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La jurisprudence constitutionnelle et les " faits "

Jean-Jacques PARDINI - Maître de Conférences de droit public à l'Université de Toulon et du Var, membre du centre de droit et de politique comparée Jean-Claude Escarras

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 8 - juillet 2000

Nul ne contestera que la question de l'influence des « faits » sur la jurisprudence constitutionnelle puisse surprendre, particulièrement en matière de contrôle de constitutionnalité des lois(1). Selon une opinion traditionnelle dont il semble difficile de se déprendre, le Conseil constitutionnel ne connaît que le droit : la règle de droit inscrite dans la Constitution, la règle de droit adoptée par le législateur. Si l'activité d'interprétation déploie ses effets sur le « rapport de constitutionnalité » (2), elle s'exerce uniquement sur le front de la Constitution et sur celui de la loi. C'est ce qui fait dire à la majorité des auteurs que le « fait » ne peut avoir qu'une importance minime au sein du raisonnement du juge constitutionnel(3); le rôle de ce dernier serait réduit à « celui d'un examinateur formel des rapports entre la norme constitutionnelle et la norme législative » (4). De surcroît, l'existence d'un contrôle « rustique », tel celui qui caractérise le système français, renforce encore ce sentiment. Le doyen Vedel ne faisait-il pas remarquer que le contrôle abstrait et a priori, « sauf rares exceptions, ne comporte pas d'examens de fait » (5) ?

D'emblée, le thème suscite donc la perplexité, surtout si l'on considère que tout « administrativo-centrisme » (6) est insuffisant pour entreprendre l'étude de la question. En effet, le juge des lois a clairement précisé que « pour l'examen des situations de fait, le Conseil constitutionnel, saisi d'une loi votée et en instance de promulgation, se prononce dans des conditions différentes de celles dans lesquelles la juridiction administrative est appelée à statuer sur la légalité d'un acte administratif » (7). Toute référence à l'activité du juge administratif étant rejetée, on ne peut, alors, que marcher dans les traces du doyen Favoreu qui voit le contentieux constitutionnel, même s'il doit beaucoup au contentieux administratif, relever du droit comparé et n'être « intelligible qu'au regard de celui-ci » (8).

À cet égard, l'expérience italienne de justice constitutionnelle présente un intérêt tout particulier. Les auteurs de ce pays sont, en effet, véritablement engoués pour ce thème et, dans une période récente, les écrits se sont multipliés avec pour objectif commun de valoriser l'incidence des faits sur le jugement des lois(9). L'intérêt objectif de l'étude du système transalpin réside donc dans les réflexions que peut inspirer, à propos du cas français, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne(10), éclairée par les apports de la doctrine. On voudrait démontrer que le juge constitutionnel ne se limite pas toujours à une simple « collation » entre la norme législative et la norme constitutionnelle et que le rapport fait/norme existe aussi au sein du jugement de la constitutionnalité des lois(11). La prise en compte des faits par le juge peut tout autant concerner la norme-objet du contrôle (l'acte législatif) (I) que la norme-paramètre (la norme constitutionnelle) (II).

I. Le « fait » et l'acte législatif dans le jugement de constitutionnalité des lois

À la lecture des décisions de la Cour constitutionnelle italienne, on s'aperçoit que l'influence des faits sur le contrôle de l'acte législatif peut être utile sous deux aspects. D'une part, il arrive assez souvent au juge constitutionnel de se référer à la réalité des faits pour livrer la signification de la loi soumise à son examen ; le rapport fait/acte législatif se situe, dans ce cas, sur un plan interprétatif (A). D'autre part, le juge peut faire porter son contrôle sur les motifs de fait sur lesquels se fonde le législateur pour exprimer ses choix ; le rapport fait/norme concerne alors la justification de l'acte législatif (B).

A. Le « fait » et l'interprétation de l'acte législatif

Dire que l'acte législatif constitue l'objet sur lequel porte le contrôle du juge constitutionnel peut paraître d'une simplicité désarmante. Après tout, l'objet des décisions constitutionnelles ne peut être que la loi et elle seule. Mais encore faut-il s'entendre sur le sens à assigner au terme « loi », ce qui, il faut bien l'avouer, est déjà moins simple.

En Italie, cette question a alimenté de nombreux débats doctrinaux qui ont débouché sur une distinction entre disposition et norme. Le doyen Escarras, à qui l'on doit de connaître plus que des rudiments du système italien, expliquait que les dispositions d'un texte législatif doivent être « entendues comme propositions normatives (Rechtssatz, énoncé, décision ou fragment de texte exprimant une proposition normative) » (12) ; le terme disposition est donc pris selon une acception lexicologique en tant qu'acte incluant des formules linguistiques textuelles. Les normes, elles, renverraient aux « résultats du processus d'interprétation » (13) des dispositions ; la norme est donc le « produit de l'interprétation de la disposition » (14), le « contenu » que l'interprète extrait du « contenant ».

Or, dans le cadre d'un contrôle concret et a posteriori, la Cour italienne est amenée à connaître de lois déjà appliquées qui, partant, ont pu faire l'objet d'interprétations antérieures par les juges ordinaires. Dans ce contexte, et après quelques tergiversations, elle s'est ralliée à ce qu'il est coutume d'appeler en Italie la doctrine du droit vivan(15). Selon cette logique, dès lors qu'il existe une norme vivante, c'est-à-dire une orientation dominante ou une convergence dans l'interprétation de la loi, celle-ci devient la norme-base du contrôle de constitutionnalité ; dans ce cas, la Cour estime qu'elle ne peut s'abstraire d'une interprétation « consolidée » de la loi qui, ainsi, constituera l'objet de son jugement. C'est donc sur la conformité à la Constitution de cette norme vivante qu'elle aura à se prononcer.

Mais la Cour italienne ne rechigne pas, à l'occasion, à élargir la norme vivante. Il n'est pas rare, en effet, qu'elle prenne en compte la manière dont la loi est appliquée par l'Administration(16) ou même, dans certains cas extrêmes, qu'elle accueille un droit vivant d'origine sociologique résultant de « l'impact de la loi sur la société et [de] celui de la société sur la loi » (17). Si cette « dilatation » de la norme vivante ne laisse pas de susciter quelque étonnement de la part de la doctrine italienne, le fait est que la Cour estime, plus ou moins consciemment, que, « dans de nombreux cas, les diagnostics comme les pronostics sur l'impact social des lois ne peuvent pas être éliminés » (18). Les éléments de fait qu'elle peut acquérir grâce à l'activation de ses pouvoirs d'instruction lui sont alors utiles pour évaluer le glissement du texte dans la réalité sociale. En schématisant à l'extrême, on peut dire que ce sont les effets - passés ou à venir - de la loi qui sont passés au crible de la constitutionnalité.

Telle quelle, la logique du droit vivant ne peut être purement et simplement transposée dans le cadre français. Les caractères a priori et abstrait du contrôle opéré par le Conseil constitutionnel s'y opposent ; dès lors, ne pouvant connaître de normes vivantes, le Conseil ne peut, a fortiori, tendre à l'élargissement de celles-ci. Certes, on ne peut nier l'existence de ce que T. Di Manno a qualifié de « droit vivant contextuel » (19). Il est des cas, en effet, où le Conseil ne peut s'abstraire d'interprétations jurisprudentielles qui émergent de l'environnement dans lequel la loi a vocation à s'insérer(20). Mais cet environnement peut aussi révéler des situations de pur fait ; la loi est alors interprétée à la lumière d'un contexte factuel dont les juges estiment – consciemment ou inconsciemment, explicitement ou implicitement - qu'il ne peut être négligé.

On passera sur la décision Amendement Seguin(21) qui fait prévaloir les pratiques courantes des députés sur la règle du vote personnel, pour constater que, généralement, le factum vivus est lié au contexte politique ou social qui entoure l'examen du juge. Il est difficile d'imaginer, en effet, que le Conseil n'ait pas pris en compte l'environnement politique au moment où il rendait ses décisions sur les nationalisations, sur les privatisations ou sur le statut de la Corse. De même, ne s'est-il pas privé de dire que la loi portant amnistie de certaines sanctions n'était validée que « dans un but d'apaisement politique ou social » (22) ou de constater que « la langue française évolue, comme toute langue vivante [?], en intégrant dans le vocabulaire usuel des termes de diverses sources » (23). Il se réfère aussi aux « difficultés et aux handicaps qui peuvent affecter l'insertion professionnelle » pour justifier le traitement favorable réservé aux personnes privées d'emploi(24), alors qu'habituellement, il s'appuie explicitement sur une différence de situation ou sur un motif d'intérêt général pour apprécier un traitement différencié. À une autre occasion, ce sont des considérations de fait qui ont commandé l'annulation d'une mesure fiscale rétroactive, le juge estimant qu'eu égard à ces considérations, « le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général » (25). Ce sont également « les difficultés actuelles de fonctionnement des conseils régionaux » qui justifient, à titre transitoire, la procédure de vote bloqué pour l'adoption du budget de la Région(26). De même, c'est « en raison de la simplification des démarches qu'il permet » que le choix du législateur de confier aux organismes d'assurance maladie la mission d'instruire toutes les demandes d'admission au bénéfice de la CMU est validé(27). C'est aussi parce qu'elle « a constitué, au cours des années récentes, une pratique très courante » qu'une certaine procédure fiscale peut faire l'objet d'une validation législative(28). Enfin, peut-on sérieusement croire que le Conseil, bien qu'il n'en dise mot, soit resté insensible à l'émotion suscitée par certains licenciements récents, en sanctionnant, pour incompétence négative, l' « amendement Michelin » dans sa décision sur les 35 heures(29) ?

Dans quelques cas, le Conseil fait preuve de prescience, en se livrant à une évaluation anticipée de l'impact social de la loi. Malgré certaines formulations aux termes desquelles il exclut pouvoir se prononcer sur d'éventuelles inconstitutionnalités qui pourraient être vérifiées dans l'application de la loi(30), force est de constater qu'il lui arrive parfois d'imaginer les effets que pourrait emporter le texte sur les situations de fait. Ainsi, de la décision relative à la réforme de la loi Falloux(31), il ressort que la suppression du seuil envisagée à propos de l'aide apportée par les collectivités locales aux établissements d'enseignement privé pouvait engendrer des inégalités entre établissements publics et privés d'enseignement. C'est donc, ici, un risque d'inconstitutionnalité dans l'application de la loi qui est conjuré. Plus récemment, le Conseil, prenant en compte l'éventualité de préjudices anormaux et spéciaux que pourraient subir les organismes de protection sociale complémentaire du fait de l'application de la loi créant la CMU, prend soin de relever que le législateur n'a pas entendu exclure toute indemnisation. Ainsi, le risque de rupture de l'égalité devant les charges publiques, qui pourrait résulter de la résiliation de contrats souscrits auprès de ces organismes par les personnes admises au bénéfice de la CMU, peut donner lieu, s'il est avéré, à réparation sur le fondement classique de la responsabilité de l'État du fait des lois(32).

Ce souci de l'avenir se traduit d'ailleurs par l'utilisation de techniques et, notamment, par la préférence que le Conseil attribue à certaines d'entre elles. Ainsi, ne pouvant assurer le suivi de ses décisions, le juge sera fort enclin à formuler, si possible, une réserve d'interprétation neutralisante positive qui lui permettra de « mieux verrouiller » (33) l'application de la loi en posant la seule norme conforme à la Constitution. L'acte législatif, ainsi balisé, se glissera plus aisément dans la réalité des faits.

Sans doute, pour terminer, peut-on s'étonner du silence dont a fait preuve le Conseil à l'occasion de sa décision sur le PACS(34), dans laquelle aucune référence à la réalité sociale n'apparaît, et où l'argumentation reste sur un terrain strictement juridique. Mais ce silence, précisément, ne traduit-il pas la volonté des juges de ne pas s'engager trop avant sur le terrain des choix politiques sensibles ? On peut penser, en effet, que si le sujet avait suscité moins de passions, le Conseil n'aurait pas hésité à insérer des éléments factuels dans les motifs de sa décision. La timidité du juge serait-elle, alors, la démonstration a contrario de sa sensibilité aux faits ? L'hypothèse n'est pas à exclure ; elle corroborerait la prudence dont fait montre le Conseil lorsqu'il lui faut contrôler l'appréciation portée par le législateur sur les faits qui sont à la base de la loi.

B. Le « fait » et la justification de l'acte législatif

Il est une évidence magistralement exprimée par J. Rivero : « au point de départ de toute activité d'édiction d'une norme juridique, il y a une situation de fait. Mis en présence d'un ensemble de données concrètes, celui qui est investi du pouvoir normatif porte sur elles un jugement [?]. La règle qu'il formule, c'est le résultat de cette réflexion sur le fait tel qu'il est, de cet effort pour projeter dans l'avenir le fait tel qu'on voudrait qu'il fût » (35). Le législateur n'échappe pas à la règle, pas plus qu'il n'échappe au risque de commettre une erreur en appréciant les circonstances de fait qui motivent ses choix. La loi peut alors être « polluée » par ce qu'on pourrait appeler, par référence au contentieux administratif, une erreur sur la qualification constitutionnelle des faits, propre à provoquer une inconstitutionnalité. Or, la situation est particulièrement périlleuse pour le juge qui ne peut s'aventurer trop loin sans être accusé de s'immiscer dans le pouvoir discrétionnaire du législateur. On touche là aux limites du contrôle des lois qui ne saurait porter sur l'opportunité des mesures législatives.

En Italie, la Cour constitutionnelle s'affranchit parfois de ces contraintes et censure une loi au motif qu'elle est fondée sur une appréciation erronée de la réalité. Très tôt, elle avait décidé que la violation de la Constitution pouvait résulter d'une appréciation législative en « contradiction manifeste avec les motifs de fait » (36). Mais le juge italien ne reste pas cantonné à l'évidence. Lorsqu'il a en sa possession des éléments de fait suffisamment précis qui révèlent l'erreur du législateur, il n'hésite pas à déclarer inconstitutionnelles les dispositions souillées, alors même que la matière en cause relève du domaine scientifique(37).

L'évolution des faits est aussi fréquemment prise en compte par la Cour transalpine appelée à se prononcer sur des lois plus ou moins anciennes. En témoignent, les nombreux cas d'invalidation de lois dont les dispositions sont devenues inadaptées à la réalité. Ces hypothèses d'« anachronisme législatif », qui donnent lieu à des overruling(38), concernent aussi bien le contexte social dans lequel s'insère la loi que les domaines économique ou scientifique qu'elle prétend réglementer.

Naturellement, la question des anachronismes législatifs ne peut guère être envisagée dans le cadre du contrôle a priori français. On voit mal, en effet, comment le législateur pourrait adopter des lois qui, après leur vote, mais avant leur promulgation, contiendraient des dispositions anachroniques. On pourrait tout au plus imaginer que, faisant application de sa jurisprudence État d'urgence en Nouvelle-Calédonie(39), le Conseil juge inadaptée, au regard d'une évolution des faits, une loi promulguée « à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine » (40) . On pourrait aussi concevoir que, de manière indirecte, l'anachronisme d'une loi soit reconnu à travers l'obligation à laquelle est tenue l'administration, si demande lui en est faite, d'abroger les actes réglementaires devenus illégaux à la suite d'un changement de circonstances de fait ; dans ce cas, la reconnaissance de l'illégalité d'un règlement pris sur la base de mesures législatives pourrait laisser penser que la loi elle-même est devenue anachronique. Naturellement, seul le législateur, ici, serait en mesure de procéder à son abrogation. C'est, d'ailleurs, ce qu'a reconnu le Conseil d'État, dans un cas voisin, en estimant qu'un changement dans les situations de fait peut tout à fait conduire le législateur à reconsidérer certaines modalités d'une loi ou même son principe, mais ne saurait, cependant, affecter la validité même de la loi(41).

Il est patent, en revanche, que le Conseil constitutionnel axe parfois son contrôle sur les circonstances de fait prises en compte par le législateur pour édicter sa loi. Certes, le juge ne veut pas excéder un certain seuil ; à ce titre, il se réfugie derrière une formule traditionnelle : « L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement » (42). En outre, le doyen Vedel remarquait justement que « la Constitution impose rarement au législateur de statuer dans un sens déterminé au vu de telle situation de fait » (43).

On ne peut, pour autant, masquer l'évidence même si, comme on l'a dit, ce n'est qu'avec prudence que le Conseil se livre à un contrôle de l'appréciation législative des faits. La loi ne sera déclarée inconstitutionnelle que si une erreur manifeste d'appréciation est identifiée. S'inspirant du contentieux administratif, le juge ne relèvera que l'erreur excessive commise par le législateur sur les faits qu'il a pris en compte(44).

Le plus souvent, ce sont des situations de fait existantes qui influent sur le rapport de constitutionnalité. Ainsi, dans la décision Nationalisations I(45), le Conseil précise que « l'appréciation portée par le législateur sur la nécessité des nationalisations [?] ne saurait, en l'absence d'erreur manifeste, être récusée »(46). Dans la décision Privatisations(47), le Conseil décide qu' « il n'est pas établi, en l'état, que ce soit par une erreur manifeste d'appréciation que les entreprises figurant sur la liste annexée à la loi ainsi que leurs filiales aient été regardées comme ne constituant pas des monopoles de fait »(48). De même, dans sa décision Entreprises de presse(49), le Conseil s'appuie-t-il sur la situation de la presse nationale pour se prononcer sur la constitutionnalité de la loi ou, encore, dans sa décision Évolution de la Nouvelle-Calédonie I(50), prend-il en compte un critère démographique pour déceler une erreur manifeste d'appréciation. Le juge est dans la même logique lorsqu'il estime que, sous réserve de fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels, il appartient au législateur de déterminer les formations dispensées par les établissements d'enseignement privés susceptibles de bénéficier d'une aide de l'État(51).

Il arrive aussi au Conseil d'imaginer des situations de fait virtuelles pour jauger l'appréciation législative. Ainsi, ne relève-t-il pas d'erreur manifeste dans la loi limitant l'accès au concours de l'ENA(52), car ouvrir le concours à un nombre très élevé de participants « en aurait rendu l'organisation et le fonctionnement pratiquement impossibles »(53). De même, le fait, pour le législateur, de valider les décisions du CSU ne procède pas d'une appréciation manifestement erronée, dès lors que l'objectif poursuivi était d'éviter de compromettre les conditions de la rentrée universitaire qui suivait(54). De manière générale, c'est la disproportion manifeste dans l'application future de la loi qui choque le juge, lorsqu'il estime que le législateur n'a pas suffisamment « affiné » son texte. Ce souci l'a conduit à censurer la loi prévoyant que les journalistes qui divulgueraient la situation fiscale de certains particuliers se verraient infliger une sanction proportionnelle au montant de la fortune de celui dont ils auraient révélé le revenu(55). La généralité de la formule législative retenue pouvait être source de disproportion manifeste dans nombre de situations de fait. Cette démarche apparaît clairement en matière répressive, à travers l'interdiction faite au législateur de prévoir des peines « automatiques » afin d'empêcher toute inadéquation grossière entre une peine préalablement fixée et certains comportements de fait. Ainsi, le Conseil estime-t-il, par exemple, que « la perte d'acquisition de la nationalité française [?] qui résulterait soit d'un arrêté de reconduite à la frontière, soit d'un arrêté d'assignation à résidence [?] apparaît comme une sanction manifestement disproportionnée par rapport aux faits susceptibles de motiver de telles mesures en méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 » (56). Cette méfiance envers les peines « automatiques » lui a d'ailleurs donné l'occasion, récemment, de déclarer pour la première fois non conformes à la Constitution des dispositions déjà en vigueur(57). Dans le même esprit, le Conseil juge qu'il lui appartient de vérifier « qu'eu égard à la qualification des faits en cause, la détermination des sanctions dont sont assorties les infractions correspondantes n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation » (58).

Ainsi, la potentialité d'une disproportion manifeste peut être évitée en amont ; et si elle ne l'est pas par la reconnaissance d'une erreur manifeste, elle peut l'être par le prononcé d'une réserve d'interprétation prévoyant l'intervention du juge ordinaire(59).

On le voit, donc, le rapport fait/acte législatif est loin d'être inexistant au sein du contrôle des lois. En même temps, le rapport de constitutionnalité implique nécessairement que l'acte du législateur soit confronté à une norme-paramètre. À cet égard, l'étude de l'expérience italienne nous apprend encore que les faits jouent un rôle non négligeable dans l'appréhension de la norme constitutionnelle.

II. Le « fait » et la norme constitutionnelle dans le jugement de constitutionnalité des lois

Le rapport fait/norme constitutionnelle au sein du jugement des lois paraît naturel eu égard à ce qui précède ; on ne saurait concevoir que la loi soit lue à l'aune des faits et, dans le même temps, soit rapportée à un texte qui serait frileusement enserré dans ses abstractions. La norme constitutionnelle est aussi concernée par la réalité des faits, soit que sa structure l'impose (A), soit que les faits influent sur son contenu (B).

A. Le « fait » et la structure de la norme constitutionnelle

On sait que, malgré les recommandations de Kelsen, les normes constitutionnelles ne brillent pas toujours par leur précision. Les Constitutions sont riches de ces termes vagues qui renvoient à la « phraséologie » que redoutait tant le juriste autrichien(60). Ce droit « à texture ouverte » (61) est le fruit d'une structure particulière qui caractérise certaines normes de constitutionnalité dont on peut dire qu'elles ne sont pas, à proprement parler, des normes régulatrices de comportements, puisqu'elles ne prévoient pas de conséquences juridiques précises qui pourraient être attachées à telles ou telles situations de fait. Référence peut être faite, ici, à la distinction entre règles et principes(62), reprise en ces termes par G. Zagrebelsky : « les règles [?] nous disent comment nous devons, ne devons pas et pouvons agir dans des situations déterminées et spécifiques prévues par les règles elles-mêmes. Les principes ne nous disent rien directement à ce propos, mais nous donnent des critères pour prendre position face à des situations a priori indéterminées, lorsqu'elles viennent à se déterminer concrètement »(63). Or, au sein de la jurisprudence constitutionnelle italienne, nombreux sont les cas dans lesquels la réalité des faits est prise en compte par le juge pour reconstruire la portée des « normes-principe ». La Cour estime que le contenu de telles normes n'est pas un donné immuable ; partant, la signification des principes ne peut être déterminée in abstracto, elle varie au gré de leur connexion à la réalité des faits. C'est une telle logique, par exemple, que le juge adopte lorsqu'il se prononce en matière de droit au travail. Principe constitutionnel, le droit au travail est également un programme fixé à la République italienne à qui il appartient, en vertu de la Constitution(64), de créer les conditions propices à le rendre effectif. Or, la Cour, appelée à connaître d'une loi qui excluait du droit au maintien de l'emploi les travailleurs bénéficiant d'un droit à pension vieillesse, a été très claire : « dans la société actuelle, qui connaît le chômage et le sous-emploi, l'absence totale de protection du droit au travail, pour ce type de travailleurs, est le reflet juridique d'une nécessité pratique que le législateur peut apprécier de manière autonome » (65). On voit bien, ici, que c'est la situation économique et sociale qui incline à une lecture peu orthodoxe du précepte constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel se range aussi à cette logique. Malgré l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946, le juge admet que le législateur limite les cumuls entre une pension retraite et un revenu d'activité(66) ou incite certains travailleurs à prendre leur retraite afin de libérer leur emploi(67). Ce faisant, il tire les leçons d'une situation économique qui, depuis quelques années, empêche une politique de plein-emploi. Mais cette logique n'est pas cantonnée au domaine du travail. On la trouve, par exemple, lorsque le Conseil, pour de pures raisons techniques, estime bien fondé un régime d'autorisation préalable dans le domaine des activités de télécommunication(68), alors qu'il avait exclu un tel choix en matière d'entreprises de presse(69); c'est la rareté de l'espace hertzien disponible qui, en l'espèce, justifie la réduction de la sphère de protection du principe posé à l'article 11 de la Déclaration de 1789. Il en est de même lorsque le juge, parce qu'il perçoit certaines difficultés à venir, accepte d'« assouplir » le principe de séparation des pouvoirs en accueillant des validations législatives(70).

Dans cet esprit, la réalité des faits peut être déterminante lorsque est en jeu ce « Janus constitutionnel » (71) qu'est le principe d'égalité. Sur ce point, les juges constitutionnels italien et français ont une même attitude : si le principe d'égalité impose qu'à situations égales soit appliqué un traitement égal, il ne s'oppose pas, sous certaines conditions, à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. L'invocation d'une différence de situation (de droit ou de fait) constitue donc, dans les deux pays, l'élément justificatif d'une différenciation de traitement(72). Or, la jurisprudence constitutionnelle démontre que les juges s'appuient parfois sur les circonstances de fait pour préciser l'exacte portée qu'ils entendent donner au principe d'égalité.

a) Dans certains cas, les choix législatifs sont censurés parce qu'ils ne reposent pas sur une appréciation correcte des faits. Certes, en Italie, comme en France, il est rare que le juge constitutionnel remette en cause les motifs susceptibles de justifier des différences de traitement. Lorsque le législateur se fonde sur l'existence de situations de fait dissemblables pour prévoir un traitement différent, le juge prend généralement acte de cette dissimilitude et admet la discrimination. Mais les arguments de fait peuvent apparaître dans le deuxième temps de son contrôle, lorsqu'il s'agit de vérifier l'adéquation entre la différence de traitement et l'intention du législateur (ce que le Conseil constitutionnel appelle l'objet de la loi). Dans ce qui s'apparente à un contrôle de proportionnalité du rapport moyens-fins, il arrive, en effet, que des éléments de fait conduisent le juge à émettre quelque réserve sur les choix législatifs. Par exemple, le législateur a la faculté de prévoir un régime de contribution solidarité différencié selon l'importance du revenu (moyen), afin d'assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi (fin); mais il ne peut fixer un taux de contribution trop élevé pour les personnes dont les revenus sont supérieurs à un certain plafond sous peine de violer le principe d'égalité devant les charges publiques(73). On voit bien, ici, que ce sont des données quantitatives qui amènent le juge à constater une violation du principe d'égalité(74).

b) Dans d'autres décisions, c'est la nature exagérément rigide de la loi qui provoque des ruptures du principe d'égalité. Certes, le législateur ne peut prendre en compte ce que S. Rials appelle « l'hypertrophie du fait » (75); il doit se référer à une certaine norme. Ce faisant, il peut créer des inégalités en prévoyant des schémas trop rigides qui négligent des situations de fait pourtant dignes d'intérêt. Sa représentation « normée » de la réalité sera alors sanctionnée parce qu'elle fait fi des spécificités de certaines situations(76). La logique du seuil traduit ce risque ; dans ce cas, la fixation d'une donnée quantifiée est le critère de la différenciation de traitement : les personnes ou objets en dessous de ce seuil se verront appliquer un traitement différent de celui prévu pour ceux situés au-dessus. Si cette démarche peut tendre, comme l'avait suggéré R. von Ihering, à la « réalisibilité formelle du droit » (77), elle n'en comporte pas moins le risque d'accroître l'espace entre la ratio legis et la ratio facti en s'opposant à une adéquation fine du droit à la réalité.

La Cour italienne est sensible à ce risque. Elle l'a prouvé, par exemple, en censurant la loi relative au traitement des détenus affectés par le virus Hiv. Le législateur s'était basé, en l'espèce, sur un seuil d'immunologie - dit taux de leucopénie - au-dessous duquel les personnes malades devaient être transférées dans d'autres structures afin que leur santé et celle des autres détenus soient préservées. Pour la Cour, cette « présomption rigide est privée de fondement » et rend « totalement évanescente la rationalité d'une norme dont les applications concrètes peuvent générer d'inacceptables disparités de traitement » (78). Ce qui importe, dit la Cour, ce n'est pas un taux donné de leucopénie, mais les conditions réelles de santé de chaque détenu.

Le Conseil français a une démarche comparable. Il a été sensible, par exemple, à ce que le législateur évite certains effets de seuil liés à l'établissement d'un plafond déterminant le versement des allocations familiales(79). Récemment, ce n'est que parce qu'il relève les « difficultés auxquelles se heurterait [?] l'institution d'un mécanisme de lissage des effets de seuil » qu'il conclut à la non-violation du principe d'égalité(80).

De manière générale, ce sont les schémas indifférenciés qui endurent la censure du juge. On a pu citer, plus haut, les décisions du Conseil qui ont sanctionné le législateur parce qu'il n'avait pas suffisamment affiné sa loi. On peut, ici, ajouter celle qui lui reproche d'avoir imposé à toutes les personnes morales l'usage d'une terminologie officielle(81). Là encore, la censure du caractère indifférencié de la disposition de loi sous-entend que le principe d'égalité ne peut s'accommoder de schémas trop abstraits. On peut d'ailleurs se demander si à l'obligation pour le législateur d'appliquer un traitement égal à des situations semblables, ne s'ajoute pas, aujourd'hui, celle d'appliquer des traitements différents à des situations différentes. On avait pu discerner cette logique dans la décision sur la révision de la loi Falloux de laquelle on déduisait que les établissements publics et privés d'enseignement ne pouvaient être traités de la même manière. On la retrouve dans la décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui exclut que le législateur, en cas de dépassement de l'objectif des dépenses médicales, puisse mettre à la charge de tous les médecins conventionnés une contribution obligatoire sans prendre en compte leur comportement individuel(82). Cela étant, c'est aussi parce que « le non-aboutissement éventuel de négociations tendant à la réduction de la durée collective du travail pratiquée dans l'entreprise ne saurait être individuellement imputé à chaque salarié » que le régime différencié de rémunération des heures supplémentaires, selon que le salarié est employé dans une entreprise qui a réduit sa durée collective de travail à 35 heures (ou moins) ou dans une autre entreprise, porte atteinte au principe d'égalité(83). Pour le Conseil, il est clair que la différence de traitement repose sur une dénaturation des situations de fait. Certes, il y a bien une différence de situation entre les entreprises, selon qu'elles appliquent ou non un accord fixant la durée collective de travail à 35 heures ou moins ; en suite de quoi, un traitement favorable - l'allègement de charges sociales - peut être réservé aux entreprises qui ont conclu un tel accord. Mais on ne peut imputer cette différence de situation au comportement individuel des salariés, de sorte que pénaliser certains de ces salariés par rapport à d'autres est sans rapport avec l'objet de la loi. L'égalisation du traitement, qui résulte de l'annulation de la disposition litigieuse, contribue donc à éviter l'injustice qu'une telle mesure aurait occasionnée dans les faits.

c) Enfin, l'étude de l'expérience italienne révèle que, parfois, l'atteinte portée au principe d'égalité provient, non pas de la lettre même de la norme, mais des effets qu'elle emporte dans la réalité sociale. La raison invoquée est simple selon certains auteurs(84) : les lois, dans leurs effets, ne doivent pas entraver la marche vers la réalisation d'une égalité substantielle consacrée à l'article 3, alinéa 2, de la Constitution. En effet, le fait de prohiber des lois porteuses de discriminations injustifiées est une chose, l'objectif d'un profond égalitarisme en est une autre. Or, la reconnaissance de droits égaux ne suffit pas, dans les faits, pour réaliser une égalité effective. On sait, en effet, que l'égalité substantielle suppose l'adoption de mesures (discriminations positives) tendant à réduire les inégalités de fait les plus choquantes. La Cour italienne, en certaines occasions, s'est émue du fait que les normes législatives, tout en comportant des prescriptions égales pour tous, aient rendu difficile l'exercice de certains droits par les catégories sociales les moins aisées. Elle a alors estimé que le principe d'égalité était violé car le législateur, loin de prendre en compte les différences de fait existant dans la société, les avait accrues. C'est le cas, par exemple, lorsqu'elle censure une disposition qui subordonne l'exercice du droit d'agir en justice au paiement d'une caution ; pour la Cour, cette mesure a eu pour effet d'exclure les personnes à faible revenu de la jouissance d'un droit constitutionnel reconnu à tous(85).

Sans doute, une telle orientation ne s'est pas produite dans le cadre français, même si le législateur, comme l'y invite le caractère social de la République, peut vouloir corriger ce qu'il y a de plus aigu dans les inégalités de fait. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a précisé « que le principe d'égalité ne saurait imposer au législateur, lorsqu'il s'efforce, comme en l'espèce, de réduire les disparités de traitement en matière de protection sociale, de remédier concomitamment à l'ensemble des disparités existantes » (86). Seule la décision sur la révision de la loi Falloux peut à nouveau être évoquée ici, en ce qu'elle censure une égalité de traitement en droit qui risquait d'aboutir à des inégalités de fait.

En définitive, on voit bien que certaines normes de constitutionnalité ont naturellement vocation à s'ouvrir sur l'expérience. La structure dont elles sont pourvues demande à ce que leur sens soit nourri par les faits. Dès lors, on comprend que le contenu même de ces normes puisse subir les conséquences de cette logique.

B. Le « fait » et le contenu de la norme constitutionnelle

Si l'on met l'accent sur le contenu des normes constitutionnelles, il convient de porter attention aux droits fondamentaux et, plus précisément, à l'influence que peut avoir la réalité des faits sur l'effectivité de leur garantie. À cet égard, la jurisprudence italienne est riche d'exemples qui montrent que la Cour constitutionnelle est parfois confrontée à certaines questions de fait qui exercent quelque incidence sur les contours des normes de constitutionnalité. Un examen affiné de cette jurisprudence révèle, en effet, que le juge n'hésite pas à coucher la norme constitutionnelle sur un lit de Procuste, restreignant ou étendant, selon les cas, la sphère de protection qu'elle prévoit.

a) Dans certaines hypothèses, les situations de fait, parce qu'elles imposent une intervention législative particulière, commandent une réduction du contenu des préceptes constitutionnels. C'est ce qui s'est passé lorsque la Cour italienne a été confrontée, dans les années quatre-vingt, à des hypothèses dans lesquelles le législateur devait légiférer sous la pression de situations d'emergenza (urgence). Elle a semblé, alors, se résigner à une relative adaptation de la norme constitutionnelle aux faits : la référence à l'emergenza justifiait, en effet, que soient absous des choix législatifs utiles, mais en contraste criant avec la Constitution. De fait, les circonstances extraordinaires de l'époque (catastrophes naturelles, terrorisme, crise économique) ont pu autoriser que des limitations parfois importantes aient été apportées aux droits et libertés fondamentaux, limitations qui, hors de ces circonstances, n'auraient pu être tolérées(87). Dans ces cas, la Cour a adopté un raisonnement en trois temps(88) : d'abord, elle constate l'existence d'une situation de fait exceptionnelle ; ensuite, elle identifie un lien de causalité entre cette situation de fait et la loi d'emergenza édictée en conséquence ; enfin, elle valide la loi tout en précisant que, s'agissant de situations temporaires, les mesures prescrites pourront être déclarées inconstitutionnelles si elles sont indûment prorogées dans le temps. La constitutionnalité des interventions législatives est donc subordonnée à leur caractère temporaire, car on ne saurait concevoir une incision permanente de la norme constitutionnelle. On mesure, sur ce point, l'avantage que présente le contrôle a posteriori sur le contrôle a priori : le premier permet, en théorie, un nouvel examen de la loi reconnue constitutionnellement provisoire, qui sera invalidée si les circonstances exceptionnelles qui la justifiaient ont disparu ; le second, à l'inverse, n'autorise pas un nouvel examen de la loi : que l'on se souvienne, à ce propos, que le rétablissement de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie, jusqu'au 30 juin 1985, a été examiné par le Conseil constitutionnel le 25 janvier. Quoi qu'il en soit, la situation de fait est ici déterminante, car c'est elle qui conditionne la constitutionnalité de la loi et fait plier la norme de constitutionnalité.

Dans un registre plus actuel, ce sont des limites de fait particulières - les disponibilités financières de l'État - qui amènent la Cour italienne à n'opérer qu'avec prudence un contrôle quantitatif que certaines normes constitutionnelles paraissent pourtant lui imposer. Le problème se pose, à cet égard, du respect, par le législateur, d'une mesure minimale dans la mise en oeuvre des droits sociaux reconnus par la Constitution. En brossant le tableau, on peut dire que la Cour épouse, en la matière, l'éthique wéberienne de la responsabilité, en cherchant à obvier aux problèmes nés de ses arrêts producteurs de dépenses. Pour ce faire, elle recourt à de subtiles techniques(89), mais consacre surtout ce que les Italiens appellent le principe de gradualità ; selon ce principe, qui constitue aujourd'hui un « trend » jurisprudentiel, les droits sociaux sont nécessairement conditionnés par la situation des finances publiques, de sorte que leur mise en oeuvre ne peut qu'évoluer dans le temps en fonction des ressources disponibles(90). La Cour procède donc à une mise en balance entre deux types d'intérêts que sont le droit aux prestations sociales d'une part, la prise en compte des finances publiques d'autre part, exigences également appréciables selon elle(91). Et il n'est pas rare, aujourd'hui, qu'elle accepte, sous certaines conditions, une réduction de la sphère de protection des droits au regard de la « réserve du possible ».

Quelque jugement que l'on ait sur ce que certains qualifient, en Italie, de recul de l'État social, on voit bien que ce sont, là encore, des considérations de fait - les faits économiques - qui peuvent s'opposer au caractère effectif des normes constitutionnelles.

Assurément, les impératifs financiers représentent une réalité dont il est difficile de s'abstraire. Le Conseil constitutionnel est confronté au même problème, et il a pu indiquer, par exemple, « qu'aucune règle ni aucun principe constitutionnel ne garantit l'intangibilité des droits à retraite liquidés » (92). On peut, d'ailleurs, s'interroger sur l'application, en la matière, de la règle du cliquet dont on sait qu'elle exclut que la loi puisse rendre l'exercice des libertés moins efficace.

b) Le second terme de la proposition plus haut formulée - l'extension de la sphère de protection - ne peut surprendre si l'on adopte un point de vue diachronique ; l'évolution des faits conduit les juges constitutionnels à « rénover » les normes de constitutionnalité. Les Cours ne sont pas enfermées dans une tour d'ivoire ; leur fonction les oblige à tenir compte de la réalité et à en tirer les conséquences du point de vue de la compréhension de la norme. On sait que le Conseil constitutionnel n'a pas hésité à adapter les dispositions de la Déclaration de 1789 ou du Préambule de la Constitution de 1946 aux conditions de la vie moderne(93). La Cour italienne n'est pas en reste sur ce point, elle qui, parfois, s'appuie sur les changements sociaux pour créer de « nouveaux droits ». C'est là, somme toute, le prix à payer pour assurer le caractère vivant d'une Constitution.

On ne saurait conclure, toutefois, sans évoquer un instant les défis auxquels est - et sera - confrontée la justice constitutionnelle. Que l'on pense, à cet égard, à la liaison qui se peut concevoir entre les vérités scientifiques et les prescriptions constitutionnelles. Comme l'observe avec justesse un auteur italien, « il est vrai que les vérités scientifiques concernent les »faits« et non les valeurs ; mais la qualification juridique de ces dernières est souvent éminemment liée à la détermination scientifique des premières » (94). De fait, le besoin se fait (et se fera) sentir de protéger constitutionnellement des intérêts dont la qualification suppose des connaissances de type scientifique. Les timidités affichées par le Conseil constitutionnel dans sa décision Bioéthique témoignent, à cet égard, du chemin qui reste à parcourir(95).

(1) On ne saurait, en revanche, être surpris que les questions de fait exercent quelque influence sur les autres chefs de compétence du Conseil constitutionnel. En ce sens, P. Delvolvé, « Existe-t-il un contrôle de l'opportunité ? », Conseil constitutionnel et Conseil d'État, colloque tenu à Paris les 21 et 22 janv. 1988, LGDJ-Montchrestien, 1988. pp. 273-274. Naturellement, les faits sont aussi pris en compte par le juge constitutionnel lorsqu'il lui faut examiner, dans le cadre du contrôle des lois, les vices de procédure qui peuvent entacher la formation de l'acte.
(2) Selon l'expression du doyen L. Favoreu, « Le principe constitutionnel. Essai de définition d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Mélanges Ch. Eisenmann, Cujas, 1975. p. 41.
(3) Pour F. Luchaire, par exemple, « la précaution prise par le Conseil constitutionnel lorsqu'il lui faut apprécier les faits conserve toute sa valeur », Conseil constitutionnel et Conseil d'État (introduction), op. cit., p. 51. M. Troper estime, quant à lui, que « c'est [?] sur l'existence de ce pouvoir d'interprétation que porte la discussion. C'est particulièrement vrai dans le cas du contrôle de constitutionnalité des lois, puisque les cours n'ont que rarement à examiner des questions de fait », « La liberté d'interprétation du juge constitutionnel », Interprétation et droit, sous la dir. de P. Amselek, PUAM-Bruylant, 1995, p. 235.
(4) X. Philippe, Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelle et administrative françaises, PUAM-Economica, 1990. p. 434.
(5) G. Vedel. « Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel », Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges en l'honneur de R. Perrot, D. 1996, p. 549.
(6) J.-C. Escarras, « Sur deux études italiennes : de la communicabilité entre systèmes italien et français de justice constitutionnelle », AIJC, II.1986, pp. 25-26.
(7) Déc. n° 86-218 DC du 18 nov. 1986, Rec. p. 167, cons. n° 11.
(8) L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », RFDC, 1.1990, p. 82.
(9) Voir, notamment, M. Luciani. « I fatti e la Corte : sugli accertamenti istruttori del giudice costituzionale nei giudizi sulle leggi », Giur. cost., I.1987, p. 1045 ; T. Groppi, I poteri istruttori della Corte costituzionale nel giudizio sulle leggi, Giuffrè, 1997.
(10) Précisons que notre étude prend plus particulièrement en compte ce que les Italiens appellent le procès incident de constitutionnalité, c'est-à-dire les décisions statuant sur la conformité des lois à la Constitution dans le cadre d'un contrôle concret et a posteriori. S'il connaît une tendance à la baisse, ce contrôle reste celui qui est le plus fréquemment exercé par la Cour constitutionnelle italienne.
(11) Comme l'observe X. Philippe, « le juge de la légalité [des actes administratifs] est également saisi d'un rapport de normes et personne ne songe plus à lui contester la possibilité d'examiner et de prendre en compte l'erreur de fait », Le contrôle de proportionnalité ?, op. cit., p. 434.
(12) J.-C. Escarras, « Éléments de référence », Cahiers du CDPC, 1, Univ. Toulon, 1987, p. 67.
(13) Ibid.
(14) G. Tarello, L'interpretazione della legge, Giuffrè, 1980. p. 39.
(15) Sur ce point, notamment, G. Zagrebelsky, « La doctrine du droit vivant », AIJC, II.1986. p. 55 ; A. Pugiotto, Sindacato di costituzionalità e « diritto vivente », Genesi, uso, implicazioni, Giuffrè, 1994.
(16) On parle, en ce cas, d'un droit vivant d'origine administrative. La Cour exige, toutefois, que la pratique administrative soit « constante et extrêmement fréquente ». Cf. arrêt n° 177 de 1973, Giur. cost. 1973. p. 2348, cons. en droit n° 4.
(17) G. Zagrebelsky, « La doctrine ? », op. cit., p. 69. Cette idée renvoie à la pensée de E. Ehrlich, lié à l'École du droit libre. Cf. E. Ehrlich, I fondamenti della sociologia del diritto, Giuffrè, 1976 (trad. it. de Grundlegung der Soziologie des Rechts, 1913).
(18) Ibid.
(19) Th. Di Manno, Le juge constitutionnel et la technique des décisions interprétatives, PUAM-Economica, 1997, p. 190.
(20) Cette idée avait déjà été mise en lumière et illustrée par le doyen Escarras, « Sur deux études ? », op. cit., pp. 18-19. V. également, A. Viala, « L'interprétation du juge dans la hiérarchie des normes et des organes », Cette revue, n° 6, 1999, p. 91 et s.
(21) Déc. n° 86-225 DC du 23 janv. 1987, Rec. p. 13.
(22) Déc. n° 88-244 DC du 20 juill. 1988. Rec. p. 119, cons. n° 15.
(23) Déc. n° 94-345 DC du 29 juill. 1994, Rec. p. 106, cons. n° 6.
(24) Déc. n° 94-357 DC du 25 janv. 1995, Rec. p. 151, cons. n° 12.
(25) Déc. n° 98-404 DC du 18 déc. 1998, JO du 27 déc. 1998. p. 19663, cons. n° 7. Le Conseil s'appuie sur le caractère exceptionnel de la contribution, sur le fait que celle-ci avait été recouvrée depuis deux ans et sur la possibilité pour le législateur d'adopter d'autres mesures, non rétroactives, qui auraient pu remédier aux conséquences financières d'une éventuelle annulation contentieuse.
(26) Déc. n° 98-407 DC du 14 janv. 1999, JO du 20 janv. 1999, p. 1028, cons. n° 20.
(27) Déc. n° 99-416 DC du 23 juill. 1999, JO du 28 juill. 1999, p. 11250, cons. n° 15.
(28) Déc. n° 99-425 DC du 29 déc. 1999, JO du 31 déc. 1999, p. 20012, cons. n° 15. Dans cette décision, ce sont aussi les circonstances particulières de l'espèce qui justifient les modalités d'indemnisation des « porteurs d'emprunt russe » prévues par le législateur.
(29) Déc. n° 99-423 DC du 13 janv. 2000, JO du 20 janv. 2000, p. 992, cons. n° 7. Les parlementaires de gauche avaient subordonné la présentation d'un plan social, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, à un préalable : avoir conclu un accord de réduction du temps de travail ou, à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations en ce sens.
(30) V. notamment, déc. n° 83-162 DC des 19 et 20 juill. 1983, Rec. p. 49, cons. n° 85 ; n° 99-416 DC du 23 juill. 1999, préc., cons. nos 24, 25, 30.
(31) Déc. n° 93-329 DC du 13 janv. 1994, Rec. p. 9.
(32) Déc. n° 99-416 DC du 23 juill. 1999, préc., cons. n° 27.
(33) Th. Di Manno, Le juge constitutionnel ?, op. cit., p. 230.
(34) Déc. n° 99-419 DC du 9 nov. 1999, JO du 16 nov. 1999, p. 16962.
(35) J. Rivero, « La distinction du fait et du droit dans la jurisprudence du Conseil d'État français », Le fait et le droit, sous la dir. de Ch. Perelman, Bruylant, 1961, p. 130.
(36) Cour const., n° 14 de 1964, Giur. cost. 1964, p. 129, cons. en droit n° 3.
(37) Pour une illustration significative, voir les arrêts nos 438 et 439 de 1995 relatifs à l'emprisonnement de personnes affectées par le virus du sida, Giur. cost. 1998, p. 3445 et p. 3469.
(38) Dans ce cas, la disposition législative ayant pu sortir indemne d'un premier examen de la Cour, peut être déclarée inconstitutionnelle quelques années plus tard, à l'occasion d'une nouvelle contestation, et parce que l'évolution des faits ne justifie plus son maintien en vigueur.
(39) Déc. n° 85-187 DC du 25 janv. 1985, Rec. p. 43.
(40) Cons. n° 10. Si, à l'occasion de sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999 sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le Conseil censure, pour la première fois, des dispositions en vigueur (alors qu'il avait jugé ces dispositions conformes à la Constitution quatorze ans plus tôt), c'est parce qu'il constate une évolution du droit (constitutionnel et conventionnel) et non une évolution des faits. On peut toutefois se demander si cette évolution du droit ne provient pas de sa plus grande sensibilité aux faits (cf. infra).
(41) CE, 2 juin 1999, M. Meyet, concl. J.-C. Bonichot, Petites affiches, n° 113, 1999., p. 11.
(42) Déc. n° 74-54 DC du 15 janv. 1975, Rec. p. 19, cons. n° 1.
(43) G. Vedel. « Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir administratif » (II), Cette revue, n° 2, 1997, p. 87.
(44) En ce sens, X. Philippe, Le contrôle de proportionnalité ?, op. cit., p. 176 et s. et p. 433 et s. ; G. Drago, Contentieux constitutionnel français, PUF, 1998, pp. 309-310.
(45) Déc. n° 81-132 DC du 16 janv. 1982, Rec. p. 18.
(46) Cons. n° 20.
(47) Déc. n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986, Rec. p. 61.
(48) Cons. n° 55.
(49) Déc. n° 84-181 DC des 10 et 11 oct. 1984, Rec. p. 78.
(50) Déc. n° 85-196 DC du 8 août 1985, Rec. p. 63.
(51) Déc. n° 99-414 DC du 8 juill. 1999, JO du 10 juill. 1999, p. 10266. En l'espèce, c'est compte tenu des spécificités actuelles de l'enseignement dispensé dans les lycées agricoles privés qu'une telle aide peut être exclue.
(52) Déc. n° 82-153 DC du 14 janv. 1983, Rec. p. 35.
(53) Cons. n° 17.
(54) Déc. n° 85-192 DC du 25 juill. 1985, Rec. p. 56.
(55) Déc. n° 87-237 DC du 30 déc. 1987, Rec. p. 63.
(56) Déc. n° 93-321 DC du 20 juill. 1993, Rec. p. 196, cons. n° 13.
(57) Déc. n° 99-410 DC du 15 mars 1999, JO du 21 mars 1999. p. 4234. Faisant application de sa jurisprudence de 1985 sur le contrôle des lois promulguées, le Conseil déclare non conformes à la Constitution le 5 ° du I de l'article 195 de la loi organique déférée et l'article 194 de la loi du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises (le 5 ° I de l'article 195 rendait applicable la peine automatique d'inéligibilité frappant les faillis en vertu de l'article 194).
(58) Déc. n° 96-377 DC du 16 juill. 1996, Rec. p. 87, cons. n° 7 ; n° 99-411 DC du 16 juin 1999, JO du 19 juin 1999, p. 9018, cons. n° 13.
(59) En effet, le Conseil approuve la loi qui permet aux autorités d'application d'adapter la peine au comportement délictueux. Pour un exemple, cf. déc. n° 96-377 DC du 16 juill. 1996, ibid.
(60) Cf. H. Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (la justice constitutionnelle) », RD publ. 1928, pp. 241-242.
(61) Selon l'expression de H.L.A. Hart, The concept of law, Oxford, 1961, trad. fr. de M. Van de Kerchove ; Le concept de droit,. publications des Facultés universitaires de Saint-Louis, 1976, 2e éd. augm.
(62) R. Dworkin, Taking rights seriously, 1986, trad. fr., Prendre les droits au sérieux, PUF, 1995, spéc. p. 80 et s. On sait que l'auteur estime que les principes, à la différence des règles, n'obéissent pas à l'alternative du tout ou rien, de l'application ou de la non-application.
(63) G. Zagrebelsky, Il diritto mite. Legge, diritti, giustizia, Einaudi, 1992, p. 149, trad. fr. de M. Leroy ; Le droit en douceur, PUAM-Economica, 2000. On peut également évoquer le cas des normes porteuses de concepts juridiques indéterminés (intérêt général, dignité humaine, bonnes moeurs, etc.) qui sont particulièrement sensibles aux changements sociaux et dont le contenu, en conséquence, peut varier en fonction de ces changements.
(64) Art. 4, al. 1, de la Constitution italienne du 27 déc. 1947.
(65) Cour const., n° 15 de 1983, Giur. cost., I, 1983. p. 53, cons. en droit n° 3.
(66) Déc. n° 85-200 DC du 16 janv. 1986, Rec. p. 9.
(67) Déc. n° 96-380 DC du 23 juill. 1996. Rec. p. 107.
(68) Déc. n° 88-248 DC du 17 janv. 1989, Rec. p. 18.
(69) Déc. n° 84-181 DC des 10 et 11 oct. 1984, préc.
(70) Déc. n° 85-192 DC du 24 juill. 1985, préc.
(71) F. Luchaire, « Un Janus constitutionnel : l'égalité », RD publ. 1986, p. 1229.
(72) Mais on sait qu'en France l'intérêt général peut aussi fonder des dérogations au principe d'égalité.
(73) Déc. n° 85-200 DC du 16 janv. 1986, préc.
(74) V. aussi, déc. n° 85-196 DC du 8 août 1985, préc.
(75) S. Rials, Le juge administratif français et la technique du standard (essai sur le traitement juridictionnel de l'idée de normalité), LGDJ, 1980, p. 235.
(76) Sur ce point, O. Jouanjan, Le principe d'égalité devant la loi en droit allemand, Economica, 1992, p. 295 et s.
(77) R. von Ihering, L'esprit du droit romain, 2e éd., t. I, 1880, p. 52. Cité par S. Rials, Le juge administratif ?, op. cit., p. 126.
(78) Cour const., n° 438 de 1995, préc., cons. en droit n° 3.
(79) Déc. n° 97-393 DC du 18 déc. 1997, Rec. p. 320.
(80) Déc. n° 99-416 DC du 23 juill. 1999, préc., cons. n° 10.
(81) Déc. n° 94-345 DC du 29 juill. 1994, préc.
(82) Déc. n° 98-404 DC du 18 déc. 1998, préc.
(83) Déc. n° 99-423 DC du 13 janv. 2000 préc., cons. n° 68.
(84) A. Cerri, Eguaglianza giuridica e egualitarismo, Japadre, 1984. pp. 148-149.
(85) Cour const., n° 67 de 1960, Giur. cost. 1960, p. 1195.
(86) Déc. n° 99-416 DC du 23 juill. 1999, préc., cons. n° 9.
(87) En somme, on peut dire que le « fait d'emergenza » renvoie à la théorie des circonstances exceptionnelles élaborée par le juge administratif français, dont on sait qu'elle autorise des atteintes momentanées aux libertés.
(88) Cf. arrêt n° 15 de 1982, Giur. cost., I, 1982, p. 85. À cette occasion, la Cour devait connaître de la constitutionnalité d'une loi qui prolongeait d'un tiers la durée maximale de la détention ante judicium pour certains délits, du fait de graves menaces terroristes.
(89) Pour des précisions sur ce point, Th. Di Manno, Le juge constitutionnel ?, op. cit., p. 417 et s.
(90) V. sur ce point, le discours commémoratif prononcé par l'ancien président de la Cour constitutionnelle italienne à l'occasion du quarantième anniversaire de la Haute Instance, Cahiers du CDPC, 7, Univ. Toulon, 1997, p. 31.
(91) Alors qu'aucune norme constitutionnelle n'impose - au moins directement - le respect des exigences financières.
(92) Déc. n° 94-348 DC du 3 août 1994, Rec. p. 117, cons. n° 14.
(93) Pour des exemples de décisions qui se situent dans cette logique, cf. notamment, F. Luchaire, Le Conseil constitutionnel, t. I, 2e éd., Economica, 1997, pp. 60-63.
(94) A. Spadaro, Contributo per una teoria della Costituzione. Fra democrazia relativista e assolutismo etico, Giuffrè, 1991, p. 135.
(95) Déc. n° 94-343-344 DC du 27 juill. 1994, Rec. p. 100. Le Conseil précise qu'il ne lui appartient pas « de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances et des techniques, les dispositions ainsi prises par le législateur » (cons. n° 10).