Décision

Décision n° 88-56 PDR du 27 avril 1988

Déclaration du 27 avril 1988, résultats du premier tour de scrutin

Le Conseil constitutionnel,

Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ;

Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, modifiée par les lois organiques n° 76-528 du 18 juin 1976, n° 80-563 du 21 juillet 1980, n° 83-1096 du 20 décembre 1983, n° 88-35 et 88-36 du 13 janvier 1988 et n° 88-226 du 11 mars 1988 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 30 ;

Vu le décret n° 64-231 du 14 mars 1964 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 6 novembre 1962, modifié par les décrets n° 76-738 du 4 août 1976, n° 80-212 du 11mars 1980, n° 81-39 du 21 janvier 1981, n° 88-22 du 6 janvier 1988 et n° 88-72 du 20 janvier 1988, notamment ses articles 26 et 27 ;

Vu le décret n" 80-213 du 11 mars 1980 fixant, pour les départements et territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre et Miquelon, les modalités d'application ou d'adaptation du décret du 14 mars 1964, modifié par le décret n° 88-22 du 6 janvier 1988, notamment son article 13 ;

Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République, modifiée par la loi organique n° 77-820 du 21 juillet 1977 ;

Vu le décret n° 76-950 du 14 octobre 1976 portant application de la loi organique du 31 janvier 1976, modifié parle décret n° 88-198 du 29 février 1988, notamment son article 44 ;

Vu le décret n° 88-250 du 16 mars 1988 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ;

Vu le code électoral ;

Vu pour l'ensemble des départements, la Nouvelle-Calédonie et Saint-Pierre et Miquelon, les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes ;

Vu les résultats complets adressés au Conseil constitutionnel, par voie télégraphique, par les commissions de recensement de Mayotte, de la Polynésie française et de Wallis et Futuna ;

Vu les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 5 de la loi du 31 janvier 1976 susvisée ainsi que les réclamations présentées par des électeurs mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ;

Vu les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ;

Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

Après avoir opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ;

SUR LES OPERATIONS ELECTORALES DANS CERTAINS DEPARTEMENTS :

1. Considérant que, dans le l bureau de la commune de Bar-sur-Aube et dans le 2" bureau de la commune de Troyes (Aube), la commission départementale de recensement a relevé des discordances importantes et inexpliquées entre les chiffres inscrits dans les procès-verbaux retraçant les résultats et ceux figurant dans les feuilles de dépouillement ; que ces dernières comportent des ratures et des surcharges ; que le Conseil constitutionnel n'étant pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans les bureaux susmentionnés ;

2. Considérant que dans les 26 ° et 27 ° bureaux de la commune de Calais (Pas-de-Calais), il n'a pas été procédé au contrôle d'identité des électeurs, en méconnaissance des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; que cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel ; que, devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dansées bureaux ;

3. Considérant que, dans le département du Val-de-Marne, dans le 23 ° bureau de la commune de Fontenay-sous-Bois, dans le 11 ° bureau de la commune de Gentilly, dans les 10 ° et 37 ° bureaux de la commune de Vitry-sur-Seine, le rapport entre le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne et le nombre des électeurs portés sur la liste d'émargement comme ayant pris part au vote fait apparaître des discordances très importantes ; qu'en l'état, le Conseil constitutionnel ne se trouve pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes dans les bureaux précités ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux ;

4. Considérant que, dans la commune de Lamentin (Guadeloupe), le bureau centralisateur a, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 69 du code électoral, modifié les résultats du 3 ° bureau de vote ; qu'au surplus, il n'a donné aucune justification ni explication ; qu'en dépit de la demande faite par le délégué du Conseil constitutionnel les feuilles d'émargement du y bureau n'ont pas été jointes au dossier ; que, faute pour le Conseil d'être à même d'exercer son contrôle sui la régularité des opérations de vote, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans le 3 ° bureau,

SUR LE DEROULEMENT DES OPERATIONS ELECTORALES DANS LE TERRITOIRE DE NOUVELLE-CALEDONIE :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des délégués du Conseil constitutionnel en Nouvelle-Calédonie que le jour du scrutin, dans une partie de ce territoire, des barrages ont été mis en place sur certaines voies en vue de perturber la circulation et d'empêcher l'accès à des bureaux de vote ; que des actes de violence ont été commis contre les personnes et les biens dans le même but ; que, sur les 139 bureaux de vote qui avaient été créés en application de l'article R. 40 du code électoral, les troubles ont eu pour conséquence, sur la côte Est ainsi que dans les Iles Loyauté, d'une part, d'empêcher l'ouverture de 14 bureaux et, d'autre part, de restreindre très sensiblement la durée d'ouverture de 3 autres bureaux ;

6. Considérant que, pour graves qu'ils aient été, les incidents ci-dessus relatés n'ont pas eu pour effet, en raison du caractère national du scrutin pour l'élection du Président de la République, d'affecter dans l'ensemble du territoire de Nouvelle-Calédonie, la validité des suffrages qui y ont été exprimés ;

7. Considérant, toutefois, en l'état des informations dont dispose le Conseil constitutionnel, qu'il est établi que les conditions dans lesquelles ont fonctionné les 2 ° et 5 ° bureaux de vote de l'Île de Maré ainsi que le 4 ° bureau de vote de Yaté n'ont pas permis une expression régulière des suffrages ; que, dans ces circonstances, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'annuler les suffrages exprimés dans ces différents bureaux ;

SUR L'ENSEMBLE DES RESULTATS DU SCRUTIN :

8. Considérant qu'aucun candidat n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ;

Déclare :
Article premier :
Les résultats du scrutin pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé le 24 avril 1988, sont les suivants :
Électeurs inscrits : 38128507
Votants : 31 027 972
Suffrages exprimés : 30 406 038
Majorité absolue. : 15 203 020
Ont obtenu :
Monsieur Raymond BARRE : 5 031 849
Monsieur Pierre JUQUIN : 639 084
Monsieur Jean-Marie LE PEN : 4 375 894
Monsieur Jacques CHIRAC : 6 063 514
Monsieur François MITTERRAND : 10 367 220
Monsieur Pierre BOUSSEL : 116 823
Monsieur Antoine WAECHTER : 1 149 642
Madame Ariette LAGUILLER : 606 017
Monsieur André LAJOINIE : 2 055 995
Article 2 :
La proclamation des résultats de l'ensemble de l'élection interviendra dans les conditions prévues au décret du 14 mars 1964 susvisé.
Article 2 :
La présente déclaration sera publiée sans délai au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 26 et 27 avril 1988, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, Président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNE, Georges VEDEL, Robert FABRE, Francis MOLLET-VIEVILLE.

Journal officiel du 28 avril 1988, page 5648
Recueil, p. 51
ECLI : FR : CC : 1988 : 88.56.PDR

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.1. PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL
  • 8.1.5. Sincérité, loyauté et dignité du scrutin
  • 8.1.5.2. Applications du principe de sincérité du scrutin
  • 8.1.5.2.1. Principe de sincérité du scrutin appliqué à l'élection présidentielle (exemples)

Il n'a pas été procédé, dans certains bureaux de vote, au contrôle d'identité des électeurs, en méconnaissance des articles L. 62 et R. 60 du code électoral et cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le délégué du Conseil constitutionnel. Devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux.

(88-56 PDR, 27 avril 1988, cons. 2, Journal officiel du 28 avril 1988, page 5648)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.5. Opérations électorales
  • 8.2.5.3. Déroulement du scrutin
  • 8.2.5.3.1. Contrôle de l'identité des électeurs

Il n'a pas été procédé, dans certains bureaux de vote, au contrôle d'identité des électeurs, en méconnaissance des articles L. 62 et R. 60 du code électoral et cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le délégué du Conseil constitutionnel. Devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux.

(88-56 PDR, 27 avril 1988, cons. 2, Journal officiel du 28 avril 1988, page 5648)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.5. Opérations électorales
  • 8.2.5.3. Déroulement du scrutin
  • 8.2.5.3.6. Violences ou pressions lors du scrutin

Mise en place de barrages sur certaines voies et actes de violence commis contre les personnes et les biens en vue d'empêcher l'accès aux bureaux de vote dans une partie du territoire de la Nouvelle-Calédonie. Ces incidents, pour graves qu'ils aient été, n'ont pas eu pour effet, en raison du caractère national du scrutin pour l'élection du Président de la République, d'affecter, dans l'ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie, la validité des suffrages qui ont été exprimés. Toutefois, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'annuler les résultats de certains bureaux pour lesquels il est établi que leurs conditions de fonctionnement n'ont pas permis une expression régulière des suffrages.

(88-56 PDR, 27 avril 1988, cons. 5, 6, 7, Journal officiel du 28 avril 1988, page 5648)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.5. Opérations électorales
  • 8.2.5.4. Dépouillement
  • 8.2.5.4.2. Discordance entre émargements et bulletins

Dans 4 bureaux de vote, le rapport entre le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne et le nombre des électeurs portés sur la liste d'émargement comme ayant pris part au vote fait apparaître des discordances très importantes. En l'état, le Conseil constitutionnel ne se trouve pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes émis dans ces bureaux. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux.

(88-56 PDR, 27 avril 1988, cons. 3, Journal officiel du 28 avril 1988, page 5648)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.5. Opérations électorales
  • 8.2.5.5. Irrégularités relatives aux procès-verbaux et aux pièces annexes

Dans deux bureaux, la commission de recensement a relevé des discordances importantes et inexplicables entre les chiffres inscrits dans les procès-verbaux retraçant les résultats et ceux figurant dans les feuilles de dépouillement, lesquelles comportent des ratures et des surcharges. Le Conseil constitutionnel n'étant pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces 2 bureaux.

(88-56 PDR, 27 avril 1988, cons. 1, Journal officiel du 28 avril 1988, page 5648)

Bureau centralisateur. Compétence. Le bureau centralisateur d'une commune a, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 69 du code électoral, modifié les résultats du troisième bureau de vote. Au surplus, il n'a donné aucune justification ni explication et, en dépit de la demande faite par le délégué du Conseil constitutionnel, les feuilles d'émargement du troisième bureau n'ont pas été jointes au dossier. Faute pour le Conseil d'être à même d'exercer son contrôle sur la régularité des opérations de vote, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce troisième bureau.

(88-56 PDR, 27 avril 1988, cons. 4, Journal officiel du 28 avril 1988, page 5648)
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