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Voeux 2003 à l'Elysée

Voeux présentés au Président de la République au nom du Conseil constitutionnel, par le Président Yves GUÉNA et voeux du Président de la République au Conseil constitutionnel, Palais de l'Elysée, 3 janvier 2003

Vœux de Monsieur Jacques Chirac, Président de la République

À l'occasion de la présentation des vœux du Conseil constitutionnel au Palais de l'Élysée

Monsieur le Président de la République, présentant ses voeux au Conseil constitutionnel, a salué l'action des neuf sages qui veillent « à cet indispensable équilibre entre les pouvoirs et au respect des valeurs qui sont au coeur du pacte français ». Il a rendu hommage au rôle du Conseil « comme garant de nos libertés fondamentales », soulignant qu'il avait effectué son travail « avec diligence et efficacité. Les Français ont marqué il y a quelques mois leur attachement aux valeurs et aux principes qui fondent notre pacte républicain. La confiance dans nos institutions est l'un des éléments essentiels de ce pacte : pouvoir exécutif, pouvoir législatif, autorités judiciaires, chacun dans le respect de ses prérogatives constitutionnelles doit contribuer au bon fonctionnement de la démocratie et d'une République tout entière mise au service des Français. Avec une grande sagesse, le Conseil constitutionnel veille à cet indispensable équilibre entre les pouvoirs et au respect des valeurs qui sont au coeur du pacte français, des valeurs qui forgent notre unité nationale ».

Évoquant la réforme de la décentralisation, il a précisé que l'action gouvernementale trouverait « sa traduction dans les textes qui seront soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Je pense particulièrement aux lois organiques qui accompagneront la réforme constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République ».

Allocution de Monsieur Yves GUÉNA, Président du Conseil constitutionnel

Monsieur le Président de la République,

L'année 2002 fut assez lourde pour le Conseil constitutionnel ... oh ! pardon, Monsieur le Président de la République, pour les candidats à l'élection présidentielle aussi, je suppose. Et nous n'omettons pas de vous féliciter pour votre succès qui fut en même temps une victoire pour la République.

Nous eûmes donc durant l'année écoulée à veiller, selon les termes mêmes de la Constitution, « à la régularité de l'élection du Président de la République » ; puis à statuer « en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés » ; sans oublier l'habituel contrôle de la constitutionnalité des lois.

S'agissant de l'élection présidentielle, notre mission commença bien avant le 21 avril. A la suite d'un arrêt de la Cour de cassation rendant inopérante la loi sur l'interdiction de publier les sondages dans la semaine précédant l'élection, l'on se trouvait devant un vide juridique qui aurait pu entraîner le jour même du vote, tant au premier qu'au second tour, des débordements de nature à dévoyer le scrutin. Nous vous avons saisi de la question, Monsieur le président, ainsi que le gouvernement et les deux assemblées. Nous avons été entendus : une loi est intervenue préservant à cet égard le jour du scrutin et le jour précédent.

Nous eûmes ensuite à valider les parrainages des candidats dans une ambiance préélectorale assez mal venue, puis à ratifier seize candidatures.

Pour le second tour, en raison d'incitations à des pratiques fantaisistes et déplacées, nous avons dû en appeler à l'opinion afin que les opérations de vote se déroulent dans la dignité qui s'impose lorsqu'il s'agit du suffrage universel, et notamment de l'élection du chef de l'Etat. A la suite de notre rappel à l'ordre, nous n'avons pas eu à déplorer de manquements significatifs, sauf dans une commune où nous fûmes conduits à annuler le scrutin.

Puis nous avons proclamé les résultats. Enfin nous avons procédé à la pointilleuse vérification des comptes de campagne ce qui nous a conduits à rejeter le compte de l'un des candidats.

Comme il est d'usage, nous avons, après cette expérience, formulé diverses observations pour l'avenir, à l'intention des pouvoirs publics. Il nous est apparu que les modalités de recueil des parrainages devraient être réformées, notamment en les resserrant dans la durée ; de plus il nous semble souhaitable de publier intégralement les présentations valides.

En vérité, le chiffre de 16 candidats aura paru à tous excessif, voire inconvenant ; mais nous ne nous sommes pas cru autorisés à formuler des suggestions précises pour réduire ce nombre à l'avenir, nous en remettant à l'initiative et à la sagesse du législateur.

La quasi-concomitance des élections législatives et de l'élection présidentielle, nous a plongés aussitôt dans le contentieux de l'élection des députés, sans que nous puissions matériellement nous en saisir avant d'en avoir terminé avec les comptes de l'élection présidentielle.

Néanmoins, sur les 162 réclamations portant sur 121 circonscriptions, il en a été traité à ce jour les 9/10ème. Nous avons prononcé quatre invalidations, donc une modeste proportion, signe d'une part que les élections se déroulent en France de façon régulière ; signe aussi que le Conseil constitutionnel n'annule jamais une élection législative qu'après une très sérieuse réflexion et pour des motifs incontestables.

Ajoutons que les saisines directes de la commission de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques -la C.C.F.P.- sont beaucoup plus nombreuses que les réclamations électorales classiques, que nous n'en avons pas encore aujourd'hui le décompte, et qu'elles peuvent entraîner la sanction particulièrement grave de l'inéligibilité, dont nous sommes juges. En outre, les requérants fondent de plus en plus souvent leurs griefs sur d'éventuelles violations de la législation sur le financement de la campagne. Nous ne manquerons pas dans notre rapport sur les élections législatives, d'analyser cet aspect des choses.

Enfin, en 2002, nous avons eu à nous prononcer sur huit lois, la plupart fort importantes, après saisine par 60 parlementaires.

Avant le changement de majorité, nous avons rappelé à l'occasion de la loi de modernisation sociale, le principe fondamental qu'est la liberté d'entreprendre ; s'agissant du statut de la Corse, nous avons estimé que la loi devait rester l'apanage des représentants de la Nation.

Depuis l'installation du nouveau gouvernement nous nous sommes prononcés sur la loi d'orientation et de programmation de la justice, puis de la sécurité intérieure. Nous les avons dans l'ensemble ratifiées. Toutefois, une loi ne peut qu'être normative. Nous avons donc été conduits à censurer des dispositions qui apparaissaient purement déclamatoires. Nous avons également écarté certains articles qui se référaient par avance, et trop tôt, à des dispositions de la nouvelle loi organique sur les lois de finances dont la mise en vigueur, sur les points dont il s'agit, ne devait pas intervenir avant 2006.

Dans la dernière quinzaine de décembre, nous avons pour l'essentiel ratifié la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances. Nous sommes en ce moment saisis de la loi révisant certaines dispositions du texte sur les 35 heures.

Nous avons donc le sentiment, Monsieur le Président, d'avoir fait en 2002 notre devoir envers la République, ce qui est la moindre des choses.

Vous pouvez tout autant compter sur notre Conseil pour 2003.

Et nous vous souhaitons, Monsieur le Président de la République, pour vous-même, pour Madame Chirac, et pour tous vos collaborateurs, une bonne et heureuse année ; bonne et heureuse année aussi pour la France, assurés que vous mènerez notre pays avec la sûreté de main que nous vous connaissons,