Décision

Décision n° 2012-4702 AN du 15 février 2013

A.N., Français établis hors de France (1ère circ.)
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la décision en date du 22 novembre 2012, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 28 novembre 2012 sous le numéro 2012-4702 AN, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Antoine TREUILLE, demeurant à New-York (États-Unis d'Amérique), candidat aux élections qui se sont déroulées en juin 2012 dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées par M. TREUILLE, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 20 décembre 2012 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4, L. 52-6 et L. 330-7 ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant, qu'aux termes des cinq premiers alinéas de l'article L.O. 136-1 du code électoral : « Saisi d'une contestation formée contre l'élection ou dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
« Saisi dans les mêmes conditions, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.
« Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
« L'inéligibilité déclarée sur le fondement des trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision.
« Lorsque le Conseil constitutionnel a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office » ;

2. Considérant qu'il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique ; que si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat règle directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du même code ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du même code ; « Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. . . » ; qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 330-7 du même code : « Pour l'application de l'article L. 52-6. . . Le compte unique mentionné au deuxième alinéa est ouvert en France » ;

3. Considérant que le compte de campagne de M. TREUILLE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 2 et 16 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 22 novembre 2012 au motif, d'une part, que celui-ci avait réglé directement une part substantielle des dépenses engagées en vue de l'élection, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral et, d'autre part, que les dépenses imputées au compte bancaire du candidat ouvert par son mandataire en application des articles L. 52-6 et L. 330-7, avaient transité par trois comptes bancaires différents aux États-Unis ainsi que par le compte bancaire du mandataire ouvert en France ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses payées directement par M. TREUILLE, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4, représentent 21,70 % du montant total des dépenses engagées et 17,30 % du plafond des dépenses ; qu'en outre, les dépenses exposées tout au long de sa campagne électorale ont effectivement transité par plusieurs comptes bancaires distincts, dont trois ouverts aux États-Unis, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 52-6 et L. 330-7 ; que les caractéristiques propres aux circonscriptions des Français établis hors de France, notamment à la première d'entre elles, ne sauraient justifier une telle méconnaissance des dispositions précitées ; que c'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne ; que si M. TREUILLE fait valoir qu'il n'a pu disposer, sur le compte bancaire ouvert en France par son mandataire, de l'usage de tous les moyens de paiement qu'il avait sollicités, une telle circonstance ne saurait en tout état de cause suffire à justifier la nature et l'ampleur des irrégularités commises ;

5. Considérant qu'eu égard au caractère substantiel des obligations méconnues, dont M. TREUILLE ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de M. TREUILLE à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision,

D É C I D E :

Article 1er.- M. Antoine TREUILLE est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. TREUILLE et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 février 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 15 février 2013.

JORF du 19 février 2013 page 2842, texte n° 78
Recueil, p. 282
ECLI : FR : CC : 2013 : 2012.4702.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.3. Règlement des dépenses

Il résulte de l'instruction que les dépenses payées directement par le candidat, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4, représentent 21,70 % du montant total de ses dépenses et 17,30 % du plafond des dépenses autorisées. Rejet à bon droit. Inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an.

(2012-4702 AN, 15 février 2013, cons. 2, 3, 4, 5, JORF du 19 février 2013 page 2842, texte n° 78)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.4. Circonscriptions des Français établis hors de France

Rejet du compte de campagne par la CNCCFP au motif que les dépenses imputées au compte bancaire du candidat ouvert par son mandataire en application des articles L. 52-6 et L. 330-7, avaient transité par trois comptes bancaires différents aux États-Unis ainsi que par le compte bancaire du mandataire ouvert en France. Il résulte de l'instruction que les dépenses exposées tout au long de la campagne électorale ont effectivement transité par plusieurs comptes bancaires distincts, dont trois ouverts aux États-Unis, en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 52-6 et L. 330-7. Les caractéristiques propres aux circonscriptions des Français établis hors de France, notamment à la première d'entre elles, ne sauraient justifier une telle méconnaissance des dispositions précitées. Rejet à bon droit. Inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an.

(2012-4702 AN, 15 février 2013, cons. 2, 3, 4, 5, JORF du 19 février 2013 page 2842, texte n° 78)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Version PDF de la décision.
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