Décision

Décision n° 62-18 L du 16 janvier 1962

Nature juridique des dispositions de l'article 31 (alinéa 2) de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole
Non lieu à statuer

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 8 janvier 1962, par le Premier Ministre, en application de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions de l'article 31, alinéa 2, de la loi d'orientation agricole en date du 5 août 1960 ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 62 in fine de la Constitution : « les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles » ; que l'autorité des décisions visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même ;

2. Considérant que, dans une décision en date du 8 septembre 1961, le Conseil constitutionnel a déclaré qu'une proposition de loi tendant à déterminer les conditions suivant lesquelles seraient fixés par décret les prochains prix d'objectifs de certains produits agricoles avait un caractère réglementaire au motif que les dispositions de cette proposition constituaient une intervention du législateur dans une matière (celle des prix) qui n'est pas au nombre de celles réservées à sa compétence par l'article 34 de la Constitution ; qu'un autre motif essentiel de la même décision était que la disposition de l'article 31, alinéa 2, de la loi d'orientation agricole, disposant que, « dans le cas où la politique agricole commune n'aurait pas reçu au 1er juillet 1961 un commencement d'exécution suffisant, le Gouvernement déposera un projet de loi déterminant les conditions suivant lesquelles seront fixés par décret les prochains prix d'objectifs », ne saurait prévaloir sur celles des articles 34 et 37 de la Constitution et fournir un fondement suffisant à la compétence du législateur en matière de prix ; que la décision précitée : confirmée par une décision du 18 octobre 1961 reconnaissant un caractère réglementaire aux dispositions d'un amendement présenté au projet de loi sur la fixation des prix agricoles : s'impose donc aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles avec la portée même que lui donnent les motifs susrappelés qui en sont le soutien nécessaire ;

3. Considérant, d'autre part, que, lorsque le Conseil constitutionnel a décidé qu'une matière n'appartenait pas au domaine réservé à la loi, le Gouvernement est fondé à prendre par décret les dispositions qu'il juge utiles en cette matière, sauf à obtenir au préalable, conformément aux prescriptions de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, la déclaration du caractère réglementaire de toute disposition de forme législative intervenue, après l'entrée en vigueur de la Constitution, pour régler ladite matière et dont serait envisagée la modification par ce décret ;

4. Considérant que, s'agissant de la fixation des prix agricoles : que le Conseil constitutionnel a, ainsi qu'il ressort de ce qui a été dit plus haut, déclaré être du domaine réglementaire : rien ne s'oppose à ce qu'un décret intervienne en cette matière dès lors qu'il n'existe, même dans l'article 31 précité de la loi du 5 août 1960, aucune disposition de forme législative intervenue depuis l'entrée en vigueur de la Constitution pour fixer elle-même ces prix et que le décret dont il s'agit devrait nécessairement modifier ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande du Premier Ministre tendant à l'appréciation par le Conseil constitutionnel de la nature juridique, au regard de l'article 34 de la Constitution, de la disposition de l'article 31 de la loi d'orientation agricole en date du 5 août 1960 doit être regardée comme sans objet ;

Décide :
Article premier :
Il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel, à raison des motifs ci-dessus développés, de se prononcer sur la demande présentée par le Premier Ministre en application de l'article 37 (alinéa 2) de la Constitution et tendant à l'appréciation de la nature juridique de l'article 31 de la loi d'orientation agricole en date du 5 août 1960.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 25 février 1962, page 1915
Recueil, p. 31
ECLI : FR : CC : 1962 : 62.18.L

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
  • 3.6.3. Article 37 alinéa 2 (procédure de la délégalisation)
  • 3.6.3.4. Non-lieu à statuer
  • 3.6.3.4.2. Demande sans objet

En vertu de l'article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Cette autorité s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. Par une précédente décision, le Conseil constitutionnel avait estimé qu'une proposition de loi tendant à déterminer les conditions de fixation par décret des prochains prix d'objectifs de certains produits agricoles avait un caractère réglementaire, la matière des prix ne relevant pas du domaine de la loi. Rien ne s'oppose à ce qu'un décret intervienne en cette matière des prix agricoles, dès lors qu'il n'existe aucune disposition de forme législative intervenue depuis l'entrée en vigueur de la Constitution pour fixer ces prix et que le décret devrait nécessairement modifier. Dans ces conditions, est sans objet une demande du Premier ministre tendant à l'appréciation de la nature juridique de l'article 31 de la loi d'orientation agricole du 5 août 1960 disposant que, dans le cas où la politique agricole commune n'aurait pas reçu au 1er juillet 1961 un commencement d'exécution suffisant, le Gouvernement déposera un projet de loi déterminant les conditions suivant lesquelles seront fixés par décret les prochains prix d'objectif.

(62-18 L, 16 janvier 1962, cons. 1, 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 25 février 1962, page 1915)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.6. Sens et portée de la décision
  • 7.2.4.6.1. Autorité des décisions antérieures du Conseil constitutionnel
  • 7.2.4.6.1.2. Motivation par référence à une décision antérieure

L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel visées par la disposition in fine de l'article 62 de la Constitution s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. Lorsque le Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 54 de la Constitution, a décidé que l'autorisation de ratifier en vertu d'une loi un engagement international est subordonnée à une révision constitutionnelle, la procédure de contrôle de contrariété à la Constitution de cet engagement, instituée par l'article précité, ne peut être à nouveau mise en œuvre, sauf à méconnaître l'autorité qui s'attache à la décision du Conseil constitutionnel conformément à l'article 62, que dans deux hypothèses : d'une part, s'il apparaît que la Constitution, une fois révisée, demeure contraire à une ou plusieurs stipulations du traité ; d'autre part, s'il est inséré dans la Constitution une disposition nouvelle qui a pour effet de créer une incompatibilité avec une ou des stipulations du traité dont s'agit.

(62-18 L, 16 janvier 1962, Journal officiel du 25 février 1962, page 1915)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.7. Autorité des décisions du Conseil constitutionnel
  • 11.8.7.1. Hypothèses où la chose jugée est opposée
  • 11.8.7.1.1. Contentieux des normes
  • 11.8.7.1.1.1. Contentieux de la répartition des compétences entre la loi et le règlement

L'autorité des décisions visées par le second alinéa de l'article 62 de la Constitution s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constitue le fondement même. En conséquence, lorsque le Conseil constitutionnel a décidé qu'une matière n'appartenait pas au domaine réservé à la loi, le Gouvernement est fondé à prendre par décret les dispositions qu'il juge utiles en cette matière, sauf à obtenir au préalable, conformément aux prescriptions de l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, la déclaration du caractère réglementaire de toute disposition de forme législative intervenue, après l'entrée en vigueur de la Constitution, pour régler ladite matière et dont serait envisagée la modification par ce décret.

(62-18 L, 16 janvier 1962, cons. 1, 3, Journal officiel du 25 février 1962, page 1915)
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