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Résumés analytiques des décisions rendues au cours du trimestre

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 51 - avril 2016

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2015

Normes constitutionnelles

DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOÛT 1789

Article 16

Séparation des pouvoirs

Applications

En prévoyant que le Premier ministre est tenu de prendre dans un délai préfix un décret d'approbation ou de refus d'approbation d'actes dans le domaine du droit pénal intervenant dans le champ de compétences du pouvoir réglementaire, le 1 ° de l'article 5 de la loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs et les dispositions de l'article 21 de la Constitution.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 13 à 15)

Impartialité et indépendance des juridictions

Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et dont découle le principe du secret du délibéré.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 13)

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

Titre XII - Des collectivités territoriales

Autres principes et règles applicables aux collectivités locales (articles 72 à 74-1 de la Constitution)

En vertu du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». En revanche, aucune exigence constitutionnelle n'impose que la suppression ou la réduction d'une recette fiscale perçue par des collectivités territoriales soit compensée par l'allocation d'un montant de recettes comparable.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 19)

Normes Organiques

CHAMP D'APPLICATION DES LOIS ORGANIQUES

Normes organiques et autres normes

Répartition lois organiques / lois ordinaires

Dispositions de loi ordinaire rendues applicables par une loi organique - Cristallisation

L'article 4 de la loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy complète le 3 ° du paragraphe I de cet article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales afin de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy la compétence pour fixer les règles applicables en matière de carte et titre de navigation des « navires de plaisance à usage personnel non soumis à francisation ». Les navires ainsi visés par l'article 4 sont ceux mentionnés dans la première phrase du 2 de l'article 218 du code des douanes dans sa rédaction en vigueur à la date de l'adoption définitive de la loi organique déférée.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 12)

Répartition lois organiques / normes réglementaires

L'article 6 de la loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy prévoit la possibilité, pour la collectivité de Saint-Barthélemy, de participer à l'exercice des compétences de l'État dans le domaine de la sécurité sociale. Aux termes du premier alinéa de cet article, l'État peut habiliter, par décret en Conseil d'État et pour une durée maximale de trois ans, le conseil territorial à adopter des actes afin de prévoir les conditions de gestion du régime général de sécurité sociale par un établissement situé dans son ressort géographique. Les deuxième à cinquième alinéas du même article déterminent les conditions dans lesquelles le projet ou la proposition d'acte du conseil territorial est transmis au Premier ministre et les conditions dans lesquelles cet acte entre en vigueur. Le dernier alinéa de l'article indique que les actes ainsi adoptés peuvent être modifiés par une loi, une ordonnance ou un décret comportant une mention expresse d'application à Saint-Barthélemy.

Il résulte des dispositions des septième et onzième alinéas de l'article 74 de la Constitution qu'il appartient à la loi organique de déterminer si une collectivité territoriale d'outre-mer peut ou non participer à l'édiction des normes dans un domaine qui, en vertu de dispositions constitutionnelles ou statutaires, demeure dans les attributions de l'État. Les dispositions de l'article 6 attribuent au pouvoir réglementaire, sans encadrement, le soin de décider, par l'édiction d'un décret en Conseil d'État, si la collectivité de Saint-Barthélemy est habilitée à participer à l'exercice des compétences de l'État dans le domaine de la sécurité sociale. Ainsi, en confiant au pouvoir réglementaire la compétence qu'il tient de la Constitution, le législateur organique a méconnu l'étendue de sa compétence.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 16 à 18)

FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES LOIS ORGANIQUES

Article 74 - Territoires et collectivités d'outre-mer

La loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy a été prise sur le fondement de l'article 74 de la Constitution.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 1)

La loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française a été prise sur le fondement de l'article 74 de la Constitution.

(2015-724 DC, 17 décembre 2015, cons. 1)

Article 77 - Nouvelle-Calédonie

La loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française a été prise sur le fondement de l'article 77 de la Constitution.

(2015-724 DC, 17 décembre 2015, cons. 1)

Normes législatives et réglementaires

ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE

Incompétence négative

Cas d'incompétence négative

Droit pénal et procédure pénale

Contrôle d'identité et procédure pénale

Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et dont découle le principe du secret du délibéré.

Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Au nombre de celles-ci figure le principe d'indépendance des juridictions.

En vertu du premier alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, lors d'une enquête de flagrance, l'officier de police judiciaire peut saisir tout papier, document, donnée informatique ou autre objet en la possession des personnes qui paraissent avoir participé à l'infraction ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits. S'il est loisible au législateur de permettre la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré, il lui appartient de prévoir les conditions et modalités selon lesquelles une telle atteinte au principe d'indépendance peut être mise en œuvre afin que celle-ci demeure proportionnée. Les dispositions contestées se bornent à imposer à l'officier de police judiciaire de provoquer préalablement à une saisie « toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». Ni ces dispositions ni aucune autre disposition n'indiquent à quelles conditions un élément couvert par le secret du délibéré peut être saisi. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent par elles-mêmes le principe d'indépendance des juridictions. Censure.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 13 à 15)

Absence d'incompétence négative

Le législateur a épuisé sa compétence

L'article L. 854-1 autorise la surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l'étranger et délimite le champ de celles de ces communications qui sont susceptibles de faire l'objet de mesures de surveillance dans les conditions prévues par les autres dispositions du chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure. Le recueil de renseignement au moyen des mesures de surveillance prévues au chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure par les services spécialisés de renseignement pour l'exercice de leurs missions respectives relève de la seule police administrative. Il ne peut donc avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions. Il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs.

L'article L. 854-1 permet la surveillance « aux seules fins de défense et de promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l'article L. 811-3 ». Ainsi, le législateur a précisément circonscrit les finalités permettant de recourir au régime d'autorisation des mesures de surveillance des communications émises ou reçues à l'étranger prévu par l'article L. 854-1 et n'a pas retenu des critères en inadéquation avec l'objectif poursuivi par ces mesures de police administrative.

L'autorisation d'intercepter des communications électroniques émises ou reçues à l'étranger est délivrée par le Premier ministre et désigne les réseaux de communication sur lesquels les interceptions sont admises. L'autorisation d'exploiter ces interceptions est délivrée par le Premier ministre ou par l'un de ses délégués sur demande motivée des ministres de la défense, de l'intérieur ou chargés de l'économie, du budget ou des douanes ou de leurs délégués. Cette exploitation est réalisée par un service spécialisé de renseignement ; que les autorisations d'interception ou d'exploitation sont délivrées pour une durée limitée. L'autorisation d'exploiter de manière non individualisée les données de connexion interceptées précise le type de traitements automatisés pouvant être mis en œuvre.

Le législateur a prévu des durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés ainsi qu'une durée maximale de conservation de huit ans à compter du recueil des renseignements chiffrés, au-delà desquelles les renseignements collectés doivent être détruits. En outre, en vertu de l'article L. 854-6, les transcriptions ou extractions doivent être détruites dès que leur conservation n'est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées à l'article L. 811-3.

Le législateur a prévu que la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement reçoit communication de toutes les décisions et autorisations du Premier ministre mentionnées à l'article L. 854-2 et qu'elle dispose d'un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité, aux renseignements collectés, aux transcriptions et extractions réalisées ainsi qu'aux relevés mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 854-6 retraçant les opérations de destruction, de transcription et d'extraction. La commission peut solliciter du Premier ministre tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Sont applicables aux contrôles pratiqués par la commission sur les mesures de surveillance internationale les dispositions de l'article L. 833-3 qui réprime de peines délictuelles les actes d'entrave à l'action de la commission.

Il résulte de tout ce qui précède que le législateur a précisément défini les conditions de mise en œuvre de mesures de surveillance des communications électroniques internationales, celles d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que celles du contrôle exercé par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

(2015-722 DC, 26 novembre 2015, cons. 6 à 15)

Renvoi au règlement d'application

La détermination des modalités du financement des soins de suite et de réadaptation ne relève pas des principes fondamentaux de la sécurité sociale qu'il incombe au législateur de déterminer en vertu de l'article 34 de la Constitution. Ainsi, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer ces modalités, le législateur a pleinement exercé la compétence qu'il tient de l'article 34.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 44 et 46)

POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

Pouvoir réglementaire national - Modalités d'exercice (voir Domaine de la loi et du règlement)

Consultations diverses

Organismes dont les avis ne lient aucune autorité publique (voir titre XIV : Autorités indépendantes)

Le paragraphe II de l'article 28 de la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne prévoit que sont précisées par décret les informations devant figurer dans le rapport annuel que tout organisme qui souhaite proposer un service d'information et d'assistance aux joueurs doit adresser chaque année au comité consultatif des jeux. Les dispositions de ce même paragraphe qui prévoient que le comité consultatif des jeux fait des propositions pour l'établissement de cette liste, qui ne mettent en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi, ont le caractère réglementaire.

(2015-259 L, 15 octobre 2015, cons. 1)

L'article 21 de la loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique institue une commission spécialisée nationale chargée de la mise en œuvre de la reconnaissance, de la validation et des équivalences des formations et expériences des sapeurs-pompiers volontaires et la charge de proposer à la Commission nationale de la certification professionnelle, avant le 31 décembre 2012, l'inscription au répertoire national des certifications professionnelles de l'ensemble des formations des sapeurs-pompiers volontaires. Ces dispositions, qui ne mettent en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi, ont le caractère réglementaire.

(2015-259 L, 15 octobre 2015, cons. 4)

Les trois derniers alinéas de l'article L. 114-3-1 du code de l'action sociale et des familles, qui créent un Observatoire national sur la formation, la recherche et l'innovation sur le handicap, chargé d'établir un rapport triennal, de se prononcer sur la coordination des politiques de prévention et de dépistage des problèmes de santé avec la politique de prévention du handicap et pouvant être saisi par le Conseil national consultatif des personnes handicapées ou par un conseil départemental consultatif des personnes handicapées, ne mettent en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi. Ils ont le caractère réglementaire.

(2015-259 L, 15 octobre 2015, cons. 3)

RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES

Assiette, taux et modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, régime d'émission de la monnaie

Recettes publiques

Prélèvements obligatoires

Impositions de toutes natures - Qualification

En vertu de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1991, si l'activité agricole d'une personne qui exerce simultanément plusieurs activités professionnelles non salariées dépendant d'organisations autonomes distinctes n'est pas considérée comme son activité principale, elle verse à l'assurance vieillesse des personnes non salariées agricoles une cotisation de solidarité, calculée en pourcentage des revenus professionnels du chef d'exploitation ou d'entreprise ou de l'assiette forfaitaire définis à l'article 1003-12 du code rural et dont le taux est fixé par décret. Cette cotisation de solidarité due par les pluriactifs indépendants qui n'exercent pas l'activité de chef d'exploitation agricole à titre principal n'ouvre aucun droit aux prestations servies par la branche vieillesse du régime de sécurité sociale des exploitants agricoles. Cette cotisation présente donc le caractère d'une imposition de toutes natures.

(2015-509 QPC, 11 décembre 2015, cons. 1 et 5)

Rapports au Parlement

Le second alinéa de l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale institue une commission chargée de remettre au Parlement et au Gouvernement un rapport triennal évaluant « le coût réel pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ». Il prévoit également que la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles rend un avis sur ce rapport qui est transmis au Parlement et au Gouvernement. Ces dispositions, qui ne mettent en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi, ont le caractère réglementaire.

(2015-259 L, 15 octobre 2015, cons. 5)

L'article 51 de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités prévoit qu'un décret institue un comité de suivi chargé d'évaluer l'application de cette loi. Ce comité comprend quatre membres du Parlement et il transmet au Parlement un rapport annuel. Ces dispositions, qui ne mettent en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi, ont le caractère réglementaire.

(2015-259 L, 15 octobre 2015, cons. 2)

Création de catégories d'établissements publics

Ne sont pas des règles constitutives des catégories d'établissements publics

Organisation interne de l'établissement public

Le premier alinéa de l'article L. 1432-1 du code de la santé publique dispose que « Les agences régionales de santé sont des établissements publics de l'État à caractère administratif ». Les mots « délégations territoriales dans les départements » figurant au dernier alinéa de ce même article, qui posent le principe de l'existence de services territoriaux des agences régionales de santé et fixent la dénomination de ces services, sont relatifs aux modalités d'exécution de leur mission par les agences régionales de santé, ont le caractère réglementaire.

(2015-260 L, 19 novembre 2015, cons. 2)

Les dispositions dont le déclassement est demandé sont relatives aux modalités d'exécution de la mission confiée au conseil national des activités privées de sécurité, lequel constitue un établissement public. Certaines sont relatives à son organisation interne ou désignent l'organe de ce conseil compétent pour exercer des attributions de ce dernier. Les autres sont relatives aux modalités pratiques d'obtention de l'autorisation d'exercer une activité privée de sécurité. Ces dispositions ne mettent en cause aucun des principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Notamment, elles ne touchent pas aux règles concernant la création de catégories d'établissements publics. Par suite, elles ont le caractère réglementaire.

(2015-261 L, 10 décembre 2015, cons. 1 et 2)

Siège de l'établissement public

Des dispositions prévoyant que les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, qui sont des établissements publics, fonctionnent au siège de chaque académie, se bornent à déterminer le siège des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires et les modalités de leur répartition sur le territoire national. Elles ne mettent en cause ni les règles concernant « la création de catégories d'établissements publics », qui relèvent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Dès lors, elles ont le caractère réglementaire.

(2015-258 L, 15 octobre 2015, cons. 2 et 3)

Enseignement

Compétence réglementaire

Des dispositions prévoyant que « La France est divisée en circonscriptions académiques » et que « Chacune des académies est administrée par un recteur », qui se bornent à organiser les services de l'administration de l'éducation, ne constituent et ne mettent en cause ni les principes fondamentaux de l'enseignement, qui relèvent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, ni les garanties de l'indépendance des enseignants-chercheurs, ni aucun autre principe ou règle placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Dès lors, elles ont le caractère réglementaire.

(2015-258 L, 15 octobre 2015, cons. 1 et 3)

Droit du travail et droit de la sécurité sociale

Droit de la sécurité sociale

Typologie des régimes de sécurité sociale

Régime général

Il y a lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale, et qui comme tels relèvent du domaine de la loi, l'existence même d'un régime de sécurité sociale. Il en va de même de la détermination des conditions selon lesquelles une solidarité financière peut être organisée entre les différents régimes de sécurité sociale.

(2015-495 QPC, 20 octobre 2015, cons. 15 et 16)

Régimes spéciaux ou particuliers

Il y a lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale, et qui comme tels relèvent du domaine de la loi, l'existence même d'un régime de sécurité sociale. Il en va de même de la détermination des conditions selon lesquelles une solidarité financière peut être organisée entre les différents régimes de sécurité sociale.

(2015-495 QPC, 20 octobre 2015, cons. 15 et 16)

Dépenses sociales

Dépenses maladies

L'article L. 162-21-2 du code de la sécurité sociale, qui crée un conseil de l'hospitalisation, prévoit que les décisions relatives au financement des établissements de santé, à la détermination des objectifs de dépenses d'assurance-maladie relatives aux frais d'hospitalisation sont prises sur la recommandation de ce conseil. Il prévoit également que, lorsque la décision prise est différente de la recommandation du conseil de l'hospitalisation, elle doit être motivée. Ces dispositions, qui ne mettent pas en cause les principes fondamentaux de la sécurité sociale, ont le caractère réglementaire.

(2015-259 L, 15 octobre 2015, cons. 6)

Droits et libertés

NOTION DE « DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT » (ART. 61-1)

Constitution du 4 octobre 1958

Article 34

Si la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit, elle ne saurait l'être à l'encontre d'une disposition législative antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958. Toutefois, lorsqu'une disposition, contestée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, modifiée postérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958, est inséparable d'une autre disposition, également contestée, mais issue d'une loi antérieure à la Constitution du 4 octobre 1958, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu sa propre compétence peut être invoqué à l'encontre de ces deux dispositions.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 10 et 11)

PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS

Garantie des droits

Droit au recours

Procédure administrative

Les dispositions de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure donnent au ministre de l'Intérieur le pouvoir d'interdire à tout Français de sortir du territoire de la République dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il projette des déplacements à l'étranger en vue de participer à des activités terroristes ou de se rendre sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français.

La décision d'interdiction de sortie du territoire peut, dans le délai du recours contentieux, faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif. Saisi d'un tel recours, le tribunal administratif doit statuer dans un délai de quatre mois. En outre, cette interdiction peut être contestée devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure d'interdiction ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Il appartient au juge de vérifier que la mesure est justifiée par la nécessité de prévenir les atteintes à l'ordre public visées par l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure et qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir. Le droit à un recours juridictionnel effectif n'est pas méconnu.

(2015-490 QPC, 14 octobre 2015, cons. 6 à 11)

Le quatrième alinéa de l'article L. 854-9 du code de la sécurité intérieure prévoit que la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement exerce son contrôle de sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne souhaitant vérifier qu'aucune mesure de surveillance n'est ou n'a été mise en œuvre irrégulièrement à son égard. Lorsqu'elle est saisie d'une réclamation, la commission indique à son auteur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires, sans confirmer ni infirmer la mise en œuvre de mesures de surveillance.

Le cinquième alinéa de ce même article est relatif aux pouvoirs de la commission lorsqu'elle constate qu'un manquement a été commis dans la mise en œuvre d'une mesure de surveillance internationale. La commission adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que le manquement cesse et que les renseignements collectés soient, le cas échéant, détruits. Si le Premier ministre n'a pas donné suite ou a insuffisamment donné suite à cette recommandation, le président de la commission ou trois de ses membres peuvent saisir le Conseil d'État d'une requête dans les conditions prévues par le chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de la justice administrative.

La personne faisant l'objet d'une mesure de surveillance internationale ne peut saisir un juge pour contester la régularité de cette mesure. En prévoyant que la commission peut former un recours à l'encontre d'une mesure de surveillance internationale, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement disproportionnée entre le droit à un recours juridictionnel effectif et le secret de la défense nationale.

(2015-722 DC, 26 novembre 2015, cons. 16 à 18)

Les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ne privent pas les personnes à l'encontre desquelles est prononcée une assignation à résidence du droit de contester devant le juge administratif, y compris par la voie du référé, cette mesure. Il appartient à ce dernier d'apprécier, au regard des éléments débattus contradictoirement devant lui, l'existence de raisons sérieuses permettant de penser que le comportement de la personne assignée à résidence constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Par suite, ne sont pas méconnues les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2015-527 QPC, 22 décembre 2015, cons. 15)

Procédure civile

En premier lieu, en vertu de l'article L. 4614-12 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est compétent pour décider de faire appel à un expert agréé en cas de risque grave dans l'établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail. Les frais de l'expertise décidée par le comité sont, en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 4614-13 du même code, à la charge de l'employeur. En adoptant ces dispositions, le législateur a mis en œuvre les exigences constitutionnelles de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail ainsi que de protection de la santé des travailleurs, qui découlent des huitième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946.

En deuxième lieu, en vertu des dispositions de la première phrase du deuxième alinéa du même article L. 4614-13, l'employeur peut former un recours devant le juge judiciaire afin de contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise. En organisant cette voie de droit pour contester la décision de recourir à un expert, le législateur a entendu assurer la conciliation entre les exigences constitutionnelles précitées et les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Toutefois, l'expert peut accomplir sa mission dès que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail fait appel à lui, nonobstant un recours formé par l'employeur dans les plus brefs délais contre la décision du comité. S'il résulte des articles R. 4614-19 et R. 4614-20 du code du travail que le président du tribunal de grande instance statue en urgence, en la forme des référés, sur le recours formé par l'employeur, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition n'imposent au juge judiciaire saisi d'un recours de l'employeur de statuer dans un délai déterminé. L'employeur est tenu de payer les honoraires correspondant aux diligences accomplies par l'expert alors même qu'il a obtenu l'annulation de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours conduit, dans ces conditions, à ce que l'employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'exercice d'une voie de recours. Il en résulte que la procédure applicable méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété. Censure du premier alinéa et de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail.

(2015-500 QPC, 27 novembre 2015, cons. 8 à 10)

Procédure fiscale

Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État que les personnes soumises à une imposition commune sont, alors même qu'elles sont séparées ou divorcées, réputées continuer de se représenter mutuellement dans les instances relatives à la dette fiscale correspondant à l'ensemble des revenus du foyer perçus pendant la période d'imposition commune.

Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

Les dispositions de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales telles qu'interprétées instituent entre les personnes soumises à imposition commune une présomption irréfragable de représentation mutuelle pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune, quelle que soit l'évolution de leur situation matrimoniale, de leurs liens au titre d'un pacte civil de solidarité ou de leur résidence au cours de cette procédure. Il en résulte que la notification, à une seule de ces personnes, de l'avis de mise en recouvrement, qui constitue le dernier acte de la procédure d'imposition, fait courir, à l'égard de chacune d'entre elles, le délai de la réclamation contentieuse prévue par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.

Il est loisible au législateur d'instituer une présomption irréfragable de représentation mutuelle entre les personnes soumises à imposition commune pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune. Toutefois, lorsque deux personnes précédemment soumises à imposition commune font l'objet d'une imposition distincte à la date de notification de l'avis de mise en recouvrement, émis aux fins de recouvrer des impositions supplémentaires établies sur les revenus perçus par le foyer au cours de la période d'imposition commune, la garantie du droit à un recours juridictionnel effectif impose que chacune d'elles soit mise à même d'exercer son droit de former une réclamation contentieuse, dès lors qu'elle a informé l'administration fiscale du changement de sa situation matrimoniale, de ses liens au titre d'un pacte civil de solidarité ou de sa résidence et, le cas échéant, de son adresse. Par suite, les dispositions contestées porteraient une atteinte disproportionnée au droit des intéressés de former une telle réclamation si le délai de réclamation pouvait commencer à courir sans que l'avis de mise en recouvrement ait été porté à la connaissance de chacun d'eux. Sous cette réserve, les mots « notifiés à l'un d'eux » figurant dans la seconde phrase de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789, doivent être déclarés conformes à la Constitution.

(2015-503 QPC, 4 décembre 2015, cons. 6 et 12 à 14)

Procédure pénale

L'article 308 du code de procédure pénale est relatif à l'enregistrement des débats de la cour d'assises. Son premier alinéa réprime pénalement l'usage d'appareils d'enregistrement ou de diffusion des images ou des sons dès l'ouverture de l'audience. Le deuxième alinéa de ce même article prévoit toutefois que, sous le contrôle du président de la cour d'assises, les débats font l'objet d'un enregistrement sonore. Les troisième à septième alinéas sont relatifs aux modalités de conservation et d'utilisation de cet enregistrement. Aux termes du dernier alinéa de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 1981 susvisée : « Les dispositions ci-dessus ne sont pas prescrites à peine de nullité de la procédure »

En vertu du troisième alinéa de cet article 308, l'enregistrement sonore prévu par le deuxième alinéa peut être utilisé jusqu'au prononcé de l'arrêt, devant la cour d'assises statuant en appel, devant la cour de révision et de réexamen saisie d'une demande en révision, ou, après cassation ou annulation sur demande en révision, devant la juridiction de renvoi. Devant la cour d'assises, cette utilisation peut être ordonnée d'office, sur réquisition du ministère public, à la demande de l'accusé ou de la partie civile dans les conditions fixées par les articles 310 et suivants du code de procédure pénale. Il résulte de ces dispositions que le législateur a conféré aux parties un droit à l'enregistrement sonore des débats de la cour d'assises. En interdisant toute forme de recours en annulation en cas d'inobservation de cette formalité, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Censure du dernier alinéa de l'article 308 du code de procédure pénale.

(2015-499 QPC, 20 novembre 2015, cons. 1 à 4)

Sécurité juridique

Atteinte à un acte ou à une situation légalement acquise

L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-623/13 du 26 février 2015 ayant jugé qu'un prélèvement affecté à un régime de sécurité sociale français ne saurait être acquitté par une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre n'a pas fait naître de situations légalement acquises auxquelles seraient susceptibles de porter atteinte des dispositions ayant pour objet d'affecter le produit des contributions sociales sur les revenus du capital au financement de prestations sociales non contributives s'appliquant à compter du 1er janvier 2016.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 5 et 9)

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (VOIR ÉGALEMENT CI-DESSOUS DROITS DES ÉTRANGERS ET DROIT D'ASILE, LIBERTÉ INDIVIDUELLE ET LIBERTÉ PERSONNELLE)

Assignation à résidence

La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figure le droit au respect de la vie privée.

Les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence permettent à l'autorité administrative prononçant une assignation à résidence d'accompagner cette mesure d'une astreinte à demeurer dans un lieu d'habitation déterminé pendant une plage horaire ne pouvant excéder douze heures par vingt-quatre heures, de prescrire à la personne assignée à résidence de se présenter aux services de police ou aux unités de gendarmerie jusqu'à trois fois par jour, de lui imposer de remettre à ces services son passeport ou tout document justificatif de son identité, de lui interdire de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public.

En premier lieu, l'assignation à résidence ne peut être prononcée que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et celui-ci ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Ne peut être soumise à une telle assignation que la personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence et à l'égard de laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».

En deuxième lieu, tant la mesure d'assignation à résidence que sa durée, ses conditions d'application et les obligations complémentaires dont elle peut être assortie doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

En troisième lieu, en vertu de l'article 14 de la loi du 3 avril 1955, la mesure d'assignation à résidence prise en application de cette loi cesse au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence. L'état d'urgence, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai de douze jours, être prorogé par une loi qui en fixe la durée. Cette durée ne saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi, les mesures d'assignation à résidence prises antérieurement ne peuvent être prolongées sans être renouvelées.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

(2015-527 QPC, 22 décembre 2015, cons. 8 à 13 et 16)

DROIT DE MENER UNE VIE FAMILIALE NORMALE

Portée du principe

En elle-même la charge financière résultant du paiement d'une indemnité sous forme de rente viagère ne porte pas atteinte au droit à mener une vie familiale normale. Il s'ensuit que l'impossibilité de réviser l'indemnité exceptionnelle allouée au titre du second alinéa de l'article 280-1 du code civil ne méconnaît pas ce droit.

(2015-488 QPC, 7 octobre 2015, cons. 14)

Conciliation avec des exigences de valeur constitutionnelle

La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figure le droit de mener une vie familiale normale.

Les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence permettent à l'autorité administrative prononçant une assignation à résidence d'accompagner cette mesure d'une astreinte à demeurer dans un lieu d'habitation déterminé pendant une plage horaire ne pouvant excéder douze heures par vingt-quatre heures, de prescrire à la personne assignée à résidence de se présenter aux services de police ou aux unités de gendarmerie jusqu'à trois fois par jour, de lui imposer de remettre à ces services son passeport ou tout document justificatif de son identité, de lui interdire de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public.

En premier lieu, l'assignation à résidence ne peut être prononcée que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et celui-ci ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Ne peut être soumise à une telle assignation que la personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence et à l'égard de laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».

En deuxième lieu, tant la mesure d'assignation à résidence que sa durée, ses conditions d'application et les obligations complémentaires dont elle peut être assortie doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

En troisième lieu, en vertu de l'article 14 de la loi du 3 avril 1955, la mesure d'assignation à résidence prise en application de cette loi cesse au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence. L'état d'urgence, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai de douze jours, être prorogé par une loi qui en fixe la durée. Cette durée ne saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi, les mesures d'assignation à résidence prises antérieurement ne peuvent être prolongées sans être renouvelées.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale.

(2015-527 QPC, 22 décembre 2015, cons. 8 à 13 et 16)

DROIT DE PROPRIÉTÉ

Protection contre la privation de propriété

Notion de privation de propriété

Les dispositions des paragraphes I et II de l'article L. 624-5 du code de commerce applicable en Polynésie française permettent d'intégrer dans le passif du dirigeant de droit ou de fait de la personne morale faisant l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire le passif de cette dernière. Ainsi, dans ces circonstances particulières, elles ont pour effet de faire contribuer le dirigeant à l'apurement du passif de la personne morale, sans pour autant opérer une confusion du patrimoine du dirigeant et de celui de la personne morale. Par suite, elles n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

(2015-487 QPC, 7 octobre 2015, cons. 1 et 8 à 10)

En vertu des dispositions contestées de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 631-19-1 du code de commerce, le tribunal peut, lorsque le redressement de l'entreprise le requiert et sur la demande du ministère public, ordonner la cession des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenu par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait.

Les dispositions contestées ne s'appliquent que si le dirigeant qui détient des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital n'a pas renoncé à l'exercice de ses fonctions de direction. Ainsi, le dirigeant conserve la possibilité d'éviter la cession forcée de ces parts, titres ou valeurs. Par suite, les dispositions contestées n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

(2015-486 QPC, 7 octobre 2015, cons. 6 et 7)

Contrôle des atteintes à l'exercice du droit de propriété

Principe de conciliation avec des objectifs d'intérêt général

En vertu des dispositions contestées de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 631-19-1 du code de commerce, le tribunal peut, lorsque le redressement de l'entreprise le requiert et sur la demande du ministère public, ordonner la cession des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait.

En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. La cession des droits sociaux détenus par un dirigeant ne peut être ordonnée par le tribunal que si l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et si le redressement de cette entreprise le requiert. Cette mesure ne peut être prise qu'à la demande du ministère public et seulement à l'égard des dirigeants de droit ou de fait qui le sont encore à la date à laquelle le tribunal statue. Le prix de la cession forcée est fixé « à dire d'expert ». Il en résulte que les dispositions contestées ne portent pas d'atteinte disproportionnée au droit de propriété du dirigeant et, par suite, ne méconnaissent pas l'article 2 de la Déclaration de 1789.

(2015-486 QPC, 7 octobre 2015, cons. 6 et 8)

Atteinte au droit de propriété contraire à la Constitution

Lorsqu'une personne morale fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la possibilité de prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'encontre du dirigeant de droit ou de fait de la personne morale dans les conditions fixées par les paragraphes I et II de l'article L. 624-5 du code de commerce applicable en Polynésie française est destinée à faciliter l'apurement du passif de la personne morale afin de permettre, selon les cas, la continuation de l'entreprise ou le désintéressement des créanciers. Le législateur a ainsi poursuivi un but d'intérêt général.

Les dispositions des 5 ° et 7 ° du paragraphe I de l'article L. 624-5 du code de commerce permettent de prononcer l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard du dirigeant de droit ou de fait lorsque celui-ci a tenu une comptabilité fictive, a fait disparaître des documents comptables de la personne morale, s'est abstenu de tenir toute comptabilité conforme aux règles légales ou a tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales. Ainsi, les dispositions contestées permettent que le passif de la personne morale soit inclus dans celui du dirigeant du seul fait qu'il a commis des irrégularités comptables, sans que celles-ci soient par elles-mêmes de nature à avoir contribué à l'insuffisance d'actif. Le législateur a ainsi porté au droit de propriété du dirigeant une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi. Censure.

(2015-487 QPC, 7 octobre 2015, cons. 1, 8, 9, 11 et 13)

Absence d'atteinte au droit de propriété contraire à la Constitution

Lorsqu'une personne morale fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la possibilité de prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'encontre du dirigeant de droit ou de fait de la personne morale dans les conditions fixées par les paragraphes I et II de l'article L. 624-5 du code de commerce applicable en Polynésie française est destinée à faciliter l'apurement du passif de la personne morale afin de permettre, selon les cas, la continuation de l'entreprise ou le désintéressement des créanciers. Le législateur a ainsi poursuivi un but d'intérêt général.

Les dispositions des 1 ° à 4 ° et 6 ° du paragraphe I de l'article L. 624-5 du code de commerce permettent de prononcer l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard du dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale lorsque celui-ci a commis des faits qui révèlent son enrichissement ou une utilisation des biens ou du crédit de la personne morale à des fins personnelles. En subordonnant l'ouverture de la procédure à la commission de faits qui sont par eux-mêmes de nature à avoir contribué à l'insuffisance d'actif, le législateur a encadré les conditions dans lesquelles le passif de la personne morale peut être mis à la charge du dirigeant. Dans ces conditions, les dispositions contestées, qui contribuent par ailleurs à préserver les droits des créanciers de la personne morale, ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété du dirigeant de droit ou de fait de la personne morale.

(2015-487 QPC, 7 octobre 2015, cons. 1, 8, 9, 11 et 12)

La peine complémentaire obligatoire de fermeture du débit de boissons ouvert en dehors des conditions prévues par le code de la santé publique prévue par les dispositions de l'article L. 3352-2 de ce code, est une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789. Par suite, ces dispositions ne portent pas d'atteinte au droit de propriété.

(2015-493 QPC, 16 octobre 2015, cons. 10)

DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS

Droits collectifs des travailleurs

Droit de grève (alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946)

Modalités législatives d'aménagement de l'exercice du droit de grève jugées constitutionnelles

Interdiction d'interrompre l'activité

Les dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 671-2 du code de l'énergie prévoient qu'un plan de prévention des ruptures d'approvisionnement est établi, dans chaque collectivité d'outre-mer de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna. Les dispositions contestées prévoient que ce plan contient une liste des détaillants du réseau de distribution de gros des produits pétroliers. Les détaillants figurant sur la liste doivent être répartis sur le territoire afin d'assurer au mieux les besoins de la population et de l'activité économique. Cette liste doit comprendre au moins un quart des détaillants. En cas de décision concertée des entreprises de distribution de détail du secteur des produits pétroliers d'interrompre leur activité, elles sont tenues d'en informer le représentant de l'État au moins trois jours ouvrables avant le début de leur action ; que les détaillants figurant dans le plan de prévention ne peuvent interrompre leur activité.

En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prévenir les dommages pour l'activité économique de certaines collectivités d'outre-mer pouvant résulter de l'interruption concertée de l'activité de distribution de produits pétroliers par les entreprises de distribution de détail. Il a ainsi poursuivi un motif d'intérêt général de préservation de l'ordre public économique.

Le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement n'est applicable que dans des collectivités d'outre-mer où le secteur des produits pétroliers est soumis à une réglementation des prix, en application de l'article L. 410-2 du code de commerce, et il impose également aux entreprises du secteur de la distribution de gros d'assurer la livraison de produits pétroliers aux détaillants de leur réseau de distribution qui figurent dans la liste arrêtée par le plan. En prévoyant que le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement comprend au moins un quart de ces détaillants, le législateur a confié au représentant de l'État le soin de veiller à ce que ce plan soit adapté aux contraintes propres de la collectivité d'outre-mer concernée. En vertu du quatrième alinéa de l'article L. 671-2, l'interdiction d'interrompre leur activité ne s'applique pas aux détaillants figurant au plan de prévention des ruptures d'approvisionnement lorsque cette interruption est justifiée par la grève de leurs salariés ou par des circonstances exceptionnelles. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées de l'article L. 671-2 du code de l'énergie n'apportent pas une limitation excessive à l'exercice du droit de grève des gérants de station-service qui sont placés dans une relation de subordination avec un employeur.

(2015-507 QPC, 11 décembre 2015, cons. 6 à 10)

Liberté syndicale (alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946)

Liberté syndicale collective

En prévoyant que les crédits du fonds paritaire destinés à financer la mission d'intérêt général de conception, gestion, animation et évaluation des politiques menées paritairement et dans le cadre des organismes gérés majoritairement par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs sont répartis de manière uniforme entre les organisations syndicales de salariés, les dispositions du 1 ° de l'article L. 2135-11 du code du travail, loin de porter atteinte à la liberté syndicale, mettent en œuvre cette exigence constitutionnelle.

(2015-502 QPC, 27 novembre 2015, cons. 4 et 5)

Principe de participation des travailleurs à la gestion des entreprises (alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946)

Représentativité des syndicats et institutions représentatives du personnel

En prévoyant que les crédits du fonds paritaire destinés à financer la mission d'intérêt général de conception, gestion, animation et évaluation des politiques menées paritairement et dans le cadre des organismes gérés majoritairement par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs sont répartis de manière uniforme entre les organisations syndicales de salariés, les dispositions du 1 ° de l'article L. 2135-11 du code du travail, loin de porter atteinte au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, mettent en œuvre cette exigence constitutionnelle.

(2015-502 QPC, 27 novembre 2015, cons. 4 et 5)

AUTRES DROITS ET PRINCIPES SOCIAUX

Droit à la protection sociale (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946)

Champ d'application

Maladie

En vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 111-1 et du premier alinéa de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, la couverture des charges de maladie et de maternité est assurée pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière. Les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 111-1 prévoient que les travailleurs sont garantis contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus et que cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires d'assurance maladie. En vertu du paragraphe I de l'article L. 111-2-1 du même code, chacun contribue, en fonction de ses ressources, au financement de la protection contre le risque et les conséquences de la maladie, assurée à chacun indépendamment de son âge et de son état de santé.

Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs... ». Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles.

En instaurant un régime d'assurance sociale pour couvrir les charges de maladie et de maternité de l'ensemble des personnes résidant en France de façon stable et régulière ainsi que pour garantir contre les risques susceptibles de réduire ou de supprimer les revenus des travailleurs, le législateur a mis en œuvre les exigences énoncées par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Par les dispositions contestées de l'article L. 111-1, du paragraphe I de l'article L. 111-2-1 et de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, le législateur a uniquement modifié des règles de gestion de la prise en charge des frais de santé des personnes auxquelles est assurée cette protection sociale. Par suite, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 17 à 20)

LIBERTÉ INDIVIDUELLE

Contrôle des mesures portant atteinte à la liberté individuelle

Assignation à résidence

En premier lieu, les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence permettent au ministre de l'Intérieur, lorsque l'état d'urgence a été déclaré, de « prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée » par le décret déclarant l'état d'urgence. Cette assignation à résidence, qui ne peut être prononcée qu'à l'égard d'une personne pour laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics », est une mesure qui relève de la seule police administrative et qui ne peut donc avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions. Cette assignation à résidence « doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération ». Elle ne peut en aucun cas « avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes » assignées à résidence. Tant par leur objet que par leur portée, ces dispositions ne comportent pas de privation de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution.

En second lieu, dans le cadre d'une assignation à résidence prononcée par le ministre de l'Intérieur, la personne « peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'Intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures ». La plage horaire maximale de l'astreinte à domicile dans le cadre de l'assignation à résidence, fixée à douze heures par jour, ne saurait être allongée sans que l'assignation à résidence soit alors regardée comme une mesure privative de liberté, dès lors soumise aux exigences de l'article 66 de la Constitution. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution doit être écarté.

(2015-527 QPC, 22 décembre 2015, cons. 4 à 7)

LIBERTÉ PERSONNELLE

Liberté personnelle et police administrative

Les dispositions de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure donnent au ministre de l'intérieur le pouvoir d'interdire à tout Français de sortir du territoire de la République dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il projette des déplacements à l'étranger en vue de participer à des activités terroristes ou de se rendre sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. Le législateur a ainsi entendu renforcer les pouvoirs de police administrative de l'État en matière de lutte contre le terrorisme. Il a poursuivi l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public.

En premier lieu, l'interdiction de sortie du territoire français ne peut être mise en œuvre que pour des motifs liés à la prévention du terrorisme ; ces motifs sont expressément et précisément définis par les 1 ° et 2 ° de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure. La décision prononçant l'interdiction doit être écrite et motivée. La personne doit être mise en mesure de présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de la décision d'interdiction initiale ; aucune exigence constitutionnelle n'impose qu'une telle décision soit prononcée par une juridiction. Il appartient à l'autorité compétente, sous le contrôle du juge, d'apprécier si les conditions précitées exigées par la loi sont réunies.

En deuxième lieu, cette interdiction peut être prononcée pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. Elle doit être levée dès qu'il apparaît que les conditions prévues par le 1 ° ou le 2 ° de l'article L. 224-1 ne sont plus satisfaites. En outre, si elle peut être renouvelée tous les six mois par décisions expresses et motivées, sa durée globale ne peut excéder deux années ; conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, chaque renouvellement de l'interdiction ne peut intervenir « qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ».

En troisième lieu, la décision d'interdiction de sortie du territoire peut, dans le délai du recours contentieux, faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif. Saisi d'un tel recours, le tribunal administratif doit statuer dans un délai de quatre mois. En outre, cette interdiction peut être contestée devant le juge des référés qui, sur le fondement des articles L. 521-1 et 521-2 du code de justice administrative, peut suspendre l'exécution de la mesure d'interdiction ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Il appartient au juge de vérifier que la mesure est justifiée par la nécessité de prévenir les atteintes à l'ordre public visées par l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure et qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir.

En quatrième lieu, si l'interdiction de sortie du territoire emporte, dès son prononcé et à titre conservatoire, l'invalidation du passeport et de la carte nationale d'identité de la personne concernée ou fait obstacle à la délivrance d'un tel document, un récépissé valant justification de son identité lui est remis en échange de la restitution de son passeport et de sa carte nationale d'identité ou, à sa demande, en lieu et place de la délivrance d'un tel document. Ce récépissé suffit à justifier de l'identité de la personne sur le territoire national et lui permet d'accomplir les actes qui exigent un justificatif d'identité.

Il résulte de ce qui précède que, eu égard aux objectifs que le législateur s'est assignés et à l'ensemble de ces garanties, le législateur a adopté des mesures assurant une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d'aller et de venir et la protection des atteintes à l'ordre public.

(2015-490 QPC, 14 octobre 2015, cons. 6 à 11)

L'article L. 854-1 autorise la surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l'étranger et délimite le champ de celles de ces communications qui sont susceptibles de faire l'objet de mesures de surveillance dans les conditions prévues par les autres dispositions du chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure. Le recueil de renseignement au moyen des mesures de surveillance prévues au chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure par les services spécialisés de renseignement pour l'exercice de leurs missions respectives relève de la seule police administrative. Il ne peut donc avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions. Il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs.

L'article L. 854-1 permet la surveillance « aux seules fins de défense et de promotion des intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés à l'article L. 811-3 ». Ainsi, le législateur a précisément circonscrit les finalités permettant de recourir au régime d'autorisation des mesures de surveillance des communications émises ou reçues à l'étranger prévu par l'article L. 854-1 et n'a pas retenu des critères en inadéquation avec l'objectif poursuivi par ces mesures de police administrative.

L'autorisation d'intercepter des communications électroniques émises ou reçues à l'étranger est délivrée par le Premier ministre et désigne les réseaux de communication sur lesquels les interceptions sont admises. L'autorisation d'exploiter ces interceptions est délivrée par le Premier ministre ou par l'un de ses délégués sur demande motivée des ministres de la défense, de l'intérieur ou chargés de l'économie, du budget ou des douanes ou de leurs délégués. Cette exploitation est réalisée par un service spécialisé de renseignement ; que les autorisations d'interception ou d'exploitation sont délivrées pour une durée limitée. L'autorisation d'exploiter de manière non individualisée les données de connexion interceptées précise le type de traitements automatisés pouvant être mis en œuvre.

Le législateur a prévu des durées de conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés ainsi qu'une durée maximale de conservation de huit ans à compter du recueil des renseignements chiffrés, au-delà desquelles les renseignements collectés doivent être détruits. En outre, en vertu de l'article L. 854-6, les transcriptions ou extractions doivent être détruites dès que leur conservation n'est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées à l'article L. 811-3.

Le législateur a prévu que la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement reçoit communication de toutes les décisions et autorisations du Premier ministre mentionnées à l'article L. 854-2 et qu'elle dispose d'un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité, aux renseignements collectés, aux transcriptions et extractions réalisées ainsi qu'aux relevés mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 854-6 retraçant les opérations de destruction, de transcription et d'extraction. La commission peut solliciter du Premier ministre tous les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Sont applicables aux contrôles pratiqués par la commission sur les mesures de surveillance internationale les dispositions de l'article L. 833-3 qui réprime de peines délictuelles les actes d'entrave à l'action de la commission.

Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions des articles L. 854-1, L. 854-2, L. 854-5 et des premier à troisième et sixième alinéas de l'article L. 854-9 ne portent pas d'atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

(2015-722 DC, 26 novembre 2015, cons. 6 à 15)

La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.

Les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence permettent à l'autorité administrative prononçant une assignation à résidence d'accompagner cette mesure d'une astreinte à demeurer dans un lieu d'habitation déterminé pendant une plage horaire ne pouvant excéder douze heures par vingt-quatre heures, de prescrire à la personne assignée à résidence de se présenter aux services de police ou aux unités de gendarmerie jusqu'à trois fois par jour, de lui imposer de remettre à ces services son passeport ou tout document justificatif de son identité, de lui interdire de se trouver en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Ces dispositions portent donc atteinte à la liberté d'aller et de venir.

En premier lieu, l'assignation à résidence ne peut être prononcée que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et celui-ci ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Ne peut être soumise à une telle assignation que la personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence et à l'égard de laquelle « il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».

En deuxième lieu, tant la mesure d'assignation à résidence que sa durée, ses conditions d'application et les obligations complémentaires dont elle peut être assortie doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

En troisième lieu, en vertu de l'article 14 de la loi du 3 avril 1955, la mesure d'assignation à résidence prise en application de cette loi cesse au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence. L'état d'urgence, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai de douze jours, être prorogé par une loi qui en fixe la durée. Cette durée ne saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi, les mesures d'assignation à résidence prises antérieurement ne peuvent être prolongées sans être renouvelées.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir.

(2015-527 QPC, 22 décembre 2015, cons. 8 à 14)

LIBERTÉ ET DROIT DE L'ENSEIGNEMENT

Liberté de l'enseignement

Organisation : Aide financière de l'État et des collectivités locales

En énumérant de manière limitative, dans l'article L. 6241-9 du code du travail, les établissements habilités à percevoir les versements libératoires effectués au titre de la fraction dite du « hors quota » de la taxe d'apprentissage, le législateur a entendu favoriser l'affectation de ressources publiques destinées à financer des formations technologiques et professionnelles dispensées en formation initiale hors du cadre de l'apprentissage aux établissements publics d'enseignement secondaire et d'enseignement supérieur, à ceux qui sont gérés par les chambres consulaires, auxquelles le législateur a donné la faculté de créer et d'administrer des établissements d'enseignement, aux établissements publics ou privés dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères chargés de la santé, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports, aux établissements privés d'enseignement du second degré sous contrat d'association avec l'État, à ce titre soumis à des obligations et à un contrôle particuliers tant sur le programme que sur les règles d'enseignement, et aux établissements privés relevant de l'enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif. Les dispositions contestées ne portent pas atteinte au caractère propre de l'enseignement privé. Elles n'ont pas pour effet, en elles-mêmes, d'empêcher de créer, de gérer ou de financer un établissement privé d'enseignement. L'exclusion de la possibilité pour les établissements privés d'enseignement qui ne relèvent d'aucune des catégories énumérées à l'article L. 6241-9 du code du travail de percevoir certaines ressources publiques n'est pas de nature à porter atteinte à la liberté de l'enseignement.

(2015-496 QPC, 21 octobre 2015, cons. 7 et 11)

LIBERTÉS ÉCONOMIQUES

Liberté d'entreprendre

Champ d'application du principe

En énumérant de manière limitative, dans l'article L. 6241-9 du code du travail, les établissements habilités à percevoir les versements libératoires effectués au titre de la fraction dite du « hors quota » de la taxe d'apprentissage, le législateur a entendu favoriser l'affectation de ressources publiques destinées à financer des formations technologiques et professionnelles dispensées en formation initiale hors du cadre de l'apprentissage aux établissements publics d'enseignement secondaire et d'enseignement supérieur, à ceux qui sont gérés par les chambres consulaires, auxquelles le législateur a donné la faculté de créer et d'administrer des établissements d'enseignement, aux établissements publics ou privés dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères chargés de la santé, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports, aux établissements privés d'enseignement du second degré sous contrat d'association avec l'État, à ce titre soumis à des obligations et à un contrôle particuliers tant sur le programme que sur les règles d'enseignement, et aux établissements privés relevant de l'enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif. L'exclusion de la possibilité pour les établissements privés d'enseignement qui ne relèvent d'aucune des catégories énumérées à l'article L. 6241-9 du code du travail de percevoir certaines ressources publiques n'est pas de nature à porter atteinte à la liberté d'entreprendre.

(2015-496 QPC, 21 octobre 2015, cons. 7 et 11)

Des dispositions qui se bornent à créer une catégorie de contrats labellisés ouvrant droit à un crédit d'impôt et pouvant être proposés, s'ils le souhaitent, par les organismes complémentaires en matière de santé, ne portent aucune atteinte à la liberté d'entreprendre.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 15)

Des dispositions qui se bornent à imposer à certaines sociétés de transmettre à l'administration des informations relatives à leur implantation et des indicateurs économiques, comptables et fiscaux de leur activité, éléments pouvant être échangés avec les États ou territoires ayant conclu un accord en ce sens avec la France mais ne pouvant être rendus publics, ne portent aucune atteinte à la liberté d'entreprendre.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 33)

Conciliation du principe

Avec l'intérêt général

Les dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 671-2 du code de l'énergie prévoient qu'un plan de prévention des ruptures d'approvisionnement est établi, dans chaque collectivité d'outre-mer de l'article 73 de la Constitution ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna. Les dispositions contestées prévoient que ce plan contient une liste des détaillants du réseau de distribution de gros des produits pétroliers. Les détaillants figurant sur la liste doivent être répartis sur le territoire afin d'assurer au mieux les besoins de la population et de l'activité économique. Cette liste doit comprendre au moins un quart des détaillants. En cas de décision concertée des entreprises de distribution de détail du secteur des produits pétroliers d'interrompre leur activité, elles sont tenues d'en informer le représentant de l'État au moins trois jours ouvrables avant le début de leur action ; que les détaillants figurant dans le plan de prévention ne peuvent interrompre leur activité.

En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prévenir les dommages pour l'activité économique de certaines collectivités d'outre-mer pouvant résulter de l'interruption concertée de l'activité de distribution de produits pétroliers par les entreprises de distribution de détail. Il a ainsi poursuivi un motif d'intérêt général de préservation de l'ordre public économique.

Le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement n'est applicable que dans des collectivités d'outre-mer où le secteur des produits pétroliers est soumis à une réglementation des prix, en application de l'article L. 410-2 du code de commerce, et il impose également aux entreprises du secteur de la distribution de gros d'assurer la livraison de produits pétroliers aux détaillants de leur réseau de distribution qui figurent dans la liste arrêtée par le plan. En prévoyant que le plan de prévention des ruptures d'approvisionnement comprend au moins un quart de ces détaillants, le législateur a confié au représentant de l'État le soin de veiller à ce que ce plan soit adapté aux contraintes propres de la collectivité d'outre-mer concernée. En vertu du quatrième alinéa de l'article L. 671-2, l'interdiction d'interrompre leur activité ne s'applique pas aux détaillants figurant au plan de prévention des ruptures d'approvisionnement lorsque cette interruption est justifiée par la grève de leurs salariés ou par des circonstances exceptionnelles. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées de l'article L. 671-2 du code de l'énergie n'apportent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre des entreprises de distribution de détail du secteur des produits pétroliers.

(2015-507 QPC, 11 décembre 2015, cons. 5 et 7 à 10)

Avec des règles, principes ou objectifs de valeur constitutionnelle

L'ouverture des débits de boissons est subordonnée au respect des conditions prévues par le législateur. Cette restriction à l'exploitation des débits de boissons poursuit l'objectif de lutte contre l'alcoolisme et de protection de la santé publique. En instituant la peine complémentaire prévue par les dispositions du second alinéa de l'article L. 3352-2 du code de la santé publique, le législateur a entendu prévenir et réprimer la violation de cette réglementation relative aux débits de boissons. Il a ainsi poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle.

La personne titulaire de la licence ou propriétaire du débit de boissons peut demander le relèvement de la peine complémentaire de fermeture du débit de boissons prévue par les dispositions contestées. L'article L. 3355-5 du code de la santé publique fait obligation au ministère public de citer la personne titulaire de la licence ou propriétaire du débit de boissons lorsque celle-ci n'est pas poursuivie en indiquant la nature des poursuites exercées et la possibilité pour le tribunal de prononcer lesdites mesures. En application de l'article 132-21 du code pénal, le relèvement peut être prononcé par le jugement de condamnation ou un jugement ultérieur. Dans ces conditions, et eu égard à l'objectif qu'il s'est assigné, le législateur a porté à la liberté d'entreprendre une atteinte qui n'est pas manifestement disproportionnée. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre doit être écarté.

(2015-493 QPC, 16 octobre 2015, cons. 12 et 13)

PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE

Champ d'application des principes de l'article 8 de la Déclaration de 1789

Mesures n'ayant pas le caractère d'une punition

Autres mesures n'ayant pas le caractère d'une punition

Les principes résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition. En vertu du paragraphe I de l'article L. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable en Polynésie française, l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut être prononcée à l'égard du dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale placée en redressement ou en liquidation judiciaire s'il a commis un des faits énumérés aux 1 ° à 7 ° de ce paragraphe. Le paragraphe II du même article prévoit qu'alors, le passif du dirigeant comprend non seulement son passif personnel mais également celui de la personne morale. Ces dispositions instituent un mécanisme ayant pour objet de faire contribuer le dirigeant personne physique au comblement du passif de la personne morale. Ainsi, l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard du dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale placée en redressement ou en liquidation judiciaire n'a pas le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789.

(2015-487 QPC, 7 octobre 2015, cons. 1 et 4 à 7)

Les dispositions de l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015, qui déterminent une règle d'assiette suffisamment précise conditionnant le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères, n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition.

(2015-726 DC, 29 décembre 2015, cons. 2 et 13)

Transposition en matière de répression administrative

L'article 2 de la loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy modifie l'article L.O. 6251-4 du code général des collectivités territoriales, relatif aux sanctions fiscales instituées par le conseil territorial de Saint-Barthélemy. Il confère au conseil territorial la faculté d'assortir de sanctions administratives la violation des règles qu'il fixe dans les matières qui relèvent de la compétence de la collectivité. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Les « sanctions administratives » que l'article 2 permet à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy d'instituer sont des mesures ayant pour objet de réprimer la violation de règles fixées par le conseil territorial dans les matières relevant de la compétence de la collectivité. Pour la mise en œuvre de ces dispositions, il appartiendra aux autorités administratives compétentes, sous le contrôle du juge, de veiller au respect des exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 9 et 10)

Principe de la légalité des délits et des peines

Compétence du législateur

Applications

Absence de méconnaissance de la compétence du législateur

Le dixième alinéa de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, le fait de quitter ou de tenter de quitter le territoire français en violation d'une interdiction administrative de sortie du territoire. Le onzième alinéa du même article punit de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, le fait, pour toute personne s'étant vu notifier une décision d'interdiction de sortie du territoire, de se soustraire à l'obligation de restitution de son passeport et de sa carte nationale d'identité. Ces infractions, qui ne peuvent être constituées que lorsqu'une interdiction de sortie du territoire a été prononcée, sont définies de manière claire et précise. Par suite, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant le principe de légalité des délits et des peines.

(2015-490 QPC, 14 octobre 2015, cons. 15)

Principes de nécessité et de proportionnalité

Nature du contrôle du Conseil constitutionnel

Contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation

L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... ». Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. À ce titre, il est notamment tenu compte du régime juridique d'exécution de cette peine.

(2015-501 QPC, 27 novembre 2015, cons. 8)

Absence de méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines

Détermination des infractions et des peines

Les dispositions des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa du paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce prévoient que le montant maximum de la sanction prononcée par le Conseil de la concurrence pour des pratiques anticoncurrentielles est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante.

En instituant une sanction pécuniaire destinée à réprimer les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par des entreprises, le législateur a poursuivi l'objectif de préservation de l'ordre public économique. Un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des infractions assignée à la punition.

En premier lieu, en prévoyant de réprimer les pratiques anticoncurrentielles d'une entreprise au moyen d'une sanction pécuniaire dont le montant maximum correspond à 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, le législateur n'a pas institué une peine manifestement disproportionnée au regard, d'une part, de la nature des agissements réprimés et, d'autre part, du fait qu'ils ont pu et peuvent encore, alors même qu'ils ont cessé, continuer de procurer des gains illicites à l'entreprise. Il en résulte que les dispositions de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce ne méconnaissent pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

En second lieu, en prévoyant que, lorsque les comptes de l'entreprise ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte pour calculer le maximum de la sanction encourue est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante, le législateur a, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 15 mai 2001, entendu prévenir des stratégies consistant à réduire, par des restructurations du capital des sociétés, le chiffre d'affaires des entreprises se livrant à des pratiques anticoncurrentielles afin de minorer le maximum de la sanction encourue dans l'hypothèse où ces pratiques seraient sanctionnées. Cette disposition vise en outre à prendre en compte la taille et les capacités financières de l'entreprise visée dans l'appréciation du montant maximal de la sanction. Eu égard à l'objectif ainsi poursuivi, les dispositions de la troisième phrase du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce ne méconnaissent pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 10, 11 et 13 à 17)

Les dispositions du second alinéa de l'article L. 3352-2 du code de la santé publique instituent une peine complémentaire obligatoire de fermeture du débit de boissons ouvert en dehors des conditions prévues par le code de la santé publique. Cette peine est directement liée au comportement délictuel réprimé. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, aux fins de lutter contre l'alcoolisme et de protéger la santé publique, assurer le respect de la réglementation relative aux débits de boissons. En permettant de prononcer une fermeture, qui peut être temporaire ou définitive, du débit de boissons, le législateur n'a pas institué une peine manifestement disproportionnée.

(2015-493 QPC, 16 octobre 2015, cons. 6)

Exécution des peines

Le premier alinéa de l'article 786 du code de procédure pénale fixe le délai à l'issue duquel une personne condamnée pénalement peut former une demande en réhabilitation judiciaire. Le deuxième alinéa du même article détermine le point de départ de ce délai lorsque la personne a été condamnée à une peine d'amende ou d'emprisonnement. Aux termes du troisième alinéa de ce même article : « À l'égard des condamnés à une sanction pénale autre que l'emprisonnement ou l'amende, prononcée à titre principal, ce délai part de l'expiration de la sanction subie ».

L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... ». Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. À ce titre, il est notamment tenu compte du régime juridique d'exécution de cette peine.

La réhabilitation judiciaire vise au reclassement du condamné lorsqu'il a exécuté sa peine principale ou lorsque celle-ci est prescrite. Elle peut être accordée par la chambre de l'instruction, si le condamné en fait la demande, à l'issue d'un délai fixé par la loi. Ce délai court à compter de l'expiration de la sanction subie, qu'elle soit exécutée ou prescrite. La réhabilitation a pour effet d'effacer toutes les incapacités et déchéances résultant de la condamnation.

D'une part, lorsqu'une personne a été condamnée à titre principal à une peine autre que l'emprisonnement ou l'amende, les dispositions contestées font varier le délai à l'issue duquel la réhabilitation peut être obtenue en fonction de la durée de cette peine ou de la nature de l'infraction qu'elle sanctionne. D'autre part, lorsqu'une personne a été condamnée à titre principal à une peine autre que l'emprisonnement ou l'amende, sans limite de durée et imprescriptible, elle ne peut ni former une demande en réhabilitation judiciaire ni bénéficier d'une réhabilitation légale ou d'un relèvement. Dans cette hypothèse, le condamné peut toutefois être dispensé d'exécuter la peine s'il est gracié. Sa condamnation peut être effacée par l'effet d'une loi d'amnistie. En application de l'article 789 du code de procédure pénale, il peut bénéficier d'une réhabilitation judiciaire s'il a rendu des services éminents à la France. Il bénéficie des dispositions du troisième alinéa de l'article 769 du code de procédure pénale, qui prévoit le retrait du casier judiciaire des fiches relatives à des condamnations prononcées depuis plus de quarante ans, dès lors que l'intéressé n'a pas été condamné à une nouvelle peine criminelle ou correctionnelle. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne sont pas manifestement contraires au principe de proportionnalité des peines.

(2015-501 QPC, 27 novembre 2015, cons. 1 et 7 à 11)

Principe d'individualisation des peines

Valeur constitutionnelle

Rattachement à l'article 8 de la Déclaration de 1789

Les dispositions des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce prévoient que le montant maximum de la sanction encourure pour des pratiques anticoncurrentielles est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante.

L'article L. 464-2 laisse à l'autorité administrative indépendante, sous le contrôle du juge, le soin de fixer le montant de la sanction pécuniaire, dans la limite du maximum déterminé par les dispositions contestées, et de proportionner cette sanction à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel elle appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines doit être écarté.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 10 à 12, 20 et 21)

Les dispositions du second alinéa de l'article L. 3352-2 du code de la santé publique instituent une peine complémentaire obligatoire de fermeture du débit de boissons ouvert en dehors des conditions prévues par le code de la santé publique. En vertu des dispositions de l'article 132-58 du code pénal, le juge peut décider de dispenser la personne condamnée de cette peine complémentaire. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la peine prononcée peut faire l'objet d'un relèvement en application de l'article 132-21 du code pénal. Le juge dispose du pouvoir de fixer la durée de la fermeture du débit de boissons prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'individualisation des peines.

(2015-493 QPC, 16 octobre 2015, cons. 6 et 7)

Responsabilité pénale

Principe de responsabilité personnelle

En vertu de l'article 9 de la Déclaration de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable. Il résulte de cet article ainsi que de l'article 8 de la Déclaration de 1789 que nul n'est punissable que de son propre fait. Ce principe s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Les dispositions des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce instituent une sanction pécuniaire permettant de réprimer des pratiques anticoncurrentielles commises par une entreprise. Le fait que le maximum de cette sanction soit déterminé par référence au chiffre d'affaires du groupe auquel l'entreprise appartient n'a ni pour objet ni pour effet de sanctionner le groupe pour des actes qu'il n'a pas commis. Le grief tiré de la méconnaissance du principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait manque en fait.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 10 à 12, 18 et 19)

Respect des droits de la défense, droit à un procès équitable et droit à un recours juridictionnel effectif en matière pénale

Dispositions relevant de la procédure d'enquête et d'instruction

Garde à vue

Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et de venir, l'inviolabilité du domicile, le secret des correspondances et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire.

L'article 706-88 du code de procédure pénale, dans ses rédactions successives résultant des lois des 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers et 14 avril 2011 relative à la garde à vue, prévoit notamment que, si les nécessités d'une enquête l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune, décidées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction. Dans ce cas, ces prolongations, qui s'ajoutent à la durée de droit commun définie par l'article 63 du même code, portent à quatre-vingt-seize heures la durée maximale de la garde à vue.

D'une part, le 14 ° de l'article 706-73 du code de procédure pénale permet la mise en œuvre d'une mesure de garde à vue dans les conditions déterminées par l'article 706-88 dudit code pour « les délits de blanchiment, prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal et de recel, prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1 ° à 13 ° ». Le blanchiment est défini à l'article 324-1 du code pénal comme « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect » ou « le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit » et le recel est défini par l'article 321-1 du code pénal comme « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit » ou « le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit ». D'autre part, le 15 ° de l'article 706-73 permet la mise en œuvre d'une mesure de garde à vue dans les conditions prévues à l'article 706-88 du code de procédure pénale pour les délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1 ° à 14 ° et, depuis l'article 5 de la loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer, au 17 ° de l'article 706-73. En vertu du premier alinéa de l'article 450-1 du code pénal, « constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ».

Pour apprécier la constitutionnalité de la référence au 8 ° bis figurant aux 14 ° et 15 ° de l'article 706-73, il convient de vérifier si les délits visés à ces 14 ° et 15 ° sont susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes lorsqu'ils se rapportent au délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l'article 313-2 du code pénal. En permettant de recourir à la garde à vue, selon les modalités fixées par l'article 706-88 du code de procédure pénale, au cours des enquêtes ou des instructions portant sur le délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l'article 313-2 du code pénal, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi dès lors que ce délit n'est pas susceptible de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes.

Pour les raisons sus-énoncées, la référence au 8 ° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale par les 14 ° et 15 ° du même article permettant, jusqu'à la date de son abrogation, le recours à la garde à vue prévue par l'article 706-88 dudit code, est contraire à la Constitution.

(2015-508 QPC, 11 décembre 2015, cons. 8 à 14)

Égalité

ÉGALITÉ DEVANT LA LOI

Respect du principe d'égalité : absence de discrimination injustifiée

En l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne, dès lors que le Journal officiel de la République française est mis à la disposition du public sous forme électronique de manière permanente et gratuite, le législateur organique pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, prévoir que les lois, les ordonnances, les décrets et, lorsqu'une loi ou un décret le prévoit, les autres actes administratifs seront publiés au Journal officiel de la République française exclusivement par voie électronique.

(2015-724 DC, 17 décembre 2015, cons. 5)

Collectivités territoriales

Répartition des dotations entre catégories de collectivités territoriales

Les dispositions de l'article 33 de la loi de finances pour 2016, relatives au montant de la dotation globale de fonctionnement, qui ne modifient pas les dispositions des articles L. 2334-1, L. 3334-1, L. 4332-4 et L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales relatives aux règles selon lesquelles la dotation globale de fonctionnement est répartie entre les communes et leurs établissements publics, les départements et les régions, ne créent aucune discrimination injustifiée entre les différentes catégories de collectivités territoriales.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 20 et 22)

Droit fiscal

Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État que les personnes soumises à une imposition commune sont, alors même qu'elles sont séparées ou divorcées, réputées continuer de se représenter mutuellement dans les instances relatives à la dette fiscale correspondant à l'ensemble des revenus du foyer perçus pendant la période d'imposition commune.

Si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. Les dispositions de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales telles qu'interprétées, qui traitent de la même manière, comme codébitrices de l'impôt sur les revenus perçus au cours de la période d'imposition commune, les personnes soumises à une imposition commune en application des articles 6 et 7 du code général des impôts, quelle que soit l'évolution de leur situation matrimoniale, de leurs liens au titre d'un pacte civil de solidarité ou de leur résidence au cours de la procédure de contrôle de l'impôt, ne méconnaissent pas le principe d'égalité.

(2015-503 QPC, 4 décembre 2015, cons. 6, 10 et 11)

Droit social

Sécurité sociale

En vertu des dispositions de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, à la différence de la compensation opérée entre les régimes obligatoires de base d'assurance-vieillesse de salariés, laquelle a pour objet de remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives, celle qui est opérée entre, d'une part, l'ensemble des régimes de salariés et, d'autre part, chacun des régimes de non-salariés a uniquement pour objet de remédier aux déséquilibres démographiques.

Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1974 que le législateur a ainsi entendu poursuivre l'objectif d'intérêt général de solidarité mis en œuvre tant au sein de chaque régime de base de sécurité sociale qu'entre régimes différents.

Préalablement à la compensation entre, d'une part, les régimes obligatoires de base d'assurance-vieillesse de salariés et, d'autre part, les régimes obligatoires de base d'assurance-vieillesse de non-salariés, il est opéré une compensation entre les seuls régimes de salariés. Cette différence de traitement entre régimes obligatoires de base d'assurance-vieillesse selon qu'ils ont en charge des salariés ou des non-salariés est inhérente aux modalités selon lesquelles s'est progressivement développée l'assurance-vieillesse en France ainsi qu'à la diversité corrélative de ces régimes. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi entre ces deux catégories de régimes doit être écarté.

(2015-495 QPC, 20 octobre 2015, cons. 1, 5, 6, 8 et 9)

Les deux premiers alinéas de l'article L. 160-17 du code de la sécurité sociale prévoient une prise en charge des frais de santé des personnes exerçant une activité professionnelle par les organismes chargés de la gestion des régimes obligatoires d'assurance maladie auxquels elles sont affiliées. Ils renvoient à un décret la détermination des conditions de cette prise en charge ainsi que de celle des personnes n'exerçant pas d'activité professionnelle. Le troisième alinéa du même article autorise les mutuelles ou groupements de mutuelles régis par le code de la mutualité à recevoir délégation pour l'exécution, en tout ou partie, d'opérations de gestion du régime obligatoire d'assurance maladie pour les étudiants et les fonctionnaires en activité et en retraite. Il autorise également une telle délégation aux mêmes organismes ainsi qu'aux assureurs ou groupements d'assureurs régis par le code des assurances pour les travailleurs indépendants des professions non agricoles. Les dispositions des quatrième et cinquième alinéas du même article prévoient la conclusion de conventions au niveau national et leur mise en œuvre par des contrats locaux ainsi que l'octroi de remises de gestion à ces organismes en contrepartie des dépenses de fonctionnement exposées. Les deux derniers alinéas de l'article L. 160-17 renvoient à un décret en Conseil d'État les modalités d'organisation, de mise en œuvre et de financement de ces opérations de gestion ainsi que les conditions dans lesquelles il peut y être mis fin en cas de défaillance. Les dispositions de l'article L. 160-17 instaurent des règles relatives à la gestion de la prise en charge des frais de santé au titre des régimes obligatoires de base d'assurance maladie. En elles-mêmes, de telles dispositions, qui n'introduisent aucune discrimination ni entre les personnes qui bénéficient de cette protection sociale ni entre les organismes pouvant se voir déléguer cette gestion, ne méconnaissent pas le principe d'égalité.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 30 à 32)

Droit économique

Des dispositions imposant la même obligation déclarative à une société mère ayant son siège en France et répondant aux critères fixés au 1 du paragraphe I de l'article 223 quinquies C du code général des impôts et à une société établie en France contrôlée par une société ayant son siège à l'étranger et répondant aux mêmes critères ne créent pas de différence de traitement et ne portent pas atteinte au principe d'égalité.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 29 et 31)

Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation

Collectivités territoriales

Les collectivités territoriales et les administrations de l'État ne sont pas dans la même situation au regard de l'affectation des ressources publiques. En elle-même, la différence de traitement entre l'État et les collectivités territoriales pour l'affectation de leurs ressources ne méconnaît pas le principe d'égalité.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 20 et 21)

Droit civil

Droit des personnes et de la famille

En premier lieu, l'époux divorcé débiteur d'une indemnité allouée à titre exceptionnel et l'époux divorcé débiteur d'une prestation compensatoire sont dans une situation différente.

En deuxième lieu, d'une part, selon l'interprétation donnée par la Cour de cassation de la disposition contestée en raison des conditions d'attribution et de la nature particulières de l'indemnité allouée à titre exceptionnel, le débiteur de cette indemnité, qu'elle soit fixée sous forme de capital, de rente temporaire ou de rente viagère, n'a pas la possibilité d'en demander la révision. Selon les dispositions de la loi du 11 juillet 1975, la prestation compensatoire prend la forme d'un capital lorsque la consistance des biens de l'époux débiteur le permet ou, à défaut, d'une rente attribuée pour une durée égale ou inférieure à la vie de l'époux créancier. Aux termes de l'article 273 du code civil issu de ladite loi « La prestation compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être révisée même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité ». La différence de traitement ainsi instituée entre le débiteur de l'indemnité exceptionnelle et celui de la prestation compensatoire, en ce qui concerne la possibilité de révision de l'une et de l'autre lorsqu'elles sont fixées sous forme de rente, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

D'autre part, si les modifications du régime de la prestation compensatoire postérieures à la loi du 11 juillet 1975 ont accru la différence de traitement entre le débiteur de la prestation compensatoire dont le paiement a été ordonné avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 et celui d'une indemnité exceptionnelle accordée en application de l'article 280-1 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 11 juillet 1975 et abrogé par la loi du 26 mai 2004, lorsque l'une et l'autre sont fixées sous forme de rente viagère, ces modifications successives n'ont pas pour effet de priver cette différence de traitement de rapport direct avec l'objet de la loi qui l'a initialement établie en raison de la nature distincte de ces deux créances consécutives au divorce. En outre, l'abrogation des dispositions de l'article 280-1 du code civil par la loi du 26 mai 2004 et la modification des conditions d'attribution de la prestation compensatoire introduites par cette loi dans l'article 271 du code civil rendent inopérante la comparaison de la situation du débiteur de l'indemnité exceptionnelle et celle du débiteur de la prestation compensatoire fixée en application de ces nouvelles dispositions. Il s'ensuit que, par elle-même, la disposition contestée ne méconnaît pas le principe d'égalité.

(2015-488 QPC, 7 octobre 2015, cons. 8 à 11)

Droit social

Catégories particulières de bénéficiaires de droits

Les anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie qui relevaient du statut civil de droit local ne sont pas dans la même situation que les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie qui relevaient du statut civil de droit commun. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 18 décembre 2013 que le législateur a entendu indemniser non les charges entraînées par le départ d'Algérie mais le préjudice de ceux des anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie qui ont connu des difficultés particulières d'insertion après leur arrivée sur le territoire national. En réservant le bénéfice de l'attribution de l'allocation de reconnaissance aux anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, le législateur a retenu un critère qui est en rapport direct avec l'objet de la loi.

(2015-504/505 QPC, 4 décembre 2015, cons. 2 et 10 à 12)

Droit du travail et droit syndical

Les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs ont pour objet la défense des droits et des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des salariés, pour les premières, et des employeurs, pour les secondes. La nature des intérêts que ces deux catégories d'organisations défendent les place dans une situation différente au regard des règles qui organisent le paritarisme. Ainsi, en prévoyant, au 1 ° de l'article L. 2135-13 du code du travail, que le montant des crédits alloués aux organisations syndicales de salariés au titre de la mission liée au paritarisme est réparti de façon uniforme entre elles, alors même que d'autres règles sont prévues pour la répartition du montant des crédits alloués aux organisations professionnelles d'employeurs à ce titre, le législateur a traité différemment des situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

(2015-502 QPC, 27 novembre 2015, cons. 6 et 7)

Sécurité sociale

Les dispositions de l'article L. 160-2 du code de la sécurité sociale prévoient que les mineurs n'exerçant pas d'activité professionnelle ne peuvent bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé qu'en tant qu'ayants droit d'un assuré social. Elles prévoient toutefois une dérogation en faveur des enfants qui ont atteint l'âge de seize ans, lesquels peuvent demander à bénéficier à titre personnel de la prise en charge de leurs frais de santé. Elles imposent également une prise en charge des frais de santé à titre personnel pour les enfants ayant atteint l'âge de seize ans qui poursuivent des études supérieures.

Ces dispositions instituent une différence de traitement, au regard des modalités de gestion de la prise en charge des frais de santé, d'une part, entre les mineurs et les autres assurés sociaux et, d'autre part, entre les mineurs de moins de seize ans et les autres mineurs. Ces différences de traitement correspondent à des différences de situation. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prendre en compte le fait que les mineurs n'ont pas encore débuté leur vie professionnelle ou entamé des études supérieures et qu'ils peuvent être rattachés à leurs parents ou aux personnes majeures disposant de l'autorité parentale : ils ne sont donc pas susceptibles de connaître, pendant la période au cours de laquelle ils demeurent des ayants droit, de changement de leur situation personnelle de nature à modifier leur rattachement à un organisme de gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale. Les mineurs ayant plus de seize ans pourront, dans certaines conditions, demander à être gérés en tant qu'assurés de manière autonome. La différence de traitement qui en résulte entre les mineurs et les autres personnes bénéficiant de la prise en charge de leurs frais de santé est en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur. Il en va de même de la différence de traitement entre les mineurs de moins de seize ans et les autres mineurs.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 24 à 28)

Emploi des travailleurs handicapés

L'article L. 5212-2 du code du travail impose aux employeurs d'employer des travailleurs handicapés dans la proportion de 6 % de leurs effectifs salariés. En vertu des dispositions combinées des articles L. 1111-2 et L. 5212-2 du code du travail, tous les salariés d'une entreprise sont pris en compte pour apprécier si elle est assujettie à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Le second alinéa de l'article L. 5212-3 de ce code prévoit, par dérogation à cette règle, que les entreprises de travail temporaire ne sont assujetties à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés que pour leurs salariés permanents. Ni les dispositions de l'article L. 5212-3 du code du travail ni aucune autre disposition ne prévoit une dérogation identique au bénéfice des groupements d'employeurs.

Si les groupements d'employeurs s'apparentent aux entreprises de travail temporaire en ce qu'ils fournissent de la main-d'œuvre à des entreprises utilisatrices, ils s'en distinguent en raison, d'une part, des liens juridiques entre le groupement et les employeurs qui y adhèrent et, d'autre part, de la répartition des responsabilités, entre le groupement et ses membres, ceux-ci étant solidairement tenus des dettes du groupement à l'égard de ses salariés. Les groupements d'employeurs se trouvent, par conséquent, dans une situation différente de celle des entreprises de travail temporaire. Dès lors, le législateur pouvait, pour la détermination de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, retenir des modes de comptabilisation des salariés employés distincts pour les groupements d'employeurs et pour les entreprises de travail temporaire sans méconnaître le principe d'égalité.

(2015-497 QPC, 20 novembre 2015, cons. 9 à 11)

Enseignement

En énumérant de manière limitative, dans l'article L. 6241-9 du code du travail, les établissements habilités à percevoir les versements libératoires effectués au titre de la fraction dite du « hors quota » de la taxe d'apprentissage, le législateur a entendu favoriser l'affectation de ressources publiques destinées à financer des formations technologiques et professionnelles dispensées en formation initiale hors du cadre de l'apprentissage aux établissements publics d'enseignement secondaire et d'enseignement supérieur, à ceux qui sont gérés par les chambres consulaires, auxquelles le législateur a donné la faculté de créer et d'administrer des établissements d'enseignement, aux établissements publics ou privés dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères chargés de la santé, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports, aux établissements privés d'enseignement du second degré sous contrat d'association avec l'État, à ce titre soumis à des obligations et à un contrôle particuliers tant sur le programme que sur les règles d'enseignement, et aux établissements privés relevant de l'enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif. Les établissements d'enseignement qui relèvent de l'une des catégories énumérées aux 1 ° à 6 ° de l'article L. 6241-9 du code du travail sont, soit en raison de leur statut, soit en raison de leur mode de gestion, soit en raison de leurs obligations pédagogiques et des contrôles qui s'y rattachent, dans une situation différente de celle des autres établissements d'enseignement. En outre, la disposition en cause ne permet, pour les écoles et établissements habilités, que la perception éventuelle de moyens de financement de certains frais. Il s'ensuit que l'exclusion des établissements privés d'enseignement non habilités à percevoir la part de la taxe d'apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au 1 ° de l'article L. 6241-8 du code du travail est fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté.

(2015-496 QPC, 21 octobre 2015, cons. 7)

Droit de la santé

Le 1 ° du paragraphe I de l'article 77 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 modifie le paragraphe II de l'article 33 de la loi du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 afin de prolonger de quatre ans le dispositif transitoire permettant, par exception aux dispositions du paragraphe I de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale, aux établissements de santé publics et aux établissements de santé privés participant au service public hospitalier de continuer, jusqu'au 31 décembre 2019, à calculer la participation financière des assurés aux frais de soins sur la base des tarifs journaliers de prestations et non sur la base des tarifs nationaux de prestations issus des groupes homogènes de séjours.

Les établissements de santé publics et les établissements de santé privés participant au service public hospitalier sont, compte tenu de leurs statuts, placés dans des situations différentes de celle des autres établissements de santé au regard des règles de tarification des soins. Ainsi en prolongeant pour une durée de quatre ans les règles dérogatoires relatives à la détermination de l'assiette de la participation financière des assurés aux frais de soins, le législateur a traité différemment des situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 40 et 42)

Droit commercial

Les entreprises exerçant des activités professionnelles libérales soumises à statut législatif ou réglementaire sont dans une situation différente de celle des autres entreprises. En excluant, au quatrième alinéa de l'article L. 631-19-1 du code de commerce, du champ d'application des mécanismes prévus par les deux premiers alinéas de cet article les débiteurs exerçant de telles activités, le législateur a entendu tenir compte des règles particulières qui s'imposent, à titre personnel, aux dirigeants de ces entreprises, qui doivent notamment faire l'objet, en fonction de l'activité libérale exercée, d'un agrément, d'une inscription ou d'une titularisation. L'exclusion qui résulte des dispositions contestées est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.

(2015-486 QPC, 7 octobre 2015, cons. 6 et 12)

Considérations d'intérêt général justifiant une différence de traitement

Droit social

Prestations d'aide sociale

Le paragraphe I de l'article 143 prévoit que les particuliers rattachés au foyer fiscal de leurs parents ne sont pas éligibles aux aides mentionnées à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation et aux articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale lorsque ces derniers sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune.

En prévoyant que les personnes rattachées au foyer fiscal de leurs parents ne sont pas éligibles aux aides personnelles au logement lorsque ces derniers sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre des personnes qui sont, au regard de l'attribution d'une aide sociale personnelle et de leur situation patrimoniale propre, dans la même situation.

Par les dispositions de l'article 140 de la loi déférée, le législateur a modifié les conditions d'attribution des aides personnelles au logement prévues par l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation et par les articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale. À ce titre, il a prévu, en plus du critère de ressources du demandeur, la prise en compte d'un critère tiré de la valeur en capital du patrimoine du demandeur. Par les dispositions contestées de l'article 143 de la loi déférée, le législateur a également retenu un nouveau critère, relatif au patrimoine, pour l'attribution de ces aides personnelles au logement lorsque la personne est rattachée au foyer fiscal de ses parents. Le législateur a ainsi entendu poursuivre un objectif d'intérêt général d'adaptation des conditions d'octroi d'une aide sociale en faveur du logement aux moyens dont dispose directement ou indirectement la personne afin de se loger. Le critère d'assujettissement des parents de la personne à l'impôt de solidarité sur la fortune est, s'agissant d'une aide sociale en faveur du logement accordée à une personne rattachée au foyer fiscal de ses parents, un critère en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit dès lors être écarté.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 35 à 38)

Violation du principe d'égalité

Droit fiscal

La cotisation de solidarité due par les pluriactifs indépendants qui n'exercent pas l'activité de chef d'exploitation agricole à titre principal n'ouvre aucun droit aux prestations servies par la branche vieillesse du régime de sécurité sociale des exploitants agricoles. Cette cotisation présente donc le caractère d'une imposition de toutes natures. Cette cotisation de solidarité a pour objet de dégager des recettes supplémentaires afin de les affecter au financement du régime d'assurance vieillesse des exploitants agricoles. Elle est assise sur les revenus tirés d'une activité professionnelle non salariée. Les dispositions contestées prévoient qu'en sont redevables les seules personnes exerçant des activités professionnelles non salariées et dont l'activité agricole n'est pas considérée, au regard des règles d'affiliation aux régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, comme leur activité principale. Les autres personnes exerçant simultanément plusieurs activités professionnelles et tirant une partie de leurs revenus professionnels d'une activité non salariée ne sont pas assujetties à la cotisation de solidarité. Le législateur a ainsi traité différemment des personnes qui perçoivent des revenus de même nature. Cette différence de traitement au regard de l'assujettissement à une imposition de toutes natures n'est pas en rapport direct avec l'objet de la loi. Par suite, les dispositions de la seconde phrase de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale méconnaissent le principe d'égalité.

(2015-509 QPC, 11 décembre 2015, cons. 1 et 4 à 6)

L'article 77 de la loi de finances pour 2016 est relatif au versement d'une fraction de la prime d'activité sous la forme d'une réduction dégressive de contribution sociale généralisée. Ses paragraphes III et IV modifient le code de la sécurité sociale pour instaurer, au bénéfice des salariés et des agents publics dont le salaire ou le traitement est inférieur ou égal à 1,34 fois le salaire minimum de croissance, un mécanisme de réduction dégressive de la contribution sociale généralisée sur les revenus d'activité et de remplacement, en déduction de la prime d'activité prévue à l'article L. 841-1 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 17 août 2015.

Il ressort des travaux parlementaires que, dans l'intention d'augmenter le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes, le législateur a entendu, d'une part, instituer une modalité particulière de décaissement de la prime d'activité et, d'autre part, accroître le taux de recours à cette prime en dispensant les travailleurs qui y sont éligibles d'engager des démarches pour percevoir cette prime.

Toutefois, le bénéfice du mécanisme institué par les dispositions des paragraphes III et IV de l'article 77 est réservé aux seuls travailleurs salariés ou agents publics, à l'exclusion des travailleurs non salariés. Le législateur a ainsi traité différemment des personnes se trouvant dans des situations identiques dès lors qu'en vertu de l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale sont éligibles à la prime d'activité « les travailleurs aux ressources modestes, qu'ils soient salariés ou non salariés ». Cette différence de traitement n'est pas en rapport avec l'objet de la loi. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions des paragraphes III et IV de l'article 77 doivent être déclarées contraires à la Constitution. Il en va de même du surplus de l'article 77, qui en est inséparable.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 24, 25, 27 et 28)

ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE

Amnistie et autres mesures d'effacement de la peine

Réhabilitation judiciaire

Le premier alinéa de l'article 786 du code de procédure pénale fixe le délai à l'issue duquel une personne condamnée pénalement peut former une demande en réhabilitation judiciaire. Le deuxième alinéa du même article détermine le point de départ de ce délai lorsque la personne a été condamnée à une peine d'amende ou d'emprisonnement. Aux termes du troisième alinéa de ce même article : « À l'égard des condamnés à une sanction pénale autre que l'emprisonnement ou l'amende, prononcée à titre principal, ce délai part de l'expiration de la sanction subie ».

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense.

D'une part, qu'au regard de la réhabilitation judiciaire, les personnes condamnées à une peine à titre principal sont dans une situation différente de celles condamnées à la même peine à titre complémentaire. D'autre part, la réhabilitation judiciaire a pour objet de favoriser le reclassement du condamné. Dans cette perspective, le législateur a pu décider que la réhabilitation ne peut être prononcée que lorsque la peine principale est exécutée ou prescrite et qu'elle entraîne l'effacement tant de la peine principale que des peines complémentaires. Par suite, la différence de traitement entre le condamné à une peine définitive autre que l'emprisonnement ou l'amende prononcée à titre complémentaire, qui peut bénéficier d'un effacement de cette peine par l'effet d'une réhabilitation judiciaire, et le condamné à la même peine prononcée à titre principal, qui ne peut bénéficier d'un même effacement, est en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. Le grief tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et la justice doit être écarté.

(2015-501 QPC, 27 novembre 2015, cons. 1 et 3 à 6)

Égalité et droits - Garanties des justiciables

Égalité dans l'exercice des voies de recours

D'une part, le législateur n'a pas prévu une répression pénale différente pour l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité selon que ces crimes ont été commis ou non pendant la seconde guerre mondiale. D'autre part, il ne ressort ni des dispositions contestées ou d'une autre disposition législative ni des travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 1990 ayant créé les dispositions contestées l'existence de motifs justifiant de réserver aux seules associations défendant les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés la faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Par suite, les dispositions de l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, en excluant du bénéfice de l'exercice des droits reconnus à la partie civile les associations qui se proposent de défendre les intérêts moraux et l'honneur des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité autres que ceux commis durant la seconde guerre mondiale, méconnaissent le principe d'égalité devant la justice.

(2015-492 QPC, 16 octobre 2015, cons. 6 et 7)

ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES

Champ d'application du principe

Égalité en matière d'impositions de toutes natures

Retraites

Le paragraphe I de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale institue une contribution, à la charge de l'employeur, sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise. Selon le paragraphe II bis du même article, une contribution additionnelle, à la charge de l'employeur, est perçue « sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel défini à l'article L. 241-3 » et dont le taux a été fixé à 45 % à compter du 1er janvier 2015 par le paragraphe I de l'article 17 de la loi du 22 décembre 2014.

En instituant les dispositions du paragraphe II bis de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, le législateur a entendu soumettre à une contribution d'un montant élevé les rentes les plus importantes. En prévoyant que la contribution additionnelle s'applique au versement des rentes excédant huit fois le plafond annuel défini à l'article L. 241-3 du code de la sécurité, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec l'objet de la loi.

Toutefois, par l'effet du paragraphe II bis de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale dans la rédaction que lui a donné le paragraphe I de l'article 17 de la loi du 22 décembre 2014, la contribution additionnelle s'applique au taux de 45 % à l'intégralité du montant de la rente versée au cours de l'année dès lors que ce montant excède huit fois le plafond annuel défini à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Aucun mécanisme n'atténue l'effet de seuil provoqué par l'application de ce taux ; que, pour apprécier l'ampleur d'un effet de seuil résultant de l'imposition principale et d'une imposition additionnelle, il convient de rapporter cet effet au total de cette imposition additionnelle et de l'imposition principale. En l'espèce, les effets de seuil qui résultent de l'institution de la contribution additionnelle au taux de 45 % sont excessifs, quelle que soit l'option retenue par l'employeur pour le calcul de la contribution prévue au paragraphe I de l'article L. 137-11. Ainsi, les dispositions contestées créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Censure du paragraphe II bis de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.

(2015-498 QPC, 20 novembre 2015, cons. 1, 2, 4, 6 et 7)

Égalité en dehors des impositions de toutes natures

En énumérant de manière limitative, dans l'article L. 6241-9 du code du travail, les établissements habilités à percevoir les versements libératoires effectués au titre de la fraction dite du « hors quota » de la taxe d'apprentissage, le législateur a entendu favoriser l'affectation de ressources publiques destinées à financer des formations technologiques et professionnelles dispensées en formation initiale hors du cadre de l'apprentissage aux établissements publics d'enseignement secondaire et d'enseignement supérieur, à ceux qui sont gérés par les chambres consulaires, auxquelles le législateur a donné la faculté de créer et d'administrer des établissements d'enseignement, aux établissements publics ou privés dispensant des formations conduisant aux diplômes professionnels délivrés par les ministères chargés de la santé, des affaires sociales, de la jeunesse et des sports, aux établissements privés d'enseignement du second degré sous contrat d'association avec l'État, à ce titre soumis à des obligations et à un contrôle particuliers tant sur le programme que sur les règles d'enseignement, et aux établissements privés relevant de l'enseignement supérieur gérés par des organismes à but non lucratif. Les établissements d'enseignement qui relèvent de l'une des catégories énumérées aux 1 ° à 6 ° de l'article L. 6241-9 du code du travail sont, soit en raison de leur statut, soit en raison de leur mode de gestion, soit en raison de leurs obligations pédagogiques et des contrôles qui s'y rattachent, dans une situation différente de celle des autres établissements d'enseignement. En outre, la disposition en cause ne permet, pour les écoles et établissements habilités, que la perception éventuelle de moyens de financement de certains frais. Il s'ensuit que l'exclusion des établissements privés d'enseignement non habilités à percevoir la part de la taxe d'apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au 1 ° de l'article L. 6241-8 du code du travail est fondée sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts que le législateur se propose. Il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit être écarté.

(2015-496 QPC, 21 octobre 2015, cons. 7)

Droit social

En vertu des dispositions de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, à la différence de la compensation opérée entre les régimes obligatoires de base d'assurance-vieillesse de salariés, laquelle a pour objet de remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives, celle qui est opérée entre, d'une part, l'ensemble des régimes de salariés et, d'autre part, chacun des régimes de non-salariés a uniquement pour objet de remédier aux déséquilibres démographiques. Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 24 décembre 1974 que le législateur a ainsi entendu poursuivre l'objectif d'intérêt général de solidarité mis en œuvre tant au sein de chaque régime de base de sécurité sociale qu'entre régimes différents.

D'une part, la compensation généralisée entre régimes obligatoires de base d'assurance-vieillesse instaurée par le législateur a principalement pour objet de neutraliser les déséquilibres financiers pouvant résulter, dans le cadre d'un système de retraite par répartition distinguant des régimes organisés sur une base socio-professionnelle, du rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés d'un même régime. En prévoyant que la compensation entre, d'une part, l'ensemble des régimes de salariés et, d'autre part, chacun des régimes de non-salariés repose exclusivement sur des critères démographiques, sans que ces critères soient pondérés par la prise en compte des capacités contributives, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi.

D'autre part, les régimes obligatoires de base d'assurance-vieillesse, qui perçoivent des cotisations assises principalement sur une assiette plafonnée et servent des pensions de retraite de base également plafonnées, fonctionnent dans le cadre d'un système de retraite par répartition. Il s'ensuit que les dispositions de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, en assurant une compensation financière entre régimes reposant sur des critères démographiques, n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

(2015-495 QPC, 20 octobre 2015, cons. 1, 5, 7, 8, 10 et 11)

En vertu des dispositions combinées des articles L. 1111-2 et L. 5212-2 du code du travail, tous les salariés d'un groupement d'employeurs, qu'ils soient permanents ou qu'ils soient mis à disposition d'une entreprise utilisatrice, sont pris en compte pour apprécier si le groupement d'employeurs est assujetti à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Les dispositions contestées ne sauraient, sans créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que les salariés d'un groupement d'employeurs mis à disposition d'une entreprise utilisatrice soient pris en compte dans le nombre des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, lorsqu'ils sont dénombrés dans l'assiette d'assujettissement du groupement à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Sous cette réserve, les mots « à due proportion de son temps de travail dans l'entreprise au cours de l'année civile » figurant au premier alinéa de l'article L. 5212-14 du code du travail, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution.

(2015-497 QPC, 20 novembre 2015, cons. 12 à 14)

Indemnisations

En vertu du B du paragraphe XIII de l'article 59 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le préjudice susceptible de résulter du transfert d'opérations de gestion déléguées à des mutuelles, groupements de mutuelles, assureurs ou groupements d'assureurs donne lieu à indemnité s'il a pour origine les modifications apportées aux règles régissant les délégations de gestion et présente un caractère anormal et spécial. L'indemnité, fixée dans le cadre d'un constat établi à la suite d'une procédure contradictoire, voit ses conditions et son montant fixés par décret.

L'indemnisation prévue par le B du paragraphe XIII de l'article 59 ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques et le bon emploi des deniers publics, permettre l'allocation d'indemnités ne correspondant pas au préjudice subi du fait de la modification des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux délégations de gestion des risques par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 34 et 38)

Contrôle du principe - Conditions du contrôle

Cadre d'appréciation du principe

Pour apprécier l'ampleur d'un effet de seuil résultant de l'imposition principale et d'une imposition additionnelle, il convient de rapporter cet effet au total de cette imposition additionnelle et de l'imposition principale.

(2015-498 QPC, 20 novembre 2015, cons. 7)

L'appréciation du caractère confiscatoire d'une imposition acquittée par l'employeur pour le versement de rentes à ses anciens salariés s'opère en rapportant le total des impositions que l'employeur doit acquitter à la somme de ce total et des rentes versées.

(2015-498 QPC, 20 novembre 2015, cons. 5)

Contrôle du principe - exercice du contrôle

Adéquation des dispositions législatives

En prévoyant un crédit d'impôt en cas de souscription, par une personne âgée de plus de soixante-cinq ans, d'un contrat d'assurance complémentaire en matière de santé ayant fait l'objet d'une labellisation, le législateur a voulu favoriser une offre de contrats à prix raisonnable et de qualité pour cette catégorie de contrats. En limitant le bénéfice de ce crédit d'impôt aux seuls contrats d'assurance complémentaire santé individuels souscrits par les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, il a pris en compte le coût des cotisations de ces contrats pour ces personnes notamment au regard des garanties offertes. Par suite, en subordonnant l'avantage fiscal instauré par les dispositions contestées à la conclusion de contrats d'assurance complémentaire en matière de santé par des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel. Dès lors, les dispositions ne méconnaissent pas l'article 13 de la Déclaration de 1789.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 14)

Proportionnalité des dispositions législatives

Proportionnalité par rapport aux facultés contributives (impôt confiscatoire)

Le paragraphe I de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale institue une contribution, à la charge de l'employeur, sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise. Selon le paragraphe II bis du même article, une contribution additionnelle, à la charge de l'employeur, est perçue « sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel défini à l'article L. 241-3 » et dont le taux a été fixé à 45 % à compter du 1er janvier 2015 par le paragraphe I de l'article 17 de la loi du 22 décembre 2014.

L'appréciation du caractère confiscatoire de la contribution additionnelle instituée par les dispositions du paragraphe II bis de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale s'opère en rapportant le total des impositions que l'employeur doit acquitter à la somme de ce total et des rentes versées.

La contribution prévue par le paragraphe I de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est assise, sur option de l'employeur, soit sur les rentes versées aux bénéficiaires, au taux de 16 % lorsque la retraite a été liquidée entre le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 2013 ou au taux de 32 % lorsque la retraite a été liquidée à compter du 1er janvier 2013, soit, quand l'assiette porte sur les primes versées à un organisme d'assurance, une institution de prévoyance ou une mutuelle, au taux de 24 %, soit, en cas de gestion interne, sur les dotations aux provisions ou les montants des engagements mentionnés en annexe au bilan pour leur fraction correspondant au coût des services rendus au cours de l'exercice, au taux de 48 %. Le paragraphe II bis de l'article L. 137-11 prévoit que s'ajoute à cette contribution, quelle que soit l'option exercée par l'employeur, une contribution additionnelle de 45 % sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale défini à l'article L. 241-3 du même code.

Dans ces conditions, quelles que soient les règles d'assiette et de taux de la contribution prévue par le paragraphe I de l'article L. 137-11, le niveau de taxation que doit supporter l'employeur du fait du cumul de la contribution prévue à ce paragraphe I et de la contribution additionnelle prévue au paragraphe II bis du même article ne fait pas peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive.

(2015-498 QPC, 20 novembre 2015, cons. 1, 2, 4 et 5)

Finances publiques

PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX

Principe de sincérité

Loi de finances

Régime de la loi organique relative aux lois de finances de 2001

Selon les députés requérants, l'hypothèse de croissance potentielle, qui diffère de celle retenue dans la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 susvisée, contrevient, par voie de conséquence, aux dispositions de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012. Les sénateurs requérants font valoir que l'hypothèse d'inflation pour l'année 2016 est surévaluée. Ils soutiennent également que les prévisions de recettes et de charges pour 2016 sont particulièrement aléatoires. Il en résulterait une atteinte à la sincérité de la loi de finances.

Aux termes de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Il en résulte que la sincérité de la loi de finances de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine.

En premier lieu, il ne ressort ni de l'avis du Haut conseil des finances publiques du 25 septembre 2015 ni des autres éléments soumis au Conseil constitutionnel que les hypothèses économiques et les prévisions de recettes et de charges sur lesquelles est fondée la loi de finances soient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine.

En second lieu, si le Haut conseil des finances publiques a relevé dans son avis qu'une révision des hypothèses de croissance potentielle en dehors du cadre de la loi de programmation des finances publiques « ne permet pas de suivre convenablement l'évolution de la composante structurelle du déficit et nuit à la lisibilité de la politique budgétaire », une telle révision ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 3 à 6)

Les sénateurs requérants contestent la sincérité des dispositions de la loi de finances pour 2016 qui sont relatives au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ainsi qu'au programme « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du budget général de l'État. L'introduction de ces mesures en nouvelle lecture aurait entaché d'insincérité la loi de finances initiale dès lors qu'elles n'ont été présentées qu'à l'occasion du dépôt du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

L'article 3 du projet de loi de finances rectificative pour 2015 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2015 prévoyait la création, à compter du 1er janvier 2016, d'un nouveau compte d'affectation spéciale, financé par des recettes issues de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité et de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel et destiné à financer les dépenses en faveur de la transition énergétique. En outre, une annexe explicative à ce projet de loi mentionnait qu'il était envisagé de créer également un nouveau programme « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du budget général de l'État pour l'année 2016, finançant des aides en faveur des « ménages en situation de précarité énergétique », des acteurs mettant en œuvre des « dispositifs de soutien à la cogénération » et des « secteurs électro-intensifs ». Il ressort des travaux parlementaires que, lors de la nouvelle lecture de la loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté des amendements pour tirer les conséquences des mesures prévues par le projet de loi de finances rectificative, alors en discussion, tendant à la création d'un nouveau compte d'affectation spéciale et réformant la contribution au service public de l'électricité. Les dispositions ainsi introduites en nouvelle lecture n'ont pas eu pour objet ou pour effet d'altérer la sincérité de la loi de finances pour 2016.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 7 et 8)

Loi de financement de la sécurité sociale

Les conséquences des dispositions des articles 59 et 78 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ont été évaluées et prises en compte dans la détermination des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale. Ces dispositions ne portent aucune atteinte à la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 2 à 4)

PROCÉDURE D'EXAMEN

Structure de la loi

Répartition entre première et seconde partie de la loi de finances

Des dispositions élargissant le champ d'application de la taxe sur les transactions financières prévues à l'article 235 ter ZD du code général des impôts à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital ou d'un titre de capital assimilé admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, y compris lorsque cette acquisition n'a pas donné lieu à une inscription au compte titre de l'acquéreur, ont été placées à tort dans la première partie de la loi de finances pour 2016 dès lors que, d'une part, la taxe est exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s'est produite l'acquisition du titre et, d'autre part, les dispositions entrent en vigueur le 31 décembre 2016. Censure.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 14)

PÉRIMÈTRE DE LA LOI (VOIR ÉGALEMENT TITRE 3 NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES - CONDITIONS DE RECOURS À LA LOI)

Périmètre des lois

Domaine interdit (cavaliers)

Loi de finances

Régime de la loi organique relative aux lois de finances

L'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2015 modifie l'article 14 de la loi du 10 septembre 1947 afin de fixer de nouvelles règles de rémunération du capital des sociétés coopératives. L'article 100 modifie le paragraphe I de l'article 122 de la loi de finances rectificative pour 2005 afin d'étendre le dispositif de prise en charge des dettes sociales des chefs d'exploitation agricole exerçant leur activité en Corse au titre des périodes d'activité comprises entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2014. L'article 115 modifie les dispositions des articles L. 5211-12 et L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales relatives au régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes ainsi que des syndicats mixtes. Ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État. Elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État. Elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières. Elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques. Ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001. Il suit de là que les articles 43, 100 et 115 de la loi déférée ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution. Censure.

(2015-726 DC, 29 décembre 2015, cons. 19 à 22)

Loi de financement de la sécurité sociale

Régime de la loi organique relative aux lois de financement modifiée en 2005

L'article 35 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit la remise d'un rapport sur l'extension de l'assurance complémentaire santé d'entreprise. Cette disposition n'a pas pour objet d'améliorer l'information et le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Par suite, elle ne trouve pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Censure.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 49 et 50)

En vertu du B du paragraphe XIII de l'article 59 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le préjudice susceptible de résulter du transfert d'opérations de gestion déléguées à des mutuelles, groupements de mutuelles, assureurs ou groupements d'assureurs donne lieu à indemnité s'il a pour origine les modifications apportées aux règles régissant les délégations de gestion et présente un caractère anormal et spécial. L'indemnité, fixée dans le cadre d'un constat établi à la suite d'une procédure contradictoire, voit ses conditions et son montant fixés par décret.

Les dispositions du 18 ° du paragraphe III de l'article 59, qui sont relatives à la délégation de la gestion de la prise en charge des frais de santé des assurés sociaux à des mutuelles, groupements de mutuelles, assureurs ou groupements d'assureurs, ont une incidence sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Par suite, les dispositions du B du paragraphe XIII de l'article 59, qui sont le complément de celles du 18 ° du paragraphe III du même article, trouvent leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 34 à 36)

Des dispositions prévoyant notamment que les contrats d'assurance complémentaire en matière de santé souscrits par des personnes âgées d'au moins soixante-cinq ans ouvrent droit à un crédit d'impôt, au titre de la taxe collectée en application de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale par les organismes de santé mentionnés à cet article, d'un montant annuel égal à 1 % des primes hors taxes acquittées par les souscripteurs ont principalement pour effet de modifier le régime de la taxe de solidarité additionnelle, dont le produit est affecté au financement des régimes obligatoires de base d'assurance maladie. Ces dispositions ont donc un effet sur le produit des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Par suite, elles relèvent du domaine d'une loi de financement de la sécurité sociale.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 10 et 12)

Élections

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

Financement

Établissement d'un compte de campagne

Obligation de dépôt du compte de campagne

Absence de dépôt

Le candidat a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin. À l'expiration du délai prévu par le code électoral, il n'avait pas déposé son compte de campagne. Il n'avait pas davantage produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire financier. La CNCCFP a saisi le Conseil constitutionnel au motif que le candidat n'ayant pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire financier par la préfecture, il ne pouvait être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et était en conséquence tenu de déposer un compte de campagne.

L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, le candidat n'a produit aucun justificatif de nature à combattre cette présomption. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. Par suite, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la décision.

(2015-4949 AN, 19 novembre 2015, cons. 1 à 4)

Le candidat a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin. À l'expiration du délai prévu à l'article L. 52-12 du code électoral, le candidat n'avait pas déposé son compte de campagne. Il n'avait pas davantage produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire financier. La CNCCFP a saisi le Conseil constitutionnel au motif que le candidat n'ayant pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire financier par la préfecture, il ne pouvait être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et était en conséquence tenu de déposer un compte de campagne. L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, le candidat n'a produit aucun justificatif de nature à combattre cette présomption. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. Par suite, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2015-4951 AN, 19 novembre 2015, cons. 1 à 4)

Dispense de dépôt (moins de 1 % des suffrages exprimés et absence de dons de personnes physiques)

Le candidat a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin. À l'expiration du délai prévu à l'article L. 52-12 du code électoral, il n'avait pas déposé son compte de campagne. Il n'avait pas davantage produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire financier.

La CNCCFP a saisi le Conseil constitutionnel au motif que le candidat n'ayant pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire financier par la préfecture, il ne pouvait être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques et était en conséquence tenu de déposer un compte de campagne. L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, postérieurement à la décision de la Commission, le candidat a restitué les carnets de reçus-dons qui avaient été remis à son mandataire financier. Par suite, il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible.

(2015-4950 AN, 19 novembre 2015, cons. 1 à 4)

ÉLECTIONS SÉNATORIALES

Campagne électorale - Moyens de propagande

Réunions

Les requérants se plaignent de ce qu'une réunion a été organisée, la veille du scrutin, par les candidats élus. Pour critiquer l'organisation de cette réunion, les requérants ne peuvent pas utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 49 et L. 49-1 du code électoral, lesquels ne sont pas applicables aux élections sénatoriales.

Par ailleurs, il résulte de l'instruction que cette réunion, qui n'était pas prohibée, n'a pas eu de caractère public et n'a rassemblé que des électeurs proches des candidats élus. Il n'est du reste pas démontré que les candidats élus y auraient pris la parole et qu'elle aurait ainsi été organisée dans un but de propagande électorale. Le grief tiré de ce que l'organisation de cette réunion aurait eu le caractère d'une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté.

(2015-4948 SEN, 19 novembre 2015, cons. 6)

Absence de don ou d'avantage

Les requérants soutiennent que l'octroi, par le gouvernement de la Polynésie française, d'avantages divers au bénéfice des électeurs, ainsi que la prise en charge de frais exposés par les candidats élus lors de certains de leurs déplacements, méconnaissent les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les avantages prétendument accordés aux électeurs auraient effectivement été concédés dans un but électoral. La prise en charge de frais de voyage des candidats élus par le gouvernement de la Polynésie française n'est, par ailleurs, pas établie.

(2015-4948 SEN, 19 novembre 2015, cons. 7 et 8)

Campagne électorale - Interventions, pressions, manœuvres

Interventions

Autres élus

Les requérants se plaignent des interventions répétées du président de la Polynésie française, qui a publiquement fait état de son soutien aux deux candidats élus lors de la campagne électorale. Toutefois, la manifestation publique d'un tel soutien ne constitue pas, par elle-même, une manœuvre de nature à avoir une influence sur les résultats du scrutin.

Si les requérants critiquent en outre la présence de plusieurs membres du gouvernement de la Polynésie française lors de deux déplacements qui ont eu lieu, au cours du mois d'avril 2015, dans la commune de Papara et dans les îles Raromatai, ils n'établissent pas, en tout état de cause, que les deux candidats élus auraient été présents aux côtés du gouvernement lors de ces déplacements. Le grief tiré de ce que de tels soutiens auraient rompu l'égalité entre les candidats doit être écarté.

(2015-4948 SEN, 19 novembre 2015, cons. 2)

Pressions

Pressions sur les électeurs

Les requérants se plaignent de ce que la candidate élue s'est déplacée à l'aéroport de Tahiti -- Faa'a pour accueillir certains électeurs venus des îles durant les jours qui précédaient le scrutin, et qu'elle a, sur sa demande, obtenu de la commune de Papeete qu'un centre d'hébergement soit mis à la disposition de ceux d'entre eux qui le souhaitaient pendant la durée des opérations électorales. De telles circonstances n'établissent pas, par elles-mêmes, l'existence de pressions sur les électeurs.

(2015-4948 SEN, 19 novembre 2015, cons. 3)

Pressions par intimidation ou corruption

Les requérants critiquent les avantages qu'auraient consentis certains membres du gouvernement de la Polynésie française en vue de faire pression sur les électeurs. S'ils dénoncent le retrait d'une plainte, trois jours avant le scrutin, que le gouvernement avait formée à l'encontre de deux communes, ils n'établissent pas que ce retrait aurait été décidé pour des motifs de nature électorale.

(2015-4948 SEN, 19 novembre 2015, cons. 5)

Manœuvres

Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique d'un candidat

Soutiens

Les accords politiques passés avec d'autres partis dans le cadre de la campagne, à supposer que leur existence puisse être tenue pour établie, n'ont pas, par eux-mêmes, le caractère d'une manœuvre de nature à altérer le résultat du scrutin.

(2015-4948 SEN, 19 novembre 2015, cons. 5)

Contentieux - Griefs

Griefs qui ne sont assortis d'aucun commencement de preuve

Les requérants dénoncent l'octroi de subventions, selon eux massif, auquel aurait procédé le gouvernement de la Polynésie française dans le but d'assurer aux deux candidats élus le soutien de certains électeurs. Toutefois, ils n'apportent aucune justification à l'appui de leurs allégations selon lesquelles les subventions critiquées auraient été allouées dans un but électoral. En particulier, ils n'établissent pas qu'elles auraient été accordées en méconnaissance du calendrier fixé par les dispositions de la loi du pays n° 2010-14 du 8 novembre 2010, ni qu'elles auraient été annoncées dans le mois précédant le scrutin.

(2015-4948 SEN, 19 novembre 2015, cons. 4)

Financement

Établissement d'un compte de campagne

Délai du dépôt

Le candidat a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue de l'unique tour de scrutin. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 3 avril 2015 à 18 heures. Le candidat a déposé son compte de campagne le 7 avril 2015, soit après l'expiration de ce délai. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. C'est à bon droit que la CNCCFP a rejeté le compte de campagne du candidat. Eu égard au cumul (avec l'absence de certification par un membre de l'ordre des experts-comptable, avec l'absence de déclaration à la préfecture du nom du mandataire, avec l'absence des pièces relatives aux dépenses retracées par le compte) et au caractère substantiel des obligations méconnues, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2015-4952 SEN, 19 novembre 2015, cons. 4 et 7)

Conditions du dépôt

Certification du compte de campagne par un membre de l'ordre des experts-comptables et comptables agréés

Rejet à bon droit du compte de campagne pour défaut de présentation du compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Il ne résulte pas de l'instruction que le candidat a pris les dispositions nécessaires pour que son compte soit présenté par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés, et la circonstance qu'aucun des membres de cet ordre ne soit présent sur le territoire des îles de Wallis et Futuna est sans influence sur la méconnaissance de cette obligation. Il y a lieu, par suite, de prononcer l'inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an.

(2015-4942 SEN, 19 novembre 2015, cons. 1 à 5)

La circonstance que le compte de campagne n'a pas été présenté par un expert-comptable est établie. C'est à bon droit que la CNCCFP a rejeté le compte de campagne. Eu égard au cumul (avec l'absence de dépôt dans les délais, avec l'absence de déclaration du mandataire à la préfecture, avec l'absence de pièces relatives aux dépenses retracées par le compte) et au caractère substantiel des obligations méconnues, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2015-4952 SEN, 19 novembre 2015, cons. 5 et 7)

Présentation du compte

Il résulte de l'instruction que le compte de campagne ne comportait pas les pièces apportant la preuve du caractère électoral de l'ensemble des dépenses retracées par le compte. L'intéressé n'a pas produit les pièces demandées par la CNCCFP. C'est à bon droit que la CNCCFP a rejeté le compte de campagne. Eu égard au cumul (avec l'absence de dépôt dans les délais, avec l'absence de présentation du compte par un membre de l'ordre des experts-comptables, avec l'absence de déclaration du mandataire à la préfecture) et au caractère substantiel des obligations méconnues, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans.

(2015-4952 SEN, 19 novembre 2015, cons. 6 et 7)

Président de la République et Gouvernement

GOUVERNEMENT

Premier ministre

Pouvoir réglementaire

L'article 5 de la loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy modifie le paragraphe I de l'article L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales relatif aux conditions dans lesquelles le conseil territorial est habilité, en vertu du onzième alinéa de l'article 74 de la Constitution, à adopter des actes dans le domaine du droit pénal, lequel ressortit à la compétence de l'État. Le 1 ° de l'article 5 prévoit que, dans un délai de trois mois suivant la réception du projet ou de la proposition d'acte par le ministre chargé de l'outre-mer, le Premier ministre est tenu de prendre un décret tendant soit à l'approbation partielle ou totale soit au refus d'approbation de ce projet ou de cette proposition d'acte. En prévoyant que le Premier ministre est tenu de prendre dans un délai préfix un décret d'approbation ou de refus d'approbation d'actes dans le domaine du droit pénal, le 1 ° de l'article 5 de la loi organique méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs et les dispositions de l'article 21 de la Constitution. Par suite, il doit être déclaré contraire à la Constitution.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 13 à 15)

Parlement

(Voir aussi : DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE)

MANDAT PARLEMENTAIRE

Incompatibilités

Procédure

Il ressort des dispositions de l'article L.O. 152 du code électoral que le Conseil constitutionnel ne peut être appelé à apprécier si un député se trouve dans un cas d'incompatibilité qu'après examen par le bureau de l'Assemblée nationale de la situation de ce député et à la condition que le bureau ait exprimé un doute à ce sujet. En l'espèce, le bureau de l'Assemblée nationale, informé de l'exercice par M. Thierry ROBERT, député, de certaines fonctions ou activités, n'avait pas examiné la situation de celui-ci lorsque, le 1er octobre 2015, le Conseil constitutionnel a été saisi par l'intéressé. Il s'ensuit que la demande de M. ROBERT n'est pas recevable.

(2015-31 I, 13 octobre 2015, cons. 2 et 3)

Cumul avec l'exercice d'activités privées

Sociétés travaillant pour le compte ou sous le contrôle d'une personne publique ou sociétés prévues à l'article L.O. 146, 3 °

Aux termes de ses statuts, l'objet social de la Société d'exploitation des domaines skiables est l'exploitation, par voie de régie intéressée, du parc de remontées mécaniques et des pistes de Valfréjus en toutes saisons, des installations de neige de culture et plus généralement de procéder à toutes opérations en régie intéressée se rapportant à l'objet social ou susceptible d'en faciliter la réalisation. Elle exerce exclusivement son activité pour le compte du syndicat mixte Thabor Vanoise, autorité organisatrice du domaine skiable de Valfréjus. Il suit de là que la Société d'exploitation des domaines skiables entre dans le champ d'application du 3 ° de l'article L.O. 146 du code électoral.

(2015-33 I, 22 décembre 2015, cons. 2 et 3)

Sociétés immobilières (L.O. 146, 4 °)

Il résulte tant de l'objet social que de l'activité des sociétés Construction et location de l'Océan indien SARL, Sésame Immobilier SARL, ROTHIM SCI, L'Avenir SCI, Les Frangipanes 1 SCI, Les Frangipanes 2 SCI, Hibiscus SCI, Le Saint-Étienne SCI, Îles de La Réunion Investissements SARL et Hygiène Environnement et Équipements SARL que ces sociétés n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du 4 ° de l'article L.O. 146 du code électoral.

(2015-32 I, 17 décembre 2015)

Direction de fait (L.O. 146, dernier alinéa)

M. ROBERT n'occupe plus les fonctions de gérant de la société SARL Robert immobilier depuis le 30 novembre 2012 ni celles de gérant de la société Les Cases Créoles SARL depuis le 23 octobre 2012 ni celles de gérant de la société Les Clos de l'Entre-deux SCI depuis le 28 septembre 2015. Il ne résulte pas des éléments d'information dont dispose le Conseil constitutionnel que M. ROBERT exerce en fait, au jour de la décision du Conseil constitutionnel, directement ou par personne interposée, la direction de l'une de ces sociétés. Par suite, M. ROBERT, qui n'occupe aucune des fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral dans ces sociétés, ne peut être regardé comme exerçant dans ces sociétés des fonctions incompatibles avec l'exercice de son mandat de député.

(2015-32 I, 17 décembre 2015)

Fonctions de liquidateur d'une société relevant de l'article L.O. 146

Les fonctions de liquidateur d'une société ne sont pas au nombre des fonctions mentionnées au premier alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral qui entraînent une incompatibilité.

(2015-32 I, 17 décembre 2015)

Fonctions de président du conseil d'administration d'une société relevant de l'article L.O. 146

La Société d'exploitation des domaines skiables est une société par actions simplifiée dont l'actionnaire unique est la société anonyme d'économie mixte Savoie stations participation. Cette dernière société a été nommée président de la Société d'exploitation des domaines skiables. Le département de la Savoie est l'un des actionnaires de la société Savoie stations participation. M. BOUVARD, qui était représentant du département de la Savoie au conseil d'administration de cette société, en a été nommé président le 21 avril 2015.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 227-1 du code de commerce, lorsqu'une société par actions simplifiée ne comporte qu'une seule personne, cet associé unique exerce les pouvoirs dévolus aux associés pour la prise de décision collective. Selon le troisième alinéa de cet article, les règles concernant les sociétés anonymes sont applicables à la société par actions simplifiée, à l'exception de certains articles, notamment les articles L. 225-17 à L. 225-56 relatifs au conseil d'administration. Pour l'application de ces règles, les attributions du conseil d'administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet. Selon l'article L. 227-7 dudit code, lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent.

Il s'ensuit que l'exercice des fonctions de président du conseil d'administration de la société Savoie stations participation, dès lors que cette société est président de la Société d'exploitation des domaines skiables, confèrent à M. BOUVARD les attributions dévolues au président du conseil d'administration d'une société anonyme au sein de la Société d'exploitation des domaines skiables.

(2015-33 I, 22 décembre 2015, cons. 4)

FONCTION LÉGISLATIVE

Droit d'amendement

Recevabilité

Recevabilité après la première lecture

Absence d'un lien direct avec le texte en discussion

L'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 modifie l'article L. 752-1 du code de la sécurité sociale afin d'étendre le périmètre de gestion de la caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy aux assurés sociaux relevant du régime social des indépendants. Son article 62 modifie les articles L. 6312-1 du code de la santé publique et L. 2223-43 du code général des collectivités territoriales afin de modifier les règles relatives au transport d'enfants décédés de cause médicalement inexpliquée. Les amendements à l'origine de ces dispositions, qui introduisent en nouvelle lecture des dispositions de droit substantiel en lieu et place d'une simple demande de rapport au Parlement, ne présentent pas de lien direct avec le texte en discussion. Il s'ensuit que les articles 23 et 62 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution. Censure.

(2015-723 DC, 17 décembre 2015, cons. 51 à 54)

Les paragraphes I à VI de l'article 50 de la loi de finances rectificative pour 2015 réforment la taxe pour la création de bureaux et créent une taxe additionnelle aux droits de mutations à titre onéreux sur les cessions de locaux à usage de bureaux en Île-de-France. Les paragraphes VII et VIII du même article adaptent les conditions de reversement du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales mentionné à l'article L. 2336-1 du code général des collectivités territoriales pour prendre en compte la création de la métropole du Grand Paris et la nouvelle carte des établissements publics de coopération intercommunale en Île-de-France.

Les dispositions du paragraphe VII de l'article 50 n'étaient pas, lorsqu'elles ont été introduites en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, en relation directe avec une disposition restant en discussion. Elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle. Il en va de même pour les dispositions du paragraphe VIII également introduites en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Censure.

(2015-726 DC, 29 décembre 2015, cons. 15 et 18)

Qualité de la loi

Objectif d'accessibilité et d'intelligibilité (voir également ci-dessus Principe de clarté de la loi)

En l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne, dès lors que le Journal officiel de la République française est mis à la disposition du public sous forme électronique de manière permanente et gratuite, le législateur organique pouvait, sans méconnaître l'objectif d'accessibilité de la loi, prévoir que les lois, les ordonnances, les décrets et, lorsqu'une loi ou un décret le prévoit, les autres actes administratifs seront publiés au Journal officiel de la République française exclusivement par voie électronique.

(2015-724 DC, 17 décembre 2015, cons. 5)

Conseil constitutionnel et contentieux des normes

CHAMP D'APPLICATION DU CONTRÔLE DE CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION

Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel

Lois adoptées par le Parlement

Lois mettant en œuvre une directive communautaire

L'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 procède à diverses adaptations du régime fiscal des sociétés mères afin de tirer les conséquences de décisions du Conseil constitutionnel et d'assurer la conformité de ce régime fiscal avec le droit communautaire. En particulier, les dispositions du 3 ° du B et du neuvième alinéa du c) du 2 ° du C du paragraphe I de l'article 29 instituent un dispositif « anti-abus » spécifique au régime fiscal des sociétés mères, respectivement pour les dividendes distribués par une filiale établie en France à une société établie dans un pays tiers et pour les dividendes distribués à une société française, que la filiale distributrice soit établie en France ou dans un pays tiers. D'une part, les dispositions du 3 ° du B du paragraphe I de l'article 29 donnent une nouvelle rédaction au 3 de l'article 119 ter du code général des impôts pour prévoir que l'exonération de retenue à la source prévue au 1 de cet article ne s'applique pas aux dividendes distribués dans le cadre d'un montage ou d'une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre principal ou au titre d'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité de ce même 1, n'est pas authentique compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents. D'autre part, les dispositions du neuvième alinéa du c) du 2 ° du C du paragraphe I de l'article 29 ajoutent un k) au 6 de l'article 145 du même code pour rendre le régime fiscal des sociétés mères inapplicable « aux produits des titres de participation distribués dans le cadre d'un montage ou d'une série de montages définis au 3 de l'article 119 ter ».

Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». Ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle.

Il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence. Toutefois, le contrôle qu'il exerce à cet effet est soumis à une double limite. En premier lieu, la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti. En second lieu, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En conséquence, il ne saurait déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer. En tout état de cause, il appartient aux juridictions administratives et judiciaires d'exercer le contrôle de compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France et, le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.

La directive n° 2011/96/UE du 30 novembre 2011, dans sa rédaction issue de la directive du 27 janvier 2015, dispose en son article 1er que : « 1. Chaque État membre applique la présente directive : « a) aux distributions de bénéfices reçus par des sociétés de cet État membre et provenant de leurs filiales d'autres États membres ; / b) aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État membre à des sociétés d'autres États membres dont elles sont les filiales ; / c) aux distributions de bénéfices perçues par des établissements stables, situées dans cet État membre, de sociétés d'autres États membres, et provenant de leurs filiales situées dans un État membre autre que celui où est situé l'établissement stable ; / d) aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État membre à des établissements stables, situés dans un autre État membre, de sociétés du même État membre dont elles sont les filiales. / 2. Les États membres n'accordent pas les avantages de la présente directive à un montage ou à une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre d'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité de la présente directive, n'est pas authentique compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents. / Un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties. / 3. Aux fins du paragraphe 2, un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique. / 4. La présente directive ne fait pas obstacle à l'application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires pour prévenir la fraude fiscale ou les abus ».

D'une part, lorsqu'elles régissent les distributions de dividendes transfrontalières réalisées avec des États membres de l'Union européenne, seules visées par la directive du 30 novembre 2011 ainsi qu'il ressort des dispositions du 1 de son article 1er, les dispositions du 3 ° du B et du neuvième alinéa du c) du 2 ° du C du paragraphe I de l'article 29 se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions précises et inconditionnelles des 2 et 3 de l'article 1er de cette directive, qui ne mettent en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. Par suite, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de se prononcer sur les dispositions contestées lorsqu'elles régissent ces distributions.

D'autre part, lorsqu'elles régissent les distributions de dividendes par des sociétés établies en France à des sociétés établies en France et les distributions de dividendes transfrontalières réalisées avec des États non membres de l'Union européenne, les dispositions du 3 ° du B et du neuvième alinéa du c) du 2 ° du C du paragraphe I de l'article 29 ne procèdent pas à la transposition de la directive du 30 novembre 2011. Il y a donc lieu pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur les dispositions contestées lorsqu'elles régissent ces distributions.

(2015-726 DC, 29 décembre 2015, cons. 2 et 4 à 8)

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Critères de transmission ou de renvoi de la question au Conseil constitutionnel

Notion de disposition législative et interprétation

Selon la société requérante et les sociétés intervenantes, il résulte des dispositions contestées telles qu'interprétées par la Cour de cassation que, dès lors qu'une expertise décidée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est engagée, l'employeur est tenu d'acquitter les frais de cette expertise même si la décision d'y recourir est annulée en justice. Il en résulterait une méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif de l'employeur.

Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que, lorsque le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail décide de faire appel à un expert agréé en application de l'article L. 4614-12 du code du travail, les frais de l'expertise demeurent à la charge de l'employeur, même lorsque ce dernier obtient l'annulation en justice de la délibération ayant décidé de recourir à l'expertise après que l'expert désigné a accompli sa mission. En posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée.

(2015-500 QPC, 27 novembre 2015, cons. 2, 4 et 5)

Examen des dispositions telles qu'interprétées par une jurisprudence constante

Selon le requérant, les dispositions de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales telles qu'interprétées par le Conseil d'État font obstacle à ce que l'un des époux séparés ou divorcés puisse former une réclamation contentieuse dans le délai de réclamation dès lors que les actes de la procédure d'imposition ne lui sont pas notifiés. Il en résulterait une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, au principe d'égalité et au droit au respect de la vie privée.

Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État que les personnes soumises à une imposition commune sont, alors même qu'elles sont séparées ou divorcées, réputées continuer se représenter mutuellement dans les instances relatives à la dette fiscale correspondant à l'ensemble des revenus du foyer perçus pendant la période d'imposition commune. En posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée.

(2015-503 QPC, 4 décembre 2015, cons. 1, 2, 6 et 7)

Caractère législatif des dispositions

Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi dans les conditions prévues par cet article que de dispositions de nature législative. Les dispositions contestées, issues du 2. du paragraphe VIII de l'article 2 de la loi du 29 décembre 1982 de finances pour 1983, ont été codifiées à l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales par le décret du 6 octobre 1983. Cette codification est intervenue à droit constant. Par suite, les mots « notifiés à l'un d'eux » figurant dans la seconde phrase de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales revêtent le caractère de dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution. Il y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'en connaître.

(2015-503 QPC, 4 décembre 2015, cons. 1, 4 et 5)

Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel

Observations en intervention

En vertu du deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 susvisé, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. La personne ayant posé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la même disposition que celle objet de la question prioritaire de constitutionnalité examinée par le Conseil constitutionnel, mais dont il ressort de ses propres écritures que cette question a fait l'objet d'un refus de transmission, n'est pas admise à intervenir.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 7 et 8)

En vertu du deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 susvisé, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention.

La personne ayant posé une question prioritaire de constitutionnalité identique à celle dont le Conseil constitutionnel est saisi justifie d'un intérêt spécial à intervenir. Toutefois, lorsque le Conseil constitutionnel restreint le champ de la question prioritaire de constitutionnalité, l'intérêt à agir s'apprécie au regard de ce champ. Dès lors que le mémoire en intervention ne comprend pas d'observation sur le bien-fondé de la question ainsi restreinte, non-admission de l'intervention.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 7 et 9)

Grief inopérant

Les dispositions des paragraphes I et II de l'article L. 624-5 du code de commerce, qui permettent au tribunal, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire d'une personne morale, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à l'égard de tout dirigeant de droit ou de fait, rémunéré ou non, contre lequel peut être relevé un des faits énumérés aux 1 ° à 6 ° du paragraphe I. Le requérant soutient que, dans la mesure où le dirigeant est, en vertu des dispositions contestées, empêché d'exercer son activité et de poursuivre la direction d'autres personnes morales, il en résulte une méconnaissance de sa liberté d'entreprendre. Les dispositions des paragraphes I et II de l'article L. 624-5, qui sont distinctes de celles permettant au tribunal de prononcer une interdiction de gérer ou une faillite personnelle, n'ont en elles-mêmes ni pour objet ni pour effet d'interdire au dirigeant de la personne morale d'exercer une activité économique ou de diriger une personne morale. Par suite, le grief tiré d'une méconnaissance de la liberté d'entreprendre est inopérant.

(2015-487 QPC, 7 octobre 2015, cons. 1, 14 et 16)

Selon les sociétés et l'association requérantes, en imposant à la contribution additionnelle sur les « retraites chapeau » au taux de 45 % les rentes versées au titre de pensions de retraite liquidées avant le 1er janvier 2015, les dispositions contestées méconnaîtraient les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En outre, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant le droit à un recours juridictionnel effectif et méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi.

Les dispositions contestées, insérées dans l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale par le paragraphe I de l'article 17 de la loi du 22 décembre 2014, fixent les règles d'assiette et de taux de la contribution additionnelle. Le paragraphe II de ce même article 17 fixe le champ d'application des dispositions contestées en prévoyant que la contribution additionnelle de 45 % « est applicable aux rentes versées à compter du 1er janvier 2015 ». Par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, de l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ainsi que de la méconnaissance de l'étendue de sa compétence par le législateur dans des conditions affectant le droit à un recours juridictionnel effectif, qui ne sont pas dirigés à l'encontre des dispositions du paragraphe II de l'article 17 de la loi du 22 décembre 2014, sont inopérants.

(2015-498 QPC, 20 novembre 2015, cons. 1 à 3)

Selon l'association intervenante, les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre nationaux et étrangers dès lors que seuls les seconds peuvent être condamnés à une peine d'interdiction définitive du territoire. Les dispositions du troisième alinéa de l'article 786 du code de procédure pénale contestées sont relatives à la computation du délai à l'issue duquel une demande en réhabilitation judiciaire peut être formée. Le Conseil constitutionnel n'est pas saisi des dispositions instituant la peine d'interdiction définitive du territoire français. Dès lors, le grief tiré de ce que le troisième alinéa de l'article 786 du code de procédure pénale méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi et la justice au motif que l'interdiction définitive du territoire français ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'un étranger est inopérant.

(2015-501 QPC, 27 novembre 2015, cons. 1, 3 et 5)

Selon les requérants, les dispositions contestées de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 portent atteinte à la garantie des droits, en raison de leur application rétroactive à des demandes d'attribution de l'allocation de reconnaissance formées antérieurement à la modification par le législateur des conditions d'attribution de cette allocation.

Les dispositions contestées, insérées par le paragraphe I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, sont relatives aux conditions d'attribution d'allocations et rentes de reconnaissance. Le paragraphe II du même article 52 de la loi du 18 décembre 2013 a rendu applicables les dispositions contestées aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant l'entrée en vigueur de ces dispositions. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la garantie des droits, qui n'est pas dirigé à l'encontre des dispositions du paragraphe II de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, est inopérant.

(2015-504/505 QPC, 4 décembre 2015, cons. 13 et 14)

Selon les requérants, les dispositions contestées de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 méconnaissent le droit de propriété des anciens membres des formations supplétives rapatriés qui s'étaient vus reconnaître un droit de créance.

Les dispositions contestées sont relatives aux conditions de l'indemnisation du préjudice subi par les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie du fait de leurs difficultés particulières d'insertion après leur arrivée sur le territoire national. Par suite, doit être écarté comme inopérant le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété.

(2015-504/505 QPC, 4 décembre 2015, cons. 13 et 15)

Grief manquant en fait

Les dispositions des deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce instituent une sanction pécuniaire permettant de réprimer des pratiques anticoncurrentielles commises par une entreprise. Le fait que le maximum de cette sanction soit déterminé par référence au chiffre d'affaires du groupe auquel l'entreprise appartient n'a ni pour objet ni pour effet de sanctionner le groupe pour des actes qu'il n'a pas commis. Le grief tiré de la méconnaissance du principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait manque en fait.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 18 et 19)

Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel

Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Saisi de l'article L. 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 septembre 2000, applicable en Polynésie française, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les paragraphes I et II de l'article L. 624-5 du code de commerce applicable en Polynésie française.

(2015-487 QPC, 7 octobre 2015, cons. 1 à 3)

Saisi de l'article L. 462-5 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 septembre 2000, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « se saisir d'office ou » figurant à l'article L. 462-5 du code de commerce.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 2 à 4)

Saisi du paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 10 à 12)

Saisi des articles L. 134-1 et L.134-2 du code de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale.

(2015-495 QPC, 20 octobre 2015, cons. 1 à 4)

Saisi des articles L. 1111-2 et L. 5212-2, du second alinéa de l'article L. 5212-3 et de l'article L. 5212-14 du code du travail, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le second alinéa de l'article L. 5212-3 et sur les mots « à due proportion de son temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année civile » figurant au premier alinéa de l'article L. 5212-14.

(2015-497 QPC, 20 novembre 2015, cons. 1 à 6)

Le Conseil constitutionnel, saisi de l'article L. 4614-13 du code du travail, considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de cet article.

(2015-500 QPC, 27 novembre 2015, cons. 1 à 3)

Saisi du 1 ° de l'article L. 2135-13 du code du travail, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots : « de façon uniforme pour les organisations syndicales de salariés et » figurant dans la seconde phrase du 1 ° de l'article L. 2135-13 du code du travail.

(2015-502 QPC, 27 novembre 2015, cons. 1 à 3)

Saisi de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, dans sa rédaction issue de la loi du 18 décembre 2013, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « de statut civil de droit local » figurant au premier alinéa de cet article 9 de la loi du 16 juillet 1987.

(2015-504/505 QPC, 4 décembre 2015, cons. 2 à 4)

Saisi de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « notifiés à l'un d'eux » figurant dans la seconde phrase de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales.

(2015-503 QPC, 4 décembre 2015, cons. 1 à 3)

Saisi d'une QPC portant sur les articles 56, 57, 81 et 96 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel restreint celle-ci au troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, aux mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant au premier alinéa de l'article 57 et au troisième alinéa de l'article 96 du même code.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 6)

Saisi de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1991, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du premier alinéa de cet article L. 622-1 du code de la sécurité sociale.

(2015-509 QPC, 11 décembre 2015, cons. 1 à 3)

Saisi des articles L. 671-2 et L. 671-3 du code de l'énergie, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa et le quatrième alinéa de l'article L. 671-2 du code de l'énergie.

(2015-507 QPC, 11 décembre 2015, cons. 1 à 4)

Saisi d'une QPC portant sur les 14 ° et 15 ° de l'article 706-73 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel restreint celle-ci à la référence au 8 ° bis figurant dans les mots « 1 ° à 13 ° » au 14 ° de l'article 706-73 du code de procédure pénale et dans les mots « 1 ° à 14 ° » au 15 ° du même article.

(2015-508 QPC, 11 décembre 2015, cons. 4)

Saisi de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les neuf premiers alinéas de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955.

(2015-527 QPC, 22 décembre 2015, cons. 1 à 3)

Détermination de la version de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

La question prioritaire de constitutionnalité doit être regardée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La société Axiane Meunerie SAS s'est pourvue en cassation à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 2014 qui a réformé la décision rendue par l'Autorité de la concurrence le 13 mars 2012. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur le paragraphe I de l'article L. 464-2 dans sa rédaction constituant le fondement des sanctions prononcées par l'Autorité de la concurrence et contestées par la société requérante devant la Cour de cassation. Le paragraphe I de l'article L. 464-2 est ainsi contesté dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 9)

Saisine directe du Conseil constitutionnel

Le requérant a présenté le 6 mars 2015 devant le Conseil d'État un pourvoi en cassation dirigé contre l'ordonnance du 30 décembre 2014 par laquelle la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par lui contre un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juillet 2013. Par un mémoire distinct enregistré le même jour, il a contesté le refus de ladite cour de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil d'État a rendu le 16 juillet 2015 une ordonnance de non admission sur le pourvoi du requérant. Ainsi, l'instance à l'occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée a été éteinte le 16 juillet 2015. Par suite, la demande par laquelle il demande au Conseil constitutionnel d'examiner la question en application de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-7 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, enregistrée le 17 juillet 2015, est irrecevable.

(2015-491 QPC, 14 octobre 2015, cons. 1 à 3)

Sens et portée de la décision

Non-lieu à statuer

La référence au 8 ° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale par les 14 ° et 15 ° du même article permettant, jusqu'à la date de son abrogation, le recours à la garde à vue prévue par l'article 706-88 dudit code, est contraire à la Constitution. Toutefois, la loi du 17 août 2015 a mis fin à l'inconstitutionnalité constatée à compter de son entrée en vigueur. Il n'y a pas lieu, dès lors, de se prononcer sur l'abrogation de la référence au 8 ° bis par les 14 ° et 15 ° de l'article 706-73 pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 août 2015.

(2015-508 QPC, 11 décembre 2015, cons. 14)

SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION

Portée des décisions dans le temps

Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)

Abrogation

Abrogation à la date de la publication de la décision

La déclaration d'inconstitutionnalité des 5 ° et 7 ° du paragraphe I de l'article L. 624-5 du code de commerce applicable en Polynésie française prend effet à compter de la publication de la présente décision. Elle est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard d'un dirigeant de droit ou de fait rendus postérieurement à cette date.

(2015-487 QPC, 7 octobre 2015, cons. 18 et 19)

La déclaration d'inconstitutionnalité du paragraphe II bis de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable aux impositions dues à compter de l'année 2015 prend effet à compter de la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.

(2015-498 QPC, 20 novembre 2015, cons. 8 et 9)

La déclaration d'inconstitutionnalité de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1991 (qui a déjà été abrogée par la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000) prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision.

(2015-509 QPC, 11 décembre 2015, cons. 7 et 8)

La référence au 8 ° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale par les 14 ° et 15 ° du même article permettant, jusqu'à la date de son abrogation, le recours à la garde à vue prévue par l'article 706-88 dudit code, est contraire à la Constitution.

(2015-508 QPC, 11 décembre 2015, cons. 14)

Abrogation reportée dans le temps

L'abrogation des mots : « des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou » figurant à l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse aura pour effet de faire disparaître, pour toute association ayant pour objet de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés, le droit d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité et il y a également lieu de suspendre les délais de prescription applicables à la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile en matière d'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi et au plus tard jusqu'au 1er octobre 2016.

(2015-492 QPC, 16 octobre 2015, cons. 9)

L'abrogation immédiate du deuxième alinéa de l'article 99 du code de procédure pénale aurait pour seul effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de demander, au cours de l'information, la restitution de biens placés sous main de justice. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation.

(2015-494 QPC, 16 octobre 2015, cons. 8 et 9)

L'abrogation immédiate des dispositions du dernier alinéa de l'article 308 du code de procédure pénale déclarées contraires à la Constitution, d'une part, serait susceptible d'entraîner la nullité ou d'empêcher la tenue d'un nombre important de procès d'assises et, d'autre part, remettrait en cause l'absence de sanction par une nullité procédurale de la méconnaissance des dispositions de l'article 308 du code de procédure pénale autres que celles de son second alinéa relatives à l'obligation de procéder à un enregistrement des débats devant les cours d'assises. Cette abrogation immédiate aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Dès lors, il y a lieu de reporter au 1er septembre 2016 la date de l'abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution afin de permettre au législateur de remédier à cette déclaration d'inconstitutionnalité. Les arrêts de cours d'assises rendus jusqu'à cette date du 1er septembre 2016 ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

(2015-499 QPC, 20 novembre 2015, cons. 4 à 6)

L'abrogation immédiate du premier alinéa et de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail aurait pour effet de faire disparaître toute voie de droit permettant de contester une décision de recourir à un expert ainsi que toute règle relative à la prise en charge des frais d'expertise. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2017 la date de cette abrogation.

(2015-500 QPC, 27 novembre 2015, cons. 11 et 12)

L'abrogation immédiate du troisième alinéa de l'article 56 et des mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du code de procédure pénale aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant au respect du secret professionnel et des droits de la défense dans le cadre de l'enquête de flagrance. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 18)

Réserve

Réserve transitoire avant abrogation

L'abrogation immédiate du troisième alinéa de l'article 56 et des mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du code de procédure pénale aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant au respect du secret professionnel et des droits de la défense dans le cadre de l'enquête de flagrance. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation. Afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que les dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ne sauraient être interprétées comme permettant, à compter de cette publication, la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 18 et 19)

Effets produits par la réserve d'interprétation

Lorsque deux personnes précédemment soumises à imposition commune font l'objet d'une imposition distincte à la date de notification de l'avis de mise en recouvrement, émis aux fins de recouvrer des impositions supplémentaires établies sur les revenus perçus par le foyer au cours de la période d'imposition commune, la garantie du droit à un recours juridictionnel effectif impose que chacune d'elles soit mise à même d'exercer son droit de former une réclamation contentieuse, dès lors qu'elle a informé l'administration fiscale du changement de sa situation matrimoniale, de ses liens au titre d'un pacte civil de solidarité ou de sa résidence et, le cas échéant, de son adresse. Les dispositions contestées de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales porteraient une atteinte disproportionnée au droit des intéressés de former une telle réclamation si le délai de réclamation pouvait commencer à courir sans que l'avis de mise en recouvrement ait été porté à la connaissance de chacun d'eux.

Cette réserve d'interprétation n'est applicable qu'aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies à compter de la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel.

Afin de préserver l'effet utile de la décision pour les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies antérieurement à la date de publication de cette décision, la mise en jeu de la responsabilité solidaire de l'une des personnes antérieurement soumises à imposition commune, par le premier acte de recouvrement forcé pour obtenir le paiement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de la période de cette imposition commune, dès lors qu'elle n'a pas été destinataire de la décision d'imposition doit être regardée comme constituant un événement lui ouvrant un délai propre de réclamation sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.

(2015-503 QPC, 4 décembre 2015, cons. 14 à 16)

Effets produits par la disposition abrogée

Maintien des effets

L'abrogation immédiate du troisième alinéa de l'article 56 et des mots « Sous réserve de ce qui est dit à l'article 56 concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense » figurant à l'article 57 du code de procédure pénale aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant au respect du secret professionnel et des droits de la défense dans le cadre de l'enquête de flagrance. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de cette abrogation. La remise en cause des actes de procédure pénale pris sur le fondement des dispositions déclarées inconstitutionnelles méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives. Par suite, les mesures prises avant la publication de la présente décision en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 18 et 20)

La référence au 8 ° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale par les 14 ° et 15 ° du même article permettant, jusqu'à la date de son abrogation, le recours à la garde à vue prévue par l'article 706-88 dudit code, est contraire à la Constitution. Toutefois, la loi du 17 août 2015 a mis fin à l'inconstitutionnalité constatée à compter de son entrée en vigueur, le 19 août 2015. La remise en cause des actes de procédure pénale pris sur le fondement des dispositions inconstitutionnelles méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives. Par suite, les mesures prises avant le 19 août 2015 en application de la référence au 8 ° bis par les 14 ° et 15 ° de l'article 706-73 du code de procédure pénale ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

(2015-508 QPC, 11 décembre 2015, cons. 13 à 15)

Remise en cause des effets

Pour les instances en cours

L'abrogation des dispositions du paragraphe II bis de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale instituant une imposition à compter de l'année 2015 prend effet à compter de la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à la date de la publication de la décision et non jugées définitivement.

(2015-498 QPC, 20 novembre 2015, cons. 8 et 9)

La déclaration d'inconstitutionnalité de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1991 (abrogée par la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000), qui prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision, peut être invoquée dans toutes les instances introduites à la date de la publication de la décision et non jugées définitivement à cette date.

(2015-509 QPC, 11 décembre 2015, cons. 8)

Autres

Tout en décidant qu'il y a lieu de reporter au 1er octobre 2016 la date de l'abrogation des mots : « des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou » figurant à l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel juge qu'il y a également lieu de suspendre les délais de prescription applicables à la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile en matière d'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi et au plus tard jusqu'au 1er octobre 2016.

(2015-492 QPC, 16 octobre 2015, cons. 9)

Autorité des décisions du Conseil constitutionnel

Hypothèses où la chose jugée est opposée

Contentieux des normes

Contentieux de l'article 61

Aux termes du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». L'autorité des décisions visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même.

Si l'autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel déclarant inconstitutionnelles des dispositions d'une loi ne peut en principe être utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi conçue en termes distincts, il n'en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi, bien que rédigées sous une forme différente, ont, en substance, un objet analogue à celui des dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution.

Dans sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions de l'article 100 de la loi de finances pour 2014 qui modifiait la définition des actes constitutifs d'un abus de droit, figurant au premier alinéa de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Au regard des articles 4, 5, 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 34 de la Constitution, il a jugé que « d'une part, la procédure de l'abus de droit fiscal peut s'appliquer à tous les impôts pesant sur les entreprises et les particuliers ; que, d'autre part, la mise en œuvre de cette procédure est assortie, outre du rétablissement de l'impôt normalement dû et du paiement d'intérêts de retard à raison de 0,40 % par mois en vertu du paragraphe III de l'article 1727 du code général des impôts, d'une majoration égale, en vertu de l'article 1729 du même code, à 80 % des impôts dus, ramenée à 40 % »lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire" » et que « compte tenu des conséquences ainsi attachées à la procédure de l'abus de droit fiscal, le législateur ne pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, retenir que seraient constitutifs d'un abus de droit les actes ayant »pour motif principal« d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé aurait dû normalement supporter ». Le Conseil constitutionnel a donc déclaré les dispositions de l'article 100 de la loi de finances pour 2014 contraires à la Constitution.

Les dispositions contestées ne modifient pas les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Elles se bornent à prévoir une nouvelle condition à laquelle est subordonné le bénéfice du régime fiscal dérogatoire des sociétés mères. Ces dispositions déterminent donc une règle d'assiette. Le non respect de cette condition n'emporte pas l'application des majorations du b de l'article 1729 du code général des impôts en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Les dispositions contestées ont un objet différent de celui des dispositions déclarées non conformes. Par suite, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a pas méconnu l'autorité qui s'attache, en vertu du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution, à la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2013.

(2015-726 DC, 29 décembre 2015, cons. 9 à 12)

Contentieux de l'article 61-1 (contrôle a posteriori)

Dans sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 qui prévoyaient qu'une allocation est versée « aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives ayant servi en Algérie, qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et qui ont fixé leur domicile en France ». Il a jugé que le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, « établir, au regard de l'objet de la loi, de différence selon la nationalité » ; que le Conseil constitutionnel a donc déclaré les mots : « qui ont conservé la nationalité française en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, prises en application de la loi n° 62-421 du 13 avril 1962 et » figurant au premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 contraires à la Constitution.

Les mots « de statut civil de droit local » contestés ont été introduits à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 par la loi du 18 décembre 2013. Ces nouvelles dispositions prévoient que, pour bénéficier des allocations et rentes de reconnaissance, les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie doivent relever du statut civil de droit local.

En instituant une condition relative au statut civil des personnes, le législateur a édicté une condition d'une nature différente de la condition de nationalité qui avait été déclarée contraire à la Constitution. Par suite, en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a pas méconnu l'autorité qui s'attache, en vertu de l'article 62 de la Constitution, à la décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011.

(2015-504/505 QPC, 4 décembre 2015, cons. 2 et 5 à 9)

Portée des précédentes décisions

Motivation par renvoi à une autre décision

Dans sa décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en permettant de recourir à la garde à vue, selon les modalités fixées par l'article 706-88 du code de procédure pénale, au cours des enquêtes ou des instructions portant sur le délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l'article 313-2 du code pénal, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi dès lors que ce délit n'est pas susceptible de porter atteinte en lui-même à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes. Il a déclaré cette disposition du 8 ° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale contraire à la Constitution et reporté au 1er septembre 2015 la date de son abrogation, elle a été abrogée par la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne. Pour les raisons sus-énoncées, la référence au 8 ° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale par les 14 ° et 15 ° du même article permettant, jusqu'à la date de son abrogation, le recours à la garde à vue prévue par l'article 706-88 dudit code, est contraire à la Constitution.

(2015-508 QPC, 11 décembre 2015, cons. 13 et 14)

Contentieux - Voies de recours

Demande en rectification d'erreurs matérielles

Jurisprudence nouvelle

D'une part, la mention, dans la décision dont la rectification est demandée, de la date de l'enregistrement, le 17 juillet 2015, de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par le requérant au Conseil constitutionnel n'est pas entachée d'erreur matérielle.

D'autre part, en contestant les motifs pour lesquels le Conseil constitutionnel a jugé ses conclusions irrecevables, le requérant ne demande pas la rectification d'une erreur matérielle.

(2015-491R QPC, 11 décembre 2015, cons. 1 et 2)

Un recours en rectification d'erreur matérielle ne saurait avoir pour objet de contester l'appréciation des faits de la cause, leur qualification juridique et les conditions de forme et de procédure selon lesquelles est intervenue la décision du Conseil constitutionnel. M. BOUDJEKADA n'est donc pas recevable à conclure à la rectification de la décision contestée au motif qu'il n'a pas pu présenter d'observations. Au demeurant, contrairement à ce que soutient M. BOUDJEKADA, il a été régulièrement invité à présenter ses observations écrites avant que le Conseil constitutionnel ne statue sur sa situation.

(2015-4949R AN, 22 décembre 2015, cons. 3)

M. BOUDJEKADA n'apporte aucun élément de preuve au soutien de son allégation relative à la restitution de ses carnets de reçus-dons à la CNCCFP. La mention, dans la décision dont la rectification est demandée, du fait que le candidat n'a pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire financier par la préfecture du Doubs n'est pas entachée d'erreur matérielle.

(2015-4949R AN, 22 décembre 2015, cons. 4)

Juridiction et autorité judiciaire

JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS

Indépendance de la justice et des juridictions

Applications

Secret du délibéré

Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le principe d'indépendance, qui est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles et dont découle le principe du secret du délibéré.

Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Au nombre de celles-ci figure le principe d'indépendance des juridictions.

En vertu du premier alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, lors d'une enquête de flagrance, l'officier de police judiciaire peut saisir tout papier, document, donnée informatique ou autre objet en la possession des personnes qui paraissent avoir participé à l'infraction ou détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits. S'il est loisible au législateur de permettre la saisie d'éléments couverts par le secret du délibéré, il lui appartient de prévoir les conditions et modalités selon lesquelles une telle atteinte au principe d'indépendance peut être mise en œuvre afin que celle-ci demeure proportionnée. Les dispositions contestées se bornent à imposer à l'officier de police judiciaire de provoquer préalablement à une saisie « toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». Ni ces dispositions ni aucune autre disposition n'indiquent à quelles conditions un élément couvert par le secret du délibéré peut être saisi. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent par elles-mêmes le principe d'indépendance des juridictions. Censure.

(2015-506 QPC, 4 décembre 2015, cons. 13 et 15)

Droit au recours juridictionnel

Application à la procédure judiciaire

L'article 99 du code de procédure pénale est relatif à la restitution, au cours de l'information judiciaire, des objets placés sous main de justice. Le juge d'instruction est compétent pour statuer sur les demandes en restitution des biens saisis. Aux termes du deuxième alinéa de cet article : « Il statue, par ordonnance motivée, soit sur réquisitions du procureur de la République, soit, après avis de ce dernier, d'office ou sur requête de la personne mise en examen, de la partie civile ou de toute autre personne qui prétend avoir droit sur l'objet ».

Outre le procureur de la République, la personne mise en examen et la partie civile, toute personne qui prétend avoir un droit sur un bien placé sous main de justice peut former une requête en restitution devant le juge d'instruction au cours de l'information. Le juge d'instruction doit statuer par une ordonnance motivée, laquelle peut faire l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction en vertu du cinquième alinéa de l'article 99 du code de procédure pénale.

Les objets dont la restitution est demandée ont été placés sous main de justice dans le cadre d'une enquête de police judiciaire ou par acte du juge d'instruction lorsqu'ils sont nécessaires à la manifestation de la vérité ou si leur confiscation est prévue à titre de peine complémentaire conformément aux dispositions de l'article 131-21 du code pénal. Ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition n'imposent au juge d'instruction de statuer dans un délai déterminé sur la demande de restitution d'un bien saisi formée en vertu du deuxième alinéa de l'article 99 du code de procédure pénale. S'agissant d'une demande de restitution d'un bien placé sous main de justice, l'impossibilité d'exercer une voie de recours devant la chambre de l'instruction ou toute autre juridiction en l'absence de tout délai déterminé imparti au juge d'instruction pour statuer conduit à ce que la procédure applicable méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété. Par suite, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 99 du code de procédure pénale doivent être déclarées contraires à la Constitution.

(2015-494 QPC, 16 octobre 2015, cons. 1 à 7)

Organisation décentralisée de la République

PRINCIPES GÉNÉRAUX

Libre administration des collectivités territoriales

Absence de violation du principe

Les dispositions de l'article 33 de la loi de finances pour 2016 fixent pour l'année 2016 le montant de la dotation globale de fonctionnement. Le montant de la réduction de la dotation globale de fonctionnement représente 1,6 % des recettes des collectivités territoriales. Cette réduction n'est pas d'une ampleur telle qu'elle entraverait la libre administration des collectivités territoriales.

(2015-725 DC, 29 décembre 2015, cons. 15 à 18)

ORGANISATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Collectivités d'outre-mer régies par l'article 74

Règles communes

Consultation sur des projets de texte (article 74 alinéa 6)

Après la révision constitutionnelle de 2003

Aux termes des premier, deuxième et sixième alinéas de l'article L.O. 6213-3 du code général des collectivités territoriales, pris pour l'application du sixième alinéa de l'article 74 de la Constitution, le conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy est consulté sur les propositions de loi qui introduisent, modifient ou suppriment des dispositions particulières à Saint-Barthélemy, et dispose d'un délai d'un mois pour rendre son avis. À l'expiration de ce délai, l'avis du conseil territorial saisi de la proposition de loi est réputé avoir été donné.

La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet de modifier des dispositions organiques particulières à Saint-Barthélemy. La proposition de loi dont sont issues les dispositions de la loi organique a été transmise au conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy par le représentant de l'État à la demande du président du Sénat le 11 décembre 2014. Lorsque le Sénat, première assemblée saisie, a délibéré en première lecture sur cette proposition de loi le 29 janvier 2015, l'avis du conseil territorial était réputé avoir été donné. Par suite, l'examen de la proposition de loi a respecté les règles de procédure prévues par l'article 74 de la Constitution et l'article L.O. 6213-3 du code général des collectivités territoriales.

Si le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a, au visa de l'article L.O. 6213-3 du code général des collectivités territoriales, rendu, le 22 décembre 2014, un avis sur la proposition de loi dont était saisi le conseil territorial, cet avis n'a pas été considéré lors des travaux parlementaires comme celui exigé par les dispositions de cet article. En conséquence, il n'en résulte pas une méconnaissance de la sincérité des débats parlementaires.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 3 à 5)

Saisi de la loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française, le Conseil constitutionnel s'assure que les dispositions de la proposition de loi particulières à chacune des collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Polynésie française dont sont issues les dispositions de cette loi organique ont, dans les conditions prévues respectivement aux articles L.O. 6213-3, L.O. 6313-3 et L.O. 6413-3 du code général des collectivités territoriales et à l'article 9 de la loi organique du 27 février 2004, fait l'objet d'une consultation des assemblées délibérantes de ces collectivités avant que le Sénat, première assemblée saisie, délibère en première lecture.

(2015-724 DC, 17 décembre 2015, cons. 2)

Règles particulières aux collectivités dotées de l'autonomie

Procédure de déclassement par le Conseil constitutionnel (article 74, alinéa 9)

Disposition législative dont le déclassement est demandé

Le président de l'assemblée de la Polynésie française demande au Conseil constitutionnel de constater que les dispositions du paragraphe II de l'article 40 de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française en tant qu'elles rendent applicables dans cette collectivité d'outre-mer les dispositions des articles 515-3 à 515-7 du code civil relatifs au pacte civil de solidarité.

Le paragraphe II de l'article 40 de la loi du 23 juin 2006 dispose : « À l'exception des dispositions des articles 831-1, 832-1 et 832-2 du code civil tels qu'ils résultent de la présente loi, celle-ci est applicable de plein droit dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie. Elle est applicable en Polynésie française sous les mêmes exceptions, ainsi que les articles 809 à 811-3 du même code ».

Les articles 26 et 27 de la loi du 23 juin 2006 ont, pour le premier, modifié les articles 515-3 et 515-7 et créé un nouvel article 515-3-1 du code civil et, pour le second, réécrit intégralement les articles 515-4 et 515-5 et créé trois nouveaux articles 515-5-1, 515-5-2 et 515-5-3 du même code.

La demande du président de l'assemblée de la Polynésie française doit être regardée comme portant sur les mots « en Polynésie française » figurant dans la seconde phrase du paragraphe II de l'article 40 de la loi du 23 juin 2006, en tant qu'ils rendent applicables dans cette collectivité d'outre-mer les dispositions des articles 515-3-1, 515-4, 515-5, 515-5-1, 515-5-2 et 515-5-3 du code civil ainsi que les modifications apportées aux articles 515-3 et 515-7 de ce code.

(2015-9 LOM, 21 octobre 2015, cons. 1 à 4)

Matière ressortissant à la compétence de la collectivité d'outre-mer

Le premier alinéa de l'article 13 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose : « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française ». Son article 14 dispose : « Les autorités de l'État sont compétentes dans les seules matières suivantes : - 1 ° Nationalité ; droits civiques ; droit électoral ; droits civils, état et capacité des personnes, notamment actes de l'état civil, absence, mariage, divorce, filiation ; autorité parentale ; régimes matrimoniaux, successions et libéralités ». Il résulte de ces dispositions combinées que la Polynésie française est compétente en matière de droit civil à l'exception des matières expressément réservées à la compétence de l'État par le 1 ° de l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004. Par suite, le droit des contrats ne ressortit pas à la compétence de l'État ;

L'article 515-3 du code civil est relatif aux conditions de forme et d'enregistrement du pacte civil de solidarité. L'article 515-3-1 est relatif aux modalités de publicité de ce pacte. L'article 515-4 est relatif aux engagements de vie commune, d'aide matérielle et d'assistance réciproque des partenaires du pacte ainsi qu'à l'obligation solidaire aux dettes contractées pour les besoins de la vie courante. Les articles 515-5, 515-5-1, 515-5-2 et 515-5-3 sont relatifs au régime applicable aux biens des partenaires du pacte. Les articles 515-6 et 515-7 sont relatifs à la dissolution du pacte.

En premier lieu, d'une part, l'article 515-1 du code civil définit le pacte civil de solidarité comme « un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». Dans sa décision du 9 novembre 1999, le Conseil constitutionnel a examiné les dispositions de l'article 1er de la loi du 15 novembre 1999 qui a inséré, dans le livre Ier du code civil, les articles 515-1 à 515-7. Il a jugé que « l'objet des articles 515-1 à 515-7 du code civil est la création d'un contrat spécifique (...) ; que le législateur s'est attaché à définir ce contrat, son objet, les conditions de sa conclusion et de sa rupture, ainsi que les obligations en résultant » et que « la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est sans incidence sur les autres titres du livre Ier du code civil, notamment ceux relatifs aux actes d'état civil, à la filiation, à la filiation adoptive et à l'autorité parentale, ensemble de dispositions dont les conditions d'application ne sont pas modifiées par la loi déférée ».

D'autre part, l'article 515-3-1 du code civil, créé par l'article 26 de la loi du 23 juin 2006, prévoit la mention, en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de pacte civil de solidarité et de l'identité du partenaire. Il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant ces dispositions le législateur a seulement entendu assurer la publicité du pacte civil de solidarité à l'égard des tiers. Par suite, ces dispositions n'ont eu ni pour objet ni pour effet de faire perdre au pacte civil de solidarité sa nature contractuelle.

En second lieu, les articles 18 et 19 de la loi organique du 27 février 2004, qui ont retenu le pacte civil de solidarité comme l'un des critères permettant à la Polynésie française de prendre, en dérogation au principe d'égalité, des mesures particulières en faveur de sa population en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle et de protection du patrimoine foncier, n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier les règles de partage des compétences entre l'État et la Polynésie française telles qu'elles résultent de la combinaison des articles 13 et 14 de cette même loi.

Il résulte de ce qui précède qu'en rendant applicables en Polynésie française les dispositions des articles 515-3-1, 515-4, 515-5, 515-5-1, 515-5-2 et 515-5-3 du code civil ainsi que les modifications apportées aux articles 515-3 et 515-7 de ce code, le législateur est intervenu dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française.

(2015-9 LOM, 21 octobre 2015, cons. 5 à 10)

Participation aux compétences de l'État (article 74, alinéa 11)

Il appartient à la loi organique de déterminer si une collectivité territoriale d'outre-mer peut ou non participer à l'édiction des normes dans un domaine qui, en vertu de dispositions constitutionnelles ou statutaires, demeure dans les attributions de l'État. Le législateur organique qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin de décider si la collectivité est habilitée à participer à l'édiction des normes dans un domaine méconnaît l'étendue de sa compétence.

(2015-721 DC, 12 novembre 2015, cons. 17)

DISPOSITIONS TRANSITOIRES RELATIVES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE (ARTICLE 77)

Nouvelle-Calédonie

Saisi de la loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française, le Conseil constitutionnel s'assure que les dispositions de la proposition de loi relatives à la Nouvelle-Calédonie ont fait l'objet d'une consultation du congrès de la Nouvelle-Calédonie dans les conditions prévues à l'article 90 de la loi organique du 19 mars 1999 avant que le Sénat, première assemblée saisie, délibère en première lecture.

(2015-724 DC, 17 décembre 2015, cons. 2)

Autorités indépendantes

GARANTIES D'INDÉPENDANCE

Services d'instruction et de poursuite

Autorité de la concurrence

Aux termes de l'article L. 462-5 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 septembre 2000 : « Le Conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l'économie de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5. Il peut se saisir d'office ou être saisi par les entreprises ou, pour toute affaire qui concerne les intérêts dont ils ont la charge, par les organismes visés au deuxième alinéa de l'article L. 462-1 ».

Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. En particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle. Doivent également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Si, en vertu des dispositions de l'article L. 462-5 du code de commerce, le Conseil de la concurrence peut décider de se saisir d'office de certaines pratiques anticoncurrentielles, cette décision par laquelle le Conseil exerce sa mission de contrôle du bon fonctionnement des marchés n'a ni pour objet ni pour effet d'imputer une pratique à une entreprise déterminée. Dès lors, elle ne le conduit pas à préjuger la réalité des pratiques susceptibles de donner lieu au prononcé de sanctions. L'instruction de l'affaire est ensuite assurée sous la seule direction du rapporteur général dans les conditions et selon les garanties prévues par les articles L. 463-1 et L. 463-2 dudit code. Le collège du Conseil de la concurrence est, pour sa part, compétent pour se prononcer, selon les modalités prévues par l'article L. 463-7 du même code, sur les griefs notifiés par le rapporteur général et, le cas échéant, infliger des sanctions. Les deux derniers alinéas de cet article disposent que, lors de la séance, le rapporteur général peut présenter des observations, tout en prévoyant que lorsque le Conseil statue sur des pratiques dont il a été saisi en application de l'article L. 462-5, le rapporteur général et le rapporteur n'assistent pas au délibéré. Compte tenu de ces garanties légales, dont il appartient à la juridiction compétente de contrôler le respect, la décision du Conseil de la concurrence de se saisir d'office n'opère pas de confusion entre, d'une part, les fonctions de poursuite et d'instruction et, d'autre part, les pouvoirs de sanction. Dans ces conditions, les mots « se saisir d'office ou » figurant à l'article L. 462-5 du code de commerce ne portent aucune atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2015-489 QPC, 14 octobre 2015, cons. 2 à 8)

Réservés d'interprétation

DROIT SOCIAL

Article L. 5212-14 du code du travail (obligation d'emploi de travailleurs handicapés)

En vertu des dispositions combinées des articles L. 1111-2 et L. 5212-2 du code du travail, tous les salariés d'un groupement d'employeurs, qu'ils soient permanents ou qu'ils soient mis à disposition d'une entreprise utilisatrice, sont pris en compte pour apprécier si le groupement d'employeurs est assujetti à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Les dispositions contestées ne sauraient, sans créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que les salariés d'un groupement d'employeurs mis à disposition d'une entreprise utilisatrice soient pris en compte dans le nombre des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, lorsqu'ils sont dénombrés dans l'assiette d'assujettissement du groupement à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. Sous cette réserve, les mots « à due proportion de son temps de travail dans l'entreprise au cours de l'année civile » figurant au premier alinéa de l'article L. 5212-14 du code du travail, qui ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution.

(2015-497 QPC, 20 novembre 2015, cons. 13 et 14)

DROIT DES FINANCES PUBLIQUES ET SOCIALES

Livre des procédures fiscales

Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État que les personnes soumises à une imposition commune sont, alors même qu'elles sont séparées ou divorcées, réputées continuer de se représenter mutuellement dans les instances relatives à la dette fiscale correspondant à l'ensemble des revenus du foyer perçus pendant la période d'imposition commune. Les dispositions de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales telles qu'interprétées instituent entre les personnes soumises à imposition commune une présomption irréfragable de représentation mutuelle pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune, quelle que soit l'évolution de leur situation matrimoniale, de leurs liens au titre d'un pacte civil de solidarité ou de leur résidence au cours de cette procédure. Il en résulte que la notification, à une seule de ces personnes, de l'avis de mise en recouvrement, qui constitue le dernier acte de la procédure d'imposition, fait courir, à l'égard de chacune d'entre elles, le délai de la réclamation contentieuse prévue par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Toutefois, lorsque deux personnes précédemment soumises à imposition commune font l'objet d'une imposition distincte à la date de notification de l'avis de mise en recouvrement, émis aux fins de recouvrer des impositions supplémentaires établies sur les revenus perçus par le foyer au cours de la période d'imposition commune, la garantie du droit à un recours juridictionnel effectif impose que chacune d'elles soit mise à même d'exercer son droit de former une réclamation contentieuse, dès lors qu'elle a informé l'administration fiscale du changement de sa situation matrimoniale, de ses liens au titre d'un pacte civil de solidarité ou de sa résidence et, le cas échéant, de son adresse. Par suite, les dispositions contestées porteraient une atteinte disproportionnée au droit des intéressés de former une telle réclamation si le délai de réclamation pouvait commencer à courir sans que l'avis de mise en recouvrement ait été porté à la connaissance de chacun d'eux.

(2015-503 QPC, 4 décembre 2015, cons. 6, 13 et 14)