Décision

Décision n° 63-5 FNR du 11 juin 1963

Propositions de loi déposées par M. Vallin et par M. Dassaud, sénateurs, relatives à l'extension à tous les salariés du secteur privé du bénéfice de la prime spéciale uniforme mensuelle de transport instituée dans la première zone de la région parisienne, ainsi que du supplément à cette prime
Domaine réglementaire

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 4 juin 1963, par le Président du Sénat, dans les conditions prévues à l'article 41 de la Constitution, de deux propositions de loi, déposées respectivement par MM Camille Vallin et Francis Dassaud, sénateurs, et par plusieurs de leurs collègues, relatives à l'extension à tous les salariés du secteur privé du bénéfice de la prime spéciale uniforme mensuelle de transport instituée dans la première zone de la région parisienne par les arrêtés interministériels du 28 septembre 1948 et du 28 janvier 1950, ainsi que du supplément à cette prime prévu par les dispositions de la loi et du décret du 30 juillet 1960 ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37, 41 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 27, 28 et 29 ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution « la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales » et « du droit du travail » ; qu'au nombre de ces principes figure celui d'après lequel la fixation des rémunérations salariales ainsi que de leurs accessoires de toute nature relève des contrats librement passés entre employeurs et salariés ; que toute limitation de portée générale apportée à ce principe par l'intervention de la puissance publique est donc du domaine de la loi ; qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer dans le cadre de la loi, et sauf à ne pas en dénaturer l'esprit, le taux ou le montant des rémunérations ou des accessoires de salaires qu'elle institue, d'établir les conditions de leur attribution ainsi que de préciser les modalités de leur versement ;

2. Considérant que les deux propositions de loi susvisées, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, tendent à appliquer à tous les salariés du secteur privé le bénéfice de la prime spéciale uniforme mensuelle de transport attribuée aux salariés de la première zone de la région parisienne par les dispositions des arrêtés interministériels du 28 septembre 1948 et du 28 janvier 1950, pris en application de la législation alors en vigueur, ainsi que du supplément ajouté à ladite prime par les dispositions de la loi et du décret du 30 juillet 1960 ; qu'en raison tant du nombre des personnes, employeurs et salariés, que de l'importance de l'aire géographique qu'elle concerne, cette mesure doit être regardée comme édictant le principe d'une obligation salariale, mise à la charge d'une nouvelle catégorie d'employeurs, en sus des obligations résultant pour ceux-ci des conventions qui les lient ; que, dès lors et en tant qu'elles tendent, ainsi, à la création d'une prime de transport applicable à une nouvelle catégorie d'intéressés, les dispositions contenues dans les deux propositions de loi dont il s'agit, relèvent du domaine de la loi ;

3. Considérant, toutefois, que la détermination du montant des rémunérations salariales ou des primes ou indemnités ayant le caractère d'accessoires de salaires ressortit à la compétence du pouvoir réglementaire dans les conditions ci-dessus précisées ; que, par suite, et en tant qu'elles fixent à la prime de transport qu'elles instituent au profit de l'ensemble des salariés du secteur privé, un montant égal à celui de la prime de transport applicable aux salariés de la région parisienne, les dispositions des deux propositions susvisées ne sont pas du domaine de la loi ;

Décide :
Article premier :
Les deux propositions de loi susvisées, déposées par MM Camille Vallin et Francis Dassaud, sénateurs, et plusieurs de leurs collègues, et relatives à l'extension à tous les salariés du secteur privé de la prime spéciale uniforme mensuelle instituée dans la première zone de la région parisienne par les arrêtés du 28 septembre 1948 et du 28 janvier 1950 ainsi que du supplément à cette prime prévu par la loi et le décret du 30 juillet 1960, sont du domaine de la loi en tant qu'elles tendent à la création de la prime susindiquée au profit de ceux des salariés du secteur privé qui ne bénéficient pas encore de ladite prime.
Dans la mesure où elles tendent à fixer le montant de la prime de transport qu'elles instituent, lesdites propositions n'entrent pas dans le domaine réservé à la loi par l'article 34, précité, de la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Président du Sénat et au Premier Ministre et publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 14 juin 1963, page 5306
Recueil, p. 37
ECLI : FR : CC : 1963 : 63.5.FNR

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
  • 3.6.4. Article 41 alinéa 2 (irrecevabilité)
  • 3.6.4.3. Délimitation domaine loi / Règlement
  • 3.6.4.3.2. Domaine du règlement

Les matières énumérées à l'article 34 de la Constitution sont du domaine législatif. Cependant les règles et principes doivent être appréciés dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été introduites par la législation antérieure à la Constitution en vue de permettre certaines interventions de la puissance publique jugées nécessaires en la matière. Sont donc de la compétence réglementaire des dispositions qui comportent des interventions de l'État dans les matières visées à l'article 34 de la Constitution lorsqu'elles font application des règles ou principes tels qu'ils ont été délimités antérieurement. Extension de la prime de transport.

(63-5 FNR, 11 juin 1963, cons. 2, 3, Journal officiel du 14 juin 1963, page 5306)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.14. Régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales
  • 3.7.14.2. Principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales
  • 3.7.14.2.6. Relations employeurs / salariés
  • 3.7.14.2.6.1. Prime de transport

Est un principe fondamental du droit du travail et des obligations civiles et commerciales le principe selon lequel la fixation des rémunérations salariales ainsi que leurs accessoires de toute nature relèvent des contrats librement passés entre employeurs et salariés. Toute limitation de portée générale à ce principe est du domaine de la loi. Ainsi, l'extension de la prime de transport prévue par les propositions de loi doit être regardée, en raison tant du nombre de personnes que de l'aire géographique qu'elle concerne, comme une mesure édictant le principe d'une obligation salariale mise à la charge d'une nouvelle catégorie d'employeurs en sus des obligations résultant des conventions qui les lient. Prime de transport pour une nouvelle catégorie d'intéressés.

(63-5 FNR, 11 juin 1963, cons. 2, 3, Journal officiel du 14 juin 1963, page 5306)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.15. Droit du travail et droit de la sécurité sociale
  • 3.7.15.1. Droit du travail
  • 3.7.15.1.1. Principes fondamentaux du droit du travail
  • 3.7.15.1.1.1. Compétence législative

La création d'une prime de transport applicable à une nouvelle catégorie d'intéressés relève du domaine de loi parce qu'il s'agit d'une limitation du principe de la liberté des contrats de travail. En revanche, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer, dans le cadre de la loi et sans en dénaturer l'esprit, le taux ou le montant des rémunérations ou des accessoires de salaires qu'elle restitue, d'établir les conditions de leur attribution ainsi que de préciser les modalités de leur versement.

(63-5 FNR, 11 juin 1963, cons. 1, Journal officiel du 14 juin 1963, page 5306)
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