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L’incompétence négative, « faux ami » du juge administratif ?

Aurélie BRETONNEAU - Maître des requêtes Conseil d'État

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 46 (L’incompétence en droit constitutionnel) - janvier 2015 - p. 21 à 28

Résumé : Près d'un siècle avant que le Conseil constitutionnel se mette à contrôler « l'incompétence négative » du législateur, Edouard Laferrière forgeait cette notion à propos du contentieux administratif, pour désigner les cas où l'administration déclinait à tort sa compétence pour prendre une décision. La fortune qu'a, depuis, connu la notion d'incompétence négative du législateur a quelque peu déteint sur son application au pouvoir réglementaire qui, en s'éloignant de son cadre initial, a perdu en cohérence, voire en légitimité.

À contempler la fortune que connaît, depuis 1967, la notion d’incompétence négative en droit constitutionnel, dont le présent numéro des Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel n’est qu’un des nombreux témoignages(2), on en oublierait presque que c’est dans le giron du droit administratif qu’elle est venue au monde près d’un siècle plus tôt. Ironie de l’histoire, elle y a été, pour l’essentiel, source d’hésitations jurisprudentielles et de controverses doctrinales, et ne doit sa popularité récemment retrouvée (du moins auprès des requérants) qu’au glissement sémantique que lui a fait subir son acclimatation au contrôle de constitutionnalité des lois.

Un passé trouble

La notion d’incompétence négative est née sous de glorieux auspices, puisque c’est à propos de deux décisions du Conseil d’État relatives, respectivement, aux médailles (CE, 1er mai 1874, Lezeret de la Maurinie, p. 410) et aux chercheurs d’or (CE, 23 novembre 1883, Société des mines d’or de la Guyane__c/ Malguy, p. 832) qu’Edouard Laferrière la forge en 1888 dans son Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux(3). Ce qu’il admet alors être une facilité de langage, empruntée aux « expressions consacrées en matière de conflits »(4), connaît une certaine audience doctrinale, son exégèse devenant un passage obligé de tout manuel de procédure contentieuse (v. not. R. Alibert, Le contrôle juridictionnel de l’administration, Paris, Payot, 1926 ; J. Appleton, Traité élémentaire du contentieux administratif : compétence, juridictions, recours, Paris, Dalloz, 1927 ; F. Gazier, Essai de présentation nouvelle des ouvertures du recours pour excès de pouvoir, Études et documents du Conseil d’État, 1951, p. 31 ; C. Debouy, Les moyens d’ordre public dans la procédure administrative contentieuse, Paris, PUF, 1980 ; R. Chapus, Droit administratif général, t. I, Paris, Montchrestien). Le juge administratif lui a témoigné plus de réserve, puisqu’elle n’apparaît, d’ailleurs souvent encadrée de guillemets, que dans quelques dizaines de décisions contentieuses qui toutes écartent le moyen tiré de son invocation, ainsi que dans une poignée d’analyses au Recueil Lebon. Le plus souvent, et notamment dans tous les cas où il fait droit au moyen rangé sous ce pavillon, le juge administratif préfère relever que l’autorité administrative a « méconnu », ou s’est « mépris sur » « l’étendue de sa compétence ».

Discret, le pavillon de l’incompétence négative ne s’en est pas moins montré accueillant, regroupant sous un intitulé unique des configurations relativement disparates. Les fins observateurs de la jurisprudence en recensent jusqu’à quatre, les unes étant parfois présentées comme des sous-hypothèses des autres (v., pour une synthèse, A. Le Pillouer, « L’incompétence négative des autorités administratives : retour sur une notion ambivalente », RFDA 2009, p. 1203).

La première est celle au sujet de laquelle la notion a été inventée, et correspond au cas où une autorité décline sa compétence « et refuse de faire un acte de son ressort en déclarant qu’elle n’a pas qualité pour l’accomplir »(5). La précieuse publication au Recueil Lebon des défenses des ministres (respectivement de l’intérieur et des colonies) dans les affaires qui ont inspiré sa formule à E. Laferrière explique la tentation qu’a eue ce dernier de raisonner par analogie avec les « conflits négatifs » de compétence juridictionnelle dont connaît le tribunal des conflits : les refus obstinés, et soigneusement argumentés par les ministres, de se prononcer sur les décisions du Grand Chancelier de la Légion d’Honneur dans un cas et du gouverneur de la Guyane dans l’autre, laissaient en quelque sorte orphelins les recours hiérarchiques des administrés. Mais il va de soi que cette catégorie peut accueillir les cas où l’autorité légalement compétente, ignorant qu’elle l’est, renvoie expressément à une autre autorité le soin de statuer sur la demande de l’administré, qui se retrouve également abandonnée, mais cette fois aux mains de quelqu’un d’autre.

La deuxième correspond aux cas où, tout en prenant effectivement la décision qu’elle est compétente pour adopter, une autorité administrative se croit liée par l’avis d’une autre autorité. Ce faisant, elle permet en quelque sorte à cette dernière de prendre la décision à sa place, et c’est à ce titre qu’on rattache aux vices d’incompétence cette compétence liée imaginaire et abusive (v. par exemple : CE, Section, 20 juin 2003, M. Stilinovic, n° 248242, p. 258, où le ministre de la Justice avait volontairement lié son pouvoir d’appréciation en matière de discipline des magistrats du parquet à celui du Conseil supérieur de la magistrature).

La troisième correspond aux cas dits de « subdélégation illégale », par laquelle l’autorité compétente se décharge expressément, et sans respecter les formalités nécessaires, sur une autorité inférieure de son pouvoir de décision.

La quatrième enfin, qui est aussi la plus sulfureuse, est l’équivalent au niveau réglementaire de l’incompétence négative que le Conseil constitutionnel a pris l’habitude de censurer depuis sa décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967(6) chaque fois que le législateur se montre trop laconique ou imprécis pour « épuiser sa compétence », laissant ainsi au pouvoir d’application des lois (le plus souvent, mais pas toujours, d’ordre réglementaire) l’opportunité d’investiguer un champ qui lui est normalement fermé par la Constitution.

Ces différents cas de figures ont en commun de traduire une retenue coupable de l’autorité administrative. Ils emportent pour le reste des conséquences très variées, et même hétéroclites, allant de l’absence de toute décision de fond là où il en faudrait une à l’intervention d’une décision de fond dont le véritable auteur n’est pas le bon, en passant par l’édiction d’une décision compétemment, mais incomplètement prise. En conséquence, le contrôle qu’opère le juge administratif dans chacune de ces configurations varie, de même que varie en fonction la façon d’exécuter sa décision, lorsqu’il vient à annuler un acte pour cause d’incompétence négative. Qu’il annule un « déclinatoire de compétence » et il faudra procéder à un premier examen de la demande ; la censure d’une fausse compétence liée entraînera un réexamen et qui pourra d’ailleurs déboucher, in fine, sur une décision similaire sur le fond ; l’annulation d’une subdélégation illégale entraînera une remise du travail sur l’ouvrage ; quant au cas où le juge censure l’imprécision ou l’incomplétude d’un texte et annule ce qui lui manque (puisqu’à la différence du Conseil constitutionnel, il pratique l’annulation « en tant que ne pas »), c’est un de ceux où, usant de la gomme, il manie également le crayon (v. C. Landais et F. Lenica, « Le juge, la gomme et le crayon... », AJDA 2005, p. 2002).

Tout a été dit depuis longtemps des bizarreries que recèle le rattachement à la catégorie des moyens d’incompétence des deux premières hypothèses que nous avons évoquées. Dénoncée pour son caractère équivoque par M. Lampué(7), qualifiée de « défectueuse » et « d’inacceptable » par J-M Auby(8) puis plus pudiquement de « singulière » par R. Chapus, cette classification présente, en effet, l’inconvénient de désigner comme une incompétence ce qui n’est autre qu’une erreur de droit de l’autorité compétente quant à la consistance de ses pouvoirs. Il est vrai aussi que le contrôle du juge administratif a pu osciller sur la question, de tels vices étant parfois traités comme de véritables moyens d’incompétence au titre de la légalité externe, et de ce fait relevés d’office par le juge (v. CE, 30 juin 1950, Sieur__Quéralt, n° 99882, p. 413, et les conclusions du commissaire du gouvernement Delvolvé ; CE, Section, 19 novembre 1971, Ministre de la Santé publique et de la Population c/ Dlle Bruguière, p. 691, et les conclusions du commissaire du gouvernement Rougevin-Baville ; plus récemment, de façon explicite, CE, 16 décembre 2008, M. Gros, n° 297808, inédit au Recueil), d’autre fois traitées au titre de la légalité interne comme de simples erreurs de droit (CE, Section, 16 septembre 1983, Mme Saurin, p. 390, ou encore Stilinovic précitée). Peut-être ne faut-il voir dans cette indéniable inconstance que le reflet de la diversité des situations contentieuses, le juge ayant tendance à prendre ce moyen à double visage tel qu’il se présente à lui dans tous les cas où il est soulevé, tout en se réservant la possibilité de censurer d’office ce vice qui, qu’il soit de légalité externe ou interne, est avant tout grave en ce qu’il vient perturber les règles de dévolution des compétences qui sous-tendent l’architecture administrative. Quant à la subdélégation illégale, elle est sans grand mystère et n’est d’ailleurs pas l’objet d’une grande effervescence doctrinale, si l’on met à part les critiques qu’encourt l’usage abusif du mot « subdélégation », auquel il faudrait parfois préférer celui de « délégation »(9).

Un présent douteux

C’est donc au dernier cas d’« incompétence négative », celui, propre aux actes réglementaires, dans lequel l’autorité administrative compétente est taxée d’en faire trop peu, que nous voudrions consacrer notre propos.

C’est peu de dire que l’invocation d’un tel moyen d’incompétence négative est fréquente, particulièrement depuis que la jurisprudence Kimberly Clark (Cons. const., décision n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010) a familiarisé les requérants avec elle par le truchement de la question prioritaire de constitutionnalité. Et l’on ne saurait nier que de nombreuses décisions du Conseil d’État le traitent avec une certaine déférence en l’écartant « au fond », parfois au prix d’une motivation extrêmement circonstanciée. Plus significativement encore, par une décision Cimade et autres (CE, 3 juin 2009, n° 321841, 1er §, p. 211), le Conseil d’État n’a, à propos du décret n° 2008-817 du 22 août 2008 déterminant les modalités selon lesquelles les étrangers maintenus en rétention administrative bénéficient de certaines prestations associatives, écarté le moyen tiré de ce que des dispositions réglementaires seraient entachées d’incompétence négative, pour n’avoir pas prévu l’ensemble des mesures voulues par le législateur, qu’après en avoir fait une interprétation constructive, que l’analyse de la décision au Recueil Lebon, décidément inspirée par la terminologie constitutionnelle, n’hésite pas à qualifier de « réserve d’interprétation ». Rapprochée du précédent d’Assemblée Syndicat des médecins de l’Ain et autres (CE, Assemblée, 3 juillet 1998, n° 188004 et autres, p. 266), qui déclare illégales des dispositions d’une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution « faute pour [ses] auteurs (...) d’avoir épuisé leur compétence », et de la décision postérieure Société Électricité de France__et autres (CE, 16 octobre 2013, n° 358701 et autres, à mentionner aux Tables), qui annule pour le même motif une délibération du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy, cette décision semble bien accréditer la thèse selon laquelle le Conseil d’État opèrerait sur l’incompétence négative du pouvoir réglementaire un contrôle similaire à celui du Conseil constitutionnel sur la loi.

Une telle solution n’est toutefois pas, dans la jurisprudence du Conseil d’État, unanimement retenue. Ainsi, une décision Fédération départementale des associations agréées de la pêche et de protection du milieu aquatique de l’Orne (CE, 27 octobre 2008, n° 307546, 2e §, p. 364) écarte comme inopérant le moyen tiré de l’incompétence négative d’un décret qui n’avait pris qu’une partie des mesures d’application impliquées par la loi au motif « qu’aucune disposition ni aucun principe n’imposait au pouvoir réglementaire d’épuiser, par le décret attaqué, la compétence qu’il tenait des dispositions législatives ». Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement E. Glaser relevait qu’aucune règle n’impose au pouvoir réglementaire d’adopter un seul décret quand le législateur lui renvoie l’adoption de diverses dispositions (citant CE, 12 février 1993, _Syndicat CFDT des personnels des ministères chargés de l’Industrie, de la Recherche, de l’Énergie, du Commerce et de l’Artisana_t, T. p. 817 et 842 sur un autre point).

Cette motivation ne peut qu’attirer l’œil sur les différences substantielles qui nous semblent exister entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire, et qui affaiblissent quelque peu la légitimité d’une transposition au second de l’incompétence négative telle qu’elle a été pensée, à partir de 1967, pour le premier.

Si le Conseil constitutionnel s’assure dès le stade du contrôle a priori de la loi que le législateur a dit suffisamment, dans le texte déféré, du sujet, relevant de sa compétence exclusive, dont il s’est saisi, c’est parce que le pouvoir législatif est réputé, une fois intervenu, s’en remettre pour tout le reste au Gouvernement, constitutionnellement chargé de l’application des lois (v. le commentaire précité de la décision du 26 janvier 1967 aux Grandes décisions du Conseil constitutionnel). La meilleure preuve en est que quand le législateur prend le soin de préciser qu’il complètera ultérieurement son texte et reporte en conséquence l’entrée en vigueur de ce dernier, le Conseil constitutionnel s’en satisfait et juge inopérant le grief d’incompétence négative (Cons. const., décision n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003). En outre, et ainsi que le souligne J. Boucher dans ses conclusions sur la décision de renvoi SNC Kimberly Clark (CE, 23 avril 2010, n° 327166, T. p. 940), le législateur « en restant au milieu du gué, ouvre la voie à une violation, au stade de l’application de la loi, des droits et libertés garantis par la Constitution (...) et ouvre la porte à l’arbitraire ». Il s’agit donc d’un vice au regard, tout à la fois, de la répartition verticale des compétences et, par voie de conséquence, de la garantie des droits.

Or il n’en va pas du pouvoir réglementaire comme du législateur. Dès lors que la procédure réglementaire n’a pas les mêmes lourdeurs que la procédure législative, il n’y a guère de raison de supposer qu’un premier décret incomplet ne sera pas complété par un autre. C’est ce que relevait E. Crépey dans ses conclusions sur l’affaire Société électricité de France__et autre en ces termes : « ce qu’un décret n’a pas fait, un autre décret, c’est-à-dire la même autorité, pourra le faire demain ». En l’absence d’autorité constitutionnellement chargée de prendre dans les meilleurs délais les mesures d’application qu’appellerait un décret, le risque qu’un arrêté vienne sans y avoir été invité s’immiscer dans le silence du texte initial est, du reste, plus faible.

À cela s’ajoute qu’il n’existe pas, au sein du pouvoir réglementaire, de frontière de compétence comparable à celle qui isole la compétence d’attribution du pouvoir législatif de celle du pouvoir réglementaire. Dès lors d’une part que le pouvoir réglementaire dispose d’une compétence de droit commun, il est un peu vain de veiller à ce qu’il l’épuise ; dès lors d’autre part qu’il se trouve au plus bas de la hiérarchie des normes, il n’est pas de problème de concurrence des autorités subordonnées qu’il faille prévenir à tout prix.

Cette distinction étant faite, on ne peut qu’être frappé de ce que les décisions Syndicat des médecins de l’Ain et Société Électricité de France ne sont pas relatives à des actes réglementaires ordinaires, l’un comme l’autre – ordonnance de l’article 38 et délibération d’une collectivité d’Outre-mer de l’article 74 – ayant pour mission constitutionnelle d’intervenir dans le domaine de la loi. Le fait que le Conseil d’État décide de censurer leur incompétence négative ne signifie donc pas nécessairement qu’il accepte d’acclimater au pouvoir réglementaire la jurisprudence constitutionnelle sur ce point. Il procède simplement du choix de faire primer le critère matériel sur le critère organique et de soumettre les actes réglementaires que la Constitution habilite à intervenir dans le domaine législatif aux mêmes exigences que celles que le Conseil constitutionnel fait peser sur la loi.

Un avenir incertain

Est-ce à dire que la notion d’incompétence négative du pouvoir réglementaire n’est qu’un leurre ? Et que le Conseil d’État devrait donc renoncer à annuler (ou à neutraliser) des textes réglementaires qui n’en disent pas assez, au motif qu’ils pourront toujours en dire plus ultérieurement ?

Nous ne saurions nous aventurer à proposer une réponse affirmative à la seconde question et condamner ainsi brutalement la technique de l’annulation en creux. Il semble en effet parfaitement légitime que le juge administratif fasse disparaître de l’ordonnancement juridique un texte dont les manques (ou, selon les cas, les manques d’un texte qui) méconnaîtraient directement et en eux-mêmes une règle de droit. L’exemple le plus évident en est le défaut de mesures transitoires dans des conditions contraires à l’exigence de sécurité juridique (CE, Assemblée, 24 mars 2006, Société KPMG et autres, n° 288460, p. 154). Mais on peut également penser aux cas dans lesquels l’application d’un décret tronqué conduirait, pendant le laps de temps allant de son entrée en vigueur à l’édiction d’un décret le complétant, à méconnaître une garantie constitutionnelle ou légale, comme c’était le cas du droit au recours effectif des contribuables dans l’affaire Société Électricité de France. Reste enfin à méditer les cas où serait en cause l’exigence constitutionnelle de transposition complète d’une directive européenne, une fois expiré le délai imparti : il pourrait ainsi s’avérer expédient d’annuler d’emblée les manques d’un décret, plutôt que de renvoyer aux requérants le soin de demander au pouvoir réglementaire de le compléter et d’attaquer le cas échéant son refus.

Mais dans toutes ces hypothèses, le vice censuré dans l’acte réglementaire qui n’a pas d’emblée suffisamment épuisé sa compétence renvoie à une question de positionnement dans le temps plutôt qu’à une question de partage vertical de compétence avec les autorités d’application de la norme édictée. Et dans la plupart des cas, le juge administratif pourrait en toute rigueur se borner à censurer l’absence de dispositif transitoire de nature à différer l’entrée en vigueur du texte jusqu’à l’intervention de son complément. On comprend dans ces conditions la référence à un vice « négatif » ; le lien avec « l’incompétence », lui, est quelque peu distendu.

À la question de savoir s’il est pertinent de transposer au contrôle des actes réglementaires celui qu’exerce le Conseil constitutionnel sur l’épuisement par le législateur de la compétence d’attribution qu’il tient de la Constitution, nous serions donc tentés de répondre par la négative. Si bien que les quelques lignes qui précèdent sont en quelque sorte, elles aussi, entachées d’une forme d’incompétence négative, pour avoir entendu appréhender une notion qui, en droit administratif, n’existe peut-être pas.

(1) Le titre fait écho à la contribution du président Genevois aux Mélanges Labetoulle, à propos d’une autre question de compétence : « Un faux ami : le principe du parallélisme des compétences », Dalloz, 2007.

(2) Le commentaire de la décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967 aux Grandes décisions du Conseil constitutionnel (Dalloz, 16e éd., 2011, p. 46) relève que de 1982 à 2005, le Conseil constitutionnel a rendu quatre-vingt-trois décisions (dont vingt-trois censures) sur la question de l’incompétence négative du législateur. Le moteur de recherche du Conseil constitutionnel fait état de cinquante-neuf décisions ayant à ce jour employé cette expression en tant que telle.

(3) E. Laferrière, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1888, t. 2, p. 491.

(4) Ibid. p. 492.

(5) Ibid.

(6) V. G. Schmitter, « L’incompétence négative du législateur », AIJC, 1989, p. 137 ; J. Tremeau, La réserve de loi – Compétence législative et Constitution, Economica-PUAM, 1997.

(7) Dans un cours de contentieux inédit à la Faculté de droit de Paris, 1943-1944, cité par J-M Auby dans sa note sous l’arrêt Quéralt (cf. infra).

(8) J-M Auby, note sous CE, 30 juin 1950, Quéralt, S. 1951. 3. 85.

(9) V. N. Boulouis, « Sur une notion discutable : l’édiction des mesures d’application des lois en vertu “d’habilitations législatives” », Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 113.