions de justice et l'assortit de plusieurs dérogations. Il prévoit en outre, au quatrième alinéa de l'article L. 10 du code de justice administrative et au troisième alinéa de l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire, que les données d'identité des magistrats et des membres du greffe ne peuvent, sous peine de sanctions pénales ou administratives, faire l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées.

87. D'autre part, l'article 33 introduit un article L. 10-1 dans le code de justice administrative et un article L. 111-14 dans le code de l'organisation judiciaire, afin de permettre aux tiers de se faire délivrer copie des décisions de justice par les juridictions, sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. Ces copies sont en principe délivrées sans anonymisation. Les éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont cependant occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage.

88. Enfin, l'article 33 modifie les articles 11-1, 11-2 et 11-3 de la loi du 5 juillet 1972 mentionnée ci-dessus, afin d'aménager les règles de publicité des audiences en matière civile. L'article 11-1 pose le principe de la publicité des débats, mais prévoit par exception leur tenue en chambre du conseil dans cinq cas : en matière gracieuse ; dans les matières relatives à l'état et à la capacité des personnes déterminées par décret ; dans les matières intéressant la vie privée déterminées par décret ; dans les matières mettant en cause le secret des affaires dans les conditions prévues au 3 ° de l'article L. 153-1 du code de commerce ; si le juge le décide en raison d'un risque d'atteinte à l'intimité de la vie privée, si toutes les parties le demandent, ou s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice. L'article 11-2 dispose que les jugements sont prononcés publiquement, sauf dans les quatre premiers cas qui précèdent. L'article 11-3, qui prévoit actuellement que les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement, est complété par un alinéa disposant que la copie est limitée au dispositif lorsque le jugement est rendu après débats en chambre du conseil. Ces dispositions ne sont pas applicables à la Cour de cassation.

89. Les députés auteurs de la première saisine contestent l'interdiction de la réutilisation du nom des juges pour déceler leurs pratiques professionnelles, alors que, selon eux, une meilleure connaissance, par ce biais, de la jurisprudence favoriserait l'égalité entre les justiciables. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et du droit à un procès équitable. Ils reprochent également aux nouvelles dispositions de donner une trop grande latitude aux greffes pour décider d'occulter certains éléments des décisions de justice dans les copies délivrées aux tiers ou pour refuser une telle délivrance en cas de demandes répétitives ou systématiques. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un procès équitable, dont découleraient « l'accès au droit » et « l'accès au juge », de l'égalité devant la loi et devant la justice et des libertés d'opinion, d'expression et de communication. Enfin, ils estiment excessives les restrictions, fondées sur le respect de la vie privée ou le secret des affaires, apportées à la publicité des débats et des jugements en matière civile, par des dispositions de surcroît entachées d'incompétence négative. Il en résulterait là encore une méconnaissance du droit à un procès équitable, ainsi que du « principe de publicité des débats ».

90. Les députés auteurs de la deuxième saisine contestent les dispositions limitant la publicité des débats et des décisions dans les matières mettant en cause le secret des affaires. Elles contreviendraient aux principes d'égalité d'accès au service public de la justice et d'égalité devant la loi, au droit à un procès équitable, aux droits de la défense et à la publicité des débats, qui constituerait un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

91. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine soutiennent que la possibilité pour les greffes d'occulter certains éléments des décisions de justice avant d'en délivrer copie est insuffisamment protectrice du droit au respect de la vie privée et qu'elle est susceptible, en fonction de l'appréciation de chaque greffe, de remettre en cause « l'accès au droit », qui serait une composante du droit à un procès équitable.

92. Les sénateurs auteurs de la dernière saisine critiquent les dispositions prévoyant l'absence de publicité des débats et du prononcé des jugements civils dans certaines matières définies par le législateur, sans possibilité d'appréciation par le juge en fonction de chaque cas d'espèce. Il en résulterait une violation du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense ainsi que du principe fondamental reconnu par les lois de la République que constituerait la publicité des audiences.

. En ce qui concerne la réutilisation des données d'identité des magistrats et des membres du greffe :

93. En prévoyant que les données d'identité des magistrats et des membres du greffe figurant dans les décisions de justice mises à disposition du public par voie électronique ne peuvent faire l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées, le législateur a entendu éviter qu'une telle réutilisation permette, par des traitements de données à caractère personnel, de réaliser un profilage des professionnels de justice à partir des décisions rendues, pouvant conduire à des pressions ou des stratégies de choix de juridiction de nature à altérer le fonctionnement de la justice.

94. Ces dispositions n'instaurent ainsi aucune distinction injustifiée entre les justiciables et ne portent pas d'atteinte contraire au droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. Les griefs tirés de la méconnaissance, par ces dispositions, des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 doivent donc être écartés.

95. Dès lors, la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 10 du code de justice administrative et la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne la délivrance aux tiers de copies des décisions de justice :

96. En premier lieu, d'une part, en prévoyant que les juridictions administratives et judiciaires peuvent exceptionnellement refuser de délivrer aux tiers les copies de décisions de justice en cas de « demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique », le législateur a entendu, au nom de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, faire obstacle aux demandes ayant pour objet de perturber le bon fonctionnement de la juridiction sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge, notamment d'anonymisation, disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose.

97. D'autre part, en imposant aux juridictions administratives et judiciaires, avant de délivrer aux tiers la copie d'une décision de justice, d'occulter les éléments permettant d'identifier les personnes physiques qui y sont mentionnées, lorsqu'elles sont parties ou tiers, si la divulgation est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, le législateur, qui s'est fondé sur des critères suffisamment précis, a entendu assurer la protection des personnes et le respect de la vie privée.

98. En deuxième lieu, en l'absence de dispositions particulières, les recours contre la décision relative à la délivrance d'une copie d'une décision de justice s'exercent dans les conditions du droit commun.

99. En dernier lieu, les tiers peuvent également, sous réserve de dispositions particulières, accéder aux décisions de justice par la voie de leur mise à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique, sur le fondement des articles L. 10 du code de justice administrative et L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire.

100. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance, par les dispositions en cause, des exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés.

101. Par conséquent, les deux premiers alinéas de l'article L. 10-1 du code de justice administrative et les deux premiers alinéas de l'article L. 111-14 du code de l'organisation judiciaire, qui ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée, ni les libertés d'opinion, d'expression et de communication, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne la publicité des débats et des jugements en matière civile :

Quant à la publicité des débats et du prononcé des jugements en matière civile :

102. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte le principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives. Il est loisible au législateur d'apporter à ce principe des limitations liées à des exigences constitutionnelles, justifiées par l'intérêt général ou tenant à la nature de l'instance ou aux spécificités de la procédure, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

103. En premier lieu, le 4 ° des articles 11-1 et 11-2 de la loi du 5 juillet 1972 prévoit que les débats ont lieu en chambre du conseil et que les jugements ne sont pas prononcés publiquement dans les matières « mettant en cause le secret des affaires dans les conditions prévues au 3 ° de l'article L. 153-1 du code de commerce ». Il résulte de ce renvoi aux dispositions du code de commerce que la dérogation au principe de publicité des débats et du prononcé du jugement s'applique, non pas de plein droit, mais seulement si le juge, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, considère que la protection du secret des affaires ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense.

104. En second lieu, si le législateur a prévu, en matière gracieuse et dans les matières relatives à l'état et à la capacité des personnes ou intéressant la vie privée déterminées par décret, que les débats ont lieu en chambre du conseil et que les jugements ne sont pas prononcés publiquement, sans que le juge ne dispose d'un pouvoir d'appréciation sur l'un ou l'autre de ces points, il n'en résulte, compte tenu de la nature des matières en cause ou des enjeux particuliers qu'elles présentent au regard de l'intimité et de la vie privée des personnes, aucune méconnaissance du principe de publicité des audiences ni d'aucune autre exigence constitutionnelle.

105. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance, par les 1 ° à 4 ° des articles 11-1 et 11-2 de la loi du 5 juillet 1972, du principe de publicité des audiences et des exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés. Ces dispositions, qui ne méconnaissent ni les principes d'égalité devant la loi et d'accès au service public de la justice, ni l'article 34 de la Constitution, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

Quant à la délivrance des copies de jugements rendus après débats en chambre du conseil :

106. Il résulte de la combinaison des deux alinéas de l'article 11-3 de la loi du 5 juillet 1972, tel que complété par le 2 ° du paragraphe V de l'article 33 de la loi déférée, que la copie délivrée aux tiers des jugements prononcés publiquement est limitée au dispositif du jugement lorsque celui-ci a été rendu après débats en chambre du conseil. Par suite, lorsque les débats ont eu lieu en chambre du conseil pour l'un des motifs prévus au dernier alinéa de l'article 11-1, tenant à un risque d'atteinte à l'intimité de la vie privée, à une demande de toutes les parties ou à des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice, lesquels motifs ne permettent pas de déroger à la publicité du prononcé du jugement, les tiers sont privés de plein droit de la communication de l'intégralité du jugement, dont la copie est alors limitée au dispositif.

107. Toutefois, en raison de sa généralité et de son caractère obligatoire, cette restriction apportée par les dispositions contestées n'est pas limitée aux cas où elle serait justifiée, notamment, par la protection du droit au respect de la vie privée. Dès lors, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

108. Par conséquent, le 2 ° du paragraphe V de l'article 33 est contraire à la Constitution.

- Sur l'article 34 :

109. L'article 34 modifie le paragraphe IV de l'article 5 de la loi du 18 novembre 2016 afin de prolonger, jusqu'au 31 décembre 2021, l'expérimentation, que cette dernière loi autorisait initialement pour une durée de quatre ans, d'une médiation préalable obligatoire pour les recours contentieux formés par certains agents publics à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle et pour les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi.

110. Les députés auteurs de la deuxième saisine estiment que l'article 34 serait entaché d'incompétence négative et méconnaîtrait, du fait de l'imprécision de l'objet et des conditions de l'expérimentation ainsi que des mesures réglementaires prises pour son application, le principe d'égalité d'accès au service public de la justice, le droit à un procès équitable et les droits de la défense.

111. Ces dispositions se bornent à prolonger, pour une durée limitée, l'expérimentation prévue par le paragraphe IV de l'article 5 de la loi du 18 novembre 2016, que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution au paragraphe 20 de sa décision du 17 novembre 2016 mentionnée ci-dessus.

112. Par conséquent, les mots « au plus tard jusqu'au 31 décembre 2021 » figurant au paragraphe IV de l'article 5 de la loi du 18 novembre 2016, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 35 :

113. L'article 35 modifie l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative afin d'élargir les attributions pouvant être confiées à des magistrats administratifs honoraires. Alors qu'actuellement, ces derniers ne peuvent statuer que sur les recours en annulation dont le tribunal est saisi en application des paragraphes III et IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cet article prévoit que ces magistrats peuvent aussi exercer, pour une durée trois ans renouvelable, les fonctions de rapporteur en formation collégiale et qu'ils statuent sur les recours relevant du juge statuant seul et du juge des référés.

114. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir que cet article méconnaîtrait le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, d'inamovibilité des magistrats du siège et du droit à un procès équitable au motif notamment que les magistrats honoraires ne présenteraient pas les mêmes garanties d'indépendance que les magistrats en activité.

115. Il résulte des dispositions précitées de l'article 16 de la Déclaration de 1789 que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles.

116. Il suit de là que les fonctions de magistrat de l'ordre administratif doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent y consacrer leur vie professionnelle. Ces principes ne font pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées aux magistrats administratifs en activité puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser une telle carrière à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire aux principes d'indépendance et d'impartialité. Il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats, sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions.

117. En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article 35 que l'extension des fonctions pouvant être exercées par les magistrats administratifs honoraires, s'accompagne de la soumission de ces magistrats aux mêmes obligations et garanties statutaires d'indépendance et d'impartialité que celles applicables aux magistrats en activité. Par ailleurs, il ne peut être mis fin aux fonctions des magistrats administratifs honoraires qu'à leur demande ou pour un motif disciplinaire. Enfin, d'une part, s'il est prévu que seules les sanctions disciplinaires de blâme, d'avertissement et de cessation des fonctions peuvent être infligés aux magistrats administratifs honoraires, cette restriction du pouvoir disciplinaire est imposée par l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions. D'autre part, si les magistrats honoraires peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions juridictionnelles, c'est à la condition que celle-ci ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'indépendance de leurs fonctions.

118. En second lieu, en prévoyant que les magistrats administratifs honoraires ne peuvent être désignés pour exercer des fonctions de rapporteur en formation collégiale que dans la limite d'un magistrat honoraire par formation de jugement, le législateur a garanti que les fonctions exercées par des magistrats honoraires ne représentent qu'une part limitée de celles normalement réservées à des magistrats en activité.

119. Par conséquent, le premier alinéa de l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, qui ne méconnaît pas les principes précités, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 37 :

120. L'article 37 a pour objet de réduire le champ des incompatibilités des magistrats administratifs avec des fonctions administratives antérieures.

121. Les députés auteurs de la deuxième saisine estiment que ces dispositions méconnaissent l'indépendance de l'autorité judiciaire et le droit à un procès équitable.

122. Il résulte des dispositions précitées de l'article 16 de la Déclaration de 1789 que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles.

123. En application des 2 ° et 3 ° de l'article L. 231-5 du code de justice administrative en vigueur, nul ne peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel s'il exerce ou a exercé depuis moins de trois ans dans le ressort de ce tribunal ou de cette cour une « fonction de représentant de l'État dans une région, ou de représentant de l'État dans un département, ou de délégué de celui-ci dans un arrondissement, ou de directeur régional ou départemental d'une administration publique de l'État » ou une « fonction de direction dans l'administration d'une collectivité territoriale ».

124. Les dispositions contestées restreignent ces incompatibilités en permettant à un magistrat administratif ayant exercé les fonctions de directeur régional ou départemental d'une administration publique de l'État ou de direction dans l'administration d'une collectivité territoriale, autre que celle de directeur général des services d'une collectivité de plus de 100 000 habitants dans le ressort d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel, d'être nommé membre de ce tribunal ou de cette cour. Or, compte tenu de la nature de ces fonctions et de celle du contentieux dont ont à connaître les tribunaux et cours précités, en supprimant de tels cas d'incompatibilité sans prévoir de condition de délai après l'exercice des fonctions administratives en cause, le législateur a méconnu les exigences constitutionnelles précitées. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 37 est contraire à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 41 :

125. L'article 41 modifie les articles L. 611-1 et L. 77-13-1 du code de justice administrative afin, dans les litiges relatifs aux secrets des affaires, d'adapter les exigences de la contradiction et de déterminer les pouvoirs du juge.

126. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que cet article méconnaîtrait l'égalité devant la loi et le droit à un procès équitable au motif qu'il donnerait un effet suspensif à l'appel d'une ordonnance enjoignant la communication d'une pièce couverte par le secret des affaires. Toutefois, la disposition conférant un tel effet est en réalité supprimée par le 3 ° de l'article 41. Le grief manque donc en fait.

- Sur certaines dispositions de l'article 43 :

127. L'article 43 modifie l'article 15-4 du code de procédure pénale afin d'autoriser les agents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms dans certains actes de procédure dans lesquels ils interviennent.

128. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense et seraient entachées d'incompétence négative.

129. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes, et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis, au nombre desquels figure le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

130. En premier lieu, les dispositions contestées ne peuvent s'appliquer que lorsque la révélation de l'identité de l'agent est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de sa mission ou de la nature des faits qu'il est habituellement amené à constater, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. Par ailleurs, l'autorisation est délivrée nominativement par un responsable hiérarchique d'un niveau suffisant, défini par décret, statuant par une décision motivée.

131. En second lieu, les juridictions d'instruction ou de jugement saisies des faits ont accès aux nom et prénom de la personne dont l'identité a été cachée. Saisi par une partie à la procédure d'une requête écrite et motivée tendant à la communication des nom et prénom de cette personne, le juge d'instruction ou le président de la juridiction de jugement décide des suites à donner à cette requête, après avis du ministère public et en tenant compte, d'une part, de la menace que la révélation de l'identité de cette personne ferait peser sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches et, d'autre part, de la nécessité de communiquer cette identité pour l'exercice des droits de la défense de l'auteur de la demande.

132. Dès lors, le législateur a procédé à une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. Les mots « ou dans lesquels il intervient » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article 15-4 du code de procédure pénale, qui ne contreviennent à aucune autre exigence constitutionnelle, sont donc conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 44 :

133. L'article 44 modifie les conditions dans lesquelles il peut être recouru, dans le cadre d'une enquête ou d'une information judiciaire, à des interceptions de correspondances émises par la voie de communications électroniques et à la géolocalisation.

134. Son paragraphe II insère dans le code de procédure pénale un nouvel article 60-4 aux termes duquel, si les nécessités de l'enquête de flagrance portant sur un crime ou un délit puni de trois ans d'emprisonnement l'exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances électroniques. En cas d'urgence, cette autorisation peut être délivrée par le procureur de la République. Elle doit être confirmée par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention dans un délai maximal de vingt-quatre heures. En application des paragraphes III et IV du même article 44, ces dispositions sont également applicables en cas d'enquête préliminaire ou en cas d'enquête aux fins de recherche des causes de la mort ou de blessures ou de recherche des causes de la disparition.

135. Le 1 ° du paragraphe X modifie l'article 230-32 du code de procédure pénale afin de prévoir qu'il peut être recouru à un moyen destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, si cette opération est exigée par les nécessités d'une enquête ou d'une instruction relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement.

136. Les députés auteurs de la deuxième saisine critiquent ces dispositions en ce qu'elles accroissent les prérogatives du procureur de la République en lui permettant de recourir à ces mesures dans le cadre des enquêtes menées pour tous les crimes et délits punis de trois ans d'emprisonnement et, en cas d'urgence, d'ordonner des écoutes téléphoniques sans autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Selon eux, ce faisant, le législateur aurait méconnu le droit au respect de la vie privée et l'indépendance de l'autorité judiciaire.

137. Les sénateurs auteurs de la dernière saisine contestent également, au regard du droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances, la possibilité de recourir à des interceptions téléphoniques pour toute enquête portant sur un délit puni de trois ans d'emprisonnement ainsi que la possibilité pour le procureur de la République d'ordonner seul cette mesure en cas d'urgence.

. En ce qui concerne les dispositions relatives aux interceptions de correspondances :

138. Aux termes de l'article 7 de la Déclaration de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance ». Aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

139. Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale. S'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions.

140. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ceux-ci figurent la liberté d'aller et venir, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, protégés par son article 2.

141. Il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.

142. Si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve, d'une part, que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées et, d'autre part, que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire à qui il incombe en particulier de garantir que leur mise en œuvre soit nécessaire à la manifestation de la vérité.

143. En premier lieu, les dispositions contestées autorisent l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire, en vue de constater toute infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement, quelle que soit la nature de l'atteinte résultant de cette infraction et quelle que soit la complexité de l'infraction. Or, si une infraction d'une particulière gravité et complexité est de nature à justifier le recours à de telles mesures, tel n'est pas nécessairement le cas d'infractions ne présentant pas ces caractères.

144. En deuxième lieu, cette autorisation est délivrée, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention. Toutefois, alors que son autorisation est donnée pour une durée d'un mois, les dispositions légales ne prévoient pas l'accès du juge des libertés et de la détention à l'ensemble des éléments de la procédure. Ainsi, il n'a pas accès aux procès-verbaux dressés dans le cadre de l'enquête en cours autres que ceux pris en application des articles 100-3 à 100-8 du code de procédure pénale et n'est pas informé du déroulé de l'enquête en ce qui concerne les investigations autres que la mesure d'interception de correspondances. Enfin, les dispositions législatives ne prévoient pas que le juge peut ordonner la cessation de la mesure d'interception, notamment s'il estime que celle-ci n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité.

145. En dernier lieu, en cas d'urgence, l'autorisation de procéder à l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances peut être délivrée par le procureur de la République et peut se poursuivre sans contrôle ni intervention d'un magistrat du siège durant vingt-quatre heures.

146. Il résulte de ce qui précède que le législateur a autorisé le recours à des mesures d'interception de correspondances émises par voie de communications électroniques pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière gravité et complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé.

147. En adoptant les paragraphes II, III et IV de l'article 44, le législateur n'a pas opéré une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances. Ces dispositions sont donc contraires à la Constitution. Par voie de conséquence, les mots « 706-95 et » figurant au paragraphe VII, le 1 ° du paragraphe VIII et le paragraphe IX de l'article 44 et la référence « 77-1-4 » figurant à l'article 80-5 du code de procédure pénale, issu de l'article 53 de la loi déférée, doivent être déclarés contraires à la Constitution et, à l'article 80-5 précité, la référence « 60-4 » doit être remplacée par la référence « 706-95 ».

. En ce qui concerne les dispositions relatives à la géolocalisation :

148. En premier lieu, la géolocalisation est une mesure de police judiciaire consistant à surveiller une personne au moyen de procédés techniques en suivant, en temps réel, la position géographique d'un véhicule que cette personne est supposée utiliser ou de tout autre objet, notamment un téléphone, qu'elle est supposée détenir. La mise en œuvre de ce procédé n'implique pas d'acte de contrainte sur la personne visée, ni d'atteinte à son intégrité corporelle, de saisie, d'interception de correspondance ou d'enregistrement d'image ou de son. L'atteinte à la vie privée qui résulte de la mise en œuvre de ce dispositif réside dans la surveillance par localisation continue et en temps réel de la personne, le suivi de ses déplacements dans tous lieux publics ou privés, ainsi que dans l'enregistrement et le traitement des données ainsi obtenues.

149. En second lieu, le recours à la géolocalisation est placé sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Lorsqu'elle est autorisée pour une procédure de recherche des causes de la mort ou de blessures graves, d'une disparition, d'une personne en fuite ou dans le cadre d'une enquête pour une infraction relevant de la criminalité organisée, le procureur de la République ne peut l'autoriser que pour une durée maximale de quinze jours consécutifs. Dans les autres cas, la durée de son autorisation ne peut excéder huit jours consécutifs. À l'issue de ce délai, elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention pour une durée maximale d'un mois renouvelable. En outre, la durée totale de l'opération ne peut excéder un an ou, s'il s'agit d'une infraction relevant de la délinquance organisée, deux ans. Lorsque, en cas d'urgence, elle est mise en place ou prescrite par un officier de police judiciaire, le procureur de la République, immédiatement informé, peut en prescrire la mainlevée.

150. Dès lors, en prévoyant qu'il peut être recouru à la géolocalisation lorsque les nécessités de l'enquête concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans l'exigent, le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. Les mots « D'une enquête » figurant au 1 ° de l'article 230-32 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont donc conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 45 :

151. L'article 45 modifie le régime applicable à l'enquête sous pseudonyme. Son paragraphe I introduit dans le code de procédure pénale un article 230-46 autorisant, aux fins de constater les crimes et les délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par la voie des communications électroniques, les officiers ou agents de police judiciaire à procéder à certains actes d'enquête sous pseudonyme.

152. Les députés auteurs de la deuxième saisine contestent l'extension du champ d'application de l'enquête sous pseudonyme, auparavant limitée à certains crimes ou délits, à tous les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par la voie de communications électroniques. Ils soutiennent qu'il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du droit à un procès équitable. Par ailleurs, dans la mesure où il existerait un recours croissant aux moyens de communication électronique dans le champ politique et associatif, ces dispositions violeraient également la liberté d'action syndicale et le libre exercice de l'activité des partis politiques. Le législateur aurait également méconnu l'étendue de sa compétence en privant de garanties légales ces exigences constitutionnelles.

153. L'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit le droit à un procès équitable.

154. Les dispositions contestées permettent aux officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours d'une enquête ou d'une instruction, de procéder, sous pseudonyme, aux actes suivants : participer à des échanges électroniques, extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs d'infractions, acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, ou transmettre des contenus illicites en réponse à une demande expresse.

155. D'une part, les actes pouvant être effectués sous pseudonyme sont des actes d'enquête et non des actes de procédure. D'autre part, ces actes ne peuvent être accomplis que par des enquêteurs affectés dans des services spécialisés et spécialement habilités à cette fin. Enfin, l'acquisition ou la transmission d'un contenu, produit, substance, prélèvement ou service, le cas échéant illicite, doit être autorisée par le procureur de la République ou le juge d'instruction et ne peut constituer une incitation à commettre une infraction.

156. Dès lors, en autorisant le recours à l'enquête sous pseudonyme aux fins de constater les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par voie de communications électroniques, le législateur n'a pas méconnu le droit à un procès équitable. Il n'a pas opéré une conciliation déséquilibrée entre l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée.

157. Le premier alinéa de l'article 230-46 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît pas non plus la liberté syndicale, ni le libre exercice de l'activité des partis politiques et n'est pas entaché d'incompétence négative, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 46 :

158. L'article 46 modifie le régime applicable aux techniques spéciales d'enquête. Le 2 ° du paragraphe III de cet article introduit au sein du code de procédure pénale les articles 706-95-11 à 706-95-19, lesquels définissent les dispositions communes encadrant le recours aux techniques spéciales d'enquête mentionnées à la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, soit le recueil de données techniques de connexion, la sonorisation et la captation d'images ainsi que la captation de données informatiques. Le second alinéa de l'article 706-95-11 du code de procédure pénale prévoit que ces techniques spéciales d'enquête peuvent être mises en œuvre si les nécessités de l'enquête ou de l'information judiciaire relatives à un crime ou à l'une des infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée l'exigent. En application de l'article 706-95-12, ces techniques spéciales d'enquête sont autorisées au cours de l'enquête par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République. Toutefois, le 1 ° de l'article 706-95-15 dispose que le procureur de la République peut, en cas d'urgence, délivrer cette autorisation, qui doit être confirmée par le juge des libertés et de la détention dans un délai maximal de vingt-quatre heures. Enfin, s'agissant de la captation de données informatiques, le a du 11 ° du paragraphe III de l'article 46 modifie l'article 706-102-1 du code de procédure pénale afin de permettre la captation de données informatiques reçues et émises, y compris par des périphériques non audiovisuels.

159. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions, en ce qu'elles étendent le champ d'application de ces techniques spéciales à tous les crimes, et non aux seuls crimes relevant de la criminalité organisée, violeraient le droit au respect de la vie privée et la liberté d'expression et de communication. Elles seraient également entachées d'incompétence négative. Ils contestent par ailleurs l'élargissement des dispositifs pouvant être concernés par la captation informatique, ceux-ci n'étant plus nécessairement audiovisuels.

160. Les sénateurs auteurs de la dernière saisine critiquent également l'extension du champ d'application du recours aux techniques spéciales d'enquête à tous les crimes, qui méconnaîtrait le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l'inviolabilité du domicile. Ils indiquent notamment qu'il résulterait de la jurisprudence constitutionnelle que seules des infractions complexes peuvent justifier le recours à ces techniques d'enquête. Ils critiquent enfin la possibilité pour le procureur de la République d'autoriser, en cas d'urgence, le recours à ces mesures pour une durée de vingt-quatre heures.

. En ce qui concerne les conditions du recours aux techniques spéciales d'enquête :

161. En premier lieu, les techniques spéciales d'enquête mentionnées ci-dessus désignent plusieurs mesures d'investigation : l'utilisation d'un dispositif technique permettant de recueillir les données de connexion d'un équipement terminal, les données relatives à sa localisation, mais également l'interception des correspondances émises ou reçues par cet équipement ; l'utilisation d'un dispositif technique, éventuellement installé dans un lieu privé, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles dans des lieux privés ou publics, ou l'image des personnes se trouvant dans un lieu privé ; l'utilisation d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques. Ces techniques présentent donc un caractère particulièrement intrusif.

162. En deuxième lieu, le législateur a prévu que le recours à ces techniques spéciales est autorisé, dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire, pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Or, si une infraction d'une particulière gravité et complexité est de nature à justifier le recours à de telles mesures, tel n'est pas nécessairement le cas d'infractions ne présentant pas ces caractères.

163. En troisième lieu, cette autorisation est délivrée, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention. Toutefois, si le juge des libertés et de la détention peut ordonner à tout moment l'interruption des techniques spéciales d'enquête, les dispositions légales ne prévoient pas qu'il peut accéder à l'ensemble des éléments de la procédure. Ainsi, alors que son autorisation est donnée pour une durée d'un mois, il n'a pas accès aux procès-verbaux réalisés dans le cadre de l'enquête en cours autres que ceux dressés en exécution de sa décision et n'est pas informé du déroulé de l'enquête en ce qui concerne les investigations autres que les actes accomplis en exécution de sa décision.

164. Il résulte de ce qui précède que le législateur a autorisé le recours à des techniques d'enquête particulièrement intrusives pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé.

165. Le législateur n'a donc pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l'inviolabilité du domicile. Les mots « à un crime ou » figurant au cinquième alinéa du 2 ° du paragraphe III de l'article 46 sont donc contraires à la Constitution.

166. Par ailleurs, en prévoyant que, en cas d'urgence, l'autorisation de recourir à une des techniques spéciales d'enquête précitées peut être délivrée par le procureur de la République et peut se poursuivre sans contrôle ni intervention d'un magistrat du siège pendant vingt-quatre heures, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances. Le quinzième alinéa du 2 ° du paragraphe III de l'article 46 est donc contraire à la Constitution.

. En ce qui concerne les données pouvant faire l'objet d'une captation informatique :

167. En autorisant, pour les nécessités d'une enquête ou d'une information relatives à une infraction relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées, le recours à des dispositifs techniques permettant d'accéder à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques, y compris non audiovisuels, le législateur n'a pas méconnu les exigences constitutionnelles précitées. Les mots « et, à la fin, le mot : « audiovisuels » est supprimé » figurant au a du 11 ° du paragraphe III de l'article 46 sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 47 :

168. L'article 47 modifie diverses dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des officiers et agents de police judiciaire. Le paragraphe I modifie l'article 16 du code de procédure pénale afin de prévoir que l'habilitation d'un officier de police judiciaire est valable pour toute la durée de ses fonctions, y compris en cas de changement d'affectation. Les paragraphes IV et V autorisent les agents de police judiciaire à procéder, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, à divers actes d'enquête. Le paragraphe VI permet aux officiers ou agents de police judiciaire de procéder à certaines réquisitions sans l'autorisation du procureur de la République. Le paragraphe VII autorise les agents de police judiciaire à effectuer, sur autorisation du procureur de la République, divers actes d'enquête.

169. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que l'existence d'une habilitation unique pour les officiers de police judiciaire, ainsi que l'extension des pouvoirs des officiers et agents de police judiciaire prévues par ces dispositions, contreviendraient à l'indépendance de l'autorité judiciaire et aux droits de la défense.

170. Les sénateurs auteurs de la dernière saisine contestent la possibilité pour les officiers de police judiciaire, et conséquemment pour les agents de police judiciaire, de procéder à des réquisitions sans autorisation du procureur de la République. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du principe selon lequel la police judiciaire est placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire en application de l'article 66 de la Constitution.

171. En premier lieu, en prévoyant que l'habilitation d'un officier de police judiciaire est délivrée par le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle intervient la première affectation du fonctionnaire et que cette habilitation n'a pas à être renouvelée en cas de changement d'affectation, le législateur n'a, dès lors qu'il a maintenu la possibilité pour l'autorité judiciaire de retirer ou de suspendre cette habilitation, pas méconnu l'article 66 de la Constitution. L'avant-dernier alinéa de l'article 16 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

172. En deuxième lieu, les paragraphes IV, V et VII étendent les pouvoirs des agents de police judiciaire en enquête de flagrance et en enquête préliminaire. D'une part, ils leur permettent notamment de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques en ayant recours à des personnes qualifiées, de requérir une telle personne afin de procéder à l'ouverture de scellés pour réaliser une copie de données informatiques et de requérir d'un organisme public ou de certaines personnes morales de droit privé la mise à disposition d'informations non protégées par un secret prévu par la loi, contenues dans un système informatique ou un traitement de données nominatives. Toutefois, ils ne peuvent effectuer ces actes que dans le cadre d'une enquête de flagrance et sous le contrôle d'un officier de police judiciaire. D'autre part, les agents sont également autorisés à effectuer divers autres actes. Ils peuvent notamment faire procéder à des opérations de prélèvements externes, à des constatations ou à des examens techniques et à diverses réquisitions. Toutefois, ces actes ne peuvent intervenir que sur autorisation du procureur de la République.

173. Dès lors, ces dispositions ne remettent pas en cause la direction et le contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire. Elles ne méconnaissent donc pas l'article 66 de la Constitution. Elles ne contreviennent pas non plus au droit au respect de la vie privée, ni à aucune autre exigence constitutionnelle. Les mots « ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire » figurant aux premier et dernier alinéas de l'article 60, à la première phrase du premier alinéa de l'article 60-1, au deuxième alinéa de l'article 60-2 et à la première phrase de l'article 60-3 du code de procédure pénale, les mots « ou, sous le contrôle de ce dernier, de l'agent de police judiciaire » figurant au premier alinéa de l'article 60-2 du code de procédure pénale, et les mots « ou l'agent » figurant au premier alinéa des articles 76-2 et 77-1, à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1, aux premier et deuxième alinéas de l'article 77-1-2 et à l'article 77-1-3 du code de procédure pénale, sont donc conformes à la Constitution.

174. En dernier lieu, le paragraphe VI de l'article 47 modifie l'article 77-1-1 du code de procédure pénale afin de permettre à un officier de police judiciaire ou à un agent de police judiciaire de requérir, sans autorisation du procureur de la République, tout organisme public de lui remettre des informations intéressant l'enquête sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Sans préjudice du régime spécial applicable aux personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, les mêmes pouvoirs leur sont reconnus lorsque la réquisition est adressée à toute autre personne, dès lors que son exécution donne lieu à des frais de justice d'un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire. En l'absence de réponse à la réquisition, il résulte de l'avant-dernier alinéa de l'article 77-1-1 dans sa rédaction en vigueur et de l'article 60-2 que le refus de répondre sans motif légitime à ces réquisitions est puni d'une amende de 3 750 euros.

175. Ces réquisitions pouvant porter sur toute information relative à la vie privée et être adressées à toutes personnes sans autorisation du procureur de la République, dans le cadre de l'enquête préliminaire, le législateur a méconnu l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l'article 66 de la Constitution. Le paragraphe VI de l'article 47 est donc contraire à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 48 :

176. L'article 48 modifie diverses dispositions relatives à la garde à vue. Le 2 ° de son paragraphe I modifie le dernier alinéa du paragraphe II de l'article 63 du code de procédure pénale afin de prévoir que le procureur de la République peut, dans le cadre de la flagrance, subordonner son autorisation de prolonger une garde à vue à la présentation de la personne. Le paragraphe III de l'article 48 modifie l'article 63-4-3-1 du code de procédure pénale afin de prévoir que l'avocat d'une personne gardée à vue n'est informé du transport de celle-ci que si cette dernière doit être entendue ou si elle doit participer à une opération de reconstitution ou à une séance d'identification des suspects dont elle fait partie. Le paragraphe IV prévoit des dispositions spécifiques lorsqu'une personne faisant l'objet d'une mesure de protection juridique est placée en garde à vue.

177. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que la suppression de la présentation obligatoire du gardé à vue au procureur de la République en cas de prolongation de la mesure au-delà de vingt-quatre heure, ainsi que la restriction de l'information de l'avocat en cas de transport du gardé à vue, violeraient l'indépendance de l'autorité judiciaire, les droits de la défense et la liberté individuelle. Les sénateurs auteurs des troisième et quatrième saisines contestent les mêmes dispositions. S'agissant des modalités de prolongation de la garde à vue, les premiers sénateurs nommés invoquent également une méconnaissance du principe de direction de la police judiciaire par l'autorité judiciaire. Les seconds sénateurs nommés considèrent que ces dispositions sont contraires à l'article 66 de la Constitution, aux droits de la défense et au droit au respect de la vie privée.

178. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent par ailleurs que l'existence d'un régime spécifique de garde à vue applicable aux majeurs protégés entraînerait une rupture d'égalité dès lors que les personnes non protégées, mais atteintes de troubles mentaux ou hors d'état de manifester leur volonté, ne disposeraient pas des garanties prévues par ce régime.

. En ce qui concerne la prolongation de la garde à vue :

179. L'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet.

180. D'une part, si les dispositions contestées suppriment le principe selon lequel le gardé à vue doit être présenté devant le procureur de la République avant que celui-ci autorise la prolongation de la garde à vue, elles prévoient toutefois que le procureur de la République peut toujours subordonner son autorisation de prolongation à la présentation de la personne devant lui. D'autre part, en application de l'article 62-3 du code de procédure pénale, le déroulement de la garde à vue demeure placé sous le contrôle du procureur de la République, à qui il appartient d'apprécier si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure, sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d'avoir commis. Par ailleurs, il lui incombe d'assurer la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue. Enfin, le procureur de la République peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté.

181. Dès lors, la première phrase du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 63 du code de procédure pénale ne méconnaît pas l'article 66 de la Constitution. Ces dispositions, qui ne méconnaissent par ailleurs ni les droits de la défense, ni le droit au respect de la vie privée, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne l'information de l'avocat d'une personne gardée à vue :

182. Les modifications apportées à l'article 63-4-3-1 du code de procédure pénale maintiennent l'obligation pour les enquêteurs d'informer sans délai l'avocat d'une personne gardée à vue lorsque celle-ci est transportée sur un lieu où elle doit être entendue. Par ailleurs, dans les cas où cette obligation d'information n'est pas prévue, les enquêteurs ne peuvent, à l'occasion de ce transport, ni interroger le gardé à vue ni recueillir ses déclarations. Dès lors, les mots « où elle doit être entendue ou faire l'objet d'un des actes prévus à l'article 61-3 » figurant à l'article 63-4-3-1 du code de procédure pénale, ne méconnaissent pas les droits de la défense. Ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne le régime de garde à vue des majeurs protégés :

183. L'article 706-112-1 du code de procédure pénale, créé par le paragraphe IV de l'article 48, prévoit que, lorsqu'une personne gardée à vue fait l'objet d'une mesure de protection juridique, son tuteur ou curateur doit en être avisé. Si la personne gardée à vue n'est pas assistée d'un avocat ou n'a pas fait l'objet d'un examen médical, le tuteur ou le curateur peut demander la désignation d'un avocat ou la réalisation d'un examen médical.

184. En ne prévoyant pas un tel régime pour des personnes ne bénéficiant pas d'une protection juridique, le législateur a traité différemment des personnes placées dans des situations différentes. Dès lors, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi doit être écarté. Les mots « fait l'objet d'une mesure de protection juridique » figurant au premier alinéa de l'article 706-112-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions des articles 49 et 109 :

185. L'article 49 procède à divers accroissements des pouvoirs des enquêteurs. Son paragraphe I modifie l'article 53 du code de procédure pénale afin d'allonger le délai initial de l'enquête de flagrance en cas d'enquête portant sur un crime ou une infraction relevant de la criminalité organisée et afin d'étendre la liste des infractions pouvant justifier une prolongation de cette enquête. Le 2 ° de son paragraphe II modifie l'article 76 du même code afin d'élargir les cas dans lesquels, dans le cadre d'une enquête préliminaire, il peut être procédé à une perquisition et à des saisies sans l'assentiment de la personne chez laquelle l'opération a lieu. Son paragraphe III modifie l'article 78 du même code afin de permettre aux enquêteurs en enquête préliminaire de pénétrer dans un domicile aux fins de comparution d'une personne. Son paragraphe V crée un article 802-2 afin de permettre à une personne ayant fait l'objet d'une perquisition ou d'une visite domiciliaire et qui n'a pas été poursuivie devant une juridiction d'instruction ou de jugement de saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande d'annulation de cette mesure.

186. Le paragraphe XII de l'article 109 détermine les modalités d'entrée en vigueur du paragraphe V de l'article 49. Il prévoit que ces dispositions s'appliquent uniquement aux perquisitions et visites domiciliaires intervenues à compter du lendemain de la publication de la loi.

187. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que les extensions apportées à l'enquête de flagrance contreviendraient à l'exigence d'un contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire, ainsi qu'aux droits de la défense. Ils considèrent également que l'élargissement du champ des perquisitions sans assentiment et la possibilité de pénétrer dans un domicile pour interpeller une personne dans le cadre d'une enquête préliminaire méconnaissent les droits de la défense.

188. Les sénateurs auteurs de la dernière saisine contestent également les assouplissements apportés à l'enquête de flagrance et l'élargissement du champ des perquisitions sans assentiment en enquête préliminaire, qui seraient contraires au droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile. Ils estiment par ailleurs que le recours créé afin de contester une perquisition ou une visite domiciliaire contreviendrait au principe d'impartialité des juridictions, dès lors qu'un juge des libertés et de la détention pourrait être amené à juger de la légalité d'un acte qu'il a lui-même autorisé. En outre, les dispositions relatives à l'entrée en vigueur de ce recours seraient contraires au principe d'égalité devant la loi dès lors qu'elles traiteraient différemment les personnes selon qu'elles ont subi une perquisition ou une visite domiciliaire avant ou après l'entrée en vigueur de la loi déférée.

. En ce qui concerne la durée de l'enquête de flagrance :

189. En application des dispositions contestées, le législateur a, d'une part, pour les crimes et les infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, porté le délai de l'enquête de flagrance de huit jours, renouvelable une fois sur autorisation du procureur de la République et à la condition que des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne puissent être différées, à un délai initial de seize jours, non renouvelable. D'autre part, il a permis que, pour toutes les infractions punies de trois ans d'emprisonnement, l'enquête de flagrance puisse être prolongée de huit à seize jours sous les conditions précitées.

190. Or, lors d'une enquête de flagrance, les officiers et agents de police judiciaire peuvent procéder d'initiative à l'arrestation de l'auteur présumé de l'infraction. L'officier de police judiciaire peut également procéder à des perquisitions et à des saisies sans l'assentiment de l'intéressé et sans autorisation judiciaire, quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue. Enfin, l'officier de police judiciaire peut, sans autorisation judiciaire, procéder à de nombreux actes qui, lors d'une enquête préliminaire, nécessiteraient l'accord du procureur de la République. Il en est ainsi, notamment, des opérations de prélèvements externes sur toute personne susceptible de fournir des renseignements ou soupçonnée, de la possibilité de recourir à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, de la possibilité de requérir toute personne ou tout établissement ou organisme public ou privé aux fins de communication de documents ou d'informations contenues dans un système informatique.

191. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des pouvoirs attribués aux enquêteurs en flagrance, lesquels ne sont justifiés que par la proximité avec la commission de l'infraction, le législateur n'a, en adoptant les dispositions contestées, pas prévu des garanties légales de nature à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile. Dès lors, le paragraphe I de l'article 49 est contraire à la Constitution.

. En ce qui concerne les perquisitions sans assentiment dans le cadre d'une enquête préliminaire :

192. L'article 76 du code de procédure pénale permet aux enquêteurs de procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. Toutefois, ces actes d'investigation ne peuvent intervenir que sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance à la suite d'une requête du procureur de la République. Cette autorisation est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Enfin, les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.

193. Dès lors, en prévoyant que ces dispositions peuvent s'appliquer pour toute enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à trois ans, le législateur n'a pas opéré une conciliation déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile. Le mot « trois » figurant à la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 76 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît pas non plus les droits de la défense ni aucune autre exigence constitutionnelle, est donc conforme à la Constitution.

. En ce qui concerne la pénétration dans un domicile aux fins d'exécution d'un ordre de comparaître :

194. Les dispositions contestées de l'article 78 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République d'autoriser les agents chargés de procéder à la comparution d'une personne à pénétrer dans un domicile après six heures et avant vingt-et-une heures. Or, d'une part, cette autorisation peut être délivrée à l'encontre de toute personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou tout délit puni d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement. D'autre part, elle peut être délivrée non seulement si cette personne n'a pas répondu à une convocation à comparaître ou en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions ou de concertation, mais également en l'absence de convocation préalable si on peut craindre que la personne ne réponde pas à une telle convocation. Enfin, elle autorise les enquêteurs à pénétrer de force dans tout domicile où la personne soupçonnée est susceptible de se trouver, y compris s'il s'agit du domicile de tiers.

195. Dès lors, compte tenu du champ de l'autorisation contestée et de l'absence d'autorisation d'un magistrat du siège, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et le droit à l'inviolabilité du domicile. Le paragraphe III de l'article 49 est contraire à la Constitution.

. En ce qui concerne le recours à l'encontre d'une décision de perquisition ou de visite domiciliaire :

196. Les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles.

197. En premier lieu, en application de l'article 802-2 du code de procédure pénale créé par le paragraphe V de l'article 49, toute personne ayant fait l'objet d'une perquisition ou d'une visite domiciliaire en application des dispositions du code de procédure pénale et qui n'a pas été poursuivie devant une juridiction d'instruction ou de jugement au plus tôt six mois après l'accomplissement de cet acte peut saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande tendant à son annulation. Or, conformément aux articles 76, 706-89 et 706-90 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut être saisi aux fins d'autoriser une perquisition ou une visite domiciliaire.

198. Toutefois, lorsque la décision contestée en application de l'article 802-2 a été ordonnée par un juge des libertés et de la détention, ce juge ne saurait, sans méconnaître le principe d'impartialité, statuer sur la demande tendant à l'annulation de sa décision.

199. Ainsi, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les mots « juge des libertés et de la détention » figurant au premier alinéa de l'article 802-2 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas le principe d'impartialité des juridictions. Ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont, sous cette réserve, conformes à la Constitution.

200. En second lieu, en prévoyant que les dispositions de l'article 802-2 du code de procédure pénale s'appliquent uniquement aux perquisitions et visites domiciliaires intervenues à compter du lendemain de la publication de la loi déférée, le législateur a instauré une différence de traitement qui repose sur une différence de situation et est en rapport avec l'objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. Le paragraphe XII de l'article 109, qui ne contrevient à aucune autre exigence constitutionnelle, est donc conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 50 :

201. Le paragraphe II de l'article 50 prévoit que, à titre expérimental, il peut être procédé à l'enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités prévoyant, pour les personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue, la notification de leurs droits.

202. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions méconnaissent les droits de la défense.

203. L'enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités de notification des droits lors du placement en garde à vue dispense les enquêteurs de constater par procès-verbal, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, le respect de ces formalités. Toutefois, le législateur a prévu que l'enregistrement doit être conservé dans des conditions sécurisées, exigence qui s'étend aux informations nécessaires à l'identification de l'enquêteur, et que, en cas de contestation, il pourra être consulté sur simple demande.

204. Dès lors, le, paragraphe II de l'article 50 ne méconnaît pas les droits de la défense. Ce paragraphe, qui ne méconnaît par ailleurs aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 51 :

205. L'article 51 comporte diverses mesures de simplification de procédure pénale. Son paragraphe III modifie l'article 60 du code de procédure pénale afin de prévoir que certaines personnes qualifiées auxquelles a recours un officier de police judiciaire peuvent replacer sous scellés les objets examinés et placer sous scellés les objets résultant de leurs examens. Le b du 1 ° et le b du 4 ° de son paragraphe IV modifient le code de la route afin d'autoriser l'officier ou l'agent de police judiciaire à requérir certaines personnes pour effectuer une prise de sang afin d'établir l'état alcoolique d'un conducteur ou l'usage par celui-ci de stupéfiants.

206. Les députés auteurs de la deuxième saisine contestent les dispositions de l'article 51 en ce qu'elles permettent à des personnes autres que des officiers ou agents de police judiciaire d'effectuer des actes d'enquête. Selon eux, elles méconnaîtraient le principe d'indépendance de la justice et les droits de la défense.

207. En premier lieu, les personnes autorisées en application des dispositions contestées à placer sous scellés certains objets sont celles désignées par un officier de police judiciaire pour procéder à des examens techniques ou scientifiques. Sauf si elles sont inscrites sur une des listes des experts, ces personnes prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Dès lors, la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 60 du code de procédure pénale ne méconnaît ni les droits de la défense, ni aucune autre exigence constitutionnelle. Elle est conforme à la Constitution.

208. En second lieu, en autorisant que soient requis dans le cadre d'une enquête un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang aux fins d'établir la consommation d'alcool ou la prise de produits stupéfiants d'un conducteur, le législateur n'a méconnu ni les droits de la défense ni aucune autre exigence constitutionnelle. La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 234-4 et la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article L. 235-2 du code de la route sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 53 :

209. L'article 53 modifie le code de procédure pénale afin notamment d'y insérer un article 80-5 permettant, sur autorisation du procureur de la République, la poursuite de certains actes d'enquête postérieurement à l'ouverture d'une information judiciaire.

210. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions de méconnaître le droit au respect de la vie privée, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine soutiennent, quant à eux, qu'elles méconnaissent la liberté individuelle. Les sénateurs auteurs de la dernière saisine invoquent également la liberté individuelle, ainsi que l'article 9 de la Déclaration de 1789, qui prohibe « toute rigueur qui ne serait pas nécessaire ».

211. En application du premier alinéa du nouvel article 80-5 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, lorsqu'il requiert l'ouverture d'une information judiciaire, autoriser les officiers et agents de police judiciaire des services ou unités de police judiciaire qui étaient chargés de l'enquête à poursuivre, sous certaines conditions, les opérations prévues aux articles 60-4, 77-1-4, 230-32 à 230-35, 706-80, 706-81, 706-95-1, 706-95-20, 706-96 et 706-102-1 du même code pendant une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. Les opérations susceptibles d'être ainsi prolongées sont : l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques ; la géolocalisation ; la surveillance ; l'infiltration ; l'accès à distance et à l'insu de la personne visée aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique ; l'utilisation d'un appareil ou d'un dispositif technique permettant de recueillir les données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation de cet équipement terminal ; la sonorisation et la fixation d'images de lieux privés ; la captation de données informatiques.

212. En premier lieu, les dispositions contestées visent à éviter que certains actes d'enquête soient interrompus du seul fait de l'ouverture d'une information judiciaire. Elles poursuivent ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions.

213. En second lieu, la prolongation de ces actes d'enquête ne peut être autorisée par le procureur de la République, pour une durée maximale de quarante-huit heures à compter de l'ouverture de l'information, que si la recherche de la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement nécessite que les investigations en cours ne fassent l'objet d'aucune interruption. Cette autorisation doit faire l'objet d'une décision écrite, spéciale et motivée, qui mentionne les actes dont la poursuite est ainsi permise. En outre, le juge d'instruction peut à tout moment mettre un terme à ces opérations.

214. Toutefois, pour les actes d'enquête qui sont subordonnés à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la prolongation permise par les dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, conduire à excéder la durée initialement fixée par le juge des libertés et de la détention. Sous cette réserve, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles en cause.

215. Par conséquent, le premier alinéa de l'article 80-5 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît ni la liberté individuelle, ni les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 54 :

216. L'article 54 modifie certaines dispositions du régime juridique des scellés judiciaires, de l'assignation à résidence avec surveillance électronique et du recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle en matière de détention provisoire.

. En ce qui concerne les dispositions relatives aux scellés judiciaires :

217. Le paragraphe II de l'article 54 modifie la seconde phrase du sixième alinéa de l'article 97 du code de procédure pénale afin d'autoriser dans certains cas le juge d'instruction à ouvrir et reconstituer un scellé en dehors de la présence de la personne mise en examen.

218. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, en permettant l'ouverture des scellés en dehors de la présence de la personne mise en examen ou de son avocat, ces dispositions méconnaîtraient manifestement les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

219. D'une part, la faculté offerte au juge d'instruction d'ouvrir et de reconstituer un scellé hors la présence de la personne mise en examen est limitée aux cas où ni cette ouverture, ni cette reconstitution n'exigent qu'elle soit interrogée sur le contenu du scellé.

220. D'autre part, si ces opérations peuvent se dérouler en dehors de la présence de la personne mise en cause, son avocat doit être convoqué pour y assister. En outre, le juge d'instruction doit se faire assister par son greffier.

221. Il résulte de ce qui précède que ni les droits de la défense ni le droit à un procès équitable ne sont méconnus. La seconde phrase du sixième alinéa de l'article 97 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

. En ce qui concerne les dispositions relatives aux assignations à résidence avec surveillance électronique :

Quant aux conditions de placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique :

222. Le paragraphe VI de l'article 54 modifie l'article 142-6 du code de procédure pénale qui détermine les modalités selon lesquelles une assignation à résidence avec surveillance électronique est décidée par le juge. En particulier, le deuxième alinéa de son 2 ° permet qu'une telle mesure soit décidée, sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne placée en détention provisoire ou de son avocat, lorsque le juge ordonne une mise en liberté d'office.

223. Pour les députés auteurs de la deuxième saisine, en supprimant l'exigence d'un débat contradictoire devant le juge qui décide d'une assignation à résidence avec surveillance électronique en même temps qu'il ordonne la mise en liberté d'office d'une personne placée en détention provisoire, les dispositions contestées porteraient atteinte aux droits de la défense.

224. D'une part, aux termes de l'article 144 du code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs énoncés par cet article pour la protection de l'ordre public et des personnes ou la manifestation de la vérité et qu'une autre mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ne saurait y pourvoir. Dès lors, le placement sous une telle assignation décidée en même temps que la mise en liberté d'office d'une personne placée en détention provisoire vise à faire bénéficier l'intéressé d'une mesure que le législateur a estimée moins rigoureuse.

225. D'autre part, si, faute de débat contradictoire à l'occasion de la décision de libération d'office, la personne contre laquelle la mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique est prononcée ne peut présenter ses moyens de défense pour éviter d'y être soumise ou solliciter à la place une mesure de contrôle judiciaire, elle peut en revanche en demander la mainlevée à tout moment en vertu des articles 140 et 142-12 du code de procédure pénale.

226. Il résulte de ce qui précède que les mots « ou décidant d'une mise en liberté d'office » figurant au deuxième alinéa de l'article 142-6 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense. Ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

Quant à la durée et aux modalités de renouvellement de la mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique :

227. Le paragraphe VII de l'article 54 modifie l'article 142-7 du code de procédure pénale relatif à la durée maximale de la mesure et aux modalités de son renouvellement.

228. Pour les députés auteurs de la deuxième saisine, ces dispositions porteraient atteinte aux droits de la défense en prévoyant que, lorsque la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises est maintenue ou demeure sous assignation à résidence avec surveillance électronique, le juge est dispensé de l'obligation de prévoir le renouvellement de la mesure tous les six mois et qu'il peut en conséquence la prononcer pour une durée totale de deux ans. Il résulterait également de la durée maximale de deux ans retenue par le législateur une atteinte au droit au respect de la vie privée et au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

229. En maintenant sous assignation à résidence avec surveillance électronique une personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises, le juge entend s'assurer de sa représentation en vue du jugement ou éviter certains troubles. Cette justification de la mesure est susceptible de se prolonger tout le temps restant à courir jusqu'au jugement. Par ailleurs, l'article 142-7 du code de procédure pénale prévoit que la durée de la mesure décidée par le juge ne peut dépasser deux ans et qu'il doit être tenu compte du temps déjà passé sous l'empire d'une telle assignation à résidence pendant l'instruction. Enfin, l'intéressé peut à tout moment demander la mainlevée de la mesure.

230. Il résulte de ce qui précède que le dernier alinéa de l'article 142-7 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les droits de la défense. Ces dispositions qui ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée ou le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne les dispositions relatives au recours à la visio-conférence en matière pénale :

231. Le paragraphe X de l'article 54 modifie l'article 706-71 du code de procédure pénale qui fixe les conditions de recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle dans le cadre d'une procédure pénale.

232. Les députés auteurs de la deuxième saisine et les sénateurs auteurs des troisième et quatrième saisines reprochent à ces dispositions de supprimer la possibilité offerte à la personne placée en détention provisoire de s'opposer à l'utilisation de tels moyens de télécommunication audiovisuelle lorsqu'il s'agit d'un débat au cours duquel il doit être statué sur la prolongation de la mesure. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du droit à un recours juridictionnel effectif.

233. En supprimant l'obligation de l'accord de l'intéressé pour le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle s'agissant des débats relatifs à la prolongation d'une mesure de détention provisoire, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, en évitant les difficultés et les coûts occasionnés par l'extraction de la personne placée en détention provisoire.

234. Toutefois, le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle peut être imposé à l'intéressé lorsqu'il doit être entendu en vue de la prolongation de sa détention, y compris lorsque ce recours n'est pas justifié par des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion. Dès lors, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d'une procédure de détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, le 3 ° du paragraphe X de l'article 54 est donc contraire à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 56 :

235. L'article 56 modifie le régime juridique de l'information judiciaire.

. En ce qui concerne les dispositions relatives à la clôture de l'information judiciaire :

Quant à certaines dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale :

236. Le paragraphe II de l'article 56 donne une nouvelle rédaction à l'article 175 du code de procédure pénale qui fixe le régime juridique des ordonnances de règlement rendues par le juge d'instruction à la fin de l'information judiciaire. En vertu du paragraphe III de cet article 175, dans les quinze jours à compter de l'envoi aux parties de l'avis de fin d'information, celles-ci peuvent faire connaître au juge d'instruction qu'elles souhaitent lui adresser des observations, formuler des demandes ou présenter des requêtes. À défaut, elles ne sont plus recevables à exercer ces droits ni, en vertu du paragraphe VI du même article, à adresser au juge d'instruction de nouvelles observations sur les réquisitions motivées déposées par le procureur de la République.

237. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine, rejoints par les députés auteurs de la deuxième saisine, critiquent comme contraire aux droits de la défense et au droit à un procès équitable la restriction apportée par ces dispositions au droit des parties de formuler des demandes ou de présenter des observations relatives à l'avis de fin d'information judiciaire. Les députés auteurs de la deuxième saisine contestent également l'intelligibilité de ces dispositions.

238. D'une part, en imposant aux parties un délai de quinze jours après l'envoi de l'avis de fin d'information pour décider si elles entendent présenter des observations sur cet avis et formuler ou présenter des demandes ou des requêtes, le législateur a entendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, permettre un règlement plus rapide de l'information judiciaire qui ne puisse être remis en cause par l'exercice tardif de ses droits par une partie.

239. D'autre part, une fois que la partie a fait connaître son intention d'exercer ses droits, elle dispose pour ce faire, en vertu du dernier alinéa du paragraphe III de l'article 175, d'un délai d'un mois, si une personne mise en examen est placée en détention, ou de trois mois, dans les autres cas.

240. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit au procès équitable doivent être écartés. Les mots « soit de l'envoi de l'avis prévu au I du présent article » figurant au paragraphe III de l'article 175 du code de procédure pénale, qui ne sont pas inintelligibles et qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

Quant à certaines dispositions de l'article 180-1 du code de procédure pénale :

241. Les députés auteurs de la deuxième saisine dénoncent l'insuffisance des garanties de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et le fait que l'article 56 de la loi déférée favoriserait le recours à une telle procédure. Toutefois, le paragraphe IV de l'article 56 n'a pas pour effet d'instaurer la possibilité pour le procureur de la République de proposer au juge d'instruction un renvoi de l'affaire aux fins de la mise en œuvre d'une telle procédure, laquelle résulte de la rédaction en vigueur de l'article 180-1 du code de procédure pénale. Les dispositions contestées se bornent à préciser les conditions dans lesquelles cette proposition est formulée. Le grief manque donc en fait et doit être écarté. Le dernier alinéa de l'article 180-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

. En ce qui concerne les dispositions relatives aux pouvoirs conférés au président de la chambre de l'instruction :

242. Les paragraphes XII et XIII de l'article 56 donnent compétence au président de la chambre de l'instruction pour statuer sur certains contentieux relatifs à la restitution d'objets placés sous main de justice, à la saisie de biens ou droits incorporels ou à des demandes de rectification de l'état civil. Son paragraphe XIV lui donne également compétence pour statuer à juge unique sur les requêtes en annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure déposées au cours de l'information judiciaire lorsque la solution paraît s'imposer de façon manifeste.

243. Les députés auteurs de la deuxième saisine estiment que l'amoindrissement du contrôle de la chambre d'instruction sur l'information judiciaire qui résulterait du fait qu'elle statue à juge unique méconnaîtrait les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

244. Toutefois, les modalités de composition des formations de jugement sont sans effet sur l'obligation de respecter les droits de la défense. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de ces droits doit être écarté. Il en va de même de celui tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable. Les mots « au président de la chambre de l'instruction ou » figurant au deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, à la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 99 du même code, à la première phrase du deuxième alinéa de l'article 706-153 du même code et à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 778 du même code, les mots « le président de la chambre de l'instruction ou » figurant à la troisième phrase de l'article 41-6 du même code, ainsi que le premier alinéa de l'article 170-1 du même code, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 58 :

245. L'article 58 étend le champ d'application de l'amende forfaitaire délictuelle.

246. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine et les sénateurs auteurs de la quatrième saisine, il résulterait du caractère forfaitaire de l'amende une violation du principe d'individualisation des peines. En outre, la faculté conférée aux agents verbalisateurs d'établir ces amendes sans en référer au procureur de la République méconnaîtrait le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement et le principe de séparation des pouvoirs. Enfin, les députés auteurs de la deuxième saisine dénoncent également la rupture d'égalité devant les charges publiques qui résulterait du caractère forfaitaire de l'amende.

. En ce qui concerne les conditions d'extinction de l'action publique dans le cadre de l'amende forfaitaire délictuelle :

247. La conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine. En l'espèce, le 1 ° du paragraphe V de l'article 58 modifie le premier alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale, lequel prévoit que l'action publique peut être éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire délictuelle établie par un agent verbalisateur.

248. En premier lieu, l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance de l'ensemble des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative.

249. L'agent qui établit l'amende forfaitaire agit, en vertu des articles 12 et 39-3 du code de procédure pénale, sous la direction du procureur de la République et conformément aux instructions générales ou particulières qu'il lui délivre. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs doit être écarté.

250. En second lieu, il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant aux conditions d'extinction de l'action publique.

251. Les dispositions contestées ont pour conséquence que, selon le choix de poursuite de l'infraction par le biais d'une amende forfaitaire ou d'une autre voie de poursuite pouvant le cas échéant mener à une condamnation à une peine d'emprisonnement, l'action publique relative à la commission d'un délit sera éteinte ou non, par le seul paiement de l'amende, sans l'intervention d'une autorité juridictionnelle.

252. Si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à de tels modes d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d'amendes de faible montant. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, s'appliquer à des délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans. Sous cette réserve, et dès lors que le législateur a prévu que le montant de l'amende forfaitaire délictuelle ne saurait excéder le plafond des amendes contraventionnelles, le grief tiré de la méconnaissance de ce dernier principe doit être écarté.

253. Il résulte de tout ce qui précède que les mots « l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire délictuelle fixée par la loi, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l'article 131-13 du code pénal » figurant au premier alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale qui ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant les charges publiques, le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement, ni aucune autre exigence constitutionnelle sont, sous la réserve énoncée au paragraphe 252, conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne le caractère forfaitaire de l'amende et l'instauration d'un montant minimum de peine d'amende :

254. La conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine. En l'espèce, le 4 ° du paragraphe V de l'article 58 a pour objet de modifier l'article 495-21 du code de procédure pénale, lequel fixe les conditions dans lesquelles le pouvoir d'appréciation du juge sur la peine est lié par le fait que, préalablement au jugement, le délit a fait l'objet d'une amende forfaitaire.

Quant au principe d'égalité devant la justice :

255. En vertu des articles 495-18 et 495-19 du code de procédure pénale, la personne qui fait l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle peut déposer une requête tendant à son exonération. À défaut d'un tel dépôt et à défaut de paiement de l'amende, cette dernière est majorée et recouvrée en vertu d'un titre rendu exécutoire par le procureur de la République. La personne peut alors former une réclamation auprès du ministère public, qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire. Le procureur de la République dûment saisi d'une requête en exonération ou d'une réclamation peut décider d'y faire droit ou de poursuivre la personne selon d'autres voies procédurales.

256. Les deuxième et troisième alinéas de l'article 495-21 du code de procédure pénale prévoient que, lorsqu'au terme de cette procédure, la personne est condamnée pour l'infraction ayant donné lieu initialement à l'amende forfaitaire, l'amende prononcée ne peut être inférieure au montant de l'amende forfaitaire dans le cas où elle a déposé une requête en exonération ou au montant de l'amende forfaitaire majorée dans le cas où elle a formé une réclamation, le cas échéant augmentée d'un taux de 10 %. Si, en vertu du quatrième alinéa du même article, le tribunal peut, à titre exceptionnel, par décision spécialement motivée au regard des charges et des revenus de la personne, ne pas prononcer d'amende ou prononcer une amende d'un montant inférieur aux montants précités, en revanche, il ne peut tenir compte d'autres circonstances propres à chaque espèce et notamment de la gravité des faits.

257. En imposant des montants minimums pour les amendes prononcées par le juge lorsque le délit poursuivi a fait l'objet à l'origine d'une procédure d'amende forfaitaire, le législateur a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective de certains délits, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestations dilatoires.

258. Toutefois, il résulte de ces dispositions que deux personnes ayant commis la même infraction sont susceptibles d'être soumises à une règle différente quant au minimum de la peine d'amende applicable selon que l'autorité de poursuite aura choisi de prononcer une amende forfaitaire, qui a pour conséquence d'imposer un tel minimum, ou qu'elle aura choisi une autre voie de poursuite, qui laisse le juge libre de fixer la peine en considération des circonstances propres à chaque espèce. Cette différence de traitement est d'autant plus importante que le montant de l'amende forfaitaire est élevé. Dès lors, les deuxième et troisième alinéas de l'article 495-21 du code de procédure pénale ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi pénale, s'appliquer à des délits dont le montant de l'amende forfaitaire est supérieur à la moitié du plafond prévu en matière d'amendes forfaitaires délictuelles par le premier alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale.

Quant à la méconnaissance du principe d'individualisation des peines :

259. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ... ». Le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique qu'en cas d'opposition valablement formée dans le cadre d'une procédure d'amende forfaitaire, la peine d'amende ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, et que son montant soit fixé en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions.

260. En premier lieu, pour les raisons énoncées au paragraphe 257, l'instauration d'un montant minimum des peines d'amendes prononcées par le juge, lorsqu'à l'origine l'infraction poursuivie a fait l'objet d'une amende forfaitaire, est justifiée par l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective de certains délits.

261. En deuxième lieu, compte tenu de la réserve formulée au paragraphe 258, le minimum d'amende encourue ne peut être supérieur à la moitié du plafond des amendes contraventionnelles.

262. En troisième lieu, ces dispositions laissent au juge le soin de fixer la peine dans les limites, d'une part, de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée et, d'autre part, du maximum de l'amende encourue. En outre, elles n'interdisent pas à la juridiction de faire usage d'autres dispositions d'individualisation de la peine lui permettant de prononcer les peines et de fixer leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Ainsi, en vertu de l'article 132-17 du code pénal, la juridiction peut ne prononcer que l'une des peines encourues. Elle peut également, en vertu du dernier alinéa de l'article 495-21 du code de procédure pénale, à titre exceptionnel, par décision spécialement motivée au regard des charges et des revenus de la personne, ne pas prononcer d'amende ou prononcer une amende d'un montant inférieur.

263. En dernier lieu, le caractère forfaitaire de l'amende payée, sans contestation, par la personne à laquelle l'infraction est reprochée ne méconnaît pas, par lui-même, le principe d'individualisation des peines.

264. Sous la réserve énoncée au paragraphe 258, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines doit être écarté.

265. Il résulte de tout ce qui précède que les deuxième et troisième alinéas de l'article 495-21 du code de procédure pénale qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle sont, sous la même réserve, conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 59 :

266. L'article 59 modifie le régime juridique applicable à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

. En ce qui concerne la suppression de l'homologation de certaines compositions pénales par le juge :

267. Le c du 3 ° du paragraphe I de l'article 59 modifie le vingt-septième alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale pour prévoir que n'a pas à être soumise à la validation d'un juge la proposition de composition pénale relative à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à trois ans et qui porte soit sur une amende de composition qui n'excède pas le plafond contraventionnel, soit sur une mesure de remise d'une chose dont la valeur n'excède pas ce montant.

268. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine et les sénateurs auteurs de la quatrième saisine, la suppression de la validation par un juge de la composition pénale proposée par le procureur de la République à l'auteur d'un délit contreviendrait aux principes de séparation des autorités de poursuite et de jugement et de séparation des pouvoirs.

269. D'une part, si en vertu de la garantie des droits et du principe de la séparation des pouvoirs proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789, lorsque l'action publique a été mise en mouvement, l'homologation d'une transaction est du seul ressort d'un magistrat du siège, l'article 41-2 du code de procédure pénale exclut qu'une proposition de composition pénale puisse être formulée si l'action publique a déjà été mise en mouvement.

270. D'autre part, en vertu du trentième alinéa de l'article 41-2, l'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Dès lors, la suppression de la validation par un juge de la proposition de composition pénale formulée par le procureur de la République a pour conséquence de rendre possible, sur la seule décision de l'autorité de poursuite et avec l'accord de l'auteur du délit, l'extinction de l'action publique par l'exécution de cette composition. Toutefois, le législateur a limité le recours à une telle procédure de composition pénale sans validation d'un juge aux seuls délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à trois ans et aux propositions de peine portant soit sur une amende de composition n'excédant pas le plafond des amendes contraventionnelles, soit sur la remise d'une chose dont la valeur ne dépasse pas ce même montant. Compte tenu des seuils ainsi retenus, qui satisfont à l'exigence énoncée au paragraphe 252, et qui ne sauraient être aggravés, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice. Elles ne méconnaissent pas non plus celui de séparation des autorités de poursuite et de jugement.

271. La dernière phrase du vingt-septième alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale qui ne méconnaît pas non plus le principe de séparation des pouvoirs ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

. En ce qui concerne l'extension du champ d'application de la procédure de composition pénale aux infractions commises par des personnes morales :

272. Le 4 ° du paragraphe I de l'article 59 crée un nouvel article 41-3-1 A du code de procédure pénale qui rend applicables aux personnes morales les procédures de composition pénale portant sur une amende de composition et l'indemnisation de la victime.

273. Si les députés auteurs de la deuxième saisine dénoncent le fait que cette extension contreviendrait, par l'affaiblissement de la répression qui en résulterait, à l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, le grief manque en fait dans la mesure où l'extension du champ d'application de la procédure de composition pénale contestée n'a pas d'incidence sur la possibilité de poursuivre les délits réprimant la fraude fiscale devant une juridiction de jugement. Le premier alinéa de l'article 41-3-1 A du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

. En ce qui concerne l'aggravation des peines d'emprisonnement susceptibles d'être proposées dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité :

274. Le a du 5 ° du paragraphe I de l'article 59 modifie la première phrase du deuxième alinéa de l'article 495-8 du code de procédure pénale, afin de prévoir que la durée de la peine d'emprisonnement susceptible d'être proposée dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité peut s'élever jusqu'à trois ans.

275. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, dans la mesure où les magistrats du parquet ne présenteraient pas les mêmes garanties d'indépendance que les magistrats du siège, cette élévation de la sévérité de la peine d'emprisonnement susceptible d'être proposée dans le cadre d'une telle procédure méconnaîtrait le droit à un procès équitable, le principe d'individualisation des peines et le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement.

276. Toutefois, les dispositions contestées se bornent à élever à trois ans le quantum des peines d'emprisonnement susceptibles d'être proposées dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles ne remettent pas en cause les garanties prévues par le législateur dans le cadre de cette procédure, que le Conseil constitutionnel a jugée conforme à la Constitution dans sa décision du 2 mars 2004 mentionnée ci-dessus. Par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doivent être écartés. Les mots « trois ans » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l'article 495-8 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont donc conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 60 :

277. L'article 60 est relatif aux procédures de comparution devant le tribunal correctionnel.

. En ce qui concerne le regroupement de poursuites à une même audience :

278. Le paragraphe IV de l'article 60 modifie l'article 393 du code de procédure pénale afin de prévoir que, lorsque le procureur de la République envisage de poursuivre une personne et de la convoquer par procès-verbal devant le tribunal correctionnel ou de la faire comparaître immédiatement, il peut décider de fixer à la même audience, afin qu'elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites pour lesquelles la personne a été renvoyée devant ce même tribunal.

279. Les députés auteurs de la deuxième saisine dénoncent l'atteinte portée par ces dispositions aux droits de la défense et au droit à un procès équitable.

280. Toutefois, en premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, éviter la multiplication des audiences relatives à une même personne pour des poursuites différentes.

281. En deuxième lieu, en dépit du regroupement des différentes poursuites au sein de la même audience, chaque affaire peut faire l'objet d'un examen distinct.

282. En dernier lieu, d'une part, en dehors du cas d'une comparution immédiate, les dispositions contestées prévoient que la décision de regroupement ne peut intervenir moins de dix jours avant la date de l'audience, ce qui offre au prévenu un délai pour achever la préparation de sa défense. Si, dans le cas d'une comparution immédiate, ce regroupement peut avoir pour effet de diminuer le temps restant à courir avant la date des audiences initialement prévues pour chacune des poursuites, l'article 397-1 du code de procédure pénale prévoit que le prévenu qui ne consent pas à être jugé séance tenante peut obtenir du tribunal le renvoi à une prochaine audience, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines ou, si l'une des peines encourues est supérieure à sept ans d'emprisonnement, deux mois. Un tel renvoi est de nature à permettre à l'intéressé de préparer sa défense, sur chacune des affaires objets du regroupement.

283. D'autre part, en application de l'article 397-6 du code de procédure pénale, le regroupement ne peut concerner des délits exclus du champ des procédures prévues aux articles 394 à 396 du même code. En outre, en cas de comparution immédiate, ne peuvent être regroupées les autres poursuites relatives à des délits insusceptibles, en vertu de l'article 395 du même code, de faire l'objet d'une telle procédure.

284. Toutefois, dans le cas d'une telle comparution immédiate, ce regroupement peut avoir pour effet de diminuer le temps restant à courir avant la date des audiences initialement prévues pour chacune des poursuites faisant l'objet de ce regroupement. Si le prévenu peut, en vertu de l'article 397-1 du code de procédure pénale, refuser d'être jugé immédiatement et obtenir un renvoi de l'audience dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, en revanche le tribunal peut, sur le fondement de l'article 397-3 du même code, le placer en détention provisoire. Ainsi, un prévenu susceptible d'accepter d'être jugé immédiatement pour l'infraction qui justifie initialement son renvoi en comparution immédiate pourrait être conduit, par l'effet du regroupement de plusieurs poursuites, à être placé en détention provisoire pour des motifs liés à l'affaire qui a donné lieu à la comparution immédiate, alors que son refus d'être jugé séance tenante tient à sa volonté de disposer de suffisamment de temps pour terminer de préparer sa défense sur les affaires pour lesquelles il avait été initialement renvoyé devant le tribunal correctionnel dans des délais plus longs et pour lesquelles, le cas échéant, il avait déjà pris des dispositions. Les dispositions contestées ne sauraient dès lors, sans méconnaître les droits de la défense, priver le tribunal correctionnel, dans ce cas, de la possibilité de renvoyer les seules affaires pour lesquelles le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou qui n'apparaissent pas au tribunal en l'état d'être jugées.

285. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable et, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, celui tiré de la méconnaissance des droits de la défense doivent être écartés. L'avant-dernier alinéa de l'article 393 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est sous la même réserve conforme à la Constitution.

. En ce qui concerne la procédure de comparution à délai différé :

286. Le paragraphe XI de l'article 60 insère dans le code pénal un nouvel article 397-1-1 qui autorise dans certains cas le procureur de la République à poursuivre le prévenu devant le tribunal correctionnel dans un délai différé, tout en sollicitant du juge des libertés et de la détention son placement, pendant ce temps, sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire.

287. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, en permettant le recours à des mesures restrictives ou privatives de liberté dans le cadre d'une procédure de comparution à délai différé, ces dispositions porteraient une atteinte inconstitutionnelle à la liberté individuelle.

288. En premier lieu, il ne peut être recouru à la procédure de comparution à délai différé que si le délit poursuivi est puni d'au moins deux ans d'emprisonnement et s'il existe contre le prévenu des charges suffisantes pour le faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l'affaire n'est pas en état d'être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n'ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions ou d'examens techniques ou médicaux déjà sollicités. Il ne peut donc être recouru à cette procédure à l'occasion de l'engagement de nouveaux actes d'enquête, mais seulement dans l'attente des résultats d'actes antérieurs à la mise en mouvement de l'action publique. En outre, la comparution à délai différé ne peut être mise en œuvre que si le prévenu est assisté d'un avocat.

289. En deuxième lieu, le placement du prévenu, à la demande du procureur de la République qui décide de la comparution à délai différé, sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique mobile ou en détention provisoire, dans l'attente de l'audience, ne peut être décidé que par le juge des libertés et de la détention, qui statue après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur de la République doivent préciser les raisons justifiant le recours à cette procédure et, en particulier, indiquer les actes dont les résultats sont attendus. Par ailleurs, la détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à trois ans. En outre, l'ordonnance prescrivant la mesure doit être rendue selon les modalités prévues à l'article 396 du code de procédure pénale, ce qui lui impose notamment, pour la détention provisoire, de préciser les considérations de droit ou de fait justifiant ce placement par référence aux exigences prévues, en la matière, par l'article 144 du même code. Enfin, il est mis fin d'office à ces mesures à défaut de comparution dans un délai de deux mois.

290. En dernier lieu, les dispositions contestées garantissent au prévenu et à son avocat l'accès aux procès-verbaux et aux autres pièces relatives aux résultats dont l'attente a justifié la comparution à délai différé et les autorisent, jusqu'à l'audience, à demander au président du tribunal correctionnel la réalisation de tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité.

291. Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de la liberté individuelle doit être écarté et que ces dispositions ne méconnaissent pas non plus la liberté d'aller et de venir. La première phrase du deuxième alinéa de l'article 397-1-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions des articles 61 et 62 :

292. Les articles 61 et 62 étendent le recours à la procédure du juge unique en matière correctionnelle. L'article 61 étend également le champ de l'ordonnance pénale.

. En ce qui concerne l'extension du champ d'application de la procédure de jugement à juge unique par le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels :

293. Le paragraphe I de l'article 61 modifie l'article 398-1 du code de procédure pénale afin notamment de prévoir que les délits énoncés à cet article peuvent être jugés par le tribunal correctionnel statuant à juge unique, lorsqu'ils sont punis d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement. Le paragraphe V de l'article 62 prévoit que lorsque le jugement attaqué en appel a été rendu au terme d'une telle procédure à juge unique, la chambre des appels correctionnels statue également à juge unique.

294. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, en étendant le recours à la procédure de jugement correctionnel à juge unique, en première instance et en appel, pour certains délits punis d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, ces dispositions méconnaîtraient les exigences constitutionnelles découlant de la garantie des droits, le principe d'égal accès au service public de la justice et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

295. Toutefois, en premier lieu, les modalités de composition des formations de jugement sont sans effet sur l'obligation de respecter les droits de la défense et le droit à un procès équitable ou sur le droit à un recours juridictionnel effectif.

296. En second lieu, d'une part, ne peuvent être jugées à juge unique que des infractions punies d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement. Si ce seuil s'apprécie indépendamment des aggravations de peine dans les cas de récidive ou dans ceux prévus par les articles 132-76, 132-77 ou 132-79 du code pénal, le tribunal correctionnel ne peut en tout état de cause, en vertu du dernier alinéa de l'article 398-2 du code de procédure pénale, prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à cinq ans. Les mêmes limitations s'appliquent, en vertu du deuxième alinéa de l'article 510 du même code, pour la chambre des appels correctionnels statuant à juge unique.

297. D'autre part, en application du troisième alinéa de l'article 398-2 du code de procédure pénale, le juge unique peut décider d'office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel siégeant en formation collégiale en raison de la complexité des faits ou de l'importance de la peine susceptible d'être prononcée. Il en est de même, pour la chambre des appels correctionnels, en vertu du deuxième alinéa de l'article 510 du même code. Par ailleurs, ni le tribunal correctionnel ni la chambre des appels correctionnels ne peuvent siéger à juge unique si le prévenu est placé en détention provisoire, s'il fait ou a fait l'objet d'une comparution immédiate ou s'il est également poursuivi pour des délits connexes à d'autres délits insusceptibles de relever de cette procédure de juge unique. Si le législateur a par ailleurs prévu que l'affaire soit examinée de plein droit dans une formation collégiale, à la demande du prévenu, il a limité cette faculté au cas où ce dernier a formé sa demande dans l'acte d'appel, lequel ne peut être interjeté que dans les dix jours en vertu de l'article 498 du code de procédure pénale. En limitant ainsi les conditions de l'accès à une formation collégiale en appel correctionnel, le législateur a, compte tenu du quantum des peines d'emprisonnement susceptibles d'être prononcées, porté une atteinte excessive à la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Les mots « , dans l'acte d'appel, » figurant au deuxième alinéa du paragraphe V de l'article 62 de la loi déférée sont contraires à la Constitution.

298. Il résulte de ce qui précède que, pour le reste, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences résultant de la garantie des droits doivent être écartés. Les mots « lorsqu'ils sont punis d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement » figurant au premier alinéa de l'article 398-1 du code de procédure pénale et les mots « selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 398 » figurant au deuxième alinéa de l'article 510 du code de procédure pénale, qui ne sont pas inintelligibles et ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne l'extension du champ d'application de la procédure de l'ordonnance pénale :

299. Le paragraphe II de l'article 61 modifie le paragraphe II de l'article 495 du code de procédure pénale afin notamment de prévoir que la procédure simplifiée de l'ordonnance pénale est applicable aux délits jugés à juge unique en application de l'article 398-1 du même code.

300. Les députés auteurs de la deuxième saisine dénoncent cette extension du champ d'application de la procédure de l'ordonnance pénale qui, faute de garanties équivalentes à la procédure de droit commun, méconnaîtrait les droits de la défense.

301. Toutefois, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé au considérant 81 de sa décision du 29 août 2002 mentionnée ci-dessus, les dispositions des articles 495 à 495-6 du code de procédure pénale apportent à la personne qui fait l'objet d'une ordonnance pénale, quant au respect des droits de la défense, des garanties équivalentes à celles dont elle aurait bénéficié si l'affaire avait été directement portée devant le tribunal correctionnel. Ainsi, l'extension du champ d'application de cette procédure aux délits jugés à juge unique, à l'exception des délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes, ne méconnaît pas les droits de la défense. Par suite, le premier alinéa du paragraphe II de l'article 495 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 63 :

302. L'article 63 est relatif aux procédures de jugement des crimes.

. En ce qui concerne la procédure applicable devant la cour d'assises :

Quant à la composition de la cour d'assises :

303. Le 1 ° du paragraphe I de l'article 63 modifie l'article 249 du code de procédure pénale afin de permettre qu'un des assesseurs de la cour d'assises soit un magistrat honoraire exerçant des fonctions d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance et des cours d'appel, mentionnées à l'article 41-25 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 mentionnée ci-dessus.

304. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, faute que les magistrats honoraires bénéficient des mêmes garanties statutaires que les autres magistrats, ces dispositions introduiraient une rupture d'égalité entre les justiciables selon que la cour d'assises comprendra un magistrat honoraire ou pas.

305. Toutefois, si les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, la Constitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires. Or, en vertu de l'article 41-28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l'article 41-25 de la même ordonnance, qui sont susceptibles d'exercer les fonctions d'assesseurs en cour d'assises sont soumis au statut de la magistrature. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté. Le dernier alinéa de l'article 249 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est donc conforme à la Constitution.

Quant à la conduite des débats devant la cour d'assises :

306. Le 5 ° du paragraphe I de l'article 63 modifie l'article 332 du code de procédure pénale pour autoriser le président de la cour d'assises à interrompre les déclarations d'un témoin ou à lui poser des questions sans attendre la fin de sa déposition, lorsque cela lui paraît nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats.

307. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, compte tenu de l'imprécision de la notion de « clarté et bon déroulement des débats » et faute que la décision du président de la cour d'interrompre un témoin puisse être contestée, ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense.

308. Toutefois, l'article 309 du code de procédure pénale confie au président de la cour d'assises la police de l'audience et la direction des débats. Loin de porter atteinte aux droits de la défense, la faculté qui lui est conférée par les dispositions contestées d'interrompre un témoin et de l'interroger sans attendre la fin de sa déposition, si la clarté et le bon déroulement des débats le requièrent, en assure l'effectivité. Le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit donc être écarté. Le dernier alinéa de l'article 332 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

. En ce qui concerne l'expérimentation relative à la cour criminelle :

309. Le premier alinéa du paragraphe III de l'article 63 instaure une expérimentation relative à la cour criminelle appelée à connaître de certains crimes relevant des cours d'assises.

310. Les députés auteurs de la deuxième saisine contestent l'imprécision de l'étendue de l'expérimentation, ainsi que la rupture d'égalité qu'elle provoquerait entre les justiciables relevant de l'expérimentation et les autres.

311. Si, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle.

312. En premier lieu, en prévoyant que le dispositif juridique de la cour criminelle serait applicable à titre expérimental dans au moins deux départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du ministre de la justice, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par cet arrêté, pour le jugement des personnes mises en accusation au plus tard deux ans après cette date, le législateur a suffisamment défini l'objet de l'expérimentation qu'il a instituée.

313. En second lieu, le grief tiré de l'inégalité de traitement entre les justiciables soumis à l'expérimentation et ceux qui n'y sont pas soumis, laquelle est la conséquence nécessaire de la mise en œuvre de l'expérimentation, ne peut qu'être écarté.

314. Il résulte de ce qui précède que le premier alinéa du paragraphe III de l'article 63 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 69 :

315. L'article 69 crée un parquet national antiterroriste. Le b du 3 ° de son paragraphe I modifie le code de l'organisation judiciaire afin de prévoir qu'est placé auprès du tribunal de grande instance de Paris, aux côtés du procureur de la République, un procureur de la République antiterroriste.

316. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine soutiennent que la création de ce parquet national antiterroriste méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. Selon eux, l'existence d'un parquet autonome spécialisé en matière de terrorisme entraînerait une « perte d'efficacité et de réactivité », ainsi qu'une « perte de vision d'ensemble des parcours de délinquance conduisant au terrorisme et une rigidité dans l'affectation des conduites des enquêtes entre les délits de droit commun, la criminalité organisée et le terrorisme ».

317. La bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789.

318. En premier lieu, la compétence du procureur de la République antiterroriste pour la poursuite des actes de terrorisme est concurrente de celles des parquets territorialement compétents.

319. En second lieu, d'une part, en application de l'article L. 213-12 du code de l'organisation judiciaire créé par l'article 69, dans certains tribunaux de grande instance, un magistrat du ministère public est chargé notamment d'informer le procureur de la République antiterroriste de tous les faits en lien avec des affaires en cours susceptibles de faire l'objet d'investigations de sa part et de l'état de la menace terroriste dans son ressort. D'autre part, en application de l'article L. 217-5 du code de l'organisation judiciaire, lorsque le renforcement temporaire et immédiat du parquet antiterroriste apparaît indispensable, le procureur de la République antiterroriste peut requérir un ou plusieurs magistrats du parquet de Paris. Enfin, conformément à l'article 706-17-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République antiterroriste peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions de terrorisme dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent.

320. Il en résulte que, si le législateur a créé un procureur de la République doté d'une compétence spécifique, il a en tout état de cause prévu des garanties afin de permettre une coordination et une collaboration entre celui-ci et les autres procureurs de la République.

321. Les mots « et un procureur de la République antiterroriste » figurant à l'article L. 217-1 du code de l'organisation judiciaire, qui ne sont pas contraires à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions des articles 71 et 82 :

322. L'article 71 modifie plusieurs dispositions relatives aux peines, notamment correctionnelles. En particulier, le 2 ° de son paragraphe I supprime la contrainte pénale actuellement prévue au 2 ° de l'article 131-3 du code pénal et y substitue une peine de détention à domicile sous surveillance électronique. Son paragraphe II définit cette nouvelle peine à l'article 131-4-1 du même code. L'article 82 de la loi déférée en précise les modalités d'exécution.

323. Les députés auteurs de la deuxième saisine contestent la durée maximale, fixée à six mois, de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, qui entraînerait une violation du droit au respect de la vie privée et de l'exigence de dignité de la personne humaine. Ils critiquent également la suppression de la contrainte pénale, en ce qu'elle favoriserait le recours à l'emprisonnement, au mépris du principe de proportionnalité des peines.

324. En premier lieu, il ressort du Préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle.

325. D'une part, si la peine de détention à domicile sous surveillance électronique emporte l'obligation pour le condamné de demeurer dans son domicile ou tout autre lieu désigné par le juge et de porter un dispositif intégrant un émetteur permettant de vérifier le respect de cette obligation, une telle peine privative de liberté ne peut être prononcée qu'à la place de l'emprisonnement. D'autre part, sa durée maximale, limitée à six mois, ne peut excéder celle de l'emprisonnement encouru. Enfin, la juridiction ou le juge de l'application des peines peuvent autoriser le condamné à s'absenter de son domicile pendant des périodes déterminées pour le temps nécessaire « à l'exercice d'une activité professionnelle, au suivi d'un enseignement, d'un stage, d'une formation ou d'un traitement médical, à la recherche d'un emploi, à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion ».

326. Dès lors, en permettant de prononcer la peine de détention à domicile sous surveillance électronique pour une durée maximale de six mois, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni la dignité de la personne humaine.

327. En second lieu, la suppression de la contrainte pénale, dont au demeurant la peine d'emprisonnement avec « sursis probatoire » définie à l'article 80 de la loi déférée reprend plusieurs traits, n'emporte aucune méconnaissance du principe de proportionnalité des peines.

328. Il résulte de ce qui précède que le 2 ° de l'article 131-3 du code pénal et le mot « six » figurant au premier alinéa de l'article 131-4-1 du même code, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 74 :

329. L'article 74 modifie les conditions du prononcé des peines d'emprisonnement ferme. En particulier, il réécrit l'article 132-19 du code pénal, afin d'interdire à la juridiction, en matière délictuelle, de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois.

330. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine contestent ces dispositions comme contraires au principe d'individualisation des peines.

331. Le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions.

332. En premier lieu, compte tenu de la faiblesse du quantum minimal ainsi retenu par les dispositions contestées et de l'écart entre la durée minimale de l'emprisonnement fixée et les durées maximales des peines d'emprisonnement en matière délictuelle, la juridiction n'est pas privée de la possibilité de fixer, dans ces limites, la peine d'emprisonnement en fonction des circonstances de l'espèce.

333. En second lieu, les dispositions contestées n'interdisent pas à la juridiction de faire usage d'autres dispositions d'individualisation de la peine lui permettant de prononcer les peines et de fixer leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Ainsi, elle peut notamment prononcer, en application de l'article 132-17 du code pénal, d'autres peines que la peine d'emprisonnement encourue ou prononcer une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à un mois en l'assortissant d'un sursis ou d'un sursis probatoire.

334. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines doit être écarté. La seconde phrase du premier alinéa de l'article 132-19 du code pénal, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est donc conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 85 :

335. L'article 85 modifie plusieurs règles procédurales applicables à l'exécution des peines. En particulier, son paragraphe VI modifie la première phrase du dernier alinéa de l'article 710 du code de procédure pénale, afin de soumettre les requêtes en confusion de peines au même régime de traitement à juge unique que les autres requêtes relatives à l'exécution des sentences pénales.

336. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, cette extension du recours au juge unique en matière post-sentencielle méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable.

337. Le fait que, pour se prononcer sur les requêtes en confusion de peines, la juridiction statue à juge unique ne porte pas, par lui-même, atteinte au droit à un procès équitable. En tout état de cause, si la complexité du dossier le justifie, le magistrat peut décider, d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public, de renvoyer le jugement de ce dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable doit donc être écarté.

338. Dès lors, le paragraphe VI de l'article 85, qui ne méconnaît pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur la place de l'article 89 et certaines de ses dispositions :

339. Le paragraphe II de l'article 89 modifie l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure, afin d'étendre les pouvoirs des services du renseignement de sécurité pénitentiaire en matière de prévention des évasions et de maintien de la sécurité des établissements pénitentiaires. Ces services peuvent actuellement être autorisés à recourir aux techniques de recueil de renseignement permettant l'accès aux données de connexion et l'interception de correspondances émises par la voie de communications électroniques. Le 1 ° du paragraphe II leur permet désormais, d'une part, d'intercepter des correspondances échangées au sein d'un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et, d'autre part, de sonoriser des lieux privés et des véhicules et d'y capter des images, y compris en s'introduisant dans le lieu privé ou le véhicule. En application des 2 ° et 3 ° du même paragraphe II, l'introduction dans un lieu privé ou un véhicule ne peut être autorisée qu'à l'encontre des personnes détenues qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Les autres techniques de renseignement peuvent être mises en œuvre à l'encontre de toute personne, détenue ou non, qui présente le même risque ou le même comportement.

340. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions, introduites par amendement, seraient dépourvues de tout lien avec le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Ils estiment en outre qu'elles seraient entachées d'incompétence négative et qu'elles méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée.

. En ce qui concerne la place de l'article 89 dans la loi déférée :

341. L'article 89 étend les pouvoirs des services du renseignement de sécurité pénitentiaire. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat, qui comportait des dispositions relatives à l'exécution des peines, permettant notamment à l'administration pénitentiaire d'octroyer des permissions de sortir aux condamnés. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution doit donc être écarté.

. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée :

342. En premier lieu, les techniques de recueil de renseignement précitées ne peuvent être mises en œuvre qu'afin de prévenir les évasions et d'assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Elles ne peuvent viser que les personnes, détenues ou non selon le cas, qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements en cause.

343. En deuxième lieu, aucune de ces techniques ne peut être mise en œuvre à l'occasion des communications et des entretiens entre une personne détenue et son avocat. En outre, l'introduction dans un lieu privé ou un véhicule aux fins de sonorisation ou de captation d'images, qui ne peut concerner qu'un détenu, ne peut être autorisée à l'encontre d'une personne non détenue.

344. En troisième lieu, des agents individuellement désignés et spécialement habilités des services du renseignement de sécurité pénitentiaire ne peuvent être autorisés à recourir aux techniques de recueil de renseignement précitées que dans les conditions prévues aux titres II et V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, qui prévoient notamment une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et qui en limitent la durée de mise en œuvre. Cette autorisation ne peut, compte tenu des finalités définies par les dispositions contestées, faire l'objet de la procédure dérogatoire en cas d'urgence absolue prévue à l'article L. 821-5 du même code, applicable pour les seules finalités mentionnées aux 1 ° et 4 ° et au a du 5 ° de l'article L. 811-3 de ce code.

345. En quatrième lieu, conformément à l'article L. 841-1 du même code, le Conseil d'État peut être saisi soit par toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de recueil de renseignement n'est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, soit par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

346. En dernier lieu, le dernier alinéa de l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la fixation d'un nombre maximal d'autorisations susceptibles d'être délivrées simultanément afin de limiter le recours, d'une part, aux interceptions de correspondances par la voie hertzienne, d'autre part, aux sonorisations et captations d'images et, enfin, aux introductions dans des véhicules ou des lieux privés. Ces trois contingents sont fixés par le Premier ministre après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui doit être informée des plafonds retenus et du nombre des autorisations effectivement délivrées.

347. Il résulte de ce qui précède que le législateur a assorti les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et celle des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances.

348. Par conséquent, les mots « et L. 851-6, au I de l'article L. 852-1, aux articles L. 852-2 et L. 853-1 ainsi que, dans le cas prévu au V du même article L. 853-1, à l'article L. 853-3 » figurant au premier alinéa de l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure, les deux derniers alinéas du même article L. 855-1 et le 2 ° du paragraphe II de l'article 89 de la loi déférée, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 90 :

349. L'article 90, d'une part, édicte des dispositions dérogatoires visant à faciliter la réalisation des opérations d'extension ou de construction d'établissements pénitentiaires entrées en phase d'études avant le 31 décembre 2022. Son paragraphe I prévoit ainsi que la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l'environnement s'effectue dans les conditions définies à l'article L. 123-19 du code de l'environnement. D'autre part, le 1 ° de son paragraphe V modifie le premier alinéa de l'article 100 de la loi du 24 novembre 2009 mentionnée ci-dessus, afin de proroger jusqu'au 31 décembre 2022 la faculté de déroger au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt.

350. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent, d'une part, que les procédures dérogatoires applicables aux extensions et constructions de prisons méconnaîtraient les principes d'information et de participation du public à l'égard des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. Ils soutiennent, d'autre part, que le report à 2023 de la mise en œuvre de l'encellulement individuel porterait une atteinte excessive au principe de dignité de la personne humaine.

. En ce qui concerne les dispositions relatives aux extensions et constructions d'établissements pénitentiaires :

351. Selon l'article 7 de la Charte de l'environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». Depuis l'entrée en vigueur de cette Charte, il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.

352. Il résulte des dispositions contestées que, pour la réalisation des extensions et constructions d'établissements pénitentiaires en cause, les décisions relatives aux projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement font l'objet d'une participation du public dans les conditions fixées à l'article L. 123-19 du code de l'environnement, qui prévoit une procédure de consultation par voie électronique d'une durée de trente jours. En outre, une synthèse des observations et propositions déposées par le public est réalisée par des garants nommés par la commission nationale du débat public et mentionne les réponses ainsi que, le cas échéant, les évolutions proposées par le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable pour tenir compte des observations et propositions du public.

353. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit donc être écarté. Dès lors, les deux premiers alinéas du paragraphe I de l'article 90, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne les dispositions relatives à l'encellulement individuel :

354. En adoptant les dispositions contestées, qui se bornent à prolonger jusqu'au 31 décembre 2022 la possibilité de déroger à la mise en œuvre de l'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt, sans au demeurant en remettre en cause le principe, le législateur n'a pas méconnu l'exigence constitutionnelle de sauvegarde de dignité de la personne humaine.

355. Dès lors, la date « 2022 » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 100 de la loi du 24 novembre 2009, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 91 :

356. L'article 91 modifie l'article 12-1 de la loi du 24 novembre 2009 afin de renforcer les pouvoirs de contrôle des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire à l'encontre des personnes non détenues à l'égard desquelles existent des raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire. D'une part, son 1 ° étend ces pouvoirs de contrôle à l'ensemble du domaine affecté à l'établissement et à ses abords immédiats. D'autre part, son 2 ° permet à ces personnels, en cas de refus de la personne de se soumettre au contrôle ou d'impossibilité de justifier de son identité, de « la retenir en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire ».

357. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient la liberté individuelle, dans la mesure où elles permettent aux équipes de sécurité pénitentiaire de retenir une personne par la force et où elles étendent le périmètre territorial sur lequel leurs pouvoirs de contrôle peuvent être exercés.

358. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

359. En premier lieu, si les dispositions contestées permettent aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire et individuellement désignés par le chef d'établissement ou par le directeur interrégional des services pénitentiaires de retenir, le cas échéant par la force strictement nécessaire, une personne non détenue à des fins de contrôle de son identité, de palpation de sécurité, d'inspection visuelle de ses bagages et, avec son consentement, de fouille, ces dispositions ne peuvent être mises en œuvre que sur le domaine affecté à l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats.

360. En deuxième lieu, une telle retenue ne peut être mise en œuvre à l'encontre des personnes non détenues que s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire.

361. En troisième lieu, cette retenue n'est possible qu'en cas de refus de la personne de se soumettre au contrôle ou d'impossibilité de justifier de son identité.

362. En dernier lieu, il résulte de l'article 12-1 de la loi du 24 novembre 2009 que le surveillant pénitentiaire procédant à une telle retenue doit en rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ la personne ou de la retenir jusqu'à son arrivée ou celle d'un agent de police judiciaire placé sous son contrôle. La personne ne peut alors continuer à être retenue si aucun ordre n'est donné par l'officier de police judiciaire. Ces dispositions imposent que l'information, par le surveillant pénitentiaire, de l'officier de police judiciaire et la décision de ce dernier interviennent dans le plus bref délai possible.

363. Dans ces conditions, les contraintes imposées à la personne qui n'a pas pu ou n'a pas voulu justifier de son identité apparaissent limitées à ce qui est nécessaire pour la poursuite de l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des infractions. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté individuelle doit être écarté.

364. Par conséquent, les mots « du domaine affecté à l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats » figurant au premier alinéa de l'article 12-1 de la loi du 24 novembre 2009 et les mots « peut la retenir en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire » figurant à la première phrase du troisième alinéa du même article, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur l'article 93 :

365. L'article 93 habilite le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à légiférer par ordonnance pour réformer la justice pénale des mineurs et créer un code de la justice pénale des mineurs.

366. Les députés auteurs de la première saisine critiquent le fait que le Gouvernement se soit engagé, pendant les débats, à associer le Parlement à l'élaboration de la réforme, en prévoyant de ne faire entrer en vigueur l'ordonnance qu'un an après son adoption. Ils en déduisent que, en l'absence d'urgence ou de motif tenant à l'encombrement de l'ordre du jour des assemblées, les conditions du recours à une ordonnance ne seraient pas remplies, en méconnaissance de l'article 38 de la Constitution. Les auteurs des deuxième et troisième saisines concluent également à une telle méconnaissance, du fait de l'insuffisante précision de l'habilitation consentie au Gouvernement, en particulier quant aux finalités des mesures que ce dernier prévoit de prendre par ordonnance. Les auteurs de la deuxième saisine invoquent, enfin, une incompétence négative du législateur.

367. En habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relatives à la justice pénale des mineurs, le législateur a précisément défini le domaine d'intervention des mesures qu'il autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance. En outre, en confiant au Gouvernement, le soin de « simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants », d'« accélérer leur jugement pour qu'il soit statué rapidement sur leur culpabilité », de « renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération » et d'« améliorer la prise en compte de leurs victimes », le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d'être prises par voie d'ordonnance. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 38 de la Constitution doit donc être écarté. Il en va de même de celui tiré de l'incompétence négative, qui est inopérant.

368. Par conséquent, l'article 93, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions des articles 95 et 106 :

369. L'article 95 substitue aux tribunaux d'instance et de grande instance les tribunaux judiciaires et modifie plusieurs dispositions du code de l'organisation judiciaire. L'article 106 prévoit une expérimentation relative aux fonctions d'animation et de coordination attribuées à certains chefs de cour d'appel et à la spécialisation de cours d'appel en matière civile.

. En ce qui concerne la spécialisation de certaines juridictions :

370. Le 17 ° du paragraphe I de l'article 95 insère dans le code de l'organisation judiciaire un article L. 211-9-3 autorisant le pouvoir réglementaire à désigner, au sein d'un même département regroupant plusieurs tribunaux judiciaires, l'un d'entre eux pour connaître seul de certaines matières civiles, délictuelles ou contraventionnelles dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'État, en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières. Le 2 ° de l'article 106 prévoit, à titre expérimental, un dispositif identique pour les cours d'appel dont le ressort est situé dans une même région, en ce qui concerne uniquement les matières civiles.

371. Selon les députés auteurs de la première saisine, faute d'une définition suffisamment précise des critères du volume des affaires et de la technicité des matières susceptibles de justifier la spécialisation contentieuse de certains tribunaux, le législateur aurait méconnu sa compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. En outre, cette spécialisation, qui éloignerait les juridictions des justiciables, contreviendrait au droit à un recours juridictionnel effectif et au principe d'égalité d'accès au service public de la justice.

372. Les députés auteurs de la deuxième saisine critiquent également l'expérimentation de la spécialisation contentieuse de certaines cours d'appel comme contraire au principe d'égalité d'accès au service public de la justice et à l'indépendance de l'autorité judiciaire.

373. Si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer « les règles concernant la création de nouveaux ordres de juridiction », la détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre des principes définis par la loi, est de la compétence réglementaire.

374. En premier lieu, les deux critères retenus par le législateur pour autoriser le pouvoir réglementaire à spécialiser, au sein d'un département, certaines juridictions civiles ou pénales sont celui du volume des affaires concernées et celui de la technicité des matières en cause. En retenant le premier, le législateur a entendu, au nom de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, permettre que des contentieux représentant un faible volume d'activité par juridiction puissent être regroupés au sein d'une seule juridiction départementale. En retenant le second critère, le législateur a entendu, au nom du même objectif, favoriser, pour des contentieux techniques appelant des compétences particulières, la spécialisation au sein d'une même juridiction des magistrats chargés de les juger. Par ailleurs, le législateur a prévu que la spécialisation contentieuse en matière pénale ne pourrait porter sur toutes les infractions jugées à juge unique et a précisé celles devant être écartées. En retenant ainsi de tels critères objectifs et rationnels, qui ne sont pas inintelligibles, pour déterminer les cas dans lesquels une spécialisation contentieuse départementale peut être prévue par le pouvoir réglementaire, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'incompétence négative du législateur et de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi doivent être écartés. Il en va de même pour ces griefs dirigés contre les dispositions relatives à l'expérimentation de la spécialisation des cours d'appels au sein d'une même région.

375. En second lieu, la spécialisation contentieuse prévue par les dispositions contestées ne peut intervenir qu'au sein d'un même département ou, à titre exceptionnel, sur le fondement du paragraphe III de l'article L. 211-9-3 du code de l'organisation judiciaire, entre deux tribunaux d'un même ressort de cour d'appel situés dans des départements différents, lorsque leur proximité géographique et les spécificités territoriales le justifient. Eu égard au ressort départemental ainsi retenu par le législateur pour autoriser cette spécialisation et compte tenu de l'objectif qu'il a ici poursuivi, les dispositions contestées ne portent pas, par l'éloignement qu'elles rendraient possible entre le justiciable et la juridiction compétente pour connaître de son affaire, atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. Il en va de même pour les dispositions relatives à l'expérimentation de la spécialisation des cours d'appels au sein d'une même région.

376. Il résulte de ce qui précède que le paragraphe I de l'article L. 211-9-3 du code de l'organisation judiciaire et le 2 ° de l'article 106 de la loi déférée, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la justice ou l'indépendance de l'autorité judiciaire, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

. En ce qui concerne la suppression des tribunaux d'instance et la compétence matérielle des chambres de proximité du tribunal judiciaire :

377. Le 42 ° du paragraphe I de l'article 95 supprime les tribunaux d'instance. Le 26 ° du même paragraphe I insère dans le code de l'organisation judiciaire un article L. 212-8 qui prévoit que peuvent être instaurées au sein des tribunaux judiciaires, qui remplacent les tribunaux d'instance et de grande instance, des chambres de proximité dénommées « tribunaux de proximité » dont le siège, le ressort et les compétences matérielles sont fixées par décret. Ces chambres peuvent également se voir attribuer des compétences matérielles supplémentaires par décision des chefs de cour d'appel.

378. Les députés auteurs de la deuxième saisine estiment que, par leurs conséquences prévisibles sur l'implantation des juridictions, la suppression des tribunaux d'instance et leur remplacement par des chambres de proximité dont le siège, le ressort et les compétences seront fixés par décret et qui pourront disposer de compétences matérielles supplémentaires, méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif et le principe d'égalité d'accès au service public de la justice. En outre, faute de prévoir des dispositions relatives à « un accès géographique et temporel socle » pour les justiciables et à l'autonomie du greffe des chambres de proximité, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative.

379. La suppression des tribunaux d'instance a pour effet d'attribuer leurs compétences matérielles au tribunal judiciaire. L'article L. 212-8 du code de l'organisation judiciaire permet que ces compétences ou d'autres compétences du tribunal judiciaire soient attribuées à des chambres de proximité relevant de ce tribunal judiciaire, dotées, en son sein, d'un ressort juridictionnel spécifique, déterminé par décret.

380. D'une part, la détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre des principes définis par la loi, étant de la compétence réglementaire, le législateur n'a pas méconnu sa compétence ni le droit à un recours juridictionnel effectif en s'abstenant de fixer lui-même les lieux ou les règles d'implantation de ces chambres de proximité. Il lui était également loisible de ne pas prévoir que les chambres de proximité rattachées au tribunal judiciaire disposeraient de leur propre service de greffe.

381. D'autre part, si les chambres de proximité du tribunal judiciaire peuvent se voir attribuer des compétences matérielles supplémentaires, relevant du tribunal judiciaire, par décision conjointe du premier président de la cour d'appel et du procureur général près cette cour, cette attribution de compétences s'exerce exclusivement dans la limite de leur ressort et est insusceptible de remettre en cause les compétences qui leur sont attribuées par décret. Par conséquent, cette disposition a seulement pour effet de permettre aux chefs de cour de prévoir que des affaires relevant normalement du siège du tribunal judiciaire et intéressant les justiciables situés dans le ressort d'une chambre de proximité de ce tribunal soient traitées au sein de cette chambre. Le grief selon lequel il en résulterait un éloignement plus important entre le justiciable et la juridiction manque donc en fait.

382. Il résulte de tout ce qui précède que l'article L. 212-8 du code de l'organisation judiciaire et le 42 ° du paragraphe I de l'article 95 de la loi déférée, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et ne méconnaissent ni le droit à un recours juridictionnel effectif ni le principe d'égalité devant la justice ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 103 et sur l'article 104 :

383. Le 1 ° de l'article 103 insère dans le code de l'organisation judiciaire un nouvel article L. 121-5 qui détermine les conditions dans lesquelles un magistrat exerçant à titre temporaire ou un magistrat honoraire peut être délégué au sein d'une autre juridiction que la sienne relevant du même ressort de cour d'appel, afin d'en assurer « le renforcement temporaire et immédiat ». L'article 104 prévoit une possibilité de délégation analogue de magistrats de la cour d'appel de Paris afin de compléter provisoirement l'effectif d'une juridiction d'outre-mer.

384. Les députés auteurs de la deuxième saisine critiquent ces possibilités de délégation comme contraires à la règle d'inamovibilité des magistrats du siège.

385. Aux termes de l'article 64 de la Constitution : « Une loi organique porte statut des magistrats. - Les magistrats du siège sont inamovibles ».

386. En spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le constituant a entendu accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire. La loi organique doit par suite déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées.

387. S'il est loisible au législateur de prévoir les conditions et les limites dans lesquelles des magistrats du siège, des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles peuvent être provisoirement délégués au sein d'autres juridictions que celle dans laquelle ils ont été nommés, pour une durée annuelle pouvant aller jusqu'à trois mois, de telles dispositions mettent en cause le statut des magistrats et relèvent donc d'une loi organique. Par suite, le 1 ° de l'article 103 et l'article 104 sont entachés d'incompétence. Ils sont donc, à ce titre, contraires à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 107 :

388. L'article 107 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin d'adapter et de mettre en cohérence l'ensemble des dispositions prévues par tous les codes et textes en vigueur à la suite de la réforme de l'organisation judiciaire résultant de l'article 95.

389. Les députés auteurs de la première saisine critiquent le 1 ° de cet article 107, en ce qu'il permet au Gouvernement de « remédier aux éventuelles erreurs et omissions de la présente loi », termes qu'ils jugent particulièrement flous. Il en résulterait une méconnaissance de l'article 38 de la Constitution encadrant le recours aux ordonnances.

390. Aux termes mêmes du 1 ° de l'article 107, les erreurs et omissions en cause sont seulement celles auxquelles il serait nécessaire de remédier afin de tirer les conséquences de la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance ainsi que de la création du juge des contentieux de la protection. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution doit donc être écarté.

391. Dès lors, le 1 ° de l'article 107, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :

392. L'article 18 permet aux huissiers de justice d'accéder aux boîtes aux lettres dans les immeubles d'habitation.

393. L'article 21 assouplit les conditions d'exemption d'une démission d'office des officiers publics ou ministériels.

394. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 18 et 21 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.

- Sur les autres dispositions :

395. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice :

  • l'article 7 ;
  • les articles 18 et 21 ;
  • le 2 ° du paragraphe V de l'article 33 ;
  • l'article 37 ;
  • les paragraphes II, III et IV, les mots « 706-95 et » figurant au paragraphe VII, le 1 ° du paragraphe VIII et le paragraphe IX de l'article 44. En conséquence, à l'article 80-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 53 de la loi déférée, la référence « 77-1-4 » est contraire à la Constitution et la référence « 60-4 » doit être remplacée par la référence « 706-95 » ;
  • les mots « à un crime ou » figurant au cinquième alinéa du 2 ° du paragraphe III de l'article 46 et le quinzième alinéa de ce même 2 ° ;
  • le paragraphe VI de l'article 47 ;
  • les paragraphes I et III de l'article 49 ;
  • le 3 ° du paragraphe X de l'article 54 ;
  • les mots «, dans l'acte d'appel, » figurant au deuxième alinéa du paragraphe V de l'article 62 ;
  • le 1 ° de l'article 103 et l'article 104.

Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

  • sous la réserve énoncée au paragraphe 20, l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dans sa rédaction résultant de l'article 3 de la loi déférée ;
  • sous la réserve énoncée au paragraphe 198, les mots « juge des libertés et de la détention » figurant au premier alinéa de l'article 802-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 49 de la loi déférée ;
  • sous la réserve énoncée au paragraphe 214, le premier alinéa de l'article 80-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 53 de la loi déférée ;
  • sous la réserve énoncée au paragraphe 252, les mots « l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire délictuelle fixée par la loi, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l'article 131-13 du code pénal » figurant au premier alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 58 de la loi déférée ;
  • sous la réserve énoncée au paragraphe 258, les deuxième et troisième alinéas de l'article 495-21 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 58 de la loi déférée ;
  • sous la réserve énoncée au paragraphe 284, l'avant-dernier alinéa de l'article 393 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 60 de la loi déférée.

Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

  • l'article 4-7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi déférée ;
  • les mots « dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige » figurant au paragraphe I de l'article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, dans sa rédaction résultant de l'article 5 de la loi déférée ;
  • le troisième alinéa de l'article 46 du code civil et les mots « à un notaire » figurant au premier alinéa de l'article 317 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 6 de la loi déférée ;
  • le 1 ° du paragraphe I de l'article 13 de la loi déférée ;
  • le 2 ° du paragraphe I de l'article 16 de la loi déférée ;
  • le premier alinéa de l'article L. 212-5-1 et l'article L. 212-5-2 du code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction résultant de l'article 26 de la loi déférée ;
  • l'article L. 211-17 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi déférée ;
  • l'article 28 de la loi déférée ;
  • le troisième alinéa de l'article 373-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'article 31 de la loi déférée ;
  • la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 10 du code de justice administrative et la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction résultant de l'article 33 de la loi déférée ;
  • les deux premiers alinéas de l'article L. 10-1 du code de justice administrative et les deux premiers alinéas de l'article L. 111-14 du code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction résultant de l'article 33 de la loi déférée ;
  • les 1 ° à 4 ° des articles 11-1 et 11-2 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile du 5 juillet 1972, dans leur rédaction résultant de l'article 33 de la loi déférée ;
  • les mots « au plus tard jusqu'au 31 décembre 2021 » figurant au paragraphe IV de l'article 5 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dans sa rédaction résultant de l'article 34 de la loi déférée ;
  • le premier alinéa de l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant de l'article 35 de la loi déférée ;
  • les mots « ou dans lesquels il intervient » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article 15-4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 43 de la loi déférée ;
  • les mots « D'une enquête » figurant au 1 ° de l'article 230-32 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 44 de la loi déférée ;
  • le premier alinéa de l'article 230-46 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 45 de la loi déférée ;
  • Les mots « et, à la fin, le mot : »audiovisuels« est supprimé » figurant au a du 11 ° du paragraphe III de l'article 46 de la loi déférée ;
  • l'avant dernier alinéa de l'article 16 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 47 de la loi déférée ;
  • les mots « ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire » figurant aux premier et dernier alinéas de l'article 60, à la première phrase du premier alinéa de l'article 60-1, au deuxième alinéa de l'article 60-2 et à la première phrase de l'article 60-3 du code de procédure pénale, les mots « ou, sous le contrôle de ce dernier, de l'agent de police judiciaire » figurant au premier alinéa de l'article 60-2 du même code, et les mots « ou l'agent » figurant au premier alinéa des articles 76-2 et 77-1, à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1, aux premier et deuxième alinéas de l'article 77-1-2 et à l'article 77-1-3 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 47 de la loi déférée ;
  • la première phrase du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 63 du code de procédure pénale, les mots « où elle doit être entendue ou faire l'objet d'un des actes prévus à l'article 61-3 » figurant à l'article 63-4-3-1 du même code et les mots « fait l'objet d'une mesure de protection juridique » figurant au premier alinéa de l'article 706-112-1 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 48 de la loi déférée ;
  • le mot « trois » figurant à la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 76 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 49 de la loi déférée ;
  • le paragraphe II de l'article 50 de la loi déférée ;
  • la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 60 du code de procédure pénale, la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 234-4 et la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article L. 235-2 du code de la route, dans leur rédaction résultant de l'article 51 de la loi déférée ;
  • la seconde phrase du sixième alinéa de l'article 97 du code de procédure pénale, les mots « ou décidant d'une mise en liberté d'office » figurant au deuxième alinéa de l'article 142-6 du même code et le dernier alinéa de l'article 142-7 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 54 de la loi déférée ;
  • les mots « soit de l'envoi de l'avis prévu au I du présent article » figurant au paragraphe III de l'article 175 du code de procédure pénale et le dernier alinéa de l'article 180-1 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 56 de la loi déférée ;
  • les mots « au président de la chambre de l'instruction ou » figurant au deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, à la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 99 du même code, à la première phrase du deuxième alinéa de l'article 706-153 du même code et à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 778 du même code, les mots « le président de la chambre de l'instruction ou » figurant à la troisième phrase de l'article 41-6 du même code, ainsi que le premier alinéa de l'article 170-1 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 56 de la loi déférée ;
  • la dernière phrase du vingt-septième alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale et les mots « trois ans » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l'article 495-8 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 59 de la loi déférée ;
  • le premier alinéa de l'article 41-3-1 A, l'avant-dernier alinéa de l'article 393 et la première phrase du deuxième alinéa de l'article 397-1-1 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de l'article 60 de la loi déférée ;
  • les mots « lorsqu'ils sont punis d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement » figurant au premier alinéa de l'article 398-1 du code de procédure pénale, les mots « selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 398 » figurant au deuxième alinéa de l'article 510 du même code et le premier alinéa du paragraphe II de l'article 495 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 61 de la loi déférée ;
  • le dernier alinéa de l'article 249 et le dernier alinéa de l'article 332 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de l'article 63 de la loi déférée, ainsi que le premier alinéa du paragraphe III de ce même article 63 ;
  • les mots « et un procureur de la République antiterroriste » figurant à l'article L. 217-1 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction résultant de l'article 69 de la loi déférée ;
  • le 2 ° de l'article 131-3 du code pénal et le mot « six » figurant au premier alinéa de l'article 131-4-1 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 71 de la loi déférée ;
  • la seconde phrase du premier alinéa de l'article 132-19 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l'article 74 de la loi déférée ;
  • le paragraphe VI de l'article 85 de la loi déférée ;
  • les mots « et L. 851-6, au I de l'article L. 852-1, aux articles L. 852-2 et L. 853-1 ainsi que, dans le cas prévu au V du même article L. 853-1, à l'article L. 853-3 » figurant au premier alinéa et les deux derniers alinéas de l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de l'article 89 de la loi déférée, ainsi que le 2 ° du paragraphe II du même article 89 ;
  • les deux premiers alinéas du paragraphe I de l'article 90 de la loi déférée et la date « 2022 » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 100 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, dans sa rédaction résultant du même article 90 ;
  • les mots « du domaine affecté à l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats » figurant au premier alinéa de l'article 12-1 de la même loi du 24 novembre 2009 et les mots « peut la retenir en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire » figurant à la première phrase du troisième alinéa du même article, dans sa rédaction résultant de l'article 91 de la loi déférée ;
  • l'article 93 de la loi déférée ;
  • le paragraphe I de l'article L. 211-9-3 et l'article L. 212-8 du code de l'organisation judiciaire, dans leur rédaction résultant de l'article 95 de la loi déférée, ainsi que le 42 ° du paragraphe I de ce même article ;
  • le 2 ° de l'article 106 de la loi déférée ;
  • le 1 ° de l'article 107 de la loi déférée ;
  • le paragraphe XII de l'article 109 de la même loi.

Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 20 et 21 mars 2019, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Valéry GISCARD d'ESTAING, Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 21 mars 2019.

JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4
ECLI : FR : CC : 2019 : 2019.778.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.2. DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOÛT 1789
  • 1.2.20. Combinaison de plusieurs dispositions de la Déclaration de 1789
  • 1.2.20.18. Principe de la publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives

Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte le principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives. Il est loisible au législateur d'apporter à ce principe des limitations liées à des exigences constitutionnelles, justifiées par l'intérêt général ou tenant à la nature de l'instance ou aux spécificités de la procédure, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 102, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.13. Combinaison des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946
  • 1.3.13.4. Protection de l'intérêt supérieur de l'enfant

Il résulte des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 une exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 59, 60, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 2. NORMES ORGANIQUES
  • 2.2. CHAMP D'APPLICATION DES LOIS ORGANIQUES
  • 2.2.2. Normes organiques et autres normes
  • 2.2.2.2. Répartition lois organiques / lois ordinaires
  • 2.2.2.2.1. Dispositions relevant du domaine de la loi organique

Des dispositions relatives aux conditions et aux limites dans lesquelles des magistrats du siège, des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles peuvent être provisoirement délégués au sein d'autres juridictions que celle dans laquelle ils ont été nommés, pour une durée annuelle pouvant aller jusqu'à trois mois, mettent en cause le statut des magistrats et relèvent donc, conformément à l'article 64 de la Constitution, d'une loi organique.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 387, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 2. NORMES ORGANIQUES
  • 2.2. CHAMP D'APPLICATION DES LOIS ORGANIQUES
  • 2.2.2. Normes organiques et autres normes
  • 2.2.2.2. Répartition lois organiques / lois ordinaires
  • 2.2.2.2.5. Empiètement de la loi ordinaire sur le domaine organique - Incompétence

En spécifiant, à l'article 64 de la Constitution, que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le constituant a entendu accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire. La loi organique doit par suite déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées.
Dès lors, les dispositions de la loi déférée, qui prévoient les conditions et les limites dans lesquelles des magistrats du siège, des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles peuvent être provisoirement délégués au sein d'autres juridictions que celle dans laquelle ils ont été nommés, pour une durée annuelle pouvant aller jusqu'à trois mois, mettent en cause le statut des magistrats et relèvent donc d'une loi organique. Par suite, elles sont entachés d'incompétence. Censure.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 386, 387, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.2. CONDITIONS DE RECOURS À LA LOI
  • 3.2.3. Catégories de lois
  • 3.2.3.2. Lois spécifiques
  • 3.2.3.2.5. Lois expérimentales (article 37-1 de la Constitution)

Le Conseil constitutionnel écarte le grief tiré de l'inégalité de traitement entre les personnes soumises à l'expérimentation et celles qui n'y sont pas soumises, dans la mesure où cette inégalité est la conséquence nécessaire de la mise en œuvre de l'expérimentation.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 313, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.2. CONDITIONS DE RECOURS À LA LOI
  • 3.2.3. Catégories de lois
  • 3.2.3.2. Lois spécifiques
  • 3.2.3.2.5. Lois expérimentales (article 37-1 de la Constitution)
  • 3.2.3.2.5.4. Libertés publiques

Les dispositions contestées se bornent à prolonger, pour une durée limitée, l'expérimentation prévue par l'article 5 de la loi du 18 novembre 2016, que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution dans sa décision du 17 novembre 2016. Rejet des griefs.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 111, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Dispositions instaurant une expérimentation relative à la cour criminelle appelée à connaître de certains crimes relevant des cours d'assises. En prévoyant que le dispositif juridique de la cour criminelle serait applicable à titre expérimental dans au moins deux départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du ministre de la justice, pendant une durée de trois ans à compter de la date fixée par cet arrêté, pour le jugement des personnes mises en accusation au plus tard deux ans après cette date, le législateur a suffisamment défini l'objet de l'expérimentation qu'il a instituée.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 312, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Dispositions instaurant une expérimentation relative à la cour criminelle appelée à connaître de certains crimes relevant des cours d'assises. Le grief tiré de l'inégalité de traitement entre les justiciables soumis à l'expérimentation et ceux qui n'y sont pas soumis, laquelle est la conséquence nécessaire de la mise en œuvre de l'expérimentation, ne peut qu'être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 313, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.2. Absence d'incompétence négative
  • 3.3.4.2.2. Renvoi au règlement d'application

Les deux critères retenus par le législateur pour autoriser le pouvoir réglementaire à spécialiser, au sein d'un département, certaines juridictions civiles ou pénales sont celui du volume des affaires concernées et celui de la technicité des matières en cause. En retenant le premier, le législateur a entendu, au nom de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, permettre que des contentieux représentant un faible volume d'activité par juridiction puissent être regroupés au sein d'une seule juridiction départementale. En retenant le second critère, le législateur a entendu, au nom du même objectif, favoriser, pour des contentieux techniques appelant des compétences particulières, la spécialisation au sein d'une même juridiction des magistrats chargés de les juger. Par ailleurs, le législateur a prévu que la spécialisation contentieuse en matière pénale ne pourrait porter sur toutes les infractions jugées à juge unique et a précisé celles devant être écartées. En retenant ainsi de tels critères objectifs et rationnels, qui ne sont pas inintelligibles, pour déterminer les cas dans lesquels une spécialisation contentieuse départementale peut être prévue par le pouvoir réglementaire, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. Il en va de même en ce qui concerne le dispositif analogue retenu pour l'expérimentation de la spécialisation des cours d'appel au sein d'une même région.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 374, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

La suppression des tribunaux d'instance a pour effet d'attribuer leurs compétences matérielles au tribunal judiciaire. L'article L. 212-8 du code de l'organisation judiciaire permet que ces compétences ou d'autres compétences du tribunal judiciaire soient attribuées à des chambres de proximité relevant de ce tribunal judiciaire, dotées, en son sein, d'un ressort juridictionnel spécifique, déterminé par décret. La détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre des principes définis par la loi, étant de la compétence réglementaire, le législateur n'a pas méconnu sa compétence ni le droit à un recours juridictionnel effectif en s'abstenant de fixer lui-même les lieux ou les règles d'implantation de ces chambres de proximité. Il lui était également loisible de ne pas prévoir que les chambres de proximité rattachées au tribunal judiciaire disposeraient de leur propre service de greffe.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 379, 380, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.4. POUVOIR LÉGISLATIF DÉLÉGUÉ
  • 3.4.1. Ordonnances de l'article 38
  • 3.4.1.1. Conditions de recours à l'article 38
  • 3.4.1.1.1. Demande d'habilitation

Aux termes mêmes de l'article 38 de la Constitution, le champ de l'habilitation peut comprendre toute matière qui relève du domaine de la loi. Est par conséquent inopérant le grief selon lequel les dispositions contestées, qui définissent ce champ, seraient entachées d'incompétence négative.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 51, 55, 78, 367, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.4. POUVOIR LÉGISLATIF DÉLÉGUÉ
  • 3.4.1. Ordonnances de l'article 38
  • 3.4.1.1. Conditions de recours à l'article 38
  • 3.4.1.1.2. Exécution du programme
  • 3.4.1.1.2.2. Finalité des mesures et domaines d'intervention

En habilitant le Gouvernement à transférer à la Caisse des dépôts et consignations, d'une part, la charge de recevoir et de gérer les sommes issues des saisies des rémunérations ordonnées par le juge et de procéder à leur répartition entre les différents créanciers et, d'autre part, la tâche de gérer les sommes consignées à des fins d'expertise, le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d'être prises par voie d'ordonnance ainsi que leur domaine d'intervention. Rejet du grief tiré de la méconnaissance de l'article 38 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 50, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relatives à la justice pénale des mineurs, le législateur a précisément défini le domaine d'intervention des mesures qu'il autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance. En outre, en confiant au Gouvernement, le soin de « simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants », d'« accélérer leur jugement pour qu'il soit statué rapidement sur leur culpabilité », de « renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération » et d'« améliorer la prise en compte de leurs victimes », le législateur a suffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d'être prises par voie d'ordonnance. Rejet du grief tiré de la méconnaissance de l'article 38 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 365, 367, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées habilitent le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin d'adapter et de mettre en cohérence l'ensemble des dispositions prévues par tous les codes et textes en vigueur à la suite de la réforme de l'organisation judiciaire résultant d'un autre article de la loi déférée, notamment en vue de "remédier aux éventuelles erreurs et omissions de la présente loi". Les erreurs et omissions en cause sont seulement celles auxquelles il serait nécessaire de remédier afin de tirer les conséquences de la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance ainsi que de la création du juge des contentieux de la protection. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 388, 390, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.4. POUVOIR LÉGISLATIF DÉLÉGUÉ
  • 3.4.1. Ordonnances de l'article 38
  • 3.4.1.4. Respect de la hiérarchie des normes

Les dispositions contestées, qui autorisent le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires, ne sont, ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires au droit à un recours juridictionnel effectif. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l'article 38 de la Constitution, de respecter ce droit. Le grief tiré de sa méconnaissance doit donc être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 78, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.3. Droit pénal. Contraventions, crimes et délits, procédure pénale, amnistie, ordres de juridiction et statut des magistrats
  • 3.7.3.5. Ordre de juridiction
  • 3.7.3.5.2. Règles d'organisation juridictionnelle ne relevant pas de la loi

La suppression des tribunaux d'instance a pour effet d'attribuer leurs compétences matérielles au tribunal judiciaire. L'article L. 212-8 du code de l'organisation judiciaire permet que ces compétences ou d'autres compétences du tribunal judiciaire soient attribuées à des chambres de proximité relevant de ce tribunal judiciaire, dotées, en son sein, d'un ressort juridictionnel spécifique, déterminé par décret. La détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre des principes définis par la loi, étant de la compétence réglementaire, le législateur n'a pas méconnu sa compétence ni le droit à un recours juridictionnel effectif en s'abstenant de fixer lui-même les lieux ou les règles d'implantation de ces chambres de proximité. Il lui était également loisible de ne pas prévoir que les chambres de proximité rattachées au tribunal judiciaire disposeraient de leur propre service de greffe.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 379, 380, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits

Saisi de deux nouveaux articles du code de l'organisation judiciaire étendant les possibilités de procéder à des jugements sans audience en matière civile, le Conseil constitutionnel juge qu'en premier lieu, la procédure écrite et, en principe, sans audience, prévue à l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire, ne peut être mise en œuvre qu'à l'initiative des parties et à la condition qu'elles en soient alors expressément d'accord. En second lieu, le recours à la procédure dématérialisée et, en principe, sans audience, prévue à l'article L. 212-5-2 du même code pour traiter notamment des oppositions aux injonctions de payer, qui n'est applicable qu'en cas d'opposition ou de demande en paiement relatifs à des litiges portant sur des sommes n'excédant pas un montant défini par voie réglementaire, est pareillement subordonné à l'initiative et à l'accord des parties. Le tribunal peut également décider de tenir une audience s'il estime qu'il n'est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l'une des parties en fait la demande. Cette dernière ne peut être rejetée que par une décision spécialement motivée, si le tribunal estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, une audience n'est pas nécessaire pour garantir le déroulement équitable de la procédure. Rejet du grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 65, 66, 67, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En premier lieu, d'une part, en prévoyant que les juridictions administratives et judiciaires peuvent exceptionnellement refuser de délivrer aux tiers les copies de décisions de justice en cas de « demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique », le législateur a entendu, au nom de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, faire obstacle aux demandes ayant pour objet de perturber le bon fonctionnement de la juridiction sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge, notamment d'anonymisation, disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. D'autre part, en imposant aux juridictions administratives et judiciaires, avant de délivrer aux tiers la copie d'une décision de justice, d'occulter les éléments permettant d'identifier les personnes physiques qui y sont mentionnées, lorsqu'elles sont parties ou tiers, si la divulgation est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, le législateur, qui s'est fondé sur des critères suffisamment précis, a entendu assurer la protection des personnes et le respect de la vie privée. En deuxième lieu, en l'absence de dispositions particulières, les recours contre la décision relative à la délivrance d'une copie d'une décision de justice s'exercent dans les conditions du droit commun. En dernier lieu, les tiers peuvent également, sous réserve de dispositions particulières, accéder aux décisions de justice par la voie de leur mise à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique, sur le fondement des articles L. 10 du code de justice administrative et L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire. Rejet du grief tiré de la méconnaissance des exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 96, 97, 98, 99, 100, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Il résulte de la combinaison des deux alinéas de l'article 11-3 de la loi du 5 juillet 1972, tel que complété par les dispositions contestées, que la copie délivrée aux tiers des jugements prononcés publiquement est limitée au dispositif du jugement lorsque celui–ci a été rendu après débats en chambre du conseil. Par suite, lorsque les débats ont eu lieu en chambre du conseil pour l'un des motifs prévus au dernier alinéa de l'article 11-1, tenant à un risque d'atteinte à l'intimité de la vie privée, à une demande de toutes les parties ou à des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice, lesquels motifs ne permettent pas de déroger à la publicité du prononcé du jugement, les tiers sont privés de plein droit de la communication de l'intégralité du jugement, dont la copie est alors limitée au dispositif. Toutefois, en raison de sa généralité et de son caractère obligatoire, cette restriction apportée par les dispositions contestées n'est pas limitée aux cas où elle serait justifiée, notamment, par la protection du droit au respect de la vie privée. Dès lors, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 106, 107, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En premier lieu, le 4° des articles 11-1 et 11-2 de la loi du 5 juillet 1972 prévoit que les débats ont lieu en chambre du conseil et que les jugements ne sont pas prononcés publiquement dans les matières « mettant en cause le secret des affaires dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 153-1 du code de commerce ». Il résulte de ce renvoi aux dispositions du code de commerce que la dérogation au principe de publicité des débats et du prononcé du jugement s'applique, non pas de plein droit, mais seulement si le juge, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, considère que la protection du secret des affaires ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense. En second lieu, si le législateur a prévu, en matière gracieuse et dans les matières relatives à l'état et à la capacité des personnes ou intéressant la vie privée déterminées par décret, que les débats ont lieu en chambre du conseil et que les jugements ne sont pas prononcés publiquement, sans que le juge ne dispose d'un pouvoir d'appréciation sur l'un ou l'autre de ces points, il n'en résulte, compte tenu de la nature des matières en cause ou des enjeux particuliers qu'elles présentent au regard de l'intimité et de la vie privée des personnes, aucune méconnaissance du principe de publicité des audiences ni à aucune autre exigence constitutionnelle. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance, par les 1° à 4° des articles 11-1 et 11-2 de la loi du 5 juillet 1972, des exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 103, 104, 105, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.1. Droits de la défense

D'une part, la faculté offerte au juge d'instruction d'ouvrir et de reconstituer un scellé hors la présence de la personne mise en examen est limitée aux cas où ni cette ouverture, ni cette reconstitution n'exigent qu'elle soit interrogée sur le contenu du scellé. D'autre part, si ces opérations peuvent se dérouler en dehors de la présence de la personne mise en cause, son avocat doit être convoqué pour y assister. En outre, le juge d'instruction doit se faire assister par son greffier. Dès lors les dispositions contestées, qui instaurent une telle faculté, ne méconnaissent ni les droits de la défense ni le droit à un procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 219, 220, 221, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Saisi d'une disposition permettant qu'une assignation à résidence sous surveillance électronique soit décidée, sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne placée en détention provisoire ou de son avocat, lorsque le juge ordonne une mise en liberté d'office, le Conseil constitutionnel juge que, d'une part, aux termes de l'article 144 du code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs énoncés par cet article pour la protection de l'ordre public et des personnes ou la manifestation de la vérité et qu'une autre mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ne saurait y pourvoir. Dès lors, le placement sous une telle assignation décidée en même temps que la mise en liberté d'office d'une personne placée en détention provisoire vise à faire bénéficier l'intéressé d'une mesure que le législateur a estimée moins rigoureuse. D'autre part, si, faute de débat contradictoire à l'occasion de la décision de libération d'office, la personne contre laquelle la mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique est prononcée ne peut présenter ses moyens de défense pour éviter d'y être soumise ou solliciter à la place une mesure de contrôle judiciaire, elle peut en revanche en demander la mainlevée à tout moment en vertu des articles 140 et 142-12 du code de procédure pénale. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 222, 224, 225, 226, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article 63-4-3-1 du code de procédure pénale afin de prévoir que l'avocat d'une personne gardée à vue n'est informé du transport de celle-ci que si cette dernière doit être entendue ou si elle doit participer à une opération de reconstitution ou à une séance d'identification des suspects dont elle fait partie. Ces modifications maintiennent l'obligation pour les enquêteurs d'informer sans délai l'avocat d'une personne gardée à vue lorsque celle-ci est transportée sur un lieu où elle doit être entendue. Par ailleurs, dans les cas où cette obligation d'information n'est pas prévue, les enquêteurs ne peuvent, à l'occasion de ce transport, ni interroger le gardé à vue ni recueillir ses déclarations. Dès lors, absence de méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 182, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En supprimant l'obligation de l'accord de l'intéressé pour le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle s'agissant des débats relatifs à la prolongation d'une mesure de détention provisoire, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, en évitant les difficultés et les coûts occasionnés par l'extraction de la personne placée en détention provisoire. Toutefois, le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle peut être imposé à l'intéressé lorsqu'il doit être entendu en vue de la prolongation de sa détention, y compris lorsque ce recours n'est pas justifié par des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion. Dès lors, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d'une procédure de détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense. Censure.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 233, 234, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Dispositions permettant au juge de maintenir sous assignation à résidence avec surveillance électronique une personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises. En décidant du maintien de cette mesure dans ce cas, le juge entend s'assurer de sa représentation en vue du jugement ou éviter certains troubles. Cette justification de la mesure est susceptible de se prolonger tout le temps restant à courir jusqu'au jugement. Par ailleurs, l'article 142-7 du code de procédure pénale prévoit que la durée de la mesure décidée par le juge ne peut dépasser deux ans et qu'il doit être tenu compte du temps déjà passé sous l'empire d'une telle assignation à résidence pendant l'instruction. Enfin, l'intéressé peut à tout moment demander la mainlevée de la mesure. Il résulte de ce qui précède que le dernier alinéa de l'article 142-7 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 229, 230, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

D'une part, en imposant aux parties un délai de quinze jours après l'envoi de l'avis de fin d'information pour décider si elles entendent présenter des observations sur cet avis et formuler ou présenter des demandes ou des requêtes, le législateur a entendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, permettre un règlement plus rapide de l'information judiciaire qui ne puisse être remis en cause par l'exercice tardif de ses droits par une partie. D'autre part, une fois que la partie a fait connaître son intention d'exercer ses droits, elle dispose pour ce faire, d'un délai d'un mois, si une personne mise en examen est placée en détention, ou de trois mois, dans les autres cas. Rejet des griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit au procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 238, 239, 240, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les requérants dénonçaient l'amoindrissement du contrôle de la chambre d'instruction sur l'information judiciaire résultant selon eux du fait que les dispositions contestées prévoyaient qu'elle statuerait à juge unique. Toutefois, les modalités de composition des formations de jugement sont sans effet sur l'obligation de respecter les droits de la défense. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de ces droits doit être écarté. Il en va de même de celui tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 243, 244, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

La modification apportée à l'article 393 du code de procédure pénale vise à prévoir que, lorsque le procureur de la République envisage de poursuivre une personne et de la convoquer par procès-verbal devant le tribunal correctionnel ou de la faire comparaître immédiatement, il peut décider de fixer à la même audience, afin qu'elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites pour lesquelles la personne a été renvoyée devant ce même tribunal.
En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, éviter la multiplication des audiences relatives à une même personne pour des poursuites différentes. En deuxième lieu, en dépit du regroupement des différentes poursuites au sein de la même audience, chaque affaire peut faire l'objet d'un examen distinct. En dernier lieu, d'une part, en dehors du cas d'une comparution immédiate, les dispositions contestées prévoient que la décision de regroupement ne peut intervenir moins de dix jours avant la date de l'audience, ce qui offre au prévenu un délai pour achever la préparation de sa défense. Si, dans le cas d'une comparution immédiate, ce regroupement peut avoir pour effet de diminuer le temps restant à courir avant la date des audiences initialement prévues pour chacune des poursuites, l'article 397-1 du code de procédure pénale prévoit que le prévenu qui ne consent pas à être jugé séance tenante peut obtenir du tribunal le renvoi à une prochaine audience, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines ou, si l'une des peines encourues est supérieure à sept ans d'emprisonnement, deux mois. Un tel renvoi est de nature à permettre à l'intéressé de préparer sa défense, sur chacune des affaires objets du regroupement. D'autre part, en application de l'article 397-6 du code de procédure pénale, le regroupement ne peut concerner des délits exclus du champ des procédures de convocation par procès-verbal ou comparution immédiate prévues aux articles 394 à 396 du même code. En outre, en cas de comparution immédiate, ne peuvent être regroupées les autres poursuites relatives à des délits insusceptibles, en vertu de l'article 395 du même code, de faire l'objet d'une telle procédure.
Toutefois, dans le cas d'une telle comparution immédiate, ce regroupement peut avoir pour effet de diminuer le temps restant à courir avant la date des audiences initialement prévues pour chacune des poursuites faisant l'objet de ce regroupement. Si le prévenu peut, en vertu de l'article 397-1 du code de procédure pénale, refuser d'être jugé immédiatement et obtenir un renvoi de l'audience dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, en revanche le tribunal peut, sur le fondement de l'article 397-3 du même code, le placer en détention provisoire. Ainsi, un prévenu susceptible d'accepter d'être jugé immédiatement pour l'infraction qui justifie initialement son renvoi en comparution immédiate pourrait être conduit, par l'effet du regroupement de plusieurs poursuites, à être placé en détention provisoire pour des motifs liés à l'affaire qui a donné lieu à la comparution immédiate, alors que son refus d'être jugé séance tenante tient à sa volonté de disposer de suffisamment de temps pour terminer de préparer sa défense sur les affaires pour lesquelles il avait été initialement renvoyé devant le tribunal correctionnel dans des délais plus longs et pour lesquelles, le cas échéant, il avait déjà pris des dispositions. Les dispositions contestées ne sauraient dès lors, sans méconnaître les droits de la défense, priver le tribunal correctionnel, dans ce cas, de la possibilité de renvoyer les seules affaires pour lesquelles le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou qui n'apparaissent pas au tribunal en l'état d'être jugées.
Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable et, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, celui tiré de la méconnaissance des droits de la défense doivent être écartés.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 278, 280, 281, 282, 283, 284, 285, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les modalités de composition des formations de jugement sont sans effet sur l'obligation de respecter les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 295, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

L'article 309 du code de procédure pénale confie au président de la cour d'assises la police de l'audience et la direction des débats. Loin de porter atteinte aux droits de la défense, la faculté qui lui est conférée par les dispositions contestées d'interrompre un témoin et de l'interroger sans attendre la fin de sa déposition, si la clarté et le bon déroulement des débats le requièrent, en assure l'effectivité. Rejet du grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 308, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées prévoient que, à titre expérimental, il peut être procédé à l'enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités prévoyant, pour les personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue, la notification de leurs droits. Cet enregistrement dispense les enquêteurs de constater par procès-verbal, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, le respect de ces formalités. Toutefois, le législateur a prévu que l'enregistrement doit être conservé dans des conditions sécurisées, exigence qui s'étend aux informations nécessaires à l'identification de l'enquêteur, et que, en cas de contestation, il pourra être consulté sur simple demande. Dès lors, absence de méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 201, 203, 204, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées prévoient que certaines personnes qualifiées auxquelles a recours un officier de police judiciaire peuvent replacer sous scellés les objets examinés et placer sous scellés les objets résultant de leurs examens. Ces personnes sont celles désignées par un officier de police judiciaire pour procéder à des examens techniques ou scientifiques. Sauf si elles sont inscrites sur une des listes des experts, ces personnes prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Dès lors, absence de méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 207, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En autorisant que soient requis dans le cadre d'une enquête un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang aux fins d'établir la consommation d'alcool ou la prise de produits stupéfiants d'un conducteur, le législateur n'a pas méconnu les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 208, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.3. Droit au recours
  • 4.2.2.3.1. Principe

Les modalités de composition des formations de jugement sont sans effet sur le droit à un recours juridictionnel effectif.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 295, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.3. Droit au recours
  • 4.2.2.3.3. Procédure civile

Les dispositions contestées, qui autorisent le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires, ne sont, ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires au droit à un recours juridictionnel effectif. Elles ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de dispenser le Gouvernement, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés en application de l'article 38 de la Constitution, de respecter ce droit. Le grief tiré de sa méconnaissance doit donc être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 78, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article 373-2 du code civil, relatif à l'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés, qui prévoit notamment que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. Un troisième alinéa y est ajouté, prévoyant que, à cette fin, le procureur de la République peut requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel ou une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Ces dispositions visent à assurer l'effectivité des décisions judiciaires relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Elles mettent ainsi en œuvre le droit d'obtenir l'exécution des décisions de justice, qui découle du droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Rejet des griefs tirés de la méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale et de l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 80, 82, 83, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

L'article contesté subordonne à une tentative de règlement amiable préalable la recevabilité de certaines demandes en matière civile.
Toutefois, d'une part, il circonscrit cette condition de recevabilité aux demandes tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou relatives à un conflit de voisinage. D'autre part, les parties peuvent librement choisir entre les différents modes de règlement amiable que constituent la médiation, la procédure participative et la conciliation par un conciliateur de justice, laquelle est gratuite. Enfin, le législateur a prévu que cette condition de recevabilité n'est pas opposable lorsque l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime. Au titre d'un tel motif, le législateur a expressément prévu l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable.
Cependant, s'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent. Sous cette réserve, et compte tenu des garanties qui précèdent, le grief tiré d'une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 18, 19, 20, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées prévoient que, devant le tribunal de grande instance, les parties peuvent être dispensées, dans certaines matières, en raison de leur nature ou en considération de la valeur du litige, de la représentation obligatoire par un avocat et être représentées par leur conjoint, leur concubin, certains de leurs parents ou des personnes attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
La représentation obligatoire par un avocat devant la juridiction a pour objet d'assurer une bonne administration de la justice. Toutefois, en fonction de l'objet du litige, elle est susceptible de présenter un coût pour le justiciable non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ayant des conséquences sur l'exercice du recours.
En prévoyant que les litiges relatifs à certaines matières peuvent être dispensés de la représentation par un avocat en raison de leur nature ou en considération de la valeur du litige, le législateur a entendu éviter que, pour des litiges de faible montant ou des contentieux de protection et d'assistance ou présentant une faible technicité juridique, le justiciable soit dissuadé de saisir le juge. Ce faisant, le législateur qui n'a pas méconnu sa compétence, s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels. Il n'a pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 29, 30, 31, 32, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

La spécialisation contentieuse de certains tribunaux judiciaires prévue par les dispositions contestées ne peut intervenir qu'au sein d'un même département ou, à titre exceptionnel, sur le fondement du paragraphe III de l'article L. 211-9-3 du code de l'organisation judiciaire, entre deux tribunaux d'un même ressort de cour d'appel situés dans des départements différents, lorsque leur proximité géographique et les spécificités territoriales le justifient. Eu égard au ressort départemental ainsi retenu par le législateur pour autoriser cette spécialisation et compte tenu de l'objectif qu'il a ici poursuivi - permettre, au nom de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, que des contentieux représentant un faible volume d'activité par juridiction puissent être regroupés au sein d'une seule juridiction départementale, les dispositions contestées ne portent pas, par l'éloignement qu'elles rendraient possible entre le justiciable et la juridiction compétente pour connaître de son affaire, atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. Il en va de même pour les dispositions analogues relatives à l'expérimentation de la spécialisation des cours d'appels au sein d'une même région.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 375, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

La suppression des tribunaux d'instance a pour effet d'attribuer leurs compétences matérielles au tribunal judiciaire. L'article L. 212-8 du code de l'organisation judiciaire permet que ces compétences ou d'autres compétences du tribunal judiciaire soient attribuées à des chambres de proximité relevant de ce tribunal judiciaire, dotées, en son sein, d'un ressort juridictionnel spécifique, déterminé par décret. La détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre des principes définis par la loi, étant de la compétence réglementaire, le législateur n'a pas méconnu sa compétence ni le droit à un recours juridictionnel effectif en s'abstenant de fixer lui-même les lieux ou les règles d'implantation de ces chambres de proximité. Il lui était également loisible de ne pas prévoir que les chambres de proximité rattachées au tribunal judiciaire disposeraient de leur propre service de greffe.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 379, 380, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées donnent compétence à un tribunal de grande instance spécialement désigné pour connaître des demandes d'injonction de payer.
Le traitement centralisé des demandes d'injonction de payer peut, en fonction du lieu de résidence des justiciables, conduire à un éloignement géographique entre le justiciable et la juridiction compétente pour connaître de son affaire.
En premier lieu, en donnant compétence à un seul tribunal de grande instance pour connaître de l'ensemble des demandes d'injonction de payer, le législateur a entendu décharger les autres juridictions d'un contentieux de masse et en faciliter le traitement. Il a ainsi poursuivi un objectif de bonne administration de la justice. En deuxième lieu, d'une part, la procédure de délivrance d'une injonction de payer est exclusivement écrite et non contradictoire. En outre, les demandes d'injonction de payer sont formées par voie dématérialisée. Elles peuvent l'être sur support papier pour les personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire. D'autre part, si l'injonction de payer délivrée dans les conditions évoquées ci-dessus peut faire l'objet d'une opposition de la personne à l'encontre de laquelle elle a été prononcée par déclaration au greffe, cette opposition peut également être formée par courrier recommandé. Dans ce cas, les dispositions contestées prévoient que l'instruction, l'audience et le jugement de cette opposition relèvent de la compétence du tribunal de grande instance territorialement compétent déterminé en fonction du lieu de résidence du débiteur poursuivi.
Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au recours juridictionnel effectif.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 70, 71, 72, 73, 74, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.6. Séparation des pouvoirs

L'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance de l'ensemble des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative. L'agent qui établit l'amende forfaitaire délictuelle agit, en vertu des articles 12 et 39-3 du code de procédure pénale, sous la direction du procureur de la République et conformément aux instructions générales ou particulières qu'il lui délivre. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 248, 249, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées suppriment l'obligation d'homologation de certaines compositions pénales par le juge.
D'une part, si en vertu de la garantie des droits et du principe de la séparation des pouvoirs proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789, lorsque l'action publique a été mise en mouvement, l'homologation d'une transaction est du seul ressort d'un magistrat du siège, l'article 41-2 du code de procédure pénale exclut qu'une proposition de composition pénale puisse être formulée si l'action publique a déjà été mise en mouvement.
D'autre part, en vertu du trentième alinéa de l'article 41-2, l'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Dès lors, la suppression de la validation par un juge de la proposition de composition pénale formulée par le procureur de la République a pour conséquence de rendre possible, sur la seule décision de l'autorité de poursuite et avec l'accord de l'auteur du délit, l'extinction de l'action publique par l'exécution de cette composition. Toutefois, le législateur a limité le recours à une telle procédure de composition pénale sans validation d'un juge aux seuls délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à trois ans et aux propositions de peine portant soit sur une amende de composition n'excédant pas le plafond des amendes contraventionnelles, soit sur la remise d'une chose dont la valeur ne dépasse pas ce même montant. Compte tenu des seuils ainsi retenus, qui ne sauraient être aggravés et satisfont à l'exigence, énoncée au paragraphe 252 de la même décision, selon laquelle "si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à de tels modes d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d'amendes de faible montant", les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice. Elles ne méconnaissent pas non plus celui de séparation des autorités de poursuite et de jugement.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 252, 269, 270, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.8. Impartialité dans l'exercice de fonctions juridictionnelles

En application de l'article 802-2 du code de procédure pénale, toute personne ayant fait l'objet d'une perquisition ou d'une visite domiciliaire en application des dispositions du code de procédure pénale et qui n'a pas été poursuivie devant une juridiction d'instruction ou de jugement au plus tôt six mois après l'accomplissement de cet acte peut saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande tendant à son annulation. Or, conformément aux articles 76, 706-89 et 706-90 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut être saisi aux fins d'autoriser une perquisition ou une visite domiciliaire. Toutefois, lorsque la décision contestée en application de l'article 802-2 a été ordonnée par un juge des libertés et de la détention, ce juge ne saurait, sans méconnaître le principe d'impartialité, statuer sur la demande tendant à l'annulation de sa décision. Ainsi, sous cette réserve, absence de méconnaissance du principe d'impartialité des juridictions.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 197, 198, 199, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées ont pour objet de confier aux organismes débiteurs des prestations familiales, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Cette modification, en fonction d'un barème national, peut porter sur une contribution qui a antérieurement fait l'objet d'une fixation par l'autorité judiciaire, d'une convention homologuée par elle ou d'une convention de divorce par consentement mutuel ou de certaines décisions d'un organisme débiteur des prestations familiales.
Les caisses d'allocations familiales sont des personnes privées en charge d'une mission de service public. Or, les dispositions contestées leur donnent compétence pour réviser le montant des contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants qui ont fait l'objet d'une fixation par l'autorité judiciaire ou d'une convention homologuée par elle. Si cette révision doit respecter un barème national, les caisses d'allocations familiales doivent se livrer, à cette occasion, à une appréciation de l'évolution des ressources des parents et des modalités de résidence et d'exercice du droit de visite et d'hébergement. En outre, en l'absence de production par un parent des renseignements et documents requis, elles peuvent moduler forfaitairement le montant de la contribution. De plus, en application de l'article L. 581-2 du code de la sécurité sociale, les organismes débiteurs des prestations familiales sont tenus de verser l'allocation de soutien familial en cas de défaillance du parent débiteur de la contribution pour l'entretien et l'éducation des enfants et peuvent être ainsi intéressés à la détermination du montant des contributions.
Par conséquent, et alors même que les décisions de révision prises par les caisses pourraient faire l'objet d'un recours devant le juge aux affaires familiales, le législateur a autorisé une personne privée en charge d'un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 37, 38, 39, 40, 41, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées élargissent les attributions pouvant être confiées à des magistrats administratifs honoraires.
Il résulte des dispositions précitées de l'article 16 de la Déclaration de 1789 que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles.
Il suit de là que les fonctions de magistrat de l'ordre administratif doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent y consacrer leur vie professionnelle. Ces principes ne font pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées aux magistrats administratifs en activité puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser une telle carrière à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire aux principes d'indépendance et d'impartialité. Il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats, sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions.
En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article 35 que l'extension des fonctions pouvant être exercées par les magistrats administratifs honoraires, s'accompagne de la soumission de ces magistrats aux mêmes obligations et garanties statutaires d'indépendance et d'impartialité que celles applicables aux magistrats en activité. Par ailleurs, il ne peut être mis fin aux fonctions des magistrats administratifs honoraires qu'à leur demande ou pour un motif disciplinaire. Enfin, d'une part, s'il est prévu que seules les sanctions disciplinaires de blâme, d'avertissement et de cessation des fonctions peuvent être infligés aux magistrats administratifs honoraires, cette restriction du pouvoir disciplinaire est imposée par l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions. D'autre part, si les magistrats honoraires peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions juridictionnelles, c'est à la condition que celle-ci ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'indépendance de leurs fonctions.
En second lieu, en prévoyant que les magistrats administratifs honoraires ne peuvent être désignés pour exercer des fonctions de rapporteur en formation collégiale que dans la limite d'un magistrat honoraire par formation de jugement, le législateur a garanti que les fonctions exercées par des magistrats honoraires ne représentent qu'une part limitée de celles normalement réservées à des magistrats en activité.
Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les principes d'indépendance et d'impartialité.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Il résulte des dispositions précitées de l'article 16 de la Déclaration de 1789 que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles.
Les dispositions contestées ont pour objet de restreindre les incompatibilités des magistrats administratifs avec des fonctions administratives antérieures. Elles permettent à un magistrat administratif ayant exercé les fonctions de directeur régional ou départemental d'une administration publique de l'État ou de direction dans l'administration d'une collectivité territoriale, autre que celle de directeur général des services d'une collectivité de plus de 100 000 habitants dans le ressort d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel, d'être nommé membre de ce tribunal ou de cette cour. Or, compte tenu de la nature de ces fonctions et de celle du contentieux dont ont à connaître les tribunaux et cours précités, en supprimant de tels cas d'incompatibilité sans prévoir de condition de délai après l'exercice des fonctions administratives en cause, le législateur a méconnu les principes d'indépendance et d'impartialité.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 120, 121, 122, 123, 124, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
  • 4.2.2. Garantie des droits
  • 4.2.2.9. Principe de la publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives

Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en résulte le principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives. Il est loisible au législateur d'apporter à ce principe des limitations liées à des exigences constitutionnelles, justifiées par l'intérêt général ou tenant à la nature de l'instance ou aux spécificités de la procédure, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
En premier lieu, le 4° des articles 11-1 et 11-2 de la loi du 5 juillet 1972 prévoit que les débats ont lieu en chambre du conseil et que les jugements ne sont pas prononcés publiquement dans les matières « mettant en cause le secret des affaires dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 153-1 du code de commerce ». Il résulte de ce renvoi aux dispositions du code de commerce que la dérogation au principe de publicité des débats et du prononcé du jugement s'applique, non pas de plein droit, mais seulement si le juge, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, considère que la protection du secret des affaires ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense. En second lieu, si le législateur a prévu, en matière gracieuse et dans les matières relatives à l'état et à la capacité des personnes ou intéressant la vie privée déterminées par décret, que les débats ont lieu en chambre du conseil et que les jugements ne sont pas prononcés publiquement, sans que le juge ne dispose d'un pouvoir d'appréciation sur l'un ou l'autre de ces points, il n'en résulte, compte tenu de la nature des matières en cause ou des enjeux particuliers qu'elles présentent au regard de l'intimité et de la vie privée des personnes, aucune méconnaissance du principe de publicité des audiences ni à aucune autre exigence constitutionnelle. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance, par les 1° à 4° des articles 11-1 et 11-2 de la loi du 5 juillet 1972, du principe de publicité des audiences doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 102, 103, 104, 105, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.3. DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
  • 4.3.2. Applications
  • 4.3.2.4. Privation de liberté

Les dispositions contestées suppriment la contrainte pénale prévue au 2° de l'article 131-3 du code pénal et y substitue une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, définie à l'article 131-4-1 du même code. D'une part, si la peine de détention à domicile sous surveillance électronique emporte l'obligation pour le condamné de demeurer dans son domicile ou tout autre lieu désigné par le juge et de porter un dispositif intégrant un émetteur permettant de vérifier le respect de cette obligation, une telle peine privative de liberté ne peut être prononcée qu'à la place de l'emprisonnement. D'autre part, sa durée maximale, limitée à six mois, ne peut excéder celle de l'emprisonnement encouru. Enfin, la juridiction ou le juge de l'application des peines peuvent autoriser le condamné à s'absenter de son domicile pendant des périodes déterminées pour le temps nécessaire « à l'exercice d'une activité professionnelle, au suivi d'un enseignement, d'un stage, d'une formation ou d'un traitement médical, à la recherche d'un emploi, à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion ». Dès lors, en permettant de prononcer la peine de détention à domicile sous surveillance électronique pour une durée maximale de six mois, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni la dignité de la personne humaine.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 322, 324, 325, 326, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En adoptant les dispositions contestées, qui se bornent à prolonger jusqu'au 31 décembre 2022 la possibilité de déroger à la mise en œuvre de l'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt, sans au demeurant en remettre en cause le principe, le législateur n'a pas méconnu l'exigence constitutionnelle de sauvegarde de dignité de la personne humaine.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 349, 354, 355, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.3. DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
  • 4.3.2. Applications
  • 4.3.2.8. Personnes vulnérables

Les dispositions contestées étendent le champ des actes de gestion des biens de la personne protégée que le tuteur peut prendre, sans autorisation préalable du juge, modifient les conditions d'exercice de la liberté matrimoniale par les majeurs protégés, les modalités d'inventaire du patrimoine et de contrôle des comptes de gestion des personnes protégées ainsi que les conditions de renouvellement des mesures de tutelle et de curatelles.
La faculté conférée au tuteur, par les dispositions contestées d'agir sans autorisation préalable d'un juge est limitée à certains actes de gestion patrimoniale. Elle ne fait pas échapper le tuteur aux contrôles auxquels il est soumis sur le fondement des articles 416 et 417 et du titre XII du code civil. Dès lors, et en tout état de cause, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 43, 44, 45, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.3. Inviolabilité du domicile (voir également ci-dessous Liberté individuelle)

En premier lieu, les techniques spéciales d'enquête désignent plusieurs mesures d'investigation : l'utilisation d'un dispositif technique permettant de recueillir les données de connexion d'un équipement terminal, les données relatives à sa localisation, mais également l'interception des correspondances émises ou reçues par cet équipement ; l'utilisation d'un dispositif technique, éventuellement installé dans un lieu privé, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles dans des lieux privés ou publics, ou l'image des personnes se trouvant dans un lieu privé ; l'utilisation d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques. Ces techniques présentent donc un caractère particulièrement intrusif.
En deuxième lieu, le législateur a prévu que le recours à ces techniques spéciales est autorisé, dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire, pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Or, si une infraction d'une particulière gravité et complexité est de nature à justifier le recours à de telles mesures, tel n'est pas nécessairement le cas d'infractions ne présentant pas ces caractères.
En troisième lieu, cette autorisation est délivrée, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention. Toutefois, si le juge des libertés et de la détention peut ordonner à tout moment l'interruption des techniques spéciales d'enquête, les dispositions légales ne prévoient pas qu'il peut accéder à l'ensemble des éléments de la procédure. Ainsi, alors que son autorisation est donnée pour une durée d'un mois, il n'a pas accès aux procès-verbaux réalisés dans le cadre de l'enquête en cours autres que ceux dressés en exécution de sa décision et n'est pas informé du déroulé de l'enquête en ce qui concerne les investigations autres que les actes accomplis en exécution de sa décision.
Il résulte de ce qui précède que le législateur a autorisé le recours à des techniques d'enquête particulièrement intrusives pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé.
Le législateur n'a donc pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, l'inviolabilité du domicile.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 161, 162, 163, 164, 165, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En application des dispositions contestées, le législateur a, d'une part, pour les crimes et les infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, porté le délai de l'enquête de flagrance de huit jours, renouvelable une fois sur autorisation du procureur de la République et à la condition que des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne puissent être différées, à un délai initial de seize jours, non renouvelable. D'autre part, il a permis que, pour toutes les infractions punies de trois ans d'emprisonnement, l'enquête de flagrance puisse être prolongée de huit à seize jours sous les conditions précitées.
Or, lors d'une enquête de flagrance, les officiers et agents de police judiciaire peuvent procéder d'initiative à l'arrestation de l'auteur présumé de l'infraction. L'officier de police judiciaire peut également procéder à des perquisitions et à des saisies sans l'assentiment de l'intéressé et sans autorisation judiciaire, quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue. Enfin, l'officier de police judiciaire peut, sans autorisation judiciaire, procéder à de nombreux actes qui, lors d'une enquête préliminaire, nécessiteraient l'accord du procureur de la République. Il en est ainsi, notamment, des opérations de prélèvements externes sur toute personne susceptible de fournir des renseignements ou soupçonnée, de la possibilité de recourir à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, de la possibilité de requérir toute personne ou tout établissement ou organisme public ou privé aux fins de communication de documents ou d'informations contenues dans un système informatique.
Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des pouvoirs attribués aux enquêteurs en flagrance, lesquels ne sont justifiés que par la proximité avec la commission de l'infraction, le législateur n'a, en adoptant les dispositions contestées, pas prévu des garanties légales de nature à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 189, 190, 191, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

L'article 76 du code de procédure pénale permet aux enquêteurs de procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131–21 du code pénal sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. Toutefois, ces actes d'investigation ne peuvent intervenir que sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance à la suite d'une requête du procureur de la République. Cette autorisation est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Enfin, les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
Dès lors, en prévoyant que ces dispositions peuvent s'appliquer pour toute enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à trois ans, le législateur n'a pas opéré une conciliation déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 192, 193, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées de l'article 78 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République d'autoriser les agents chargés de procéder à la comparution d'une personne à pénétrer dans un domicile après six heures et avant vingt-et-une heures. Or, d'une part, cette autorisation peut être délivrée à l'encontre de toute personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou tout délit puni d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement. D'autre part, elle peut être délivrée non seulement si cette personne n'a pas répondu à une convocation à comparaître ou en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions ou de concertation, mais également en l'absence de convocation préalable si on peut craindre que la personne ne réponde pas à une telle convocation. Enfin, elle autorise les enquêteurs à pénétrer de force dans tout domicile où la personne soupçonnée est susceptible de se trouver, y compris s'il s'agit du domicile de tiers. Dès lors, compte tenu du champ de l'autorisation contestée et de l'absence d'autorisation d'un magistrat du siège, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et le droit à l'inviolabilité du domicile.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 194, 195, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient le code de procédure pénale afin notamment d'y insérer un article 80-5 permettant, sur autorisation du procureur de la République, la poursuite de certains actes d'enquête postérieurement à l'ouverture d'une information judiciaire. En application du premier alinéa du nouvel article 80-5 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, lorsqu'il requiert l'ouverture d'une information judiciaire, autoriser les officiers et agents de police judiciaire des services ou unités de police judiciaire qui étaient chargés de l'enquête à poursuivre, sous certaines conditions, les opérations prévues aux articles 60-4, 77-1-4, 230-32 à 230-35, 706-80, 706–81, 706-95-1, 706-95-20, 706-96 et 706-102-1 du même code pendant une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. Les opérations susceptibles d'être ainsi prolongées sont notamment : l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques ; la géolocalisation; la surveillance ; l'infiltration ; l'accès à distance et à l'insu de la personne visée aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique ; l'utilisation d'un appareil ou d'un dispositif technique permettant de recueillir les données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation de cet équipement terminal ; la sonorisation et la fixation d'images de lieux privés ; la captation de données informatiques.
En premier lieu, les dispositions contestées visent à éviter que certains actes d'enquête soient interrompus du seul fait de l'ouverture d'une information judiciaire. Elles poursuivent ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. En second lieu, la prolongation de ces actes d'enquête ne peut être autorisée par le procureur de la République, pour une durée maximale de quarante-huit heures à compter de l'ouverture de l'information, que si la recherche de la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement nécessite que les investigations en cours ne fassent l'objet d'aucune interruption. Cette autorisation doit faire l'objet d'une décision écrite, spéciale et motivée, qui mentionne les actes dont la poursuite est ainsi permise. En outre, le juge d'instruction peut à tout moment mettre un terme à ces opérations. Toutefois, pour les actes d'enquête qui sont subordonnés à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la prolongation permise par les dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, conduire à excéder la durée initialement fixée par le juge des libertés et de la détention. Sous cette réserve, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles en cause. Conformité, sous cette réserve, du premier alinéa de l'article 80-5 du code de procédure pénale.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 209, 211, 212, 213, 214, 215, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure, afin d'étendre les pouvoirs des services du renseignement de sécurité pénitentiaire en matière de prévention des évasions et de maintien de la sécurité des établissements pénitentiaires. Elles leur permettent, d'une part, d'intercepter des correspondances échangées au sein d'un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et, d'autre part, de sonoriser des lieux privés et des véhicules et d'y capter des images, y compris en s'introduisant dans le lieu privé ou le véhicule. L'introduction dans un lieu privé ou un véhicule ne peut être autorisée qu'à l'encontre des personnes détenues qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Les autres techniques de renseignement peuvent être mises en œuvre à l'encontre de toute personne, détenue ou non, qui présente le même risque ou le même comportement.
En premier lieu, les techniques de recueil de renseignement précitées ne peuvent être mises en œuvre qu'afin de prévenir les évasions et d'assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Elles ne peuvent viser que les personnes, détenues ou non selon le cas, qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements en cause. En deuxième lieu, aucune de ces techniques ne peut être mise en œuvre à l'occasion des communications et des entretiens entre une personne détenue et son avocat. En outre, l'introduction dans un lieu privé ou un véhicule aux fins de sonorisation ou de captation d'images, qui ne peut concerner qu'un détenu, ne peut être autorisée à l'encontre d'une personne non détenue. En troisième lieu, des agents individuellement désignés et spécialement habilités des services du renseignement de sécurité pénitentiaire ne peuvent être autorisés à recourir aux techniques de recueil de renseignement précitées que dans les conditions prévues aux titres II et V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, qui prévoient notamment une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et qui en limitent la durée de mise en œuvre. Cette autorisation ne peut, compte tenu des finalités définies par les dispositions contestées, faire l'objet de la procédure dérogatoire en cas d'urgence absolue prévue à l'article L. 821-5 du même code, applicable pour les seules finalités mentionnées aux 1° et 4° et au a du 5° de l'article L. 811-3 de ce code. En quatrième lieu, conformément à l'article L. 841-1 du même code, le Conseil d'État peut être saisi soit par toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de recueil de renseignement n'est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, soit par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. En dernier lieu, le dernier alinéa de l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la fixation d'un nombre maximal d'autorisations susceptibles d'être délivrées simultanément afin de limiter le recours, d'une part, aux interceptions de correspondances par la voie hertzienne, d'autre part, aux sonorisations et captations d'images et, enfin, aux introductions dans des véhicules ou des lieux privés. Ces trois contingents sont fixés par le Premier ministre après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui doit être informée des plafonds retenus et du nombre des autorisations effectivement délivrées. Dès lors, le législateur a assorti les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et celle des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 339, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 348, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.4. Interceptions de correspondances

En premier lieu, les dispositions contestées autorisent l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire, en vue de constater toute infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement, quelle que soit la nature de l'atteinte résultant de cette infraction et quelle que soit la complexité de l'infraction. Or, si une infraction d'une particulière gravité et complexité est de nature à justifier le recours à de telles mesures, tel n'est pas nécessairement le cas d'infractions ne présentant pas ces caractères.
En deuxième lieu, cette autorisation est délivrée, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention. Toutefois, alors que son autorisation est donnée pour une durée d'un mois, les dispositions légales ne prévoient pas l'accès du juge des libertés et de la détention à l'ensemble des éléments de la procédure. Ainsi, il n'a pas accès aux procès-verbaux dressés dans le cadre de l'enquête en cours autres que ceux pris en application des articles 100-3 à 100-8 du code de procédure pénale et n'est pas informé du déroulé de l'enquête en ce qui concerne les investigations autres que la mesure d'interception de correspondances. Enfin, les dispositions législatives ne prévoient pas que le juge peut ordonner la cessation de la mesure d'interception, notamment s'il estime que celle-ci n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité.
En dernier lieu, en cas d'urgence, l'autorisation de procéder à l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances peut être délivrée par le procureur de la République et peut se poursuivre sans contrôle ni intervention d'un magistrat du siège durant vingt-quatre heures.
Il résulte de ce qui précède que le législateur a autorisé le recours à des mesures d'interception de correspondances émises par voie de communications électroniques pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière gravité et complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé. Dès lors, le législateur n'a pas opéré une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 143, 144, 145, 146, 147, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les techniques spéciales d'enquête désignent plusieurs mesures d'investigation : l'utilisation d'un dispositif technique permettant de recueillir les données de connexion d'un équipement terminal, les données relatives à sa localisation, mais également l'interception des correspondances émises ou reçues par cet équipement ; l'utilisation d'un dispositif technique, éventuellement installé dans un lieu privé, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles dans des lieux privés ou publics, ou l'image des personnes se trouvant dans un lieu privé ; l'utilisation d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques. Ces techniques présentent donc un caractère particulièrement intrusif.
En prévoyant que, en cas d'urgence, l'autorisation de recourir à une de ces techniques spéciales d'enquête peut être délivrée par le procureur de la République et peut se poursuivre sans contrôle ni intervention d'un magistrat du siège pendant vingt-quatre heures, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 161, 166, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En premier lieu, les techniques spéciales d'enquête désignent plusieurs mesures d'investigation : l'utilisation d'un dispositif technique permettant de recueillir les données de connexion d'un équipement terminal, les données relatives à sa localisation, mais également l'interception des correspondances émises ou reçues par cet équipement ; l'utilisation d'un dispositif technique, éventuellement installé dans un lieu privé, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles dans des lieux privés ou publics, ou l'image des personnes se trouvant dans un lieu privé ; l'utilisation d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques. Ces techniques présentent donc un caractère particulièrement intrusif.
En deuxième lieu, le législateur a prévu que le recours à ces techniques spéciales est autorisé, dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire, pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Or, si une infraction d'une particulière gravité et complexité est de nature à justifier le recours à de telles mesures, tel n'est pas nécessairement le cas d'infractions ne présentant pas ces caractères.
En troisième lieu, cette autorisation est délivrée, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention. Toutefois, si le juge des libertés et de la détention peut ordonner à tout moment l'interruption des techniques spéciales d'enquête, les dispositions légales ne prévoient pas qu'il peut accéder à l'ensemble des éléments de la procédure. Ainsi, alors que son autorisation est donnée pour une durée d'un mois, il n'a pas accès aux procès-verbaux réalisés dans le cadre de l'enquête en cours autres que ceux dressés en exécution de sa décision et n'est pas informé du déroulé de l'enquête en ce qui concerne les investigations autres que les actes accomplis en exécution de sa décision.
Il résulte de ce qui précède que le législateur a autorisé le recours à des techniques d'enquête particulièrement intrusives pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé.
Le législateur n'a donc pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 161, 162, 163, 164, 165, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient le code de procédure pénale afin notamment d'y insérer un article 80-5 permettant, sur autorisation du procureur de la République, la poursuite de certains actes d'enquête postérieurement à l'ouverture d'une information judiciaire. En application du premier alinéa du nouvel article 80-5 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, lorsqu'il requiert l'ouverture d'une information judiciaire, autoriser les officiers et agents de police judiciaire des services ou unités de police judiciaire qui étaient chargés de l'enquête à poursuivre, sous certaines conditions, les opérations prévues aux articles 60-4, 77-1-4, 230-32 à 230-35, 706-80, 706–81, 706-95-1, 706-95-20, 706-96 et 706-102-1 du même code pendant une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. Les opérations susceptibles d'être ainsi prolongées sont notamment l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques.
En premier lieu, les dispositions contestées visent à éviter que certains actes d'enquête soient interrompus du seul fait de l'ouverture d'une information judiciaire. Elles poursuivent ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. En second lieu, la prolongation de ces actes d'enquête ne peut être autorisée par le procureur de la République, pour une durée maximale de quarante-huit heures à compter de l'ouverture de l'information, que si la recherche de la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement nécessite que les investigations en cours ne fassent l'objet d'aucune interruption. Cette autorisation doit faire l'objet d'une décision écrite, spéciale et motivée, qui mentionne les actes dont la poursuite est ainsi permise. En outre, le juge d'instruction peut à tout moment mettre un terme à ces opérations. Toutefois, pour les actes d'enquête qui sont subordonnés à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la prolongation permise par les dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, conduire à excéder la durée initialement fixée par le juge des libertés et de la détention. Sous cette réserve, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles en cause. Conformité, sous cette réserve, du premier alinéa de l'article 80-5 du code de procédure pénale.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 209, 211, 212, 213, 214, 215, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure, afin d'étendre les pouvoirs des services du renseignement de sécurité pénitentiaire en matière de prévention des évasions et de maintien de la sécurité des établissements pénitentiaires. Elles leur permettent, d'une part, d'intercepter des correspondances échangées au sein d'un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et, d'autre part, de sonoriser des lieux privés et des véhicules et d'y capter des images, y compris en s'introduisant dans le lieu privé ou le véhicule. L'introduction dans un lieu privé ou un véhicule ne peut être autorisée qu'à l'encontre des personnes détenues qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Les autres techniques de renseignement peuvent être mises en œuvre à l'encontre de toute personne, détenue ou non, qui présente le même risque ou le même comportement.
En premier lieu, les techniques de recueil de renseignement précitées ne peuvent être mises en œuvre qu'afin de prévenir les évasions et d'assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Elles ne peuvent viser que les personnes, détenues ou non selon le cas, qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements en cause. En deuxième lieu, aucune de ces techniques ne peut être mise en œuvre à l'occasion des communications et des entretiens entre une personne détenue et son avocat. En outre, l'introduction dans un lieu privé ou un véhicule aux fins de sonorisation ou de captation d'images, qui ne peut concerner qu'un détenu, ne peut être autorisée à l'encontre d'une personne non détenue. En troisième lieu, des agents individuellement désignés et spécialement habilités des services du renseignement de sécurité pénitentiaire ne peuvent être autorisés à recourir aux techniques de recueil de renseignement précitées que dans les conditions prévues aux titres II et V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, qui prévoient notamment une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et qui en limitent la durée de mise en œuvre. Cette autorisation ne peut, compte tenu des finalités définies par les dispositions contestées, faire l'objet de la procédure dérogatoire en cas d'urgence absolue prévue à l'article L. 821-5 du même code, applicable pour les seules finalités mentionnées aux 1° et 4° et au a du 5° de l'article L. 811-3 de ce code. En quatrième lieu, conformément à l'article L. 841-1 du même code, le Conseil d'État peut être saisi soit par toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de recueil de renseignement n'est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, soit par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. En dernier lieu, le dernier alinéa de l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la fixation d'un nombre maximal d'autorisations susceptibles d'être délivrées simultanément afin de limiter le recours, d'une part, aux interceptions de correspondances par la voie hertzienne, d'autre part, aux sonorisations et captations d'images et, enfin, aux introductions dans des véhicules ou des lieux privés. Ces trois contingents sont fixés par le Premier ministre après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui doit être informée des plafonds retenus et du nombre des autorisations effectivement délivrées. Dès lors, le législateur a assorti les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et celle des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 339, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 348, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.6. Géolocalisation

En premier lieu, la géolocalisation est une mesure de police judiciaire consistant à surveiller une personne au moyen de procédés techniques en suivant, en temps réel, la position géographique d'un véhicule que cette personne est supposée utiliser ou de tout autre objet, notamment un téléphone, qu'elle est supposée détenir. La mise en œuvre de ce procédé n'implique pas d'acte de contrainte sur la personne visée, ni d'atteinte à son intégrité corporelle, de saisie, d'interception de correspondance ou d'enregistrement d'image ou de son. L'atteinte à la vie privée qui résulte de la mise en œuvre de ce dispositif réside dans la surveillance par localisation continue et en temps réel de la personne, le suivi de ses déplacements dans tous lieux publics ou privés, ainsi que dans l'enregistrement et le traitement des données ainsi obtenues.     
En second lieu, le recours à la géolocalisation est placé sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Lorsqu'elle est autorisée pour une procédure de recherche des causes de la mort ou de blessures graves, d'une disparition, d'une personne en fuite ou dans le cadre d'une enquête pour une infraction relevant de la criminalité organisée, le procureur de la République ne peut l'autoriser que pour une durée maximale de quinze jours consécutifs. Dans les autres cas, la durée de son autorisation ne peut excéder huit jours consécutifs. À l'issue de ce délai, elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention pour une durée maximale d'un mois renouvelable. En outre, la durée totale de l'opération ne peut excéder un an ou, s'il s'agit d'une infraction relevant de la délinquance organisée, deux ans. Lorsque, en cas d'urgence, elle est mise en place ou prescrite par un officier de police judiciaire, le procureur de la République, immédiatement informé, peut en prescrire la mainlevée.
Dès lors, en prévoyant qu'il peut être recouru à la géolocalisation lorsque les nécessités de l'enquête concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans l'exigent, le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction et le droit au respect de la vie privée.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 148, 149, 150, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient le code de procédure pénale afin notamment d'y insérer un article 80-5 permettant, sur autorisation du procureur de la République, la poursuite de certains actes d'enquête postérieurement à l'ouverture d'une information judiciaire. En application du premier alinéa du nouvel article 80-5 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, lorsqu'il requiert l'ouverture d'une information judiciaire, autoriser les officiers et agents de police judiciaire des services ou unités de police judiciaire qui étaient chargés de l'enquête à poursuivre, sous certaines conditions, les opérations prévues aux articles 60-4, 77-1-4, 230-32 à 230-35, 706-80, 706–81, 706-95-1, 706-95-20, 706-96 et 706-102-1 du même code pendant une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. Parmi les opérations susceptibles d'être ainsi prolongées figure la géolocalisation.
En premier lieu, les dispositions contestées visent à éviter que certains actes d'enquête soient interrompus du seul fait de l'ouverture d'une information judiciaire. Elles poursuivent ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. En second lieu, la prolongation de ces actes d'enquête ne peut être autorisée par le procureur de la République, pour une durée maximale de quarante-huit heures à compter de l'ouverture de l'information, que si la recherche de la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement nécessite que les investigations en cours ne fassent l'objet d'aucune interruption. Cette autorisation doit faire l'objet d'une décision écrite, spéciale et motivée, qui mentionne les actes dont la poursuite est ainsi permise. En outre, le juge d'instruction peut à tout moment mettre un terme à ces opérations. Toutefois, pour les actes d'enquête qui sont subordonnés à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la prolongation permise par les dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, conduire à excéder la durée initialement fixée par le juge des libertés et de la détention. Sous cette réserve, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles en cause. Conformité, sous cette réserve, du premier alinéa de l'article 80-5 du code de procédure pénale.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 209, 211, 212, 213, 214, 215, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.7. Vidéosurveillance, sonorisations, fixations d'images, visites domiciliaires, perquisitions, saisies, captations de données informatiques

En premier lieu, les techniques spéciales d'enquête désignent plusieurs mesures d'investigation : l'utilisation d'un dispositif technique permettant de recueillir les données de connexion d'un équipement terminal, les données relatives à sa localisation, mais également l'interception des correspondances émises ou reçues par cet équipement ; l'utilisation d'un dispositif technique, éventuellement installé dans un lieu privé, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles dans des lieux privés ou publics, ou l'image des personnes se trouvant dans un lieu privé ; l'utilisation d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques. Ces techniques présentent donc un caractère particulièrement intrusif.
En deuxième lieu, le législateur a prévu que le recours à ces techniques spéciales est autorisé, dans le cadre d'une enquête de flagrance ou préliminaire, pour tout crime, et non pour les seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Or, si une infraction d'une particulière gravité et complexité est de nature à justifier le recours à de telles mesures, tel n'est pas nécessairement le cas d'infractions ne présentant pas ces caractères.
En troisième lieu, cette autorisation est délivrée, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention. Toutefois, si le juge des libertés et de la détention peut ordonner à tout moment l'interruption des techniques spéciales d'enquête, les dispositions légales ne prévoient pas qu'il peut accéder à l'ensemble des éléments de la procédure. Ainsi, alors que son autorisation est donnée pour une durée d'un mois, il n'a pas accès aux procès-verbaux réalisés dans le cadre de l'enquête en cours autres que ceux dressés en exécution de sa décision et n'est pas informé du déroulé de l'enquête en ce qui concerne les investigations autres que les actes accomplis en exécution de sa décision.
Il résulte de ce qui précède que le législateur a autorisé le recours à des techniques d'enquête particulièrement intrusives pour des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière complexité, sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé.
Le législateur n'a donc pas opéré une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 158, 161, 162, 163, 164, 165, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les techniques spéciales d'enquête désignent plusieurs mesures d'investigation : l'utilisation d'un dispositif technique permettant de recueillir les données de connexion d'un équipement terminal, les données relatives à sa localisation, mais également l'interception des correspondances émises ou reçues par cet équipement ; l'utilisation d'un dispositif technique, éventuellement installé dans un lieu privé, ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles dans des lieux privés ou publics, ou l'image des personnes se trouvant dans un lieu privé ; l'utilisation d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques. Ces techniques présentent donc un caractère particulièrement intrusif.
En prévoyant que, en cas d'urgence, l'autorisation de recourir à une de ces techniques spéciales d'enquête peut être délivrée par le procureur de la République et peut se poursuivre sans contrôle ni intervention d'un magistrat du siège pendant vingt-quatre heures, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 161, 166, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En autorisant, pour les nécessités d'une enquête ou d'une information relatives à une infraction relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées, le recours à des dispositifs techniques permettant d'accéder à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques, y compris non audiovisuels, le législateur n'a pas méconnu le droit au respect de la vie privée.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 167, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En application des dispositions contestées, le législateur a, d'une part, pour les crimes et les infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, porté le délai de l'enquête de flagrance de huit jours, renouvelable une fois sur autorisation du procureur de la République et à la condition que des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne puissent être différées, à un délai initial de seize jours, non renouvelable. D'autre part, il a permis que, pour toutes les infractions punies de trois ans d'emprisonnement, l'enquête de flagrance puisse être prolongée de huit à seize jours sous les conditions précitées.
Or, lors d'une enquête de flagrance, les officiers et agents de police judiciaire peuvent procéder d'initiative à l'arrestation de l'auteur présumé de l'infraction. L'officier de police judiciaire peut également procéder à des perquisitions et à des saisies sans l'assentiment de l'intéressé et sans autorisation judiciaire, quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue. Enfin, l'officier de police judiciaire peut, sans autorisation judiciaire, procéder à de nombreux actes qui, lors d'une enquête préliminaire, nécessiteraient l'accord du procureur de la République. Il en est ainsi, notamment, des opérations de prélèvements externes sur toute personne susceptible de fournir des renseignements ou soupçonnée, de la possibilité de recourir à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, de la possibilité de requérir toute personne ou tout établissement ou organisme public ou privé aux fins de communication de documents ou d'informations contenues dans un système informatique.
Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des pouvoirs attribués aux enquêteurs en flagrance, lesquels ne sont justifiés que par la proximité avec la commission de l'infraction, le législateur n'a, en adoptant les dispositions contestées, pas prévu des garanties légales de nature à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 189, 190, 191, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

L'article 76 du code de procédure pénale permet aux enquêteurs de procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131–21 du code pénal sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. Toutefois, ces actes d'investigation ne peuvent intervenir que sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance à la suite d'une requête du procureur de la République. Cette autorisation est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Enfin, les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
Dès lors, en prévoyant que ces dispositions peuvent s'appliquer pour toute enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à trois ans, le législateur n'a pas opéré une conciliation déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 192, 193, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient le code de procédure pénale afin notamment d'y insérer un article 80-5 permettant, sur autorisation du procureur de la République, la poursuite de certains actes d'enquête postérieurement à l'ouverture d'une information judiciaire. En application du premier alinéa du nouvel article 80-5 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, lorsqu'il requiert l'ouverture d'une information judiciaire, autoriser les officiers et agents de police judiciaire des services ou unités de police judiciaire qui étaient chargés de l'enquête à poursuivre, sous certaines conditions, les opérations prévues aux articles 60-4, 77-1-4, 230-32 à 230-35, 706-80, 706–81, 706-95-1, 706-95-20, 706-96 et 706-102-1 du même code pendant une durée ne pouvant excéder quarante-huit heures à compter de la délivrance du réquisitoire introductif. Les opérations susceptibles d'être ainsi prolongées sont notamment : l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques ; la surveillance ; l'infiltration ; l'accès à distance et à l'insu de la personne visée aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique ; l'utilisation d'un appareil ou d'un dispositif technique permettant de recueillir les données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation de cet équipement terminal ; la sonorisation et la fixation d'images de lieux privés ; la captation de données informatiques.
En premier lieu, les dispositions contestées visent à éviter que certains actes d'enquête soient interrompus du seul fait de l'ouverture d'une information judiciaire. Elles poursuivent ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. En second lieu, la prolongation de ces actes d'enquête ne peut être autorisée par le procureur de la République, pour une durée maximale de quarante-huit heures à compter de l'ouverture de l'information, que si la recherche de la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement nécessite que les investigations en cours ne fassent l'objet d'aucune interruption. Cette autorisation doit faire l'objet d'une décision écrite, spéciale et motivée, qui mentionne les actes dont la poursuite est ainsi permise. En outre, le juge d'instruction peut à tout moment mettre un terme à ces opérations. Toutefois, pour les actes d'enquête qui sont subordonnés à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la prolongation permise par les dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, conduire à excéder la durée initialement fixée par le juge des libertés et de la détention. Sous cette réserve, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles en cause. Conformité, sous cette réserve, du premier alinéa de l'article 80-5 du code de procédure pénale.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 209, 211, 212, 213, 214, 215, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure, afin d'étendre les pouvoirs des services du renseignement de sécurité pénitentiaire en matière de prévention des évasions et de maintien de la sécurité des établissements pénitentiaires. Elles leur permettent, d'une part, d'intercepter des correspondances échangées au sein d'un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et, d'autre part, de sonoriser des lieux privés et des véhicules et d'y capter des images, y compris en s'introduisant dans le lieu privé ou le véhicule. L'introduction dans un lieu privé ou un véhicule ne peut être autorisée qu'à l'encontre des personnes détenues qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Les autres techniques de renseignement peuvent être mises en œuvre à l'encontre de toute personne, détenue ou non, qui présente le même risque ou le même comportement.
En premier lieu, les techniques de recueil de renseignement précitées ne peuvent être mises en œuvre qu'afin de prévenir les évasions et d'assurer la sécurité au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues. Elles ne peuvent viser que les personnes, détenues ou non selon le cas, qui présentent un risque particulièrement élevé d'évasion ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité au sein des établissements en cause. En deuxième lieu, aucune de ces techniques ne peut être mise en œuvre à l'occasion des communications et des entretiens entre une personne détenue et son avocat. En outre, l'introduction dans un lieu privé ou un véhicule aux fins de sonorisation ou de captation d'images, qui ne peut concerner qu'un détenu, ne peut être autorisée à l'encontre d'une personne non détenue. En troisième lieu, des agents individuellement désignés et spécialement habilités des services du renseignement de sécurité pénitentiaire ne peuvent être autorisés à recourir aux techniques de recueil de renseignement précitées que dans les conditions prévues aux titres II et V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, qui prévoient notamment une autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et qui en limitent la durée de mise en œuvre. Cette autorisation ne peut, compte tenu des finalités définies par les dispositions contestées, faire l'objet de la procédure dérogatoire en cas d'urgence absolue prévue à l'article L. 821-5 du même code, applicable pour les seules finalités mentionnées aux 1° et 4° et au a du 5° de l'article L. 811-3 de ce code. En quatrième lieu, conformément à l'article L. 841-1 du même code, le Conseil d'État peut être saisi soit par toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de recueil de renseignement n'est irrégulièrement mise en œuvre à son égard, soit par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. En dernier lieu, le dernier alinéa de l'article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure prévoit la fixation d'un nombre maximal d'autorisations susceptibles d'être délivrées simultanément afin de limiter le recours, d'une part, aux interceptions de correspondances par la voie hertzienne, d'autre part, aux sonorisations et captations d'images et, enfin, aux introductions dans des véhicules ou des lieux privés. Ces trois contingents sont fixés par le Premier ministre après avis de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui doit être informée des plafonds retenus et du nombre des autorisations effectivement délivrées. Dès lors, le législateur a assorti les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et celle des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 339, 342, 343, 344, 345, 346, 347, 348, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.5. DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (voir également ci-dessous Droits des étrangers et droit d'asile, Liberté individuelle et Liberté personnelle)
  • 4.5.17. Divers

Les dispositions contestées permettent aux officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours d'une enquête ou d'une instruction, de procéder, sous pseudonyme, aux actes suivants : participer à des échanges électroniques, extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs d'infractions, acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, ou transmettre des contenus illicites en réponse à une demande expresse.
D'une part, les actes pouvant être effectués sous pseudonyme sont des actes d'enquête et non des actes de procédure. D'autre part, ces actes ne peuvent être accomplis que par des enquêteurs affectés dans des services spécialisés et spécialement habilités à cette fin. Enfin, l'acquisition ou la transmission d'un contenu, produit, substance, prélèvement ou service, le cas échéant illicite, doit être autorisée par le procureur de la République ou le juge d'instruction et ne peut constituer une incitation à commettre une infraction.
Dès lors, en autorisant le recours à l'enquête sous pseudonyme aux fins de constater les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par voie de communications électroniques, le législateur n'a pas opéré une conciliation déséquilibrée entre l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 154, 155, 156, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées étendent les pouvoirs des agents de police judiciaire en enquête de flagrance et en enquête préliminaire. D'une part, ils leur permettent notamment de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques en ayant recours à des personnes qualifiées, de requérir une telle personne afin de procéder à l'ouverture de scellés pour réaliser une copie de données informatiques et de requérir d'un organisme public ou de certaines personnes morales de droit privé la mise à disposition d'informations non protégées par un secret prévu par la loi, contenues dans un système informatique ou un traitement de données nominatives. Toutefois, ils ne peuvent effectuer ces actes que dans le cadre d'une enquête de flagrance et sous le contrôle d'un officier de police judiciaire. D'autre part, les agents sont également autorisés à effectuer divers autres actes. Ils peuvent notamment faire procéder à des opérations de prélèvements externes, à des constatations ou à des examens techniques et à diverses réquisitions. Toutefois, ces actes ne peuvent intervenir que sur autorisation du procureur de la République. Dès lors, ces dispositions ne contreviennent pas au droit au respect de la vie privée,

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 172, 173, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En application des dispositions contestées, le législateur a, d'une part, pour les crimes et les infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, porté le délai de l'enquête de flagrance de huit jours, renouvelable une fois sur autorisation du procureur de la République et à la condition que des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ne puissent être différées, à un délai initial de seize jours, non renouvelable. D'autre part, il a permis que, pour toutes les infractions punies de trois ans d'emprisonnement, l'enquête de flagrance puisse être prolongée de huit à seize jours sous les conditions précitées.
Or, lors d'une enquête de flagrance, les officiers et agents de police judiciaire peuvent procéder d'initiative à l'arrestation de l'auteur présumé de l'infraction. L'officier de police judiciaire peut également procéder à des perquisitions et à des saisies sans l'assentiment de l'intéressé et sans autorisation judiciaire, quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue. Enfin, l'officier de police judiciaire peut, sans autorisation judiciaire, procéder à de nombreux actes qui, lors d'une enquête préliminaire, nécessiteraient l'accord du procureur de la République. Il en est ainsi, notamment, des opérations de prélèvements externes sur toute personne susceptible de fournir des renseignements ou soupçonnée, de la possibilité de recourir à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, de la possibilité de requérir toute personne ou tout établissement ou organisme public ou privé aux fins de communication de documents ou d'informations contenues dans un système informatique.
Il résulte de ce qui précède que, compte tenu des pouvoirs attribués aux enquêteurs en flagrance, lesquels ne sont justifiés que par la proximité avec la commission de l'infraction, le législateur n'a, en adoptant les dispositions contestées, pas prévu des garanties légales de nature à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 189, 190, 191, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées suppriment la contrainte pénale prévue au 2° de l'article 131-3 du code pénal et y substitue une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, définie à l'article 131-4-1 du même code. D'une part, si la peine de détention à domicile sous surveillance électronique emporte l'obligation pour le condamné de demeurer dans son domicile ou tout autre lieu désigné par le juge et de porter un dispositif intégrant un émetteur permettant de vérifier le respect de cette obligation, une telle peine privative de liberté ne peut être prononcée qu'à la place de l'emprisonnement. D'autre part, sa durée maximale, limitée à six mois, ne peut excéder celle de l'emprisonnement encouru. Enfin, la juridiction ou le juge de l'application des peines peuvent autoriser le condamné à s'absenter de son domicile pendant des périodes déterminées pour le temps nécessaire « à l'exercice d'une activité professionnelle, au suivi d'un enseignement, d'un stage, d'une formation ou d'un traitement médical, à la recherche d'un emploi, à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion ». Dès lors, en permettant de prononcer la peine de détention à domicile sous surveillance électronique pour une durée maximale de six mois, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni la dignité de la personne humaine.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 322, 325, 326, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.6. DROIT DE MENER UNE VIE FAMILIALE NORMALE
  • 4.6.2. Portée du principe

Les dispositions contestées modifient l'article 373-2 du code civil, relatif à l'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés, qui prévoit notamment que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. Un troisième alinéa y est ajouté, prévoyant que, à cette fin, le procureur de la République peut requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel ou une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Ces dispositions visent à assurer l'effectivité des décisions judiciaires relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Elles mettent ainsi en œuvre le droit d'obtenir l'exécution des décisions de justice, qui découle du droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Elles ne portent ainsi pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 80, 82, 83, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.6. DROIT DE MENER UNE VIE FAMILIALE NORMALE
  • 4.6.4. Contrôle des garanties légales de ce droit
  • 4.6.4.1. Garanties légales suffisantes

Si les dispositions contestées suppriment l'obligation d'une tentative de conciliation, avant l'instance judiciaire, dans les procédures de divorce autre que par consentement mutuel, il ressort de l'article 254 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi déférée, que le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à l'issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants pendant la période courant de l'introduction de la demande en divorce jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. En outre, lorsque le juge aux affaires familiales statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale par les deux parents séparés, l'article 373-2-6 du même code lui confie le soin de veiller spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs. Par ailleurs, l'article 371-1 du même code, qui définit l'autorité parentale comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant, impose aux parents d'associer l'enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité. Enfin, en application de l'article 388-1 du même code, tout mineur capable de discernement peut être entendu par un juge, dans toute procédure le concernant. Ainsi, la suppression de l'obligation de tenir une audience de conciliation ne prive pas de garanties légales le droit de mener une vie familiale normale. Rejet du grief.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 61, 62, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.11. ENVIRONNEMENT
  • 4.11.6. Principes d'information et de participation
  • 4.11.6.4. Absence de méconnaissance du principe

Il résulte des dispositions contestées que, pour la réalisation des extensions et constructions d'établissements pénitentiaires entrées en phase d'études avant le 31 décembre 2022, les décisions relatives aux projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement font l'objet d'une participation du public dans les conditions fixées à l'article L. 123-19 du code de l'environnement, qui prévoit une procédure de consultation par voie électronique d'une durée de trente jours. En outre, une synthèse des observations et propositions déposées par le public est réalisée par des garants nommés par la commission nationale du débat public et mentionne les réponses ainsi que, le cas échéant, les évolutions proposées par le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable pour tenir compte des observations et propositions du public. Rejet du grief tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 349, 351, 352, 353, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.18. LIBERTÉ INDIVIDUELLE
  • 4.18.3. Protection de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire
  • 4.18.3.3. Contrôle de la police judiciaire

En prévoyant que l'habilitation d'un officier de police judiciaire est délivrée par le procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle intervient la première affectation du fonctionnaire et que cette habilitation n'a pas à être renouvelée en cas de changement d'affectation, le législateur n'a, dès lors qu'il a maintenu la possibilité pour l'autorité judiciaire de retirer ou de suspendre cette habilitation, pas méconnu l'article 66 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 171, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées étendent les pouvoirs des agents de police judiciaire en enquête de flagrance et en enquête préliminaire. D'une part, ils leur permettent notamment de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques en ayant recours à des personnes qualifiées, de requérir une telle personne afin de procéder à l'ouverture de scellés pour réaliser une copie de données informatiques et de requérir d'un organisme public ou de certaines personnes morales de droit privé la mise à disposition d'informations non protégées par un secret prévu par la loi, contenues dans un système informatique ou un traitement de données nominatives. Toutefois, ils ne peuvent effectuer ces actes que dans le cadre d'une enquête de flagrance et sous le contrôle d'un officier de police judiciaire. D'autre part, les agents sont également autorisés à effectuer divers autres actes. Ils peuvent notamment faire procéder à des opérations de prélèvements externes, à des constatations ou à des examens techniques et à diverses réquisitions. Toutefois, ces actes ne peuvent intervenir que sur autorisation du procureur de la République. Dès lors, ces dispositions ne remettent pas en cause la direction et le contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire. Elles ne méconnaissent donc pas l'article 66 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 172, 173, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article 77-1-1 du code de procédure pénale afin de permettre à un officier de police judiciaire ou à un agent de police judiciaire de requérir, sans autorisation du procureur de la République, tout organisme public de lui remettre des informations intéressant l'enquête sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Sans préjudice du régime spécial applicable aux personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, les mêmes pouvoirs leur sont reconnus lorsque la réquisition est adressée à toute autre personne, dès lors que son exécution donne lieu à des frais de justice d'un montant inférieur à un seuil fixé par voie réglementaire. En l'absence de réponse à la réquisition, il résulte de l'avant-dernier alinéa de l'article 77-1–1 dans sa rédaction en vigueur et de l'article 60-2 que le refus de répondre sans motif légitime à ces réquisitions est puni d'une amende de 3 750 euros. Ces réquisitions pouvant porter sur toute information relative à la vie privée et être adressées à toutes personnes sans autorisation du procureur de la République, dans le cadre de l'enquête préliminaire, le législateur a méconnu l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l'article 66 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 174, 175, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.18. LIBERTÉ INDIVIDUELLE
  • 4.18.4. Contrôle des mesures portant atteinte à la liberté individuelle
  • 4.18.4.2. Contrôle et vérification d'identité
  • 4.18.4.2.4. Contrôles en matière de police judiciaire particulière

Les dispositions contestées modifient l'article 12-1 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 afin de renforcer les pouvoirs de contrôle des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire à l'encontre des personnes non détenues à l'égard desquelles existent des raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire. D'une part, son 1° étend ces pouvoirs de contrôle à l'ensemble du domaine affecté à l'établissement et à ses abords immédiats. D'autre part, son 2° permet à ces personnels, en cas de refus de la personne de se soumettre au contrôle ou d'impossibilité de justifier de son identité, de « la retenir en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire ».
En premier lieu, si les dispositions contestées permettent aux personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire et individuellement désignés par le chef d'établissement ou par le directeur interrégional des services pénitentiaires de retenir, le cas échéant par la force strictement nécessaire, une personne non détenue à des fins de contrôle de son identité, de palpation de sécurité, d'inspection visuelle de ses bagages et, avec son consentement, de fouille, ces dispositions ne peuvent être mises en œuvre que sur le domaine affecté à l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats. En deuxième lieu, une telle retenue ne peut être mise en œuvre à l'encontre des personnes non détenues que s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire. En troisième lieu, cette retenue n'est possible qu'en cas de refus de la personne de se soumettre au contrôle ou d'impossibilité de justifier de son identité. En dernier lieu, il résulte de l'article 12-1 de la loi du 24 novembre 2009 que le surveillant pénitentiaire procédant à une telle retenue doit en rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ la personne ou de la retenir jusqu'à son arrivée ou celle d'un agent de police judiciaire placé sous son contrôle. La personne ne peut alors continuer à être retenue si aucun ordre n'est donné par l'officier de police judiciaire. Ces dispositions imposent que l'information, par le surveillant pénitentiaire, de l'officier de police judiciaire et la décision de ce dernier interviennent dans le plus bref délai possible. Dans ces conditions, les contraintes imposées à la personne qui n'a pas pu ou n'a pas voulu justifier de son identité apparaissent limitées à ce qui est nécessaire pour la poursuite de l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des infractions. Rejet du grief tiré de la méconnaissance de la liberté individuelle.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 356, 358, 359, 360, 361, 362, 363, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.18. LIBERTÉ INDIVIDUELLE
  • 4.18.4. Contrôle des mesures portant atteinte à la liberté individuelle
  • 4.18.4.3. Perquisitions, visites domiciliaires et saisies

Les dispositions contestées de l'article 78 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République d'autoriser les agents chargés de procéder à la comparution d'une personne à pénétrer dans un domicile après six heures et avant vingt-et-une heures. Or, d'une part, cette autorisation peut être délivrée à l'encontre de toute personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou tout délit puni d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement. D'autre part, elle peut être délivrée non seulement si cette personne n'a pas répondu à une convocation à comparaître ou en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions ou de concertation, mais également en l'absence de convocation préalable si on peut craindre que la personne ne réponde pas à une telle convocation. Enfin, elle autorise les enquêteurs à pénétrer de force dans tout domicile où la personne soupçonnée est susceptible de se trouver, y compris s'il s'agit du domicile de tiers. Dès lors, compte tenu du champ de l'autorisation contestée et de l'absence d'autorisation d'un magistrat du siège, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et le droit à l'inviolabilité du domicile. Censure.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 194, 195, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.18. LIBERTÉ INDIVIDUELLE
  • 4.18.4. Contrôle des mesures portant atteinte à la liberté individuelle
  • 4.18.4.5. Garde à vue
  • 4.18.4.5.2. Prolongation du délai

D'une part, si les dispositions contestées suppriment le principe selon lequel le gardé à vue doit être présenté devant le procureur de la République avant que celui-ci autorise la prolongation de la garde à vue, elles prévoient toutefois que le procureur de la République peut toujours subordonner son autorisation de prolongation à la présentation de la personne devant lui. D'autre part, en application de l'article 62-3 du code de procédure pénale, le déroulement de la garde à vue demeure placé sous le contrôle du procureur de la République, à qui il appartient d'apprécier si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure, sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d'avoir commis. Par ailleurs, il lui incombe d'assurer la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue. Enfin, le procureur de la République peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 180, 181, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.18. LIBERTÉ INDIVIDUELLE
  • 4.18.4. Contrôle des mesures portant atteinte à la liberté individuelle
  • 4.18.4.7. Détention provisoire
  • 4.18.4.7.3. Procédure en matière de détention provisoire

Les dispositions contestestées prévoient la procédure de comparution à délai différé assortie d'un placement sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire.
En premier lieu, il ne peut être recouru à cette procédure que si le délit poursuivi est puni d'au moins deux ans d'emprisonnement et s'il existe contre le prévenu des charges suffisantes pour le faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l'affaire n'est pas en état d'être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n'ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions ou d'examens techniques ou médicaux déjà sollicités. Il ne peut donc être recouru à cette procédure à l'occasion de l'engagement de nouveaux actes d'enquête, mais seulement dans l'attente des résultats d'actes antérieurs à la mise en mouvement de l'action publique. En outre, la comparution à délai différé ne peut être mise en œuvre que si le prévenu est assisté d'un avocat.
En deuxième lieu, le placement du prévenu, à la demande du procureur de la République qui décide de la comparution à délai différé, sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique mobile ou en détention provisoire, dans l'attente de l'audience, ne peut être décidé que par le juge des libertés et de la détention, qui statue après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur de la République doivent préciser les raisons justifiant le recours à cette procédure et, en particulier, indiquer les actes dont les résultats sont attendus. Par ailleurs, la détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à trois ans. En outre, l'ordonnance prescrivant la mesure doit être rendue selon les modalités prévues à l'article 396 du code de procédure pénale, ce qui lui impose notamment, pour la détention provisoire, de préciser les considérations de droit ou de fait justifiant ce placement par référence aux exigences prévues, en la matière, par l'article 144 du même code. Enfin, il est mis fin d'office à ces mesures à défaut de comparution dans un délai de deux mois.
En dernier lieu, les dispositions contestées garantissent au prévenu et à son avocat l'accès aux procès-verbaux et aux autres pièces relatives aux résultats dont l'attente a justifié la comparution à délai différé et les autorisent, jusqu'à l'audience, à demander au président du tribunal correctionnel la réalisation de tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité. Rejet des griefs tirés de la méconnaissance de la liberté individuelle et de la liberté d'aller et de venir.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 288, 289, 290, 291, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.19. LIBERTÉ PERSONNELLE
  • 4.19.15. Liberté personnelle et mesures restrictives de liberté en matière pénale

Les dispositions contestées prévoient la procédure de comparution à délai différé assortie d'un placement sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire.
En premier lieu, il ne peut être recouru à cette procédure que si le délit poursuivi est puni d'au moins deux ans d'emprisonnement et s'il existe contre le prévenu des charges suffisantes pour le faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l'affaire n'est pas en état d'être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n'ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions ou d'examens techniques ou médicaux déjà sollicités. Il ne peut donc être recouru à cette procédure à l'occasion de l'engagement de nouveaux actes d'enquête, mais seulement dans l'attente des résultats d'actes antérieurs à la mise en mouvement de l'action publique. En outre, la comparution à délai différé ne peut être mise en œuvre que si le prévenu est assisté d'un avocat.
En deuxième lieu, le placement du prévenu, à la demande du procureur de la République qui décide de la comparution à délai différé, sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique mobile ou en détention provisoire, dans l'attente de l'audience, ne peut être décidé que par le juge des libertés et de la détention, qui statue après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur de la République doivent préciser les raisons justifiant le recours à cette procédure et, en particulier, indiquer les actes dont les résultats sont attendus. Par ailleurs, la détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à trois ans. En outre, l'ordonnance prescrivant la mesure doit être rendue selon les modalités prévues à l'article 396 du code de procédure pénale, ce qui lui impose notamment, pour la détention provisoire, de préciser les considérations de droit ou de fait justifiant ce placement par référence aux exigences prévues, en la matière, par l'article 144 du même code. Enfin, il est mis fin d'office à ces mesures à défaut de comparution dans un délai de deux mois.
En dernier lieu, les dispositions contestées garantissent au prévenu et à son avocat l'accès aux procès-verbaux et aux autres pièces relatives aux résultats dont l'attente a justifié la comparution à délai différé et les autorisent, jusqu'à l'audience, à demander au président du tribunal correctionnel la réalisation de tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité. Rejet des griefs tirés de la méconnaissance de la liberté individuelle et de la liberté d'aller et de venir.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 288, 289, 290, 291, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.5. Principe d'individualisation des peines
  • 4.23.5.1. Valeur constitutionnelle
  • 4.23.5.1.2. Rattachement à l'article 8 de la Déclaration de 1789

Les dispositions contestées réécrivent l'article 132-19 du code pénal, afin d'interdire à la juridiction, en matière délictuelle, de prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois. En premier lieu, compte tenu de la faiblesse du quantum minimal ainsi retenu par les dispositions contestées et de l'écart entre la durée minimale de l'emprisonnement fixée et les durées maximales des peines d'emprisonnement en matière délictuelle, la juridiction n'est pas privée de la possibilité de fixer, dans ces limites, la peine d'emprisonnement en fonction des circonstances de l'espèce. En second lieu, les dispositions contestées n'interdisent pas à la juridiction de faire usage d'autres dispositions d'individualisation de la peine lui permettant de prononcer les peines et de fixer leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Ainsi, elle peut notamment prononcer, en application de l'article 132-17 du code pénal, d'autres peines que la peine d'emprisonnement encourue ou prononcer une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à un mois en l'assortissant d'un sursis ou d'un sursis probatoire. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 329, 331, 332, 333, 334, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En premier lieu, l'instauration d'un montant minimum pour les amendes prononcées par le juge lorsque le délit poursuivi a fait l'objet à l'origine d'une procédure d'amende forfaitaire, qui vise à faire obstacle à la multiplication des contestations, est justifiée par l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective de certains délits. En deuxième lieu, compte tenu de la réserve formulée par le Conseil au paragraphe 258 de la même décision, le minimum d'amende encourue ne peut être supérieur à la moitié du plafond des amendes contraventionnelles. En troisième lieu, ces dispositions laissent au juge le soin de fixer la peine dans les limites, d'une part, de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée et, d'autre part, du maximum de l'amende encourue. En outre, elles n'interdisent pas à la juridiction de faire usage d'autres dispositions d'individualisation de la peine lui permettant de prononcer les peines et de fixer leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Ainsi, en vertu de l'article 132-17 du code pénal, la juridiction peut ne prononcer que l'une des peines encourues. Elle peut également, en vertu du dernier alinéa de l'article 495–21 du code de procédure pénale, à titre exceptionnel, par décision spécialement motivée au regard des charges et des revenus de la personne, ne pas prononcer d'amende ou prononcer une amende d'un montant inférieur. En dernier lieu, le caractère forfaitaire de l'amende payée, sans contestation, par la personne à laquelle l'infraction est reprochée ne méconnaît pas, par lui-même, le principe d'individualisation des peines.
Sous la réserve selon laquelle le minimum d'amende encourue ne peut être supérieur à la moitié du plafond des amendes contraventionnelles, rejet du grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 257, 258, 260, 261, 262, 263, 264, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées se bornent à élever à trois ans le quantum des peines d'emprisonnement susceptibles d'être proposées dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles ne remettent pas en cause les garanties prévues par le législateur dans le cadre de cette procédure, que le Conseil constitutionnel a jugée conforme à la Constitution dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 . Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 276, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.6. Dispositions relevant de la procédure d'enquête et d'instruction
  • 4.23.9.6.1. Actes d'investigation

Les dispositions contestées permettent aux officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours d'une enquête ou d'une instruction, de procéder, sous pseudonyme, aux actes suivants : participer à des échanges électroniques, extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs d'infractions, acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, ou transmettre des contenus illicites en réponse à une demande expresse.
D'une part, les actes pouvant être effectués sous pseudonyme sont des actes d'enquête et non des actes de procédure. D'autre part, ces actes ne peuvent être accomplis que par des enquêteurs affectés dans des services spécialisés et spécialement habilités à cette fin. Enfin, l'acquisition ou la transmission d'un contenu, produit, substance, prélèvement ou service, le cas échéant illicite, doit être autorisée par le procureur de la République ou le juge d'instruction et ne peut constituer une incitation à commettre une infraction.
Dès lors, en autorisant le recours à l'enquête sous pseudonyme aux fins de constater les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par voie de communications électroniques, le législateur n'a pas méconnu le droit à un procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 154, 155, 156, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées prévoient que certaines personnes qualifiées auxquelles a recours un officier de police judiciaire peuvent replacer sous scellés les objets examinés et placer sous scellés les objets résultant de leurs examens. Ces personnes sont celles désignées par un officier de police judiciaire pour procéder à des examens techniques ou scientifiques. Sauf si elles sont inscrites sur une des listes des experts, ces personnes prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. Dès lors, l'absence de méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 207, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En autorisant que soient requis dans le cadre d'une enquête un médecin, un interne en médecine, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant ou un infirmier pour effectuer une prise de sang aux fins d'établir la consommation d'alcool ou la prise de produits stupéfiants d'un conducteur, le législateur n'a pas méconnu les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 208, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.6. Dispositions relevant de la procédure d'enquête et d'instruction
  • 4.23.9.6.2. Garde à vue

D'une part, si les dispositions contestées suppriment le principe selon lequel le gardé à vue doit être présenté devant le procureur de la République avant que celui-ci autorise la prolongation de la garde à vue, elles prévoient toutefois que le procureur de la République peut toujours subordonner son autorisation de prolongation à la présentation de la personne devant lui. D'autre part, en application de l'article 62-3 du code de procédure pénale, le déroulement de la garde à vue demeure placé sous le contrôle du procureur de la République, à qui il appartient d'apprécier si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure, sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d'avoir commis. Par ailleurs, il lui incombe d'assurer la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue. Enfin, le procureur de la République peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 180, 181, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article 63-4-3-1 du code de procédure pénale afin de prévoir que l'avocat d'une personne gardée à vue n'est informé du transport de celle-ci que si cette dernière doit être entendue ou si elle doit participer à une opération de reconstitution ou à une séance d'identification des suspects dont elle fait partie. Ces modifications maintiennent l'obligation pour les enquêteurs d'informer sans délai l'avocat d'une personne gardée à vue lorsque celle-ci est transportée sur un lieu où elle doit être entendue. Par ailleurs, dans les cas où cette obligation d'information n'est pas prévue, les enquêteurs ne peuvent, à l'occasion de ce transport, ni interroger le gardé à vue ni recueillir ses déclarations. Dès lors, absence de méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 176, 182, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées prévoient que, à titre expérimental, il peut être procédé à l'enregistrement sonore ou audiovisuel des formalités prévoyant, pour les personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue, la notification de leurs droits. Cet enregistrement dispense les enquêteurs de constater par procès-verbal, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, le respect de ces formalités. Toutefois, le législateur a prévu que l'enregistrement doit être conservé dans des conditions sécurisées, exigence qui s'étend aux informations nécessaires à l'identification de l'enquêteur, et que, en cas de contestation, il pourra être consulté sur simple demande. Dès lors, absence de méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 201, 203, 204, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.6. Dispositions relevant de la procédure d'enquête et d'instruction
  • 4.23.9.6.3. Instruction

D'une part, la faculté offerte au juge d'instruction d'ouvrir et de reconstituer un scellé hors la présence de la personne mise en examen est limitée aux cas où ni cette ouverture, ni cette reconstitution n'exigent qu'elle soit interrogée sur le contenu du scellé. D'autre part, si ces opérations peuvent se dérouler en dehors de la présence de la personne mise en cause, son avocat doit être convoqué pour y assister. En outre, le juge d'instruction doit se faire assister par son greffier. Dès lors les dispositions contestées, qui instaurent une telle faculté, ne méconnaissent ni les droits de la défense ni le droit à un procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 219, 220, 221, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Saisi d'une disposition permettant qu'une assignation à résidence sous surveillance électronique soit décidée, sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne placée en détention provisoire ou de son avocat, lorsque le juge ordonne une mise en liberté d'office, le Conseil constitutionnel juge que, d'une part, aux termes de l'article 144 du code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs énoncés par cet article pour la protection de l'ordre public et des personnes ou la manifestation de la vérité et qu'une autre mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ne saurait y pourvoir. Dès lors, le placement sous une telle assignation décidée en même temps que la mise en liberté d'office d'une personne placée en détention provisoire vise à faire bénéficier l'intéressé d'une mesure que le législateur a estimée moins rigoureuse. D'autre part, si, faute de débat contradictoire à l'occasion de la décision de libération d'office, la personne contre laquelle la mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique est prononcée ne peut présenter ses moyens de défense pour éviter d'y être soumise ou solliciter à la place une mesure de contrôle judiciaire, elle peut en revanche en demander la mainlevée à tout moment en vertu des articles 140 et 142-12 du code de procédure pénale. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 222, 224, 225, 226, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Dispositions permettant au juge d'instruction de maintenir sous assignation à résidence avec surveillance électronique une personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises. En décidant du maintien de cette mesure dans ce cas, le juge entend s'assurer de sa représentation en vue du jugement ou éviter certains troubles. Cette justification de la mesure est susceptible de se prolonger tout le temps restant à courir jusqu'au jugement. Par ailleurs, l'article 142-7 du code de procédure pénale prévoit que la durée de la mesure décidée par le juge ne peut dépasser deux ans et qu'il doit être tenu compte du temps déjà passé sous l'empire d'une telle assignation à résidence pendant l'instruction. Enfin, l'intéressé peut à tout moment demander la mainlevée de la mesure. Il résulte de ce qui précède que le dernier alinéa de l'article 142-7 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 229, 230, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

D'une part, en imposant aux parties un délai de quinze jours après l'envoi de l'avis de fin d'information pour décider si elles entendent présenter des observations sur cet avis et formuler ou présenter des demandes ou des requêtes, le législateur a entendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, permettre un règlement plus rapide de l'information judiciaire qui ne puisse être remis en cause par l'exercice tardif de ses droits par une partie. D'autre part, une fois que la partie a fait connaître son intention d'exercer ses droits, elle dispose pour ce faire, en vertu du dernier alinéa du paragraphe III de l'article 175, d'un délai d'un mois, si une personne mise en examen est placée en détention, ou de trois mois, dans les autres cas. Rejet des griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit au procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 238, 239, 240, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les requérants dénonçaient l'amoindrissement du contrôle de la chambre d'instruction sur l'information judiciaire résultant selon eux du fait que les dispositions contestées prévoyaient qu'elle statuerait à juge unique. Toutefois, les modalités de composition des formations de jugement sont sans effet sur l'obligation de respecter les droits de la défense. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de ces droits doit être écarté. Il en va de même de celui tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 243, 244, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.6. Dispositions relevant de la procédure d'enquête et d'instruction
  • 4.23.9.6.4. Détention provisoire

En supprimant l'obligation de l'accord de l'intéressé pour le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle s'agissant des débats relatifs à la prolongation d'une mesure de détention provisoire, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, en évitant les difficultés et les coûts occasionnés par l'extraction de la personne placée en détention provisoire. Toutefois, le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle peut être imposé à l'intéressé lorsqu'il doit être entendu en vue de la prolongation de sa détention, y compris lorsque ce recours n'est pas justifié par des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion. Dès lors, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d'une procédure de détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense. Censure.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 233, 234, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.7. Dispositions en matière de poursuites et d'alternatives aux poursuites
  • 4.23.9.7.1. Choix des poursuites

La modification apportée à l'article 393 du code de procédure pénale vise à prévoir que, lorsque le procureur de la République envisage de poursuivre une personne et de la convoquer par procès-verbal devant le tribunal correctionnel ou de la faire comparaître immédiatement, il peut décider de fixer à la même audience, afin qu'elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites pour lesquelles la personne a été renvoyée devant ce même tribunal.
En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, éviter la multiplication des audiences relatives à une même personne pour des poursuites différentes. En deuxième lieu, en dépit du regroupement des différentes poursuites au sein de la même audience, chaque affaire peut faire l'objet d'un examen distinct. En dernier lieu, d'une part, en dehors du cas d'une comparution immédiate, les dispositions contestées prévoient que la décision de regroupement ne peut intervenir moins de dix jours avant la date de l'audience, ce qui offre au prévenu un délai pour achever la préparation de sa défense. Si, dans le cas d'une comparution immédiate, ce regroupement peut avoir pour effet de diminuer le temps restant à courir avant la date des audiences initialement prévues pour chacune des poursuites, l'article 397-1 du code de procédure pénale prévoit que le prévenu qui ne consent pas à être jugé séance tenante peut obtenir du tribunal le renvoi à une prochaine audience, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines ou, si l'une des peines encourues est supérieure à sept ans d'emprisonnement, deux mois. Un tel renvoi est de nature à permettre à l'intéressé de préparer sa défense, sur chacune des affaires objets du regroupement. D'autre part, en application de l'article 397-6 du code de procédure pénale, le regroupement ne peut concerner des délits exclus du champ des procédures de convocation par procès-verbal ou comparution immédiate prévues aux articles 394 à 396 du même code. En outre, en cas de comparution immédiate, ne peuvent être regroupées les autres poursuites relatives à des délits insusceptibles, en vertu de l'article 395 du même code, de faire l'objet d'une telle procédure.
Toutefois, dans le cas d'une telle comparution immédiate, ce regroupement peut avoir pour effet de diminuer le temps restant à courir avant la date des audiences initialement prévues pour chacune des poursuites faisant l'objet de ce regroupement. Si le prévenu peut, en vertu de l'article 397-1 du code de procédure pénale, refuser d'être jugé immédiatement et obtenir un renvoi de l'audience dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, en revanche le tribunal peut, sur le fondement de l'article 397-3 du même code, le placer en détention provisoire. Ainsi, un prévenu susceptible d'accepter d'être jugé immédiatement pour l'infraction qui justifie initialement son renvoi en comparution immédiate pourrait être conduit, par l'effet du regroupement de plusieurs poursuites, à être placé en détention provisoire pour des motifs liés à l'affaire qui a donné lieu à la comparution immédiate, alors que son refus d'être jugé séance tenante tient à sa volonté de disposer de suffisamment de temps pour terminer de préparer sa défense sur les affaires pour lesquelles il avait été initialement renvoyé devant le tribunal correctionnel dans des délais plus longs et pour lesquelles, le cas échéant, il avait déjà pris des dispositions. Les dispositions contestées ne sauraient dès lors, sans méconnaître les droits de la défense, priver le tribunal correctionnel, dans ce cas, de la possibilité de renvoyer les seules affaires pour lesquelles le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou qui n'apparaissent pas au tribunal en l'état d'être jugées.
Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable et, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, celui tiré de la méconnaissance des droits de la défense doivent être écartés.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 278, 280, 281, 282, 283, 284, 285, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.7. Dispositions en matière de poursuites et d'alternatives aux poursuites
  • 4.23.9.7.2. Procédures dérogatoires nécessitant l'accord de la personne mise en cause
  • 4.23.9.7.2.1. Amende forfaitaire

Il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant aux conditions d'extinction de l'action publique.
Les dispositions contestées ont pour conséquence que, selon le choix de poursuite de l'infraction par le biais d'une amende forfaitaire délictuelle ou d'une autre voie de poursuite pouvant le cas échéant mener à une condamnation à une peine d'emprisonnement, l'action publique relative à la commission d'un délit sera éteinte ou non, par le seul paiement de l'amende, sans l'intervention d'une autorité juridictionnelle. Si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à de tels modes d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d'amendes de faible montant. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, s'appliquer à des délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans. Sous cette réserve, et dès lors que le législateur a prévu que le montant de l'amende forfaitaire délictuelle ne saurait excéder le plafond des amendes contraventionnelles, le grief tiré de la méconnaissance de ce dernier principe doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 250, 251, 252, 253, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.7. Dispositions en matière de poursuites et d'alternatives aux poursuites
  • 4.23.9.7.2. Procédures dérogatoires nécessitant l'accord de la personne mise en cause
  • 4.23.9.7.2.4. Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Les dispositions contestées se bornent à élever à trois ans le quantum des peines d'emprisonnement susceptibles d'être proposées dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles ne remettent pas en cause les garanties prévues par le législateur dans le cadre de cette procédure, que le Conseil constitutionnel a jugée conforme à la Constitution dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 . Par suite, les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un procès équitable et du principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement doivent être écartés.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 276, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.7. Dispositions en matière de poursuites et d'alternatives aux poursuites
  • 4.23.9.7.3. Mesures susceptibles d'être prises en cas de renvoi devant une juridiction de jugement

Dispositions permettant au juge de maintenir sous assignation à résidence avec surveillance électronique une personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises. En décidant du maintien de cette mesure dans ce cas, le juge entend s'assurer de sa représentation en vue du jugement ou éviter certains troubles. Cette justification de la mesure est susceptible de se prolonger tout le temps restant à courir jusqu'au jugement. Par ailleurs, l'article 142-7 du code de procédure pénale prévoit que la durée de la mesure décidée par le juge ne peut dépasser deux ans et qu'il doit être tenu compte du temps déjà passé sous l'empire d'une telle assignation à résidence pendant l'instruction. Enfin, l'intéressé peut à tout moment demander la mainlevée de la mesure. Absence de méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 229, 230, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En supprimant l'obligation de l'accord de l'intéressé pour le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle s'agissant des débats relatifs à la prolongation d'une mesure de détention provisoire, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, en évitant les difficultés et les coûts occasionnés par l'extraction de la personne placée en détention provisoire. Toutefois, le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle peut être imposé à l'intéressé lorsqu'il doit être entendu en vue de la prolongation de sa détention, y compris lorsque ce recours n'est pas justifié par des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion. Dès lors, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d'une procédure de détention provisoire et en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense. Censure.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 233, 234, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.8. Phase de jugement et prononcé des peines

Dispositions étendant le champ d'application de la procédure de jugement à juge unique par le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels.
D'une part, ne peuvent être jugées à juge unique que des infractions punies d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement. Si ce seuil s'apprécie indépendamment des aggravations de peine dans les cas de récidive ou dans ceux prévus par les articles 132-76, 132-77 ou 132-79 du code pénal, le tribunal correctionnel ne peut en tout état de cause, en vertu du dernier alinéa de l'article 398-2 du code de procédure pénale, prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à cinq ans. Les mêmes limitations s'appliquent, en vertu du deuxième alinéa de l'article 510 du même code, pour la chambre des appels correctionnels statuant à juge unique.
D'autre part, en application du troisième alinéa de l'article 398-2 du code de procédure pénale, le juge unique peut décider d'office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel siégeant en formation collégiale en raison de la complexité des faits ou de l'importance de la peine susceptible d'être prononcée. Il en est de même, pour la chambre des appels correctionnels, en vertu du deuxième alinéa de l'article 510 du même code. Par ailleurs, ni le tribunal correctionnel ni la chambre des appels correctionnels ne peuvent siéger à juge unique si le prévenu est placé en détention provisoire, s'il fait ou a fait l'objet d'une comparution immédiate ou s'il est également poursuivi pour des délits connexes à d'autres délits insusceptibles de relever de cette procédure de juge unique. Si le législateur a par ailleurs prévu que l'affaire soit examinée de plein droit dans une formation collégiale, à la demande du prévenu, il a limité cette faculté au cas où ce dernier a formé sa demande dans l'acte d'appel, lequel ne peut être interjeté que dans les dix jours en vertu de l'article 498 du code de procédure pénale. En limitant ainsi les conditions de l'accès à une formation collégiale en appel correctionnel, le législateur a, compte tenu du quantum des peines d'emprisonnement susceptibles d'être prononcées, porté une atteinte excessive à la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Les mots « , dans l'acte d'appel, » figurant au deuxième alinéa du paragraphe V de l'article 62 de la loi déférée sont contraires à la Constitution.
Il résulte de ce qui précède que, pour le reste, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences résultant de la garantie des droits doivent être écartés.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 296, 297, 298, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Dispositions étendant le champ d'application du recours à la procédure de l'ordonnance pénale. Comme le Conseil constitutionnel l'a jugé au considérant 81 de sa décision n° 2002-461du 29 août 2002, les dispositions des articles 495 à 495-6 du code de procédure pénale apportent à la personne qui fait l'objet d'une ordonnance pénale, quant au respect des droits de la défense, des garanties équivalentes à celles dont elle aurait bénéficié si l'affaire avait été directement portée devant le tribunal correctionnel. Ainsi, l'extension du champ d'application de cette procédure aux délits jugés à juge unique, à l'exception des délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes, ne méconnaît pas les droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 301, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

L'article 309 du code de procédure pénale confie au président de la cour d'assises la police de l'audience et la direction des débats. Loin de porter atteinte aux droits de la défense, la faculté qui lui est conférée par les dispositions contestées d'interrompre un témoin et de l'interroger sans attendre la fin de sa déposition, si la clarté et le bon déroulement des débats le requièrent, en assure l'effectivité. Rejet du grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 308, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.9. Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale
  • 4.23.9.9. Application des peines

Le fait que, pour se prononcer sur les requêtes en confusion de peines, la juridiction statue à juge unique ne porte pas, par lui-même, atteinte au droit à un procès équitable. En tout état de cause, si la complexité du dossier le justifie, le magistrat peut décider, d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public, de renvoyer le jugement de ce dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 335, 337, 338, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.27. PROTECTION DE L'INTÉRÊT SUPERIEUR DE L'ENFANT

Si les dispositions contestées suppriment l'obligation d'une tentative de conciliation, avant l'instance judiciaire, dans les procédures de divorce autre que par consentement mutuel, il ressort de l'article 254 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi déférée, que le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à l'issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants pendant la période courant de l'introduction de la demande en divorce jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. En outre, lorsque le juge aux affaires familiales statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale par les deux parents séparés, l'article 373-2-6 du même code lui confie le soin de veiller spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs. Par ailleurs, l'article 371-1 du même code, qui définit l'autorité parentale comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant, impose aux parents d'associer l'enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité. Enfin, en application de l'article 388-1 du même code, tout mineur capable de discernement peut être entendu par un juge, dans toute procédure le concernant. Ainsi, la suppression de l'obligation de tenir une audience de conciliation ne prive pas de garanties légales les exigences résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946. Rejet du grief.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 61, 62, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées modifient l'article 373-2 du code civil, relatif à l'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés, qui prévoit notamment que chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. Un troisième alinéa y est ajouté, prévoyant que, à cette fin, le procureur de la République peut requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel ou une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Ces dispositions visent à assurer l'effectivité des décisions judiciaires relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Elles mettent ainsi en œuvre le droit d'obtenir l'exécution des décisions de justice, qui découle du droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Elles ne portent ainsi pas atteinte à l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 80, 82, 83, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
  • 5.1.4.5. Droit pénal et procédure pénale
  • 5.1.4.5.4. Régime d'individualisation des peines

En imposant des montants minimums pour les amendes prononcées par le juge lorsque le délit poursuivi a fait l'objet à l'origine d'une procédure d'amende forfaitaire, le législateur a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective de certains délits, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestations dilatoires.
Toutefois, il résulte de ces dispositions que deux personnes ayant commis la même infraction sont susceptibles d'être soumises à une règle différente quant au minimum de la peine d'amende applicable selon que l'autorité de poursuite aura choisi de prononcer une amende forfaitaire, qui a pour conséquence d'imposer un tel minimum, ou qu'elle aura choisi une autre voie de poursuite, qui laisse le juge libre de fixer la peine en considération des circonstances propres à chaque espèce. Cette différence de traitement est d'autant plus importante que le montant de l'amende forfaitaire est élevé. Dès lors, les deuxième et troisième alinéas de l'article 495-21 du code de procédure pénale ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi pénale, s'appliquer à des délits dont le montant de l'amende forfaitaire est supérieur à la moitié du plafond prévu en matière d'amendes forfaitaires délictuelles par le premier alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 257, 258, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
  • 5.1.4.5. Droit pénal et procédure pénale
  • 5.1.4.5.9. Garde à vue

L'article 706-112-1 du code de procédure pénale prévoit que, lorsqu'une personne gardée à vue fait l'objet d'une mesure de protection juridique, son tuteur ou curateur doit en être avisé. Si la personne gardée à vue n'est pas assistée d'un avocat ou n'a pas fait l'objet d'un examen médical, le tuteur ou le curateur peut demander la désignation d'un avocat ou la réalisation d'un examen médical. En ne prévoyant pas un tel régime pour des personnes ne bénéficiant pas d'une protection juridique, le législateur a traité différemment des personnes placées dans des situations différentes. Dès lors, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 183, 184, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
  • 5.1.4.5. Droit pénal et procédure pénale
  • 5.1.4.5.10. Entrée en vigueur d'une nouvelle garantie procédurale

En application de l'article 802-2 du code de procédure pénale, toute personne ayant fait l'objet d'une perquisition ou d'une visite domiciliaire en application des dispositions du code de procédure pénale et qui n'a pas été poursuivie devant une juridiction d'instruction ou de jugement au plus tôt six mois après l'accomplissement de cet acte peut saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande tendant à son annulation. En prévoyant que ces dispositions s'appliquent uniquement aux perquisitions et visites domiciliaires intervenues à compter du lendemain de la publication de la loi déférée, le législateur a instauré une différence de traitement qui repose sur une différence de situation et est en rapport avec l'objet de la lo

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 197, 200, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.2. ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE
  • 5.2.2. Égalité et droits - Garanties des justiciables
  • 5.2.2.2. Égalité et règles de procédure
  • 5.2.2.2.1. Règles de compétence

Les dispositions contestées donnent compétence à un tribunal de grande instance spécialement désigné pour connaître des demandes d'injonction de payer.
Le traitement centralisé des demandes d'injonction de payer peut, en fonction du lieu de résidence des justiciables, conduire à un éloignement géographique entre le justiciable et la juridiction compétente pour connaître de son affaire.
En premier lieu, en donnant compétence à un seul tribunal de grande instance pour connaître de l'ensemble des demandes d'injonction de payer, le législateur a entendu décharger les autres juridictions d'un contentieux de masse et en faciliter le traitement. Il a ainsi poursuivi un objectif de bonne administration de la justice. En deuxième lieu, d'une part, la procédure de délivrance d'une injonction de payer est exclusivement écrite et non contradictoire. En outre, les demandes d'injonction de payer sont formées par voie dématérialisée. Elles peuvent l'être sur support papier pour les personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire. D'autre part, si l'injonction de payer délivrée dans les conditions évoquées ci-dessus peut faire l'objet d'une opposition de la personne à l'encontre de laquelle elle a été prononcée par déclaration au greffe, cette opposition peut également être formée par courrier recommandé. Dans ce cas, les dispositions contestées prévoient que l'instruction, l'audience et le jugement de cette opposition relèvent de la compétence du tribunal de grande instance territorialement compétent déterminé en fonction du lieu de résidence du débiteur poursuivi.
Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 70, 71, 72, 73, 74, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.2. ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE
  • 5.2.2. Égalité et droits - Garanties des justiciables
  • 5.2.2.2. Égalité et règles de procédure
  • 5.2.2.2.3. Equilibre des droits des parties dans la procédure

En prévoyant que les données d'identité des magistrats et des membres du greffe figurant dans les décisions de justice mises à disposition du public par voie électronique ne peuvent faire l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées, le législateur a entendu éviter qu'une telle réutilisation permette, par des traitements de données à caractère personnel, de réaliser un profilage des professionnels de justice à partir des décisions rendues, pouvant conduire à des pressions ou des stratégies de choix de juridiction de nature à altérer le fonctionnement de la justice. Ces dispositions n'instaurent ainsi aucune distinction injustifiée entre les justiciables et ne portent pas d'atteinte contraire au droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. Rejet des griefs tirés de la méconnaissance des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 93, 94, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées subordonnent à une tentative de règlement amiable la recevabilité de certaines demandes en matière civile.
En instaurant la condition de recevabilité contestée, le législateur, qui a entendu réduire le nombre des litiges soumis au juge, a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. En appliquant cette condition aux litiges tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou relatifs à des conflits de voisinage d'une difficulté limitée, le législateur a retenu les litiges dont il a estimé qu'ils se prêtent particulièrement à un règlement amiable. Ce faisant, le législateur n'a pas instauré de discrimination injustifiée entre les justiciables. Par ailleurs, il a assuré aux justiciables des garanties égales.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 21, 22, 23, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositons contestées se bornent à offrir à certains services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation ou d'arbitrage, la possibilité d'une certification délivrée par un organisme accrédité. Elles n'imposent aucune obligation aux justiciables dans le choix du service auquel il doit être recouru pour la tentative de règlement amiable des litiges qu'ils sont, le cas échéant, contraints de mener avant la saisine du juge. Elles n'ont ainsi ni pour objet, ni pour effet de limiter l'accès au juge et ne créent aucune différence de traitement entre les justiciables. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 25, 26, 27, 28, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.2. ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE
  • 5.2.2. Égalité et droits - Garanties des justiciables
  • 5.2.2.3. Égalité des prévenus et droits de la partie civile
  • 5.2.2.3.4. Alternatives aux poursuites
  • 5.2.2.3.4.1. Amende forfaitaire

Il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant aux conditions d'extinction de l'action publique.
Les dispositions contestées ont pour conséquence que, selon le choix de poursuite de l'infraction par le biais d'une amende forfaitaire délictuelle ou d'une autre voie de poursuite pouvant le cas échéant mener à une condamnation à une peine d'emprisonnement, l'action publique relative à la commission d'un délit sera éteinte ou non, par le seul paiement de l'amende, sans l'intervention d'une autorité juridictionnelle. Si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à de tels modes d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d'amendes de faible montant. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, s'appliquer à des délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans. Sous cette réserve, et dès lors que le législateur a prévu que le montant de l'amende forfaitaire délictuelle ne saurait excéder le plafond des amendes contraventionnelles, le grief tiré de la méconnaissance de ce dernier principe doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 250, 251, 252, 253, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.2. ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE
  • 5.2.2. Égalité et droits - Garanties des justiciables
  • 5.2.2.3. Égalité des prévenus et droits de la partie civile
  • 5.2.2.3.4. Alternatives aux poursuites
  • 5.2.2.3.4.2. Composition pénale

Disposition supprimant l'obligation d'homologation de certaines compositions pénales par le juge. En vertu du trentième alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale, l'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Dès lors, la suppression de la validation par un juge de la proposition de composition pénale formulée par le procureur de la République a pour conséquence de rendre possible, sur la seule décision de l'autorité de poursuite et avec l'accord de l'auteur du délit, l'extinction de l'action publique par l'exécution de cette composition. Toutefois, le législateur a limité le recours à une telle procédure de composition pénale sans validation d'un juge aux seuls délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à trois ans et aux propositions de peine portant soit sur une amende de composition n'excédant pas le plafond des amendes contraventionnelles, soit sur la remise d'une chose dont la valeur ne dépasse pas ce même montant. Compte tenu des seuils ainsi retenus, qui ne sauraient être aggravés et satisfont à l'exigence, énoncée au paragraphe 252 de la même décision, selon laquelle "si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à de tels modes d'extinction de l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d'amendes de faible montant", les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la justice.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 252, 270, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.2. ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE
  • 5.2.3. Juridictions
  • 5.2.3.1. Composition et compétence des juridictions
  • 5.2.3.1.7. Participation de magistrats non professionnels

Dispositions prévoyant qu'un des deux assesseurs de la cour d'assises est un magistrat honoraire exerçant des fonctions d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance et des cours d'appel.
Si les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, la Constitution ne fait pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires. Or, en vertu de l'article 41-28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l'article 41-25 de la même ordonnance, qui sont susceptibles d'exercer les fonctions d'assesseurs en cour d'assises sont soumis au statut de la magistrature. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 305, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.3. ÉGALITÉ DEVANT LE SERVICE PUBLIC
  • 5.3.1. Égalité devant les services publics

Les dispositions contestées, qui se bornent à permettre la délégation de la délivrance des apostilles, n'instituent aucune différence de traitement. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant le service public.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 55, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.1. Exercice du droit d'amendement
  • 10.3.5.1.1. Droit d'amendement du Gouvernement

Saisi d'un grief de procédure à propos de dispositions nouvelles introduites à l'Assemblée nationale par voie d'amendement du Gouvernement, le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions n'ont, ni en raison de leur nombre, ni en raison de leur objet, porté atteinte au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 8, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Aucune disposition constitutionnelle ne fait obstacle à ce que des amendements puissent, comme lors de la discussion de la loi déférée, être déposés devant la seconde assemblée saisie, y compris peu de temps avant la réunion de la commission mixte paritaire, dès lors qu'ils respectent les règles de recevabilité des amendements.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 8, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

L'article 39 de la Constitution et la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 n'imposent la présentation d'une étude d'impact, la consultation du Conseil d'État et une délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements. Par conséquent, est inopérant le grief selon lequel le Gouvernement aurait méconnu ces exigences procédurales en exerçant le droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 9, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.1. Exercice du droit d'amendement
  • 10.3.5.1.2. Droit d'amendement des parlementaires

Saisi d'un grief de procédure, le Conseil constitutionnel juge que les délais retenus en l'espèce à l'Assemblée nationale pour le dépôt des amendements au projet de loi et pour l'examen de ce texte n'ont pas fait obstacle à l'exercice effectif, par les membres du Parlement, de leur droit d'amendement, ni altéré la clarté et la sincérité des débats.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 10, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.2. Recevabilité
  • 10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
  • 10.3.5.2.5.2. Existence d'un lien indirect avec le texte en discussion

Introduites en première lecture, des dispositions étendant les pouvoirs des services du renseignement de sécurité pénitentiaire ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat, qui comportait des dispositions relatives à l'exécution des peines, permettant notamment à l'administration pénitentiaire d'octroyer des permissions de sortir aux condamnés. Rejet du grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 341, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.2. Recevabilité
  • 10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
  • 10.3.5.2.5.4. Absence de lien indirect

Introduites en première lecture, les dispositions des articles 18 et 21, qui respectivement permettent aux huissiers de justice d'accéder aux boîtes aux lettres dans les immeubles d'habitation et assouplissent les conditions d'exemption d'une démission d'office des officiers publics ou ministériels, ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Censure.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 392, 393, 394, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.2. Recevabilité
  • 10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
  • 10.3.5.2.5.5. Exercice du contrôle de recevabilité par les assemblées parlementaires

Si certaines décisions d'irrecevabilité prononcées sur le fondement du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution selon lequel « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », ont été contestées lors des débats à l'Assemblée nationale, il ne résulte pas des travaux parlementaires que les amendements déposés par les députés appartenant à des groupes d'opposition aient fait l'objet d'un traitement différent des autres amendements. Au demeurant, des amendements du Gouvernement et de députés du groupe majoritaire ont été déclarés irrecevables, en commission et en séance, sur le même fondement. En outre, aucune exigence constitutionnelle n'impose la motivation des décisions d'irrecevabilité prononcées à ce titre par les instances parlementaires, pas davantage que l'existence d'un recours au sein de l'assemblée en cause. Ni le droit d'amendement, ni les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire n'ont ainsi été méconnus.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 11, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.8. Lectures successives et promulgation
  • 10.3.8.1. Urgence et procédure accélérée

Saisi d'un grief de procédure, le Conseil constitutionnel juge que, en l'espèce, la procédure accélérée a été régulièrement engagée et n'a pas eu pour effet de priver les sénateurs de leurs prérogatives, dès lors qu'ils ont pu, après l'échec de la commission mixte paritaire, délibérer et exercer leur droit d'amendement en nouvelle lecture. Les articles 44 et 45 de la Constitution n'ont ainsi pas été méconnus. L'engagement de la procédure accélérée n'a pas eu non plus pour effet de porter atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 13, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.2. Principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires

Saisi d'un grief de procédure à propos de dispositions nouvelles introduites à l'Assemblée nationale par voie d'amendement du Gouvernement, le Conseil constitutionnel juge que ces dispositions n'ont, ni en raison de leur nombre, ni en raison de leur objet, porté atteinte au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 8, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

L'article 39 de la Constitution et la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 n'imposent la présentation d'une étude d'impact, la consultation du Conseil d'État et une délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements. Par conséquent, est inopérant le grief selon lequel le Gouvernement aurait méconnu ces exigences procédurales en exerçant le droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 9, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Saisi d'un grief de procédure, le Conseil constitutionnel juge que les délais retenus en l'espèce à l'Assemblée nationale pour le dépôt des amendements au projet de loi et pour l'examen de ce texte n'ont pas fait obstacle à l'exercice effectif, par les membres du Parlement, de leur droit d'amendement, ni altéré la clarté et la sincérité des débats.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 10, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Si certaines décisions d'irrecevabilité prononcées sur le fondement du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution selon lequel « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », ont été contestées lors des débats à l'Assemblée nationale, il ne résulte pas des travaux parlementaires que les amendements déposés par les députés appartenant à des groupes d'opposition aient fait l'objet d'un traitement différent des autres amendements. Au demeurant, des amendements du Gouvernement et de députés du groupe majoritaire ont été déclarés irrecevables, en commission et en séance, sur le même fondement. En outre, aucune exigence constitutionnelle n'impose la motivation des décisions d'irrecevabilité prononcées à ce titre par les instances parlementaires, pas davantage que l'existence d'un recours au sein de l'assemblée en cause. Ni le droit d'amendement, ni les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire n'ont ainsi été méconnus.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 11, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Saisi d'un grief de procédure, le Conseil constitutionnel juge que, en l'espèce, la procédure accélérée a été régulièrement engagée et n'a pas eu pour effet de priver les sénateurs de leurs prérogatives, dès lors qu'ils ont pu, après l'échec de la commission mixte paritaire, délibérer et exercer leur droit d'amendement en nouvelle lecture. Les articles 44 et 45 de la Constitution n'ont ainsi pas été méconnus. L'engagement de la procédure accélérée n'a pas eu non plus pour effet de porter atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 13, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.3. Objectif d'accessibilité et d'intelligibilité (voir également ci-dessus Principe de clarté de la loi)

Les deux critères retenus par le législateur pour autoriser le pouvoir réglementaire à spécialiser, au sein d'un département, certaines juridictions civiles ou pénales sont celui du volume des affaires concernées et celui de la technicité des matières en cause. En retenant le premier, le législateur a entendu, au nom de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, permettre que des contentieux représentant un faible volume d'activité par juridiction puissent être regroupés au sein d'une seule juridiction départementale. En retenant le second critère, le législateur a entendu, au nom du même objectif, favoriser, pour des contentieux techniques appelant des compétences particulières, la spécialisation au sein d'une même juridiction des magistrats chargés de les juger. Par ailleurs, le législateur a prévu que la spécialisation contentieuse en matière pénale ne pourrait porter sur toutes les infractions jugées à juge unique et a précisé celles devant être écartées. En retenant ainsi de tels critères objectifs et rationnels, qui ne sont pas inintelligibles, pour déterminer les cas dans lesquels une spécialisation contentieuse départementale peut être prévue par le pouvoir réglementaire, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Il en va de même s'agissant des dispositions analogues relatives à l'expérimentation de la spécialisation des cours d'appels au sein d'une même région.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 374, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.4. RECEVABILITÉ DES SAISINES (article 61 de la Constitution)
  • 11.4.4. Effets de la saisine
  • 11.4.4.1. Principe de l'effet dévolutif de la saisine

Saisi de griefs, tirés de la méconnaissance des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, adressés à un article réécrivant l'article 252 du code civil, en ce qu'il ne prévoit plus de phase de tentative de conciliation des époux dans la procédure de divorce sans consentement mutuel, le Conseil constitutionnel écarte ces griefs. Dès lors que les requérants ne critiquaient que cette suppression, qui découlait mécaniquement de la réécriture de l'article 252 du code civil, mais était sans lien avec les dispositions s'y substituant (l'article 252 régissant désormais le contenu de la demande introductive d'instance), lesquelles n'étaient pas contestées, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité du nouvel article 252 du code civil, ni dans les motifs ni dans le dispositif de sa décision.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 57, 59, 60, 61, 62, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.4. RECEVABILITÉ DES SAISINES (article 61 de la Constitution)
  • 11.4.4. Effets de la saisine
  • 11.4.4.2. Applications

Censure d'office de cavaliers législatifs (exemples).

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 392, 393, 394, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
  • 11.5.2. Griefs inopérants, manquant en fait, surabondants ou mal dirigés
  • 11.5.2.1. Griefs inopérants (exemples)

Les dispositions contestées prévoient que certains actes de notoriété sont désormais délivrés par un notaire, et non plus par un juge du tribunal d'instance. Le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égal accès au service public de la justice en rendant payante la délivrance des actes de notoriété est inopérant pour contester le transfert à un officier public ministériel de la délivrance d'un acte de notoriété.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 34, 35, 36, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
  • 11.5.2. Griefs inopérants, manquant en fait, surabondants ou mal dirigés
  • 11.5.2.2. Griefs manquant en fait (exemples)

Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'instaurer la possibilité pour le procureur de la République de proposer au juge d'instruction un renvoi de l'affaire aux fins de la mise en œuvre d'une telle procédure, laquelle résulte de la rédaction en vigueur de l'article 180-1 du code de procédure pénale. Les dispositions contestées, qui ajoutent un paragraphe à cet article 180-1, se bornent à préciser les conditions dans lesquelles cette proposition est formulée. Le grief manque donc en fait.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 241, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Disposition qui rend applicables aux personnes morales les procédures de composition pénale portant sur une amende de composition et l'indemnisation de la victime. Si les députés auteurs de la deuxième saisine dénoncent le fait que cette extension contreviendrait, par l'affaiblissement de la répression qui en résulterait, à l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, le grief manque en fait dans la mesure où l'extension du champ d'application de la procédure de composition pénale contestée n'a pas d'incidence sur la possibilité de poursuivre les délits réprimant la fraude fiscale devant une juridiction de jugement.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 272, 273, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Si les chambres de proximité du tribunal judiciaire peuvent se voir attribuer des compétences matérielles supplémentaires, relevant du tribunal judiciaire, par décision conjointe du premier président de la cour d'appel et du procureur général près cette cour, cette attribution de compétences s'exerce exclusivement dans la limite de leur ressort et est insusceptible de remettre en cause les compétences qui leur sont attribuées par décret. Par conséquent, la disposition contestée a seulement pour effet de permettre aux chefs de cour de prévoir que des affaires relevant normalement du siège du tribunal judiciaire et intéressant les justiciables situés dans le ressort d'une chambre de proximité de ce tribunal soient traitées au sein de cette chambre. Le grief selon lequel il en résulterait un éloignement plus important entre le justiciable et la juridiction manque donc en fait.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 381, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les requérants soutiennent que l'article contesté méconnaîtrait l'égalité devant la loi et le droit à un procès équitable au motif qu'il donnerait un effet suspensif à l'appel d'une ordonnance enjoignant la communication d'une pièce couverte par le secret des affaires. Toutefois, la disposition conférant un tel effet est en réalité supprimée. Le grief manque donc en fait.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 125, 126, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
  • 11.5.3. Cas des lois promulguées
  • 11.5.3.2. Exception : admission conditionnelle du contrôle

La conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine. En l'espèce, les 1° et 4° du paragraphe V de l'article 58 de la loi déférée modifient, respectivement, le premier alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale, lequel prévoit que l'action publique peut être éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire délictuelle établie par un agent verbalisateur, et l'article 495-21 du même code, lequel fixe les conditions dans lesquelles le pouvoir d'appréciation du juge sur la peine est lié par le fait que, préalablement au jugement, le délit a fait l'objet d'une amende forfaitaire. Le Conseil constitutionnel, qui soulève d'office le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice, examine la conformité à la Constitution de chacune de ces dispositions.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 247, 254, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.9. Absence de décision sur la conformité à la Constitution

Saisi de griefs, tirés de la méconnaissance des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, adressés à un article réécrivant l'article 252 du code civil, en ce qu'il ne prévoit plus de phase de tentative de conciliation des époux dans la procédure de divorce sans consentement mutuel, le Conseil constitutionnel écarte ces griefs. Dès lors que les requérants ne critiquaient que cette suppression, qui découlait mécaniquement de la réécriture de l'article 252 du code civil, mais était sans lien avec les dispositions s'y substituant (l'article 252 régissant désormais le contenu de la demande introductive d'instance), lesquelles n'étaient pas contestées, le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité du nouvel article 252 du code civil, ni dans les motifs ni dans le dispositif de sa décision.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 57, 59, 60, 61, 62, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Saisi de nombreuses dispositions modifiant le régime des majeurs protégés contre lesquelles étaient dirigés des griefs non étayés et tirés de la méconnaissance du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de la liberté individuelle, le Conseil écarte les griefs mais ne déclare pas les dispositions conformes à la Constitution.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 45, 46, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
  • 12.1.2. Indépendance de la justice et des juridictions
  • 12.1.2.1. Principe
  • 12.1.2.1.1. Juridiction judiciaire

Les dispositions contestées ont pour objet de confier aux organismes débiteurs des prestations familiales, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Cette modification, en fonction d'un barème national, peut porter sur une contribution qui a antérieurement fait l'objet d'une fixation par l'autorité judiciaire, d'une convention homologuée par elle ou d'une convention de divorce par consentement mutuel ou de certaines décisions d'un organisme débiteur des prestations familiales.
Les caisses d'allocations familiales sont des personnes privées en charge d'une mission de service public. Or, les dispositions contestées leur donnent compétence pour réviser le montant des contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants qui ont fait l'objet d'une fixation par l'autorité judiciaire ou d'une convention homologuée par elle. Si cette révision doit respecter un barème national, les caisses d'allocations familiales doivent se livrer, à cette occasion, à une appréciation de l'évolution des ressources des parents et des modalités de résidence et d'exercice du droit de visite et d'hébergement. En outre, en l'absence de production par un parent des renseignements et documents requis, elles peuvent moduler forfaitairement le montant de la contribution. De plus, en application de l'article L. 581-2 du code de la sécurité sociale, les organismes débiteurs des prestations familiales sont tenus de verser l'allocation de soutien familial en cas de défaillance du parent débiteur de la contribution pour l'entretien et l'éducation des enfants et peuvent être ainsi intéressés à la détermination du montant des contributions.
Par conséquent, et alors même que les décisions de révision prises par les caisses pourraient faire l'objet d'un recours devant le juge aux affaires familiales, le législateur a autorisé une personne privée en charge d'un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 37, 38, 39, 40, 41, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
  • 12.1.2. Indépendance de la justice et des juridictions
  • 12.1.2.1. Principe
  • 12.1.2.1.2. Juridiction administrative

Les dispositions contestées élargissent les attributions pouvant être confiées à des magistrats administratifs honoraires.
Il résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789 que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles.
Il suit de là que les fonctions de magistrat de l'ordre administratif doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent y consacrer leur vie professionnelle. Ces principes ne font pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées aux magistrats administratifs en activité puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser une telle carrière à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire aux principes d'indépendance et d'impartialité. Il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats, sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions.
En premier lieu, il ressort des dispositions de l'article 35 que l'extension des fonctions pouvant être exercées par les magistrats administratifs honoraires, s'accompagne de la soumission de ces magistrats aux mêmes obligations et garanties statutaires d'indépendance et d'impartialité que celles applicables aux magistrats en activité. Par ailleurs, il ne peut être mis fin aux fonctions des magistrats administratifs honoraires qu'à leur demande ou pour un motif disciplinaire. Enfin, d'une part, s'il est prévu que seules les sanctions disciplinaires de blâme, d'avertissement et de cessation des fonctions peuvent être infligés aux magistrats administratifs honoraires, cette restriction du pouvoir disciplinaire est imposée par l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions. D'autre part, si les magistrats honoraires peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions juridictionnelles, c'est à la condition que celle-ci ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité ou à l'indépendance de leurs fonctions.
En second lieu, en prévoyant que les magistrats administratifs honoraires ne peuvent être désignés pour exercer des fonctions de rapporteur en formation collégiale que dans la limite d'un magistrat honoraire par formation de jugement, le législateur a garanti que les fonctions exercées par des magistrats honoraires ne représentent qu'une part limitée de celles normalement réservées à des magistrats en activité.
Par conséquent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les principes d'indépendance et d'impartialité.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 113, 114, 115, 116, 117, 118, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées ont pour objet de restreindre les incompatibilités des magistrats administratifs avec des fonctions administratives antérieures. Elles permettent à un magistrat administratif ayant exercé les fonctions de directeur régional ou départemental d'une administration publique de l'État ou de direction dans l'administration d'une collectivité territoriale, autre que celle de directeur général des services d'une collectivité de plus de 100 000 habitants dans le ressort d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel, d'être nommé membre de ce tribunal ou de cette cour. Or, compte tenu de la nature de ces fonctions et de celle du contentieux dont ont à connaître les tribunaux et cours précités, en supprimant de tels cas d'incompatibilité sans prévoir de condition de délai après l'exercice des fonctions administratives en cause, le législateur a méconnu les principes d'indépendance et d'impartialité.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 120, 121, 122, 123, 124, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
  • 12.1.2. Indépendance de la justice et des juridictions
  • 12.1.2.2. Applications
  • 12.1.2.2.1. Séparation des pouvoirs

L'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance de l'ensemble des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative. L'agent qui établit l'amende forfaitaire délictuelle agit, en vertu des articles 12 et 39-3 du code de procédure pénale, sous la direction du procureur de la République et conformément aux instructions générales ou particulières qu'il lui délivre. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 248, 249, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
  • 12.1.3. Droit au recours juridictionnel
  • 12.1.3.3. Application à la procédure judiciaire

L'article contesté subordonne à une tentative de règlement amiable préalable la recevabilité de certaines demandes en matière civile.
Toutefois, d'une part, il circonscrit cette condition de recevabilité aux demandes tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou relatives à un conflit de voisinage. D'autre part, les parties peuvent librement choisir entre les différents modes de règlement amiable que constituent la médiation, la procédure participative et la conciliation par un conciliateur de justice, laquelle est gratuite. Enfin, le législateur a prévu que cette condition de recevabilité n'est pas opposable lorsque l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime. Au titre d'un tel motif, le législateur a expressément prévu l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable. Cependant, s'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent. Sous cette réserve, et compte tenu des garanties qui précèdent, le grief tiré d'une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 18, 19, 20, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées prévoient que, devant le tribunal de grande instance, les parties peuvent être dispensées, dans certaines matières, en raison de leur nature ou en considération de la valeur du litige, de la représentation obligatoire par un avocat et être représentées par leur conjoint, leur concubin, certains de leurs parents ou des personnes attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
La représentation obligatoire par un avocat devant la juridiction a pour objet d'assurer une bonne administration de la justice. Toutefois, en fonction de l'objet du litige, elle est susceptible de présenter un coût pour le justiciable non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ayant des conséquences sur l'exercice du recours.
En prévoyant que les litiges relatifs à certaines matières peuvent être dispensés de la représentation par un avocat en raison de leur nature ou en considération de la valeur du litige, le législateur a entendu éviter que, pour des litiges de faible montant ou des contentieux de protection et d'assistance ou présentant une faible technicité juridique, le justiciable soit dissuadé de saisir le juge. Ce faisant, le législateur qui n'a pas méconnu sa compétence, s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels. Il n'a pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 29, 30, 31, 32, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

Les dispositions contestées donnent compétence à un tribunal de grande instance spécialement désigné pour connaître des demandes d'injonction de payer.
Le traitement centralisé des demandes d'injonction de payer peut, en fonction du lieu de résidence des justiciables, conduire à un éloignement géographique entre le justiciable et la juridiction compétente pour connaître de son affaire.
En premier lieu, en donnant compétence à un seul tribunal de grande instance pour connaître de l'ensemble des demandes d'injonction de payer, le législateur a entendu décharger les autres juridictions d'un contentieux de masse et en faciliter le traitement. Il a ainsi poursuivi un objectif de bonne administration de la justice. En deuxième lieu, d'une part, la procédure de délivrance d'une injonction de payer est exclusivement écrite et non contradictoire. En outre, les demandes d'injonction de payer sont formées par voie dématérialisée. Elles peuvent l'être sur support papier pour les personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire. D'autre part, si l'injonction de payer délivrée dans les conditions évoquées ci-dessus peut faire l'objet d'une opposition de la personne à l'encontre de laquelle elle a été prononcée par déclaration au greffe, cette opposition peut également être formée par courrier recommandé. Dans ce cas, les dispositions contestées prévoient que l'instruction, l'audience et le jugement de cette opposition relèvent de la compétence du tribunal de grande instance territorialement compétent déterminé en fonction du lieu de résidence du débiteur poursuivi.
Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au recours juridictionnel effectif.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 70, 71, 72, 73, 74, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.6. CONTROLE AU REGARD DE LA BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

Les dispositions contestées créent un parquet national antiterroriste. Il est placé auprès du tribunal de grande instance de Paris, aux côtés du procureur de la République, un procureur de la République antiterroriste.
En premier lieu, la compétence du procureur de la République antiterroriste pour la poursuite des actes de terrorisme est concurrente de celles des parquets territorialement compétents. En second lieu, d'une part, en application de l'article L. 213-12 du code de l'organisation judiciaire, dans certains tribunaux de grande instance, un magistrat du ministère public est chargé notamment d'informer le procureur de la République antiterroriste de tous les faits en lien avec des affaires en cours susceptibles de faire l'objet d'investigations de sa part et de l'état de la menace terroriste dans son ressort. D'autre part, en application de l'article L. 217-5 du code de l'organisation judiciaire, lorsque le renforcement temporaire et immédiat du parquet antiterroriste apparaît indispensable, le procureur de la République antiterroriste peut requérir un ou plusieurs magistrats du parquet de Paris. Enfin, conformément à l'article 706-17-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République antiterroriste peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions de terrorisme dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent.
Il en résulte que, si le législateur a créé un procureur de la République doté d'une compétence spécifique, il a en tout état de cause prévu des garanties afin de permettre une coordination et une collaboration entre celui-ci et les autres procureurs de la République. Absence de méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 315, 318, 319, 320, 321, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.19. JUSTICE
  • 16.19.5. Modes alternatifs de règlement des litiges
  • 16.19.5.1. Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXe siècke

L'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 subordonne la recevabilité de certaines demandes en matière civile à une tentative de règlement amiable préalable exceptée lorsque l'absence de recours à cette tentative est justifiée par un motif légitime qui peut être l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable. S'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent. Sous cette réserve, et compte tenu des garanties qui précèdent, le grief tiré d'une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif est écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 20, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.22. PROCÉDURE PÉNALE
  • 16.22.1. Code de procédure pénale
  • 16.22.1.9. Article 393 (défèrement devant le procureur de la République)

La possibilité reconnue au procureur de la République, par l'article 393 du code de procédure pénale, de regrouper à la même audience de précédentes poursuites pour lesquelles une personne a été renvoyée devant un même tribunal, ne saurait, sans méconnaître les droits de la défense, priver le tribunal correctionnel, lorsqu'un prévenu accepte d'être jugé en comparution immédiate pour l'affaire qui justifie cette comparution immédiate, mais qu'il souhaite disposer de plus de temps pour préparer sa défense, s'agissant des affaires pour lesquelles il avait initialement été renvoyé devant le tribunal correctionnel dans des délais plus longs, de la possibilité de renvoyer les seules affaires pour lesquelles le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou qui n'apparaissent pas au tribunal en l'état d'être jugées.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 284, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.22. PROCÉDURE PÉNALE
  • 16.22.1. Code de procédure pénale
  • 16.22.1.23. Article 802-2

En application de l'article 802-2 du code de procédure pénale, toute personne ayant fait l'objet d'une perquisition ou d'une visite domiciliaire en application des dispositions du code de procédure pénale et qui n'a pas été poursuivie devant une juridiction d'instruction ou de jugement au plus tôt six mois après l'accomplissement de cet acte peut saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande tendant à son annulation. Or, conformément aux articles 76, 706-89 et 706-90 du code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut être saisi aux fins d'autoriser une perquisition ou une visite domiciliaire. Toutefois, lorsque la décision contestée en application de l'article 802-2 a été ordonnée par un juge des libertés et de la détention, ce juge ne saurait, sans méconnaître le principe d'impartialité, statuer sur la demande tendant à l'annulation de sa décision. Sous cette réserve, les mots « juge des libertés et de la détention » figurant au premier alinéa de l'article 802-2 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas le principe d'impartialité des juridictions.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 197, 198, 199, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.22. PROCÉDURE PÉNALE
  • 16.22.1. Code de procédure pénale
  • 16.22.1.24. Article 80-5 alinéa premier

Pour les actes d'enquête qui sont subordonnés à une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, la prolongation permise par le premier alinéa de l'article 80-5 du code de procédure pénale ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, conduire à excéder la durée initialement fixée par le juge des libertés et de la détention.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 214, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.22. PROCÉDURE PÉNALE
  • 16.22.1. Code de procédure pénale
  • 16.22.1.25. Article 495-17 et suivants (amende forfaitaire délictuelle)

Si les exigences d'une bonne administration de la justice et d'une répression effective des infractions sont susceptibles de justifier le recours à l'amende forfaitaire délictuelle pour éteindre l'action publique en dehors de toute décision juridictionnelle, ce n'est qu'à la condition de ne porter que sur les délits les moins graves et de ne mettre en œuvre que des peines d'amendes de faible montant. Dès lors, le premier alinéa de l'article 495-7 du code de procédure pénale ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, s'appliquer à des délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à trois ans. Sous cette réserve, et dès lors que le législateur a prévu que le montant de l'amende forfaitaire délictuelle ne saurait excéder le plafond des amendes contraventionnelles, le grief tiré de la méconnaissance de ce dernier principe doit être écarté.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 252, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)

En imposant des montants minimums pour les amendes prononcées par le juge lorsque le délit poursuivi a fait l'objet à l'origine d'une procédure d'amende forfaitaire, le législateur a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective de certains délits, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestations dilatoires.
Toutefois, il résulte de ces dispositions que deux personnes ayant commis la même infraction sont susceptibles d'être soumises à une règle différente quant au minimum de la peine d'amende applicable selon que l'autorité de poursuite aura choisi de prononcer une amende forfaitaire, qui a pour conséquence d'imposer un tel minimum, ou qu'elle aura choisi une autre voie de poursuite, qui laisse le juge libre de fixer la peine en considération des circonstances propres à chaque espèce. Cette différence de traitement est d'autant plus importante que le montant de l'amende forfaitaire est élevé. Dès lors, les deuxième et troisième alinéas de l'article 495-21 du code de procédure pénale ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi pénale, s'appliquer à des délits dont le montant de l'amende forfaitaire est supérieur à la moitié du plafond prévu en matière d'amendes forfaitaires délictuelles par le premier alinéa de l'article 495-17 du code de procédure pénale.
Le Conseil prononce également la même réserve, sur le fondement du principe d'individualisation des peines.

(2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 257, 258, 261, 264, JORF n°0071 du 24 mars 2019, texte n° 4)
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