Décision

Décision n° 88-1116 AN du 23 novembre 1988

A.N., Val-de-Marne (10ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par Mme Claudine Décimo, demeurant au Kremlin-Bicêtre, Val-de-Marne, déposée à la préfecture du Val-de-Marne le 21 juin 1988 et enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 juin 1988, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 5 et 12 juin 1988 dans la 10e circonscription du Val-de-Marne pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations en défense présentées par M. Jean-Claude Lefort, député, enregistrées comme ci-dessus le 11 juillet 1988 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par Mme Claudine Decimo, enregistré comme ci-dessus le 21 juillet 1988 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur enregistrées comme ci-dessus le 27 septembre 1988 ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que Mme Decimo conteste les résultats de l'élection du 12 juin 1988 dans la 10e circonscription du Val-de-Marne, en invoquant des irrégularités relatives au premier tour de scrutin, lesquelles l'auraient empêchée d'obtenir un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 p. 100 des électeurs inscrits et, par voie de conséquence, d'être candidate au second tour ;

- Sur la régularité des listes électorales :

2. Considérant que la requérante soutient que le nombre des électeurs inscrits dans la 10e circonscription du Val-de-Marne et, par suite, le seuil de 12,5 p. 100 fixé par l'article L. 162 du code électoral se sont trouvés indûment majorés du fait d'inscriptions irrégulières sur les listes électorales ;

3. Considérant qu'il n'appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur la régularité des inscriptions sur les listes électorales que dans le cas où il est établi que les irrégularités alléguées ont un caractère frauduleux ;

4. Considérant que la requérante se borne à de simples allégations et ne donne qu'un seul exemple d'inscription indue, sans d'ailleurs citer le nom de l'électeur concerné ; qu'ainsi le moyen invoqué doit être écarté ;

- Sur la régularité des opérations de vote :

5. Considérant que les affirmations selon lesquelles le président du 13è bureau et un assesseur du 28e bureau d'Ivry-sur-Seine auraient introduit irrégulièrement des bulletins dans l'urne ne sont pas étayées de témoignages suffisamment probants pour être retenues ;

- Sur la régularité du dépouillement du scrutin :

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison dés articles L. 65 et R.62 du code électoral que le décompte des émargements, qui est un préalable nécessaire à la signature de la liste d'émargements, doit être effectué avant l'ouverture de l'urne et le décompte des enveloppes qui s'y trouvent ; que ces dispositions ont été violées dans les 1er, 2e, 6e, 8e, 22e et 25e bureaux de vote d'Ivry-sur-Seine et dans les 37e et 39e bureaux de Vitry-sur-Seine, en dépit des observations de certains assesseurs, voire même de celles du délégué de la commission de contrôle prévue à l'article L. 85-1 du code électoral ; que ces irrégularités, sciemment commises, révèlent un comportement frauduleux ; qu'il y a lieu, dés lors, d'annuler les suffrages exprimés dans ces huit bureaux et de diminuer à ce titre de 2 851 le nombre des voix obtenues au premier tour par M. Lefort ; qu'après cette défalcation, M. Lefort conserve cependant un nombre de voix excédant 12,5 p. 100 des électeurs inscrits dans la circonscription ;

7. Considérant que les irrégularités commises lors du dépouillement dans les 1er, 2e, 8e et 22e bureaux de vote d'Ivry-sur-Seine, autres que celles sanctionnées ainsi qu'il vient d'être dit, de même que les irrégularités constatées dans le 3e bureau de la même commune, ne peuvent affecter les résultats du scrutin, eu égard à l'ampleur de l'écart de voix séparant les candidats ;

8. Considérant que les pointages du nombre des électeurs venant de voter auxquels se sont livrés, au cours de la journée, des représentants de certains candidats dans le 43e bureau de Vitry-sur-Seine ne sauraient prévaloir, en l'absence d'autres indices de fraude ou d'erreur, sur les chiffres mentionnés tant sur les listes d'émargements que sur les procès-verbaux ;

9. Considérant que les écarts constatés dans divers bureaux de vote entre le nombre des émargements et celui des bulletins trouvés dans fume n'ont pu, compte tenu de l'importance du nombre de suffrages restant acquis à M. Lefort à l'issue du premier tour de scrutin, ni le priver du nombre de voix nécessaire pour se présenter au second tour, ni modifier l'ordre de préférence exprimé par les électeurs ;

10. Considérant enfin que le grief tiré de ce que les clefs des urnes des 22e et 25e bureaux de vote d'Ivry-sur-Seine ont été détenues par la même personne est sans objet du fait de l'annulation des opérations électorales dans ces deux bureaux prononcée par la présente décision ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête susvisée de Mme Decimo doit être rejetée,

Décide :
Article premier :
La requête de Mme Claudine Decimo est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 novembre 1988, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Jozeau-Marigné, Georges VEDEL, Robert FABRE, Francis MOLLET-VIÉVILLE, Jacques LATSCHA.

Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695
Recueil, p. 227
ECLI : FR : CC : 1988 : 88.1116.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.1. Opérations préalables au scrutin
  • 8.3.1.1. Listes électorales
  • 8.3.1.1.1. Établissement des listes électorales
  • 8.3.1.1.1.1. Inscriptions

Grief tiré de ce que le nombre des électeurs inscrits et, par suite, le seuil de 12,5 pour 100 fixé par l'article L. 162 du code électoral se sont trouvés indûment majorés du fait d'inscriptions irrégulières sur les listes électorales. La requérante se borne à de simples allégations et ne donne qu'un seul exemple d'inscription indue sans d'ailleurs citer le nom de l'électeur concerné. Grief écarté.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 2, 3, 4, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.1. Organisation du dépouillement

Il résulte de la combinaison des articles L. 65 et R. 62 du code électoral que le décompte des émargements, qui est un préalable nécessaire à la signature de la liste d'émargement, doit être effectué avant l'ouverture de l'urne et le décompte des enveloppes qui s'y trouvent.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 6, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
  • 8.3.6.8.5.2. Jurisprudence faisant suite aux élections législatives de 1988

Les écarts constatés dans divers bureaux de vote entre le nombre des émargements et celui des bulletins trouvés dans l'urne n'ont pu, compte tenu de l'importance du nombre de suffrages restant acquis au candidat à l'issue du premier tour de scrutin, ni le priver du nombre de voix nécessaire pour se présenter au second tour, ni modifier l'ordre de préférence exprimé par les électeurs.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 9, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.7. Imputation des suffrages annulés
  • 8.3.6.8.7.2. Jurisprudence faisant suite aux élections législatives de 1988

L'annulation des suffrages exprimés dans 8 bureaux de vote conduit à diminuer à ce titre, de 2 851 le nombre de voix obtenues au premier tour par le candidat élu lors du second tour. Après cette défalcation, le candidat conserve cependant un nombre de voix excédant 12,5 % des électeurs inscrits.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 6, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.8. Contentieux - Recevabilité
  • 8.3.8.1. Dépôt de la requête
  • 8.3.8.1.7. Recevabilité des conclusions
  • 8.3.8.1.7.1. Requête dirigée contre des opérations électorales ayant donné lieu à ballottage

Recevabilité de conclusions contestant les résultats du second tour au motif que des irrégularités relatives au premier tour de scrutin auraient empêché la requérante, candidate au premier tour, d'obtenir un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des électeurs inscrits et, par voie de conséquence, d'être candidate au second tour.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 1, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.8. Griefs qui ne sont assortis d'aucun commencement de preuve

Les affirmations de la requérante selon lesquelles un président de bureau de vote et un assesseur auraient introduit irrégulièrement des bulletins dans l'urne ne sont pas étayées et les témoignages suffisamment probants pour être retenus.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 5, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.9. Griefs inopérants

Grief devenu sans objet. Le grief tiré de ce que les clefs des urnes de certains bureaux de vote ont été détenues par la même personne est sans objet du fait de l'annulation des opérations électorales dans ces 2 bureaux.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 10, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.2. Irrégularités qui, en raison de l'écart des voix, ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.2.5. Opérations électorales

Les écarts constatés dans divers bureaux de vote entre le nombre des émargements et celui des bulletins trouvés dans l'urne n'ont pu, compte tenu de l'importance du nombre de suffrages restant acquis au candidat arrivé en tête à l'issue du premier tour de scrutin, ni le priver du nombre de voix nécessaires pour se présenter au second tour, ni modifier l'ordre de préférence exprimé par les électeurs.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 9, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.2. Annulation des votes dans un ou plusieurs bureaux

Violation des dispositions des articles L. 65 et L. 62 du code électoral dans certains bureaux de vote, en dépit des observations de certains assesseurs, voire même de celles du délégué de la commission de contrôle prévue par l'article L. 85-1 du code électoral. Il y a lieu, dès lors, d'annuler les suffrages exprimés dans les bureaux de vote en cause.

(88-1116 AN, 23 novembre 1988, cons. 6, Journal officiel du 25 novembre 1988, page 14695)
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