Décision

Décision n° 93-1183 AN du 7 juillet 1993

A.N., Pyrénées-Orientales (1ère circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Jean-Paul Alduy, demeurant à Perpignan (Pyrénées-Orientales), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 5 avril 1993, et tendant à l'annulation des opérations auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 1re circonscription du département des Pyrénées-Orientales pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. Claude Barate, député, enregistré comme ci-dessus le 21 avril 1993 ;

Vu les observations du ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 5 juillet 1993 ;

Vu les observations complémentaires présentées par M. Claude Barate, enregistrées comme ci-dessus le 22 avril 1993 ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur les moyens tirés d'irrégularités de propagande :

En ce qui concerne le lieu et la date d'apposition des affiches :

1. Considérant que le requérant fait état de l'apposition de six affiches en dehors de la période de la campagne électorale ; que cet affichage, quelque irrégulier qu'il soit, n'a pas été, du fait de son caractère limité, de nature à exercer une influence appréciable sur les résultats du scrutin ;

En ce qui concerne l'envoi de lettres par le député sortant :

2. Considérant que si le requérant soutient que le député sortant a fait expédier des lettres nominatives depuis l'Assemblée nationale le 4 mars puis le 6 mars 1993, cet envoi n'est pas en lui-même constitutif d'une irrégularité ;

Sur les moyens tirés des conséquences du jugement en référé en date du 18 mars 1993 du tribunal de grande instance de Perpignan :

3. Considérant que le requérant a fait imprimer des bulletins de vote avec la mention de son mandat de conseiller général en l'assortissant de son appartenance à l'Union pour la démocratie française (U.D.F.) alors que cette formation politique lui avait expressément refusé son investiture pour l'élection législative ; que M. Claude Barate, député sortant et seul bénéficiaire de cette investiture, a saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Perpignan le 17 mars 1993 aux fins d'obtenir que soient retirés les bulletins de vote litigieux de tous les bureaux de vote de la circonscription, que soient saisis ces bulletins au sein de la commission de propagande et que la distribution en soit arrêtée par tous les moyens ; que ce magistrat, statuant en référé le 18 mars 1993, s'est déclaré compétent pour connaître du litige, a « fait défense à M. Jean-Paul Alduy et à quiconque de mettre, les jours du scrutin, à la disposition des électeurs, dans tous les bureaux de vote de la circonscription de Perpignan-I, pour les législatives de mars 1993, des bulletins de vote du candidat Jean-Paul Alduy, portant le sigle U.D.F » et a « fait défense, éventuellement à la commission de propagande, de poursuivre le cas échéant la distribution des bulletins de vote du candidat Jean-Paul Alduy mentionnant le sigle U.D.F » ;

4. Considérant que le requérant fait valoir devant le Conseil constitutionnel que cette décision de l'autorité judiciaire qui n'avait pas compétence pour intervenir dans le déroulement des opérations préliminaires à une élection législative l'a ainsi privé des suffrages d'un nombre important d'électeurs et a été par suite de nature à altérer la sincérité du scrutin ; qu'en outre il soutient que la commission de propagande, en faisant insérer dans un journal local le 20 mars 1993 une annonce avisant les électeurs que les bulletins de vote de M. Jean-Paul Alduy portant la mention U.D.F. « ne devaient pas être utilisés », et qu'ils pouvaient se procurer un nouveau bulletin de vote auprès du candidat lui-même ou « dans les bureaux de vote le jour du scrutin, s'ils se trouvent sur les tables », a outrepassé les termes de l'ordonnance de référé et créé la confusion dans l'esprit des électeurs ;

5. Considérant que la commission de recensement a comptabilisé comme nuls, à l'issue du scrutin du 21 mars 1993, 441 bulletins de vote en faveur de M. Jean-Paul Alduy portant la mention U.D.F.;

6. Considérant que les décisions de la commission de propagande d'assurer la diffusion des circulaires et des bulletins de vote des candidats à une élection législative qui répondent aux conditions légales, en application des dispositions combinées des articles L.166, R.34 et R.38 du code électoral, constituent des actes préliminaires aux opérations électorales qui, en l'état de la législation, ne peuvent être contestés que devant le Conseil constitutionnel, juge de l'élection, à l'occasion du contentieux des opérations électorales ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire d'enjoindre à un candidat de cesser d'utiliser une dénomination figurant sur les bulletins de vote diffusés par la commission de propagande ou de faire obstacle directement ou indirectement à l'utilisation de ces bulletins par les électeurs ;

7. Considérant toutefois que l'utilisation par le requérant du sigle U.D.F. sur ses bulletins de vote était de nature à susciter une incertitude sur l'identité du candidat bénéficiaire de l'investiture de cette formation politique ; que l'annulation des bulletins en faveur du requérant portant le sigle U.D.F. ne saurait, en raison du nombre de suffrages obtenus par ce candidat, l'avoir empêché de se maintenir au second tour ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'intervention de la décision du juge des référés et celle de la commission de propagande susmentionnées ne peuvent avoir eu pour effet de modifier l'issue du scrutin ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Jean-Paul Alduy doit être rejetée,

Décide :
Article premier :
La requête de M. Jean-Paul Alduy est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 1993 où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.

Journal officiel du 11 juillet 1993, page 9856
Recueil, p. 180
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1183.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.1. Affiches
  • 8.3.3.1.5. Date et lieu d'apposition des affiches

Affichage n'ayant pas revêtu un caractère massif, sans incidence sur les résultats du scrutin.

(93-1183 AN, 07 juillet 1993, cons. 1, Journal officiel du 11 juillet 1993, page 9856)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.8. Lettres
  • 8.3.3.8.1. Envoi ou diffusion de lettres en faveur de candidats
  • 8.3.3.8.1.2. Lettres de parlementaires

Expédition de lettres depuis l'Assemblée nationale. Grief non retenu.

(93-1183 AN, 07 juillet 1993, cons. 2, Journal officiel du 11 juillet 1993, page 9856)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
  • 8.3.4.2.2. Investitures (voir ci-dessous également : Manœuvres ou interventions relatives au second tour de scrutin)

Le requérant a fait imprimer des bulletins de vote avec la mention de son mandat de conseiller général en l'assortissant de son appartenance à l'Union pour la démocratie française (UDF) alors que cette formation politique lui avait expressément refusé son investiture pour l'élection législative. Les bulletins ont été retirés suite à une décision du juge des référés, lequel n'était pas compétent. Toutefois, l'utilisation par le requérant du sigle UDF sur ses bulletins de vote était de nature à susciter une incertitude sur l'identité du candidat bénéficiaire de l'investiture de cette formation politique. L'annulation des bulletins ne saurait avoir eu d'incidence sur le second tour.

(93-1183 AN, 07 juillet 1993, cons. 3, 4, 7, Journal officiel du 11 juillet 1993, page 9856)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
  • 8.3.6.8.3.2. Mentions

Le juge des référés a ordonné le retrait des bulletins d'un candidat mentionnant une investiture dont celui-ci pouvait se prévaloir. Cette interdiction ne saurait avoir eu pour effet de modifier les résultats du scrutin.

(93-1183 AN, 07 juillet 1993, cons. 7, Journal officiel du 11 juillet 1993, page 9856)
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