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Souveraineté nationale et intégration européenne dans le droit constitutionnel espagnol

Victor FERRERES COMELLA - Professeur titulaire de droit constitutionnel, Université Pompeu Fabra (Barcelone)

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 9 (Dossier : Souveraineté de l’Etat et hiérarchie des normes) - février 2001

L'appartenance de l'Espagne aux Communautés européennes a posé (et continue de poser) différents problèmes d'ordre constitutionnel. Nombre d'entre eux sont liés à la question fondamentale de savoir comment concilier la souveraineté nationale, le principe démocratique et la garantie des droits fondamentaux, d'une part, et la primauté du droit communautaire, d'autre part. Bien que le Tribunal constitutionnel ait eu à prononcer sur certains de ces problèmes, nombre d'interrogations subsistent, comme j'essaierai de le démontrer dans le présent article. Avant de les aborder, il convient toutefois de décrire brièvement le cadre normatif qu'offre la Constitution espagnole de 1978.

I. Le cadre normatif : la Constitution

La Constitution espagnole, dans son article 1.2, proclame que « la souveraineté nationale réside dans le peuple espagnol dont émanent les pouvoirs de l'État ». C'est le peuple espagnol, considéré dans son unité, qui est souverain. L'article 2 reconnaît aux « nationalités et régions » le droit d'accéder à « l'autonomie », mais la souveraineté n'est conférée qu'au seul peuple espagnol considéré comme un tout. Pour sa part, l'article 66 stipule que les Cortes Generales (c'est-à-dire, le parlement national, constitué par le Congrès des députés et le Sénat) « représentent le peuple espagnol ». La Constitution n'attribue ce pouvoir de représentation à aucun autre organe de l'État. Le parlement sur ce point, jouit donc d'un privilège.

Mais, le parlement est soumis à la Constitution (art. 9.1), qui lui impose des conditions et des limites. La Constitution est rigide : elle ne peut être révisée que par la mise en oeuvre d'une procédure complexe qui requiert l'obtention de majorités qualifiées et, dans certains cas, la ratification par voie de référendum populaire (titre X). Pour faire valoir la primauté de la Constitution, un Tribunal constitutionnel a été institué (prévu au titre IX), qui jouit d'une compétence exclusive pour prononcer, avec effet erga omnes , l'inconstitutionnalité de la loi.

Toutefois, le parlement n'est pas soumis à la seule Constitution. Les traités internationaux limitent également son pouvoir législatif. En effet, l'article 96.1 de la Constitution espagnole stipule que : « les traités internationaux valablement conclus, une fois publiés officiellement en Espagne feront partie de l'ordre juridique interne. Leurs dispositions ne pourront être abrogées, modifiées ou suspendues que dans la forme prévue dans les traités eux-mêmes ou conformément aux règles générales du droit international ». Découle de cette disposition, qu'une loi postérieure ne peut pas modifier les dispositions d'un traité. Par conséquent, en cas de conflit entre un traité et une loi postérieure, le juge ordinaire devra faire prévaloir le premier.

Dans la catégorie générale des traités, la Constitution prévoit dans son article 93 un type spécial dont la ratification passe par l'adoption d'une loi organique :

« Une loi organique pourra autoriser la conclusion de traités attribuant à une organisation ou à une institution internationale l'exercice de compétences dérivées de la Constitution. Il incombe aux Cortes générales ou au gouvernement, selon les cas, de garantir l'exécution de ces traités et des résolutions émanant des organismes internationaux ou supranationaux qui bénéficient de la cession de compétences »

Cet article a été inclus à la Constitution dans le but de permettre l'entrée future de l'Espagne dans les Communautés européennes. Aussi, le traité d'adhésion a-t-il été ratifié par le biais de la loi organique 10/1985, et les traités successifs relatifs aux Communautés l'ont été, selon la même procédure. Cette obligation « d'une loi organique » implique de recueillir pour le traité un appui parlementaire quelque peu supérieur à l'ordinaire, la majorité absolue est en effet requise au Congrès des députés (la chambre basse du parlement) lors du vote final sur l'ensemble du texte (art. 81.2).

La Constitution établit explicitement sa propre primauté sur les traités internationaux. L'article 95 stipule que « la conclusion d'un traité international contenant des dispositions contraires à la Constitution exigera une révision constitutionnelle préalable ». À l'évidence, cette obligation de révision constitutionnelle n'a de sens que si l'on considère que la Constitution est supérieure au traité. En cas contraire, cette révision ne serait pas nécessaire. L'article 95 ajoute dans un second alinéa : « Le gouvernement ou l'une ou l'autre Chambre peuvent saisir le Tribunal constitutionnel pour qu'il déclare s'il y a ou non contradiction ». Il crée donc un mécanisme spécifique de contrôle préalable de la constitutionnalité des traités, mécanisme qui complète le système général de contrôle des normes ayant « force de loi » exercé par le Tribunal constitutionnel, qui lui est un contrôle a posteriori .

Nous avons traité jusqu'ici, en une rapide synthèse, du cadre juridique qu'offre la Constitution espagnole. Passons maintenant en revue certains problèmes que nous pouvons regrouper en trois grands groupes.

II. Les bases constitutionnelles du droit communautaire

A.

Comme nous venons de le voir, la Constitution prévoit une procédure spécifique pour l'entrée de l'Espagne dans une organisation supranationale comme les Communautés européennes : l'autorisation par une loi organique de la ratification du traité international correspondant (art. 93). Le Tribunal constitutionnel a mis l'accent sur l'importance de cet acte d'autorisation, dans la mesure où il est l'expression de la libre décision de l'État espagnol. Le Tribunal considère qu'il s'agit là, en effet, d'une expression de la « souveraineté de l'État » (STC 28/1991, Fundamento Jurídico 4).

De fait, on considère généralement, au plan interne, que la Constitution est l'expression la plus authentique de la souveraineté de la nation espagnole. Cette qualité reconnue à la Constitution peut s'expliquer par sa genèse (à laquelle le peuple a participé par voie de référendum) et par son contenu (qui établit un ensemble de règles de base qui fait l'objet d'un large consensus dans le temps, et au-delà des changements de majorités parlementaires). Quelles relations existe-t-il donc entre les traités visés à l'article 93 (dont la libre acceptation par l'Espagne constitue une expression de la souveraineté de l'État dans le domaine extérieur) et la Constitution espagnole (l'expression suprême de la souveraineté populaire)?

Au regard du droit constitutionnel espagnol, la réponse est claire : la Constitution prime sur les traités visés à l'article 93, qui ne constituent pas une exception à la règle générale de primauté constitutionnelle qui se dégage de l'article 95. Ainsi l'a rappelé le Tribunal constitutionnel dans sa Déclaration du 1er juillet 1992, dans laquelle il rejette la thèse selon laquelle l'article 93 permet « l'auto-rupture constitutionnelle ». Pour le Tribunal, il n'est pas fondé de soutenir que, par le biais de l'article 93, une révision implicite de la Constitution peut valablement se produire, dans la mesure où seule une révision expresse, adoptée suivant la procédure visée au titre X, permet de la modifier. On ne peut pas non plus avancer que l'article 93 permet de céder aux Communautés européennes l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle lui-même.

Le problème est donc de déterminer quand un traité parmi ceux visés à l'article 93 est en contradiction avec la Constitution. Dans la Déclaration du 1er juillet 1992 susmentionnée, le Tribunal fait une distinction, à ces effets, entre les règles constitutionnelles attributives de compétences, d'une part, et les règles constitutionnelles qui fixent des limites matérielles à l'exercice des compétences, d'autre part. Selon le Tribunal, si le traité se limite à modifier les règles qui confèrent des compétences aux organes nationaux, en ce sens que leur exercice est transféré à la Communauté, il n'y a pas lieu de réviser la Constitution. Le champ d'application de l'article 93 est suffisant pour couvrir ce cas d'espèce. Mais si le traité vise l'une des règles qui imposent des limites matérielles à l'exercice des compétences (par exemple : les règles qui reconnaissent des droits fondamentaux), alors, la révision est indispensable.

Ainsi, pour que l'Espagne puisse ratifier valablement le traité de Maastricht qui contenait une disposition (l'art. G) qui reconnaissait le droit de vote actif et passif aux citoyens de l'Union résidant dans un État membre différent de celui de leur nationalité, il a fallu modifier au préalable la disposition constitutionnelle qui réservait aux seuls espagnols la jouissance du droit de vote passif aux élections municipales (art. 13.2). La révision s'avérait nécessaire parce que cette disposition du traité n'affectait pas les règles constitutionnelles attributives de compétences aux organes de l'État, mais celles qui fixent des limites matérielles à leur exercice.

Il découle de la décision du Tribunal qu'au-delà de ces hypothèses de contradiction « matérielle » entre la Constitution et les traités, il n'est pas nécessaire de formaliser au plan constitutionnel le processus de construction européenne. Une partie de la doctrine, néanmoins, considère que cette approche est inappropriée. Ainsi, Santiago Muñoz Machado estime que le processus fédérateur que vit l'Europe implique une véritable « mutation constitutionnelle » au plan national. Cette mutation, dit-il, doit être formalisée dans la Constitution, ne serait-ce que par une clause générale (comme ce fut le cas en Allemagne et en France à la suite de la ratification du traité de Maastricht). Ainsi, il apparaît clairement que le « représentant du peuple souverain accepte consciemment la limitation et la réduction de la souveraineté et l'importante mutation constitutionnelle qu'implique le traité particulier qui a été soumis à sa considération ». De même, Francisco Rubio Llorente défend la stratégie de la révision, concertée dans la mesure du possible, des Constitutions nationales, afin de doter le Droit communautaire de nouvelles bases.

B.

Il est intéressant de se demander si la Constitution espagnole impose des limites aux révisions constitutionnelles elles-mêmes auxquelles on pourrait souhaiter procéder aux fins de ratification des différents traités visés à l'article 93. Existe-t-il, donc, un noyau de droits intangible ? Le principe démocratique est-il intangible, ou est-ce le principe de la souveraineté nationale ?

La Constitution prévoit explicitement dans son article 168 la possibilité de sa « révision totale ». On peut l'interpréter comme une preuve du fait que la Constitution n'oppose aucune barrière à quelle que révision que ce soit, dans la mesure où cette dernière se conforme à la procédure prévue. Mais on peut également soutenir que la possibilité d'une révision totale n'exclut pas l'existence de limites implicites.

La question des limites implicites se pose également par rapport aux règles mêmes qui régissent la révision constitutionnelle. Le Tribunal a déclaré qu'en application de l'article 93 on ne peut céder aux Communautés européennes l'exercice du pouvoir de révision constitutionnelle. Mais, cette cession est-elle possible grâce à une révision constitutionnelle explicite ? En d'autres termes, pourrait-on réviser la Constitution pour lui permettre de couvrir explicitement le cas d'un traité qui transférerait aux Communautés européennes le pouvoir d'édiction de normes permettant de modifier la Constitution elle-même ? Sur ce point se pose également la question de l'existence éventuelle d'une limite implicite ; on pourrait en effet faire valoir que le principe de souveraineté nationale (art. 1.2) est un postulat suprême de la Constitution, de sorte que le souverain ne pourrait pas abdiquer sa souveraineté en cédant à un autre sujet le pouvoir de révision constitutionnelle.

Tous ces points font l'objet d'une controverse doctrinale en Espagne et il n'y a pas de jurisprudence du Tribunal pour la trancher.

C.

En tout état de cause, quelles que soient les limites que la Constitution impose aux traités et (éventuellement) aux lois de révision constitutionnelle elles-mêmes, il est indéniable que pour le Tribunal, la Constitution espagnole prime sur les traités constitutifs des Communautés européennes. Cette thèse diffère de celle de la Cour de justice des Communautés européennes qui a défendu la primauté des normes du droit communautaire sur toute autre norme de droit national, y compris la Constitution. Il existe donc un risque de conflit entre les deux instances.

Pour réduire ce risque, il est donc utile de disposer du mécanisme de contrôle a priori des traités tel que prévu à l'article 95.2 de la Constitution espagnole : avant que le traité ne soit ratifié et avant, donc, qu'il ne fasse partie de l'ordre juridique communautaire, le Tribunal constitutionnel peut l'examiner et vérifier sa conformité avec la Constitution.

Le fait est qu'en Espagne il est possible d'avoir un contrôle a posteriori des traités, après qu'ils aient déjà été ratifiés (art. 161.1, Const., et art. 27.2 de la loi organique du Tribunal constitutionnel). Il peut donc se faire que le Tribunal prononce l'inconstitutionnalité d'un traité (ou de l'une de ces dispositions), alors que la Cour de justice des Communautés européennes considère que ce traité, déjà ratifié, est valide parce qu'intégré à l'ordre juridique communautaire et jouit donc de la primauté sur la Constitution espagnole. Dans cette hypothèse, indépendamment de l'éventuelle responsabilité de l'État espagnol eu égard au droit international et au droit communautaire, il apparaît clairement qu'au regard de la Constitution espagnole, l'action du Tribunal constitutionnel serait fondée. N'oublions pas que lorsque l'article 96 de la Constitution stipule que les dispositions des traités ne peuvent être modifiées que dans la forme prévue par ceux-ci ou conformément aux règles générales du Droit international, il fait référence aux « traités internationaux valablement conclus » et il semble indéniable qu'un traité contraire à la Constitution ne peut être considéré (du point de vue constitutionnel) comme un traité « valablement conclu ».

Malgré tout, un doute peut surgir : si le Tribunal constitutionnel, dans une procédure de contrôle a priori , prononce la constitutionnalité d'un traité (ou d'une disposition particulière de celui-ci), subsiste-t-il dans ce cas la possibilité d'engager ultérieurement une procédure de contrôle a posteriori , qui pourrait conduire le Tribunal à changer d'avis et à prononcer son inconstitutionnalité ? Dans sa Déclaration du 1er juillet 1992, le Tribunal dit que la décision qu'il prend dans une procédure de contrôle a priori produit les effets de la chose jugée, « qui empêcheraient de saisir ledit Tribunal de cette même disposition objet de la décision en engageant l'une des procédures de déclaration d'inconstitutionnalité » (Fundamento Jurídico 1). Il semble donc que le Tribunal apporte une réponse négative à la question posée. Ceci signifie que, afin de garantir la stabilité des traités, on réduit les possibilités de défense de la primauté constitutionnelle.

D.

Il est un problème distinct de ceux que nous avons analysés à ce stade, c'est le vieux problème de la révocabilité de l'attribution de compétences aux Communautés européennes, et qui se pose tant au regard de l'ordre juridique communautaire que de l'ordre constitutionnel de chaque pays. En application de la Constitution espagnole, l'Espagne peut-elle révoquer unilatéralement sa décision d'adhésion aux Communautés, ou de transfert de certaines compétences à celles-ci ?

Le Tribunal constitutionnel n'a pas eu à se prononcer sur ce point. Dans sa Déclaration du 1er juillet 1992 précitée (Fundamento Jurídico 4), le Tribunal a rappelé que via la procédure visée à l'article 93, c'est l' exercice des compétences qui est transmis et non le titulaire qui est changé. Mais ce serait faire preuve de précipitation que de déduire de cette affirmation (qui constitue un obiter dictum ) que par voie de conséquence la Constitution permet à l'État espagnol de se retirer unilatéralement des Communautés, ou de récupérer unilatéralement certaines compétences dont il leur avait transféré l'exercice dans le cadre de traités. En effet, l'article 96 de la Constitution, fait interdiction à l'État espagnol de se délier unilatéralement des engagements internationaux souscrits, sauf à observer les conditions prévues dans les traités eux-mêmes ou dans les normes générales du droit international. Et comme le démontre Luis María Díez-Picazo, ni les traités communautaires ni le droit international ne couvrent la cas d'un retrait unilatéral de l'État.

Mais que se passerait-il si ce retrait était effectué à l'issue d'une révision constitutionnelle ? On pourrait arguer de l'invalidité de cette révision, car elle enfreindrait les dispositions de l'article 96. Certes, l'article 96 peut être abrogé ou modifié par une révision constitutionnelle qui pourrait introduire des exceptions à la règle générale. Mais tant qu'il n'est pas abrogé ou modifié de façon explicite, toute révision constitutionnelle qui en enfreindrait les dispositions devrait être réputée invalide.

E.

Nous avons fixé, jusqu'à maintenant, notre attention sur la protection de la Constitution espagnole par rapport aux traités constitutifs des Communautés européennes. Mais, quel niveau de protection faut-il accorder à la Constitution face aux actes (et normes) des institutions communautaires, et face aux actes (et normes) édictés par les pouvoirs publics espagnols dans le contexte communautaire ?

Aucune indication ne laisse penser (pour le moment) que le Tribunal constitutionnel en vienne à contrôler dans le cadre de la Constitution espagnole les actes des institutions communautaires. Il ne semble pas qu'il soit enclin à remettre en cause l'autorité de la Cour de Luxembourg en tant qu'organe chargé de garantir que les actes et les règles communautaires soient conformes à la sphère de compétences que les traités constitutifs leur ont transférée. Il ne semble pas, non plus, qu'en matière de droits fondamentaux, le Tribunal constitutionnel en vienne à connaître et à juger de tels actes et règles.

Ceci dit, le Tribunal a déclaré qu'il maintient sa compétence pour juger, dans le cadre de la Constitution, les actes des pouvoirs publics espagnols, même si ceux-ci sont édictés en exécution du droit communautaire . Ainsi, eu égard aux droits et libertés constitutionnels, le Tribunal a dit : « dans la mesure où est contesté [devant le Tribunal, par recours d'amparo] un acte du pouvoir public qui, bien qu'édicté en application du droit communautaire européen, pourrait porter atteinte à un droit fondamental, il revient à la juridiction constitutionnelle de connaître de cette requête, indépendamment du fait de savoir si cet acte est régulier ou non au regard de l'ordre juridique communautaire européen » (STC 64/1991, Fundamento Jurídico 4). Il peut donc se faire qu'un acte du pouvoir public espagnol soit valide au regard du droit communautaire et ne le soit pas, par contre, au regard de la Constitution espagnole. Dans cette hypothèse, le Tribunal veillera au respect de la Constitution en prononçant l'invalidité de l'acte.

Il faut ajouter, néanmoins, l'élément suivant : conformément à l'article 10.2 de la Constitution espagnole, les clauses constitutionnelles qui consacrent des droits et des libertés doivent être interprétées conformément aux traités internationaux sur les droits de l'homme ratifiés par l'Espagne. Cette ouverture aux traités peut inclure la jurisprudence des tribunaux qui ont été institués pour les interpréter, ainsi que les règles émanant des institutions instaurées pour leur application et exécution. En conséquence, le droit communautaire, tant primaire que dérivé, dans la mesure où il fait référence à des droits fondamentaux, peut être utilisé comme critère d'interprétation des clauses de la Constitution espagnole (telle a été la procédure suivie par le Tribunal constitutionnel en matière de principe d'égalité, par exemple). De cette façon, le risque de conflits entre le droit communautaire et la table des droits de la Constitution nationale se trouve réduit.

Enfin, qu'en est-il du contrôle, au regard du droit communautaire, des actes et règles édictés par les pouvoirs publics espagnols ? Selon le Tribunal constitutionnel, il est certain qu'il existe un lien génétique entre la Constitution espagnole et l'ensemble du droit communautaire (par le biais de l'art. 93, Const.). Pour autant, cela ne signifie pas qu'un acte du pouvoir public espagnol contraire au droit communautaire soit, de ce fait, un acte contraire à la Constitution espagnole (STC 28/1991, Fundamento Jurídico 4). En effet, une fois autorisé le transfert de compétences en faveur des Communautés européennes, le droit communautaire apparaît comme un système normatif propre et autonome, comme l'a soutenu à plusieurs reprises la Cour de Justice des Communautés européennes. Et en conséquence, le Tribunal constitutionnel se considère incompétent pour contrôler les actes et les règles des pouvoirs publics espagnols au regard du droit communautaire. De ce fait, seule la Constitution est donc pertinente pour le Tribunal en tant que norme de référence.

III. Vote actif et passif des étrangers et dilution de la souveraineté nationale

A.

Un problème spécifique que le Tribunal constitutionnel a dû aborder est celui du droit de vote des étrangers dans le cadre de l'Union européenne.

L'article G du traité de Maastricht (qui donne un nouvelle rédaction de l'article 8 B du traité de la Communauté économique européenne) a conféré aux citoyens de l'Union le droit de vote actif et passif dans les élections locales des États membres dans lesquels ils résident. Avant de procéder à la ratification de ce traité, le gouvernement espagnol s'est adressé au Tribunal constitutionnel pour lui demander si l'article G était compatible avec la Constitution espagnole. L'une des dispositions visées était l'article 1.2 (principe de souveraineté nationale) : la reconnaissance du droit de vote des étrangers emportait-il « dilution » de la souveraineté du peuple espagnol ?

Dans sa déclaration du 1er juillet 1992, le Tribunal a répondu par la négative. La question pourrait être controversée, dit-il, uniquement s'il s'agissait d'élections à des organes « qui ont des pouvoirs attribués directement par la Constitution et les statuts d'autonomie et liées au principe de jouissance de la souveraineté du peuple espagnol » (Fundamento Jurídico 3). En d'autres termes, la question ne pourrait se poser avec un certain fondement qu'en cas d'élections générales ou d'élections aux Autonomies, mais pas dans le cas d'élections municipales qui ne donnent pas lieu à expression de la souveraineté. L'argumentation du Tribunal est plutôt sommaire. En tout état de cause, il faut tenir compte du fait qu'en Espagne le résultat des élections municipales n'ont aucun impact sur la composition des organes représentatifs au niveau des Autonomies ou au niveau national. En cas contraire, la thèse du Tribunal aurait certainement été différente.

Le Tribunal a néanmoins considéré qu'il y avait atteinte à l'article 13.2 de la Constitution alors en vigueur et qui réservait aux espagnols le droit de vote passif. S'est posé alors un second problème :

B.

Quelle procédure fallait-il suivre pour mener à bien la révision constitutionnelle correspondante ? La question se posait parce que la Constitution espagnole prévoit deux types de procédures. Une première procédure (celle visée à l'article 167) requiert des majorités qualifiées dans les deux chambres du parlement, et n'exige la tenue d'un référendum de ratification que si un dixième des députés ou des sénateurs en fait la demande. C'est la procédure suivie en règle générale. Mais il existe une autre procédure engagée exceptionnellement, et prévue lorsque la révision est « totale » ou porte sur certains contenus de la Constitution (le titre préliminaire, la section première du chapitre II du titre premier, ou le titre II). Dans ces cas, la procédure est plus complexe ; il faut procéder à la dissolution du parlement, à la tenue d'élections et à l'adoption de la révision par le nouveau parlement ; celle-ci devant être ratifiée par voie de référendum (art. 168).

En la matière, le Tribunal a estimé qu'étant donné que l'article G du traité n'entrait en contradiction qu'avec l'article 13.2 de la Constitution espagnole, et que cet article ne figurait pas dans les sections pour lesquelles est réservée la procédure exceptionnelle de l'article 168, il fallait en conclure que la révision devait suivre la procédure générale visée à l'article 167.

Face à cette thèse, on pourrait avancer le contre-argument suivant : Même s'il est établi que l'article G du traité de Maastricht n'est pas en contradiction qu'avec l'article 13.2 de la Constitution espagnole, une révision constitutionnelle qui modifie l'article 13.2 touche, en plus , l'article 23, qui consacre le droit de vote (l'article 13.2 renvoie explicitement à l'article 23). Étant donné que cette disposition est située dans les sections qui ne peuvent être « modifiées » que par le biais d'une révision constitutionnelle réalisée conformément à la procédure visée à l'article 168, il faudrait en conclure que la révision de l'article 13.2 ne pouvait être effectuée que selon ces modalités et non selon la procédure plus simple de l'article 167.

La conséquence politique de l'adoption de l'une ou l'autre thèse était très importante : si la procédure à suivre était celle visée à l'article 167, il était nécessaire d'organiser un référendum si le dixième des députés ou des sénateurs le demandaient ; et comme aucun des partis qui avaient (au moins) ce pourcentage de représentants parlementaires ne jugeait opportun d'organiser un référendum, celui-ci n'aurait pas lieu. En revanche, si le Tribunal avait estimé nécessaire de recourir aux modalités de l'article 168, il aurait fallu nécessairement organiser un référendum. D'un point de vue technique, dans ce référendum on aurait soumis au vote la révision de la Constitution en matière de vote passif des étrangers. Mais d'un point de vue politique c'est une question beaucoup plus générale qui aurait été dominante : était-il souhaitable de ratifier le traité de Maastricht, pris dans son ensemble ? Il convient de souligner que ceci aurait eu pour effet positif de sensibiliser davantage le peuple espagnol aux conséquences générales du traité, de sorte qu'une victoire du oui au référendum aurait signifié indirectement un soutien populaire au processus de construction européenne.

IV. Principe démocratique et contrôle judiciaire dans le cadre du droit communautaire

Un troisième groupe de problèmes que pose l'intégration européenne a trait à la compatibilité entre le principe démocratique et l'existence d'un système de contrôle judiciaire des lois nationales dans le cadre du droit communautaire.

Dans le système constitutionnel espagnol, le juge ordinaire ne peut faire valoir de sa propre initiative la prééminence de la Constitution sur la loi (sauf s'il s'agit d'une loi antérieure à la Constitution). Si le juge estime que la loi applicable à l'espèce est contraire à la Constitution, il doit saisir de la question le Tribunal constitutionnel (art. 163) qui a le « monopole de rejet » de la loi inconstitutionnelle. L'une des raisons qui justifie l'option en faveur de ce système centralisé de contrôle a trait au principe démocratique : étant donné que la norme à juger, la loi, émane du parlement démocratique, on considère raisonnable que l'organe de contrôle de sa constitutionnalité soit un Tribunal spécial, dont les membres sont sélectionnés selon des procédures plus démocratiques que celles utilisées pour désigner les juges ordinaires.

Le juge ordinaire, quant à lui, peut effectivement déroger à la loi qui, à son sens, est en contradiction avec une norme du droit communautaire (dans la mesure où il s'agit d'une norme qui jouit d'un « effet direct »). C'est ce qu'a déclaré la Cour de justice des Communautés européennes (affaire Simmenthal , 106/77, 1978), et ainsi le reconnaît le Tribunal constitutionnel espagnol. Bien plus, celui-ci se considère incompétent pour connaître de la loi sous l'angle du droit communautaire, il estime en effet que ce type de contrôle incombe exclusivement au juge ordinaire (STC 28/1991, Fundamento Jurídico 5).

Comment justifier, d'un point de vue démocratique, cette diversité des systèmes de contrôle de la loi, selon qu'il s'agit de garantir la primauté de la Constitution nationale ou la primauté du droit communautaire ? Cette diversité est particulièrement paradoxale si l'on tient compte du fait que, alors que la Constitution est l'expression qualifiée de la souveraineté populaire, étant donné sa genèse et son contenu, le droit communautaire dérivé, par contre, est le résultat d'une procédure législative qui accuse un « déficit démocratique » notable.

Cette diversité de systèmes de contrôle de la loi pourrait s'expliquer de la façon suivante : l'interprétation de la Constitution (tout au moins dans ses dispositions prévoyant des limites substantielles du pouvoir) est habituellement très controversée, c'est la raison pour laquelle il paraît raisonnable que l'organe chargé d'en préciser la teneur, aux effets de statuer sur la validité d'une loi adoptée par le parlement, soit un Tribunal constitutionnel, jouissant d'une certaine légitimité démocratique originelle et non un juge ordinaire. Par contre, les dispositions du droit communautaire ne peuvent évincer la loi que si elles ont un « effet direct », à cette fin elles doivent être suffisamment précises (comme l'a établi La Cour de justice des Communautés européennes à compter de sa décision dans l'affaire Van Gend en Loos , 26/62, 1963). Il ne semble pas inconsidéré que dans un tel cas, lorsqu'il n'y a pas trop de doutes d'interprétation quant aux dispositions de droit communautaire applicables en la matière, le juge ordinaire puisse, de sa propre initiative, déroger à la loi qui est en contradiction avec celles-ci.

Le fait est que le droit communautaire est considéré suffisamment « précis » quand il existe une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui en précise le sens. En outre, le juge national peut ou doit (selon les cas) poser une question préjudicielle pour lever une doute particulier quant à l'interprétation (art. 234 du traité de la Communauté européenne). Le système de contrôle de la loi dans le droit communautaire n'est donc pas un système décentralisé à l'état pur, mais plutôt un système mixte : même si le juge national peut déroger à la loi, il peut ou doit obtenir d'un juge central (la Cour de Luxembourg) une interprétation préalable du droit communautaire applicable. Le problème de légitimité démocratique est reporté ainsi sur cette Cour, car c'est elle qui détermine le contenu concret des dispositions communautaires.

À ce propos, il convient d'indiquer que la position du parlement national à l'égard de la Cour de justice des Communautés européennes diffère de beaucoup de celle qu'il a à l'égard de son propre Tribunal constitutionnel.

En premier lieu, alors que le parlement national a une certaine capacité d'influence sur l'orientation jurisprudentielle du Tribunal constitutionnel, par le biais du système de sélection de ses membres, il n'en a pas sur la Cour de Luxembourg : ce n'est pas le parlement national, mais le gouvernement qui participe à la désignation des juges de cette Cour ; et si le gouvernement peut se faire l'écho de la position de la majorité parlementaire, il doit s'accorder avec les gouvernements des autres quinze États, ce qui réduit sa marge d'influence.

En second lieu, alors que les décisions du Tribunal constitutionnel peuvent être « contrecarrées » par le parlement national par la voie d'une révision constitutionnelle (bien qu'il faille suivre une procédure plus complexe que la procédure législative ordinaire), la capacité de réaction qu'a le parlement national pour modifier le droit communautaire après interprétation de la Cour de Luxembourg est très réduite, pour les raisons analogues aux susmentionnées : c'est le gouvernement qui peut influer sur le processus législatif communautaire ; et il doit convaincre les gouvernements des autres États pour obtenir les majorités simples ou qualifiées nécessaires à la modification de la législation communautaire correspondante. Dans le cas des traités constitutifs, leur révision requiert l'accord unanime des États, ce qui protège énormément la jurisprudence établie par la Cour de justice des Communautés européennes lors de leur interprétation.

À cet égard, il est intéressant de signaler ce qui suit : si la règle de l'unanimité s'applique dans le contexte du processus politique communautaire, alors les gouvernements des États membres peuvent contrôler plus facilement « l'input législatif » : l'unanimité leur confère un pouvoir de veto qui leur permet de bloquer telle proposition législative à laquelle ils sont opposés. Mais cette même règle rend difficile le contrôle de « l'output interprétatif » : si certains de ces gouvernements sont en désaccord avec l'interprétation qu'a faite la Cour de telle disposition, il leur est très difficile de procéder à sa « correction » par une révision législative, il leur faut, en effet, obtenir un nouvel accord unanime. Par contre, la règle de la majorité réduit le degré de contrôle des gouvernements sur « l'input législatif », mais facilite le contrôle de « l'output interprétatif ».

En tout état de cause, quelle que soit la règle de vote applicable (majorité simple, majorité qualifiée, ou unanimité), l'important est que l'existence d'une pluralité de gouvernements nationaux, dont la volonté est fondamentale pour l'adoption de décisions, réduit la capacité d'un quelconque parlement national et de son gouvernement à influer sur l'interprétation du droit communautaire que fait la Cour de justice des Communautés européennes.

On pourrait tenter d'expliquer autrement la légitimation démocratique de cette Cour : par le processus démocratique européen.

Mais pour cela, il faudrait qu'en premier lieu le parlement européen puisse intervenir dans la désignation des juges. Et, qu'en second lieu émerge une opinion publique européenne et, par conséquent, un peuple européen, qui soutienne et légitime ledit parlement. Au plan interne des États fédéraux, ces conditions d'intervention parlementaire et d'unité nationale sont remplies, avec pour conséquence que le pouvoir de contrôle des lois des parlements des états membres par un Tribunal fédéral est érigé en pouvoir légitime, en dépit du fait que c'est le parlement fédéral (et non les parlements des États) qui participe à la désignation des juges de ce Tribunal. Tant que ne se produira pas en Europe une semblable transformation à orientation fédérale, les fondements de la légitimation démocratique de la Cour de Luxembourg resteront faibles.

Peut-être que la conclusion qui s'impose est que la légitimation n'a pas à être démocratique. En effet, dans le contexte de la création d'un marché commun, dans lequel il faut établir certaines règles du jeu au-dessus des intérêts partisans des États, il convient de protéger les normes communautaires face au risque d'érosion de la part des parlements et gouvernements nationaux, qui peuvent mésestimer les intérêts communs au profit des intérêts nationaux plus immédiats. Par conséquent, il est raisonnable que le parlement national, à l'instar du gouvernement, voit sa capacité d'incidence sur l'interprétation du droit communautaire faite par la Cour de Luxembourg réduite (interprétation dans le cadre de laquelle les juges nationaux auront à se prononcer ensuite sur l'applicabilité ou non des règles que ce parlement et ce gouvernement auront adoptées). La rationalité supranationale est ainsi préservée face au intérêts particuliers des États.

Cette position peut être fondée dans ses grandes lignes. Elle ne l'est pas, néanmoins, lorsque la Cour de justice des Communautés européennes doit se prononcer sur des questions controversées relatives aux droits fondamentaux qui n'ont pas de relation directe avec les règles du jeu d'un marché commun. Ainsi, par exemple, lorsqu'elle doit connaître, dans le cadre du principe d'égalité, des programmes d'action positive en faveur des femmes (comme dans l'affaire Kalanke , 4560/93, 1995 et Marschall , 409/95, 1997). Les restrictions que les parlements nationaux connaissent à la suite de l'interprétation effectuée par la Cour dans des affaires de ce type devront être légitimées d'une autre façon. À mon sens, l'importance croissante que vont prendre les droits fondamentaux dans la jurisprudence, non seulement comme limites aux actes des institutions communautaires mais aussi comme limites aux lois adoptées par les parlements nationaux, rendra nécessaire l'établissement de nouvelles bases permettant la légitimation démocratique de l'oeuvre et de l'impact de cette Cour.


Note bibliographique

Sur les relations entre Constitution et Droit communautaire, voir, en général : Pablo Perez Tremps, Constitución española y Comunidad Europea (Constitution espagnole et Communauté européenne), Civitas, 1994 ; Antonio López Castillo, Constitución e integración (Constitution et intégration), Centro de Estudios Constitucionales, Madrid, 1996 ; et Juan José Solozábal, « Algunas consideraciones constitucionales sobre el alcance y los efectos de la integración europea » (Quelques considérations constitutionnelles sur la portée et les effets de l'intégration européenne), Revista de Estudios Políticos , n° 90, 1995, p. 45-67. On trouvera une présentation complète de la jurisprudence constitutionnelle sur la valeur normative du Droit communautaire dans l'article de Luis María Díez-Picazo, « El derecho comunitario en la jurisprudencia constitucional española » (Le Droit communautaire dans la jurisprudence constitutionnelle espagnole), Revista Española de Derecho Constitucional , n° 54, 1998, p. 255-272. Pour une analyse des relations entre le système national, le système international et le droit communautaire à partir d'une distinction entre les notions de validité et d'applicabilité : Juan Luis Requejo, Las normas preconstitucionales y el mito del poder constituyente (Les normes préconstitutionnelles et le mythe du pouvoir constituyant), Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, Madrid, 1998. Sur la valeur du Droit communautaire comme critère d'interprétation des Droits fondamentaux : Alejandro Saiz Arnaiz, La apertura constitucional al derecho internacional y europeo de los derechos humanos. El artículo 10.2 de la Constitución española (L'ouverture constitutionnelle au droit international et européen des droits de l'homme. L'article 10.2 de la Constitution espagnole), Consejo General del Poder Judicial, Madrid, 1998, p. 172-203. Pour une analyse des relations entre souveraineté et intégration européenne, on peut consulter Benito Aláez Corral, « Soberanía constitucional e integración europea » (Souveraineté constitutionnelle et intégration européenne), Fundamentos , n° 1, 1998. Il existe de multiples commentaires sur la Déclaration du Tribunal constitutionnel du 1er juillet 1992. Parmi ceux-ci, il faut mentionner celui de Manuel Aragón, « La Constitución española y el Tratado de la Unión Europea : la reforma de la Constitución » (La Constitution espagnole et le traité de l'Union européenne : la révision de la Constitution), repris dans le livre du même auteur, Estudios de Derecho Constitucional (Études de Droit constitutionnel), Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, 1998, p. 203-222 ; et celui de Francisco Rubio Llorente, « La Constitución española y el Tratado de Maastricht » (La Constitution espagnole et le traité de Maastricht), repris dans le livre du même auteur, La forma del poder (Estudios sobre la Constitución) (La forme du pouvoir, Études sur la Constitution), Centro de Estudios Constitucionales, Madrid, 1993, p. 175-187.

La thèse de Santiago Muñoz Machado citée dans le texte est présentée dans son livre La Unión europea y las mutaciones del Estado (L'Union européenne et les mutations de l'État), Alianza Universidad, Madrid, 1993, p. 59-63. Celle de Francisco Rubio Llorente apparaît dans son travail « El constitucionalismo de los Estados integrados de Europa » (Le constitutionnalisme des États intégrés d'Europe), Revista Española de Derecho Constitucional , n° 48, 1996. Celle de Luis María Díez-Picazo, dans son article « Europa : las insidias de la soberanía » (L'Europe : les embûches de la souveraineté), Claves , n° 79, 1998.