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L’outre-mer, l’unité et l’indivisibilité de la République

Félicien LEMAIRE - Professeur de droit public à l'Université d'Angers, Centre Jean Bodin - Recherche juridique et politique

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 35 (Dossier : La Constitution et l’outre-mer) - avril 2012

Dans le questionnement ici induit, reconnaissons qu'il y a une tentation à situer l'outre-mer à part dans la République. Tout se passant même comme si cette partie du territoire était assurément située à sa marge ; d'aucuns diront à sa périphérie. Une marge que semblerait justifier l'éloignement géographique. Or, pour qui ne veut que s'attacher aux principes, dans un État réputé unitaire comme l'est la France, cette problématique peut être résolue de manière péremptoire : un territoire appartient à la République ou il n'y appartient pas. Il est assujetti à ses principes fondateurs tels qu'énoncés à l'actuel article 1er de la Constitution de 1958(1) (indivisibilité, laïcité, caractère démocratique et social, égalité) ou il n'a aucune raison d'appartenir à la République.

Mais les terminologies ne sont jamais indifférentes. Elles font écho à certaines mentions constitutionnelles et inspirent une mise en perspective des notions. Très concrètement, dans la singularisation de l'outre-mer qui nous est proposée, le sujet suggère comme une mise en abyme, l'évocation d'un récit dans le récit : celui spécifique de l'outre-mer dans le tableau républicain, en s'interrogeant via les notions d'unité et d'indivisibilité sur la réalité et le contenu de son enchâssement ou de son inclusion dans la République (2). Au fond, il s'agirait moins de discuter des seuls dogmes et principes posés que de la réalité institutionnelle. De ce point de vue, admettons qu'il ne vient que par extraordinaire à l'esprit de s'interroger sur « La métropole, l'unité et l'indivisibilité de la République ». Qui pourrait valablement nier que la France a effectivement toujours été confrontée à travers « son outre-mer » à la question des différences et des particularismes, au point parfois de donner le sentiment de rejeter au rang de simples folklores ceux revendiqués par les régionalistes métropolitains ? Aussi comprend-on l'intérêt du rappel constant de l'appartenance des territoires ultramarins à la République (3). Ainsi la censure hautement symbolique du Conseil constitutionnel, notamment sur la base du principe d'indivisibilité, de la mention faite par le législateur d'un « pacte qui unit l'outre-mer à la République » (décision 2000-435 DC du 7 décembre 2000, loi d'orientation pour l'outre-mer (4)) ; écartant de la sorte vigoureusement toute thèse d'une vision colonialiste des rapports, dans un rapprochement peu admissible - quoique certainement involontaire - avec l'idée ancienne de « pacte colonial » (5). Mais l'épisode n'est pas moins symptomatique de l'équivoque qui a pu s'installer.

L'histoire en ce sens est longue. Dès l'époque révolutionnaire, une ambiguïté - devenue irréfragable dans le temps - s'est en réalité instillée. Ainsi, lorsque la Constituante décréta les 8-10 mars 1790 que si elle considère les colonies comme une partie de l'empire français, « elle n'a cependant jamais entendu les comprendre dans la Constitution qu'elle a décrétée pour le royaume, et les assujettir à des lois qui pourraient être incompatibles avec leurs convenances locales et particulières ». Sans doute la proclamation de la République (22 septembre 1792) puis de son unité et indivisibilité (25 septembre suivant) a-t-elle conduit à réviser cette position qui, par différents biais, semblait peu en phase avec les principes issus de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. D'abord, avec la loi du 11 septembre 1793 qui assimila les colonies aux départements mais uniquement en ce qui était relatif au commerce et aux douanes ; puis plus nettement l'article 6 de la Constitution du 5 fructidor an III qui affirma que les colonies françaises étaient partie intégrante de la République et soumises à la même loi constitutionnelle. Sans conteste, il faut y voir là une démarche propre à la République qui la différencie des autres régimes politiques - du Consulat marchepied de l'Empire à la Restauration, la monarchie de juillet ainsi que le second Empire - qui ont entendu écarter la participation des colonies aux institutions politiques. Reste que la règle de l'assimilation législative instaurée dans le cadre républicain ne prit souvent que le caractère d'une déclaration de principe, en opérant des distinctions en ce qui concerne les libertés et droits politiques ainsi que droits civils. Si bien que l'ambiguïté des rapports n'a cessé de s'agrandir, malgré les tentatives régulières de règlement, elles-mêmes non dépourvues d'ambiguïté : de la loi du 19 mars 1946 de départementalisation pour « les quatre vieilles » (Guadeloupe, Martinique, Réunion et Guyane française) posant le principe de l'application du droit commun de la métropole à la reconnaissance pour les territoires ayant reçu l'appellation de territoires d'outre-mer (TOM) - dans le cadre de la IVe comme de la Ve République - d'un statut particulier « tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République ». En réalité, une manière qui a été quasi incessante, à travers le temps, d'osciller entre l'affirmation du particularisme, jugé nécessaire mais présentant le défaut d'inscrire certains territoires aux marches de la République ; et l'assimilation, longtemps revendiquée comme une avancée des droits, mais présentant pour beaucoup le défaut de nier les spécificités historiques, culturelles mais aussi économiques (6).

C'est assez dire que la relation de la France à son outre-mer est traversée par la tension entre les forces centrifuges et l'intégration républicaine, entre la recherche d'indépendance ou d'autonomie des territoires ultramarins et l'affirmation dans le même temps d'une plus grande prégnance des principes républicains. Que dans ce mixte relationnel, l'unité statutaire ait été sacrifiée (I) au profit de l'indivisibilité politique (II), au point de faire disparaître de la Constitution le terme d'unité pour ne conserver que celui d'indivisibilité surprend alors moins, quand bien même une partie de la doctrine a identifié ces notions comme synonymes en évoquant un seul et unique principe (7). Au fond, cela participe d'une logique devenue assez banale de pacification des conflits inhérents aux particularismes dans les États, et fait écho à ce constat émis dès la IVe République, à l'époque de l'Union française, selon lequel « la République ne peut pas être une et indivisible ; elle est au contraire multiple par ses aspects et indivisible dans ses principes » (8). Cette logique prend toutefois aujourd'hui une forme institutionnelle accusée en raison des réformes constitutionnelles. L'indivisibilité politique dans le pluralisme statutaire, telle semble donc être, dans une entreprise de clarification juridique, la nouvelle devise de la relation instruite entre la République et son outre-mer. D'aménagements institutionnels en dérogations constitutionnelles par rapport au principe d'indivisibilité, il s'en faut de peu cependant - tentation récurrente en ce qui a trait à l'outre-mer - que l'on ne sorte de l'État unitaire. D'autant que - dans un rappel de ce que la République demeure somme toute « un tout » - les assouplissements des règles admises outre-mer ne sont pas sans répercussions sur l'ensemble du droit des collectivités territoriales, donc y compris métropolitaines.

L'abandon de l'unité comme principe de structuration territoriale de l'outre-mer

Même si l'examen des travaux préparatoires de 1958 ne permet pas d'être totalement définitif sur les motifs de l'abandon du terme d'unité dans la Constitution, force est de considérer que ceux-ci inclinent pour le moins à penser que la question de l'outre-mer, en posant la problématique itérative de la séparation et de l'intégration, n'a pas été sans incidence sur le renoncement à cette terminologie ; d'autant que la menace portait également sur le terme d'indivisibilité (9). C'est par réalisme que les Constituants ont été conduits, en raison de l'intégration des colonies dans la République, « à proclamer l'indivisibilité de la République, renonçant à l'unité » conclut en ce sens M.-H. Fabre (10). Que dans ce compromis, on ait tenté, dans une remise à zéro institutionnelle, de régler ponctuellement les demandes d'indépendance par le recours au droit d'autodétermination (A) paraît assez logique. Mais le maintien dans la République de nombre de territoires ultramarins a contraint à trouver par ailleurs un mode plus pérenne de gestion dans la République du tiraillement entre la logique d'assimilation et la reconnaissance des spécificités, en acceptant le pluralisme statutaire (B).

A - L'autodétermination, mode ponctuel de résolution de la tension entre forces centrifuges et intégration républicaine

Dès la IVe République, le processus de décolonisation, devenu inéluctable, a conduit les autorités françaises à faire une place dans les institutions au principe d'une évolution statutaire au profit des territoires ultramarins. Certes, à la suite des principes énoncés par le Général de Gaulle, dans son discours d'ouverture de la Conférence de Brazzaville de janvier 1944, il ne pouvait être question d'une émancipation complète ; mais du moins de créer les conditions permettant à ces territoires - selon les termes qui furent repris dans l'alinéa 18 du préambule de 1946 - « de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires [...] ». Le fait que le fédéralisme ait été perçu par les uns comme le meilleur moyen de préserver l'unité politique de l'Empire, et pour d'autres au contraire comme la meilleure façon d'organiser sa dislocation ne fait que confirmer la permanence du débat républicain entre la voie la plus radicale de la fermeté et la concession faite au pluralisme pour maintenir ce qui dans le principe n'était déjà plus l'Empire colonial. Ainsi R. Capitant qui explique que c'est une erreur de vouloir aller « contre la force irrésistible de l'histoire » que « l'assimilation est une chimère, elle conduit à retirer d'une main ce que l'on donne d'une autre ». « L'Union française sera fédérale ou elle ne sera pas » (11). De l'autre E. Herriot, notamment, qui considère le fédéralisme dangereux et fait courir le risque que la France devienne, selon sa célèbre formule, « la colonie de ses anciennes colonies » (12).

Nonobstant l'article 75 C qui prévoyait des possibilités très théoriques d'évolution des membres de la République et de l'Union française, la solution de compromis ne fut pas tant trouvée avec la IVe République, puisque celle-ci dissociait en fait nettement l'Union française quasi-fédérale de la République censée demeurer une et indivisible (13), qu'avec la Constitution de 1958 qui proposa, dans un souci de clarification du rapport à la République, un droit de libre disposition et un droit d'option.

Incontestablement, au regard de la tradition, la possibilité ouverte dès la mise en place de la Constitution d'une sécession d'avec la République apparaissait comme une hérésie. Mais plus que jamais, compte tenu des exigences internationales de décolonisation, le moment parut opportun d'offrir aux territoires ultramarins un large choix, pour une fois celui-ci effectué : verrouiller à nouveau et définitivement - pensait-on - la République. La procédure est connue, quoiqu'elle fût largement discutée dans ses modalités concrètes autant que ses finalités. S'agissait-il vraiment, comme le pensaient les autorités françaises, de l'exercice d'un droit d'autodétermination pour les TOM, en leur donnant la possibilité de se prononcer sur leur adhésion ou pas à la nouvelle Constitution ? Ou s'agissait-il ni plus ni moins, comme inclinaient à le penser nombre d'élus d'outre-mer d'un « chantage » (14) voire d'un « contrat d'adhésion » (15) au sens civiliste du terme, c'est-à-dire un contrat où la partie la plus forte impose sa loi au plus faible ? Voulait-on mettre en place à travers la Communauté une Confédération ou un fédéralisme ? Et si fédéralisme il y avait, serait-il égalitaire ou nécessairement inégalitaire au profit d'un des membres : la République ? On n'insistera pas sur ce débat qui n'a aujourd'hui qu'un intérêt historique au regard du caractère somme toute inéluctable du mouvement de décolonisation ; ni sur l'issue du droit d'option ouvert dans le délai de quatre mois aux territoires d'Afrique et de Madagascar restants. Le seul constat à en tirer est que, le droit se mettant au diapason des faits, la Communauté constitutionnelle devenue Communauté conventionnelle (16) devint elle-même très rapidement une coquille vide avec l'indépendance de la plupart des territoires.

Toutefois si les événements surprirent quelque peu par leur rapidité, il surprit encore davantage sur le plan constitutionnel que le droit d'autodétermination fusse pérennisé. Alors qu'aucune disposition ne prévoyait, selon les propos des constituants (17), la possibilité de quitter la République après le droit d'option, la force des faits conduisit malgré tout à régler juridiquement les problèmes liés au maintien de certains des territoires. Non pas par une procédure extraordinaire, comme ce fut le cas pour l'Algérie, en recourant à un référendum national approuvant l'autodétermination des populations algériennes ; mais par une lecture assurément constructive du texte constitutionnel, en affirmant avec la doctrine Capitant que le droit d'autodétermination institué en 1958 n'était pas forclos et pouvait s'exercer par l'intermédiaire de l'article 53, al. 3 en assimilant cession et sécession ... Le Conseil constitutionnel, reprenant cette interprétation (décision 75-59 DC du 30 décembre 1975), l'a comme on le sait davantage étayée en s'appuyant sur l'alinéa 2 du préambule et la mention qui est faite du principe de libre détermination (décision 87-226 DC du 2 juin 1987). Il l'a même consolidée en ne limitant pas la possibilité d'y recourir pour les seuls TOM et en l'étendant à toute collectivité ultramarine : qu'il s'agisse d'une collectivité à statut particulier (décision 2000-428 DC du 4 mai 2000 (18)) ou d'un DOM (2000-435 DC du 7 décembre 2000).

Cependant, on ne peut se tromper sur la lecture de ces évolutions en prétendant à un abandon de l'unité entendue comme l'expression de l'unité nationale ou de son indivisibilité politique, puisque des gardes fous sont maintenus. Les territoires ultramarins ne disposent pas en en effet d'un droit propre à la sécession, puisque suivant les conditions strictes posées par le juge constitutionnel : l'initiative d'une consultation ne peut être prise que par « les autorités compétentes de la République » ; la procédure doit s'inscrire « dans le cadre de la Constitution », en excluant le droit international ; la consultation des populations intéressées doit par ailleurs obéir aux exigences de loyauté et de clarté (19) ; enfin, conséquence évidente des principes d'indivisibilité et de souveraineté, le Parlement doit voter après la consultation, une loi autorisant la mutation territoriale.

Le règlement de la problématique de l'autodétermination externe appelant celle de l'autodétermination interne, il a fallu également pour les autorités étatiques trouver une solution plus pérenne d'administration des territoires ultramarins désormais clairement maintenus dans la République. En s'extrayant de la dualité institutionnelle quelque peu manichéenne entre l'assimilation et l'organisation particulière des TOM, la voie en définitive choisie est celle de la consécration d'une différenciation réelle des statuts ; non sans difficulté cependant, en intégrant l'idée que l'unité politique n'appelle pas nécessairement l'unité de législation ou de droit.

B - Le pluralisme statutaire, mode pérennisé de résolution de la tension entre assimilation et reconnaissance des spécificités

Nul n'ignore que le principe d'un abandon de l'unité statutaire ou de l'uniformité statutaire des collectivités territoriales a fait l'objet, à la suite de la première phase de décentralisation de 1982, d'une véritable querelle doctrinale sur la thématique des limites ou pas à la diversification territoriale pour chaque catégorie de collectivité territoriale. Ce débat n'a du reste pas été sans incidence pour une partie de l'outre-mer, celle assujettie au principe d'assimilation, puisque statuant sur le cas des DOM, le Conseil constitutionnel avait affirmé que les adaptations devaient respecter certaines compétences propres à chaque catégorie. Aussi bien lorsqu'il a écarté au nom de l'identité institutionnelle une loi instituant dans les départements et régions d'outre-mer une assemblée unique (décision 82-147 DC du 2 décembre 1982) ; que lorsqu'il a limité la portée des mesures d'adaptation à propos des compétences des régions d'outre-mer de Guadeloupe, Guyane, La Martinique et La Réunion (84-174 DC du 25 juillet 1984) ; et plus globalement s'est opposé à des adaptations qui « ne sauraient avoir pour effet de doter les départements d'outre-mer d'une organisation particulière » au sens de l'article 74 de la Constitution réservé aux seuls territoires d'outre-mer » (2000-435 DC du 7 décembre 2000). Ce n'est donc qu'avec une certaine imprudence qu'il est possible de prétendre que la jurisprudence constitutionnelle a achevé, en ce qui concerne les collectivités métropolitaines, de dissiper dans tous les esprits tout doute quant à l'abandon de l'uniformité statutaire ; même avec la décision du 9 mai 1991 relative au statut de la Corse confirmant la possibilité de créer une nouvelle catégorie de collectivité ne comportant qu'une seule unité, en ce qui cependant était relatif à la transformation d'une catégorie de collectivité (la région) à cette époque non encore constitutionnalisée.

Aujourd'hui, s'agissant de l'outre-mer, il n'est toutefois pas douteux que l'unité statutaire est rompue. Certes, il ne s'agit pas en soi totalement d'une nouveauté. La France, on l'a dit, a toujours eu à régler à travers son outre-mer la question des particularismes. Reste que dans le mouvement général de « territorialisation » du droit, l'outre-mer ne fait pas seulement office de précurseur mais en assume encore, à travers la modernisation des textes, la part majeure, en accréditant sous certains aspects la thèse d'une constitution de l'outre-mer dans la Constitution républicaine.

C'est ce que laisse apparaître la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 sur l'organisation décentralisée de la République (20) qui reformule le rapport de la République à l'outre-mer. Dans la forme d'abord, en énumérant expressément dans l'article 72-3 l'ensemble des territoires relevant de l'outre-mer. Ce qui était innomé et indifférencié, parce que peut-être lointain, devient ainsi tangible et concret dans la loi fondamentale en identifiant chacun des territoires. Une manière d'affirmer, là où il pouvait encore subsister quelques doutes, l'appartenance de chacun de ces territoires à la République ; alors qu'il n'a pas été jugé nécessaire d'opérer de même pour la métropole, comme si cela allait de soi. Que le Constituant ait éprouvé le besoin de situer un peu à part la Nouvelle-Calédonie dans l'énumération de ces territoires (al. 3 de l'article 72-3 au lieu de l'al. 2) n'étonne qu'à moitié. C'est une façon, maladroite, mais non ambiguë de rappeler dans le titre XII consacré de manière générale aux collectivités territoriales son égale appartenance à la République, en dépit de sa spécificité constitutionnelle et son inclusion dans un titre spécifique (titre XIII). Tandis que la mention in fine à l'article 72-3, al. 4 des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton ne constitue qu'une façon de rappeler que la spécificité statutaire est due à l'absence de population permanente sur ces territoires. Indépendamment du cas spécifique de la Nouvelle-Calédonie, le rapport à l'outre-mer est également reformulé sur le fond en procédant à un assouplissement général du cadre institutionnel. Il n'est que de constater l'évolution du statut des DOM qui se voient désormais aménager des possibilités plus grandes d'adaptation. Et si s'agissant de la nouvelle catégorie des collectivités d'outre-mer (COM) qui se substitue à celle des TOM, l'intention est bien celle d'une unification catégorielle ; il demeure que cette nouvelle catégorie ne joue que le rôle des utilités pour regrouper des statuts en réalité marqués par leur hétérogénéité. Car qu'y-a-t-il de commun entre l'autonomie poussée de la Polynésie française, l'absence d'autonomie de Wallis et Futuna et le statut hybride actuel de Saint-Pierre-et-Miquelon ; sans oublier l'aménagement - pour des raisons essentiellement fiscales - d'un statut particulier pour les îles Saint-Barthélemy et Saint-Martin ?

La volonté manifeste des autorités étatiques (21) de pérenniser la possibilité d'évolutions institutionnelles différenciées apparaît par ailleurs nettement par l'introduction dans la Constitution de l'article 72-4 qui prévoit des modalités de changements de régimes ou catégories. Il est ainsi loisible pour les DOM de se transformer en COM et inversement pour les COM de devenir des DOM. Etant entendu que ce changement ne peut être décidé que par une loi organique et « ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de la collectivité intéressée ait été préalablement recueilli ». Saint-Barthélemy et Saint-Martin ont bénéficié, à la suite des consultations organisées le 7 décembre 2003 de cette disposition en étant extraits du DOM de la Guadeloupe pour devenir des COM ; tandis qu'à cette même date, la Guadeloupe et la Martinique ont renoncé à profiter des dispositions nouvelles de l'article 73, al. 7 leur donnant la possibilité d'instituer une assemblée unique se substituant aux assemblées des DOM-ROM de chacun des territoires. Ayant refusé le 10 janvier 2010 d'accéder à une autonomie plus grande en devenant des COM, la Guyane et la Martinique ont en revanche approuvé le 24 janvier suivant la mise en place d'une collectivité unique exerçant conformément à la question posée « les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l'article 73 de la Constitution ». Très logiquement ces dernières consultations ont justifié, sur le plan législatif, des ajustements aussi bien en ce qui concerne les compétences relatives aux créations des collectivités territoriales de Guyane et de la Martinique (loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011), qu'en ce qui concerne les habilitations d'intervention de ces collectivités dans le domaine réglementaire et législatif (loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution (22)). Mais au-delà de ces ajustements techniques se trouve ainsi confirmé sur le plan institutionnel la volonté d'une plus grande prise en compte des voeux des élus territoriaux, à travers les mécanismes de concertation mis en place (23), autant que des populations concernées, dans une recherche d'adéquation entre l'appartenance à la République et la reconnaissance de la singularité des territoires. Ainsi Mayotte qui donne presque le sentiment d'accomplir le chemin inverse des autres territoires, à la suite de la consultation sur la départementalisation organisée le 29 mars 2009 et la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 transformant, à compter de 2011, la collectivité départementale de Mayotte en « Département de Mayotte » régi par l'article 73 C (24).

Ne disons pas alors qu'il y a désormais une adéquation entre « unité de la République » et singularités territoriales. Cela ne fait pas sens si unité signifie unité statutaire ou uniformité territoriale ! Disons plutôt - en conformité avec la lettre constitutionnelle et la jurisprudence constitutionnelle qui ne recourent qu'au principe d'indivisibilité de la République (25) - qu'il y a adéquation entre « indivisibilité de la République » et singularités, dès lors qu'indivisibilité veut dire unité nationale et unité politique ou centralisation législative, sans s'opposer au pluralisme de législation ! C'est ce que le maintien de l'outre-mer dans le cadre unitaire de la République fait transparaître.

Le maintien de l'indivisibilité comme principe structurant de la République

Cette soumission de l'outre-mer au cadre unitaire (A), pour reposer sur des données devenues classiques, ne va pas cependant sans connaître des aménagements voire des dérogations (B).

A - La soumission de l'outre-mer au cadre unitaire

L'indivisibilité étant conçue, dans la République, comme le marqueur du caractère unitaire de l'État : s'imposent en effet dans les territoires ultramarins comme en métropole les affirmations subséquentes de l'unicité du peuple français, l'unité de la langue, l'unicité de la source normative étatique et l'unité du régime juridique des libertés publiques.

Certes, ce n'est pas sans difficulté que le principe d'unicité du peuple français, corollaire de l'indivisibilité de la République a été appliqué à l'outre-mer. Le juge constitutionnel lui-même n'a pas fait montre dans sa jurisprudence de la plus grande clarté : lorsqu'après avoir rigoureusement évoqué « le concept juridique » de « peuple français » et affirmé que la Constitution « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion » (décision 91-290 DC 9 mai 1991, loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse) ; puis avoir fait expressément mention du « principe d'unicité du peuple français » (décision 99-412 DC du 15 juin 1999, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires) ; il ne s'est pas montré totalement conséquent pour écarter le moyen relatif à l'existence d'un peuple mahorais (décision 2000-428 DC du 4 mai 2000, loi organisant une consultation de la population de Mayotte), en indiquant que « la Constitution de 1958 a distingué le peuple français des peuples des territoires d'outre-mer (26) (sic), auxquels est reconnu le droit à la libre détermination et à la libre expression de leur volonté ; qu'il suit de là que ces griefs doivent être rejetés comme inopérants » (cons. 10). Bien évidemment, rien qui n'entache véritablement cette dernière décision d'une erreur sur le fond ! D'autant que le Conseil constitutionnel a, de manière opportune, eu tôt fait de corriger cette maladresse dans la décision 2000-435 DC du 7 décembre 2000 en n'évoquant plus que la notion de « populations d'outre-mer » (cons. 43) et en censurant - comme il l'a déjà été noté - toute idée d'un pacte qui unit l'outre-mer et la République. Mais pour toute formelle qu'ait été la maladresse évoquée, elle n'est pas moins le symptôme de la difficulté à ne pas dissocier sur ce point l'outre-mer, même à la suite de la suppression, par la révision constitutionnelle du 4 août 1995, de l'article 1er originaire de la Constitution de 1958 (27) et du titre XIII relatif à la Communauté.

Il n'étonne pas dès lors que le pouvoir constituant ait entendu clarifier définitivement la situation, en écartant toute référence expresse ou implicite à un « peuple » ou des « peuples » d'outre-mer pour n'employer que la terminologie de « populations d'outre-mer ». Le Constituant réalise ainsi un compromis adapté au principe - traditionnel dans la République - d'opposition à la reconnaissance de minorités, en faisant des populations d'outre-mer une réalité démographique et géographique, certes incontournable, mais qui en tant que simple composante demeure subsumée au concept juridique de « peuple français ». C'est ce compromis qu'énonce l'alinéa 1er de l'article 72-3 : « La République reconnaît au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité ». Une manière donc de corriger l'interprétation parfois confuse qui a pu être faite de l'alinéa 2 du préambule évoquant la libre détermination des peuples mais aussi - dans une même rhétorique - l'adhésion aux institutions dans « l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité » (28) !

Le peuple devant être envisagé au singulier, il en résulte également - conformément à la tradition républicaine - une unicité de la langue officielle, applicable même dans les territoires ultramarins. L'article 2 C. l'atteste, dans le principe, en disposant clairement depuis la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 : « La langue de la République est le français ». La jurisprudence constitutionnelle le confirme, en interdisant aux particuliers de se prévaloir dans leurs relations avec les administrations et les services publics d'un droit d'usage d'une langue autre que le français (29). Ainsi, alors qu'avant la réforme constitutionnelle de 1992, la langue tahitienne avait été reconnue par une décision territoriale comme une langue officielle sur le sol polynésien ; depuis la révision, cette mention a disparu dans la loi organique du 27 février 2004 relative au nouveau statut de la Polynésie française (30). Il en va de même pour la Nouvelle-Calédonie, pour laquelle la loi organique du 19 mars 1999 indique simplement que « les langues kanak sont reconnues comme langues d'enseignement et de culture » sans conférer un statut de langues officielles. Etant entendu que la reconnaissance à l'article 75-1 C. des langues régionales comme éléments du « patrimoine de la France » ne modifie pas le droit applicable sur ce point.

L'indivisibilité de la souveraineté ne pouvant être fractionnée dans son titulaire - le peuple -, elle ne peut en principe dans l'État unitaire français l'être davantage dans son expression politique, à savoir la loi. Ceci étant posé à titre général dans la décision 2001-454 DC du 17 janvier 2002, loi relative à la Corse, l'est nécessairement pour l'outre-mer, puisque conformément aux dispositions générales des articles 34 et 72 C. : c'est la loi qui détermine les conditions de la libre administration des collectivités territoriales. Certes, le principe paraît plus prégnant pour les DOM régis par l'identité des règles législatives applicables sur le territoire métropolitain. Mais le fait que le Conseil constitutionnel ait admis très tôt que le législateur peut déroger aux articles 34 et 37 pour donner la possibilité aux TOM (aujourd'hui COM) d'intervenir dans le domaine législatif (décision 65-34 L du 2 juillet 1965) ne change rien dans le principe, dès lors que cette immixtion ne se fait formellement que par la voie réglementaire. Le Conseil d'État a conforté cette position en précisant que les assemblées territoriales des TOM sont des assemblées administratives et qu'en conséquence leurs délibérations peuvent faire l'objet d'une annulation par le juge administratif (31). Dans la mesure où ces collectivités n'agissent que moyennant une habilitation législative, le périmètre propre au cadre unitaire ne se trouve donc pas dépassé.

Cette logique a été dûment confirmée lors de la révision de 2003, puisque le Constituant a pris soin de préciser les domaines régaliens dans lesquels des transferts de compétence ne peuvent être opérés (nationalité, droit civiques, garantie des libertés publiques état et capacité des personnes, organisation de la justice, etc.) ; en se donnant même la possibilité d'étendre par une loi organique ces domaines ; éloignant de la sorte tout risque de désengagement de l'État dans des matières essentielles. Ce qui, dans un rapprochement des règles, vaut aussi bien pour les DOM (art. 73, al.4) que pour les COM (art.74, al. 4).

Par ailleurs, l'évocation presque surabondante dans la Constitution du principe selon lequel les compétences dévolues aux collectivités territoriales ne peuvent mettre en cause les garanties accordées à l'exercice des libertés publiques (art. 73, al. 6 pour les DOM et art. 74, al. 11 pour les COM) n'a d'autre ambition que de rappeler la nécessité déjà affirmée par le Conseil constitutionnel d'assurer aux individus un régime de libertés publiques identique, quel que soit le lieu de résidence au sein de la République. En ce sens les décisions 84-185 DC du 18 janvier 1985 ; 93-329 DC du 13 janvier 1994 ; 96-373 DC du 9 avril 1996 qui interdisent au législateur d'octroyer un pouvoir normatif d'adaptation en matière de libertés publiques. Confronté à des mesures prises par les assemblées territoriales de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie, le Conseil d'État s'est inscrit dans la même veine, notamment dans l'arrêt d'assemblée du 29 avril 1994, Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en précisant que les dispositions qui fixent en 1988 les compétences de l'État, du Territoire et des provinces de Nouvelle-Calédonie « n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'habiliter ces dernières collectivités à prendre des mesures affectant les conditions essentielles de la liberté d'association » (32).

Certes, l'unité du régime des libertés applicables sur le territoire n'est pas caractéristique de l'État unitaire, mais on ne saurait nier que les droits et libertés des citoyens constituent un ciment de l'État dans les démocraties modernes. Ce qui explique qu'à propos des mesures de discriminations positives prises en faveur des habitants de Nouvelle-Calédonie depuis la réforme de 1998 et de Polynésie française depuis la révision de 2003 - aussi bien en matière d'emploi que de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de patrimoine foncier -, le Conseil constitutionnel prévienne le législateur de tout débordement et se montre très stricte sur l'application des critères (33), notamment de résidence.

Que dire, en revanche, des dérogations et aménagements qui semblent plus spécifiquement porter atteinte au cadre unitaire : à l'évidence en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, mais aussi les compétences particulières dévolues aux COM dotées de l'autonomie ?

B - Les dérogations et aménagements au cadre unitaire

Occupant une place spécifique dans la Constitution (titre XIII), le statut de la Nouvelle-Calédonie déroge sans conteste à la tradition unitaire et républicaine française. C'est le cas pour les notions très singulières de « peuple kanak » et de « souveraineté partagée », mais qui - sauf affirmation contraire du Conseil constitutionnel - n'ont pas un caractère prescriptif et sont a priori dépourvues de caractère normatif dans le préambule de l'accord de Nouméa (34). Pour ne se limiter qu'au droit établi : c'est en revanche chose avérée avec le pouvoir législatif, formellement accordé à l'assemblée territoriale, dans une rupture ici consommée avec la tradition multiséculaire de la loi comme principale marque de souveraineté. Certes, à la lecture du texte constitutionnel, la compétence ne saute pas aux yeux ; puisque ce n'est qu'implicitement qu'est reconnue au congrès la compétence d'élaborer des lois à propos de certaines catégories d'actes ; cela se déduisant du contrôle effectué par le Conseil constitutionnel sur ces actes (art. 77, al. 3). Ce que confirme tout à la fois la lecture de l'accord de Nouméa et l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999 conférant le caractère de « lois du pays » à ces actes.

Toutefois, pour aussi choquante que puisse paraître cette immixtion dans le domaine législatif, il importe de souligner qu'il ne s'agit malgré tout que d'une dérogation, qui fait donc figure d'exception. C'est ce que rappelle le Conseil constitutionnel en indiquant qu'il est loisible au pouvoir constituant d'introduire des dispositions nouvelles « qui dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle » (décision 99-410 DC du 15 mars 1999). Sans arguer trop facilement du caractère simplement transitoire du statut (puisqu'il est loin d'être exclu que ce statut se prolonge dans le temps) : sans doute, peut-on considérer que l'atteinte à la lecture traditionnelle du principe d'indivisibilité n'est pas moins réelle, en particulier au regard de l'irréversibilité du transfert des compétences qui consacre à terme un pouvoir législatif autonome à la Nouvelle-Calédonie. Cependant, il reste difficile de prétendre que le fédéralisme est atteint, dès lors que la pluralité de pouvoirs législatifs ne contredit pas en réalité le critère ultime de l'État unitaire, à savoir l'existence d'un ordre constitutionnel unique. Etant entendu que la Nouvelle-Calédonie ne dispose d'aucun pouvoir d'auto-organisation à caractère constitutionnel.

Par suite, les compétences accordées aux autres territoires ultramarins, même dotés de l'autonomie, ne peuvent qu'être relativisées. Aussi importantes que soient celles reconnues en particulier à la Polynésie française, elles ne peuvent être considérées comme une remise en cause du cadre unitaire. Le fait que l'on ait recouru également à la dénomination de « _lois du pay_s » pour certains des actes de l'assemblée délibérante intervenant effectivement dans le domaine matériel de la loi est à cet égard sans conséquence, puisqu'ils conservent pour le juge constitutionnel comme pour le juge administratif le caractère d'actes administratifs assujettis au contrôle du Conseil d'État, conformément à l'article 74, al. 8 C (35). Comme est sans conséquence, la possibilité donnée aux collectivités dotées de l'autonomie de participer à l'exercice des compétences réservées à l'État (art. 74, al. 11), précisément en raison de l'encadrement strict de l'État : avec l'intervention préalable d'un décret d'approbation puis la ratification du décret par le Parlement au cas d'intervention dans le domaine de la loi (36).

Au vrai, seul l'article 74, alinéa 9 C, en instaurant une procédure de règlement des conflits entre les COM dotées de l'autonomie (la Polynésie française, mais aussi les îles Saint-Barthélemy et Saint-Martin (37)) et l'État, fait place à un mécanisme topique des États politiquement décentralisés où le niveau d'autonomie des collectivités est garanti. Ainsi, le Conseil constitutionnel est en mesure, sur la base des lois organiques définissant les statuts des COM, de déclasser des lois (ordinaires) intervenant dans leur champ de compétence (38). Tout bien considéré, rien cependant qui ne permette de prétendre que l'on soit entré de plain-pied dans le fédéralisme voire même dans le schéma propre aux États régionaux où il existe une large reconnaissance de l'autonomie politique des entités territoriales.

Du moins, doit-on admettre que l'outre-mer constitue toujours un réel vivier d'expérimentation, qui a largement nourri les évolutions récentes vers une territorialisation des droits, une plus grande décentralisation et l'institutionnalisation de mécanismes concertatifs et consultatifs permettant des changements statutaires pour l'ensemble des collectivités territoriales (cf. art. 72-1, al. 3 C). Si donc évolutions majeures il peut encore y avoir dans l'organisation étatique, elles transiteront préalablement par l'outre-mer ; représentation cependant bien moins déformée qu'auparavant de ce qu'est la République.


(1) Voir également « L’histoire constitutionnelle de l’outre-mer sous la Ve République », de Stéphane Diemert.

(2) Les terminologies doctrinales attestent cette problématique. Ainsi T. Michalon qui distingue une « République intranationale », formée du bloc des départements, et la République « extranationale », composée des territoires d'outre-mer, traités, en quelque sorte, en nations périphériques fédérées à la Nation française ; « La République française, une fédération qui s'ignore », RDP, 1982, p. 663.

(3) Pour une évocation en ce sens de l'indivisibilité de la République, cf. les décisions relatives aux « attaches avec une partie déterminée du territoire de la France » : 84-177 DC du 30 août 1984, loi relative au statut du territoire de la Polynésie française, cons. 7 ; 93-321 DC du 20 juillet 1993, loi réformant le Code de la nationalité, cons. 17, 21 et 25 ; et par ailleurs 91-294 DC du 25 juillet 1991 relative à l'accord de Schengen, cons. 55.

(4) V. F. Lemaire, « Le Conseil constitutionnel et l'avenir institutionnel des départements d'outre-mer », RFDA, 2002, p. 361-366.

(5) Cf. l'intervention du sénateur J. Balarello, rapporteur de la Commission des lois, qui avait proposé la suppression du mot « pacte », JO, Sénat CR, séance du 7 novembre 2000.

(6) En ce sens, A. Césaire déposa à l'Assemblée nationale constituante, le 26 février 1946, une proposition de loi tendant au classement des « quatre vieilles » comme département français. Mais sa position a par la suite évolué en considérant que l'assimilation n'est pas autre chose qu'« une forme de la domination, et peut-être la plus absolue » (« Crise dans les départements d'outre-mer ou crise de la départementalisation », in Présence africaine, n° 36, 1961, p. 110-111).

(7) Cf. R. Debbasch, Le principe révolutionnaire d'unité et d'indivisibilité de la République, Economica-PUAM, 1988, p. 411, et G. Marcou, « Le principe d'indivisibilité de la République », Pouvoirs, n° 100, 2002, p. 45-46.

(8) Propos tenu par le député Silvandre s'exprimant au nom de la SFIO, JO, AN, 24 mai 1955, p. 2943, cité in F. Borella, L'évolution politique et juridique de l'Union française depuis 1946, LGDJ, 1958, p. 76.

(9) V. débats du Comité consultatif constitutionnel le 1er août 1958 et débats des 27 et 8 août 1958 au Conseil d'État, Documents pour servir à l'histoire de l'élaboration de la constitution du 4 octobre 1958 (ci-après DPS), La Documentation française, vol. 2, 1988, p. 117, et vol. 3, 1991, p. 294.

(10) « L'unité et l'indivisibilité de la République. Réalité ? Fiction ? », RDP, 1982, p. 605.

(11) R. Capitant, dans deux brochures intitulées « Pour une constitution fédérale » et « La Fédération ». V. également Écrits constitutionnels, éd. du CNRS, 1982, p. 313-325.

(12) JO, débats Assemblée nationale constituante, 2e séance du 27 août 1946, p. 3334.

(13) V. l'article 60 de la Constitution de 1946 : « L'Union française est formée, d'une part, de la République française qui comprend la France métropolitaine, les départements et territoires d'outre-mer, d'autre part, des territoires et États associés. »

(14) V. l'intervention du 12 août 1958 de R. Pré au sein du Comité consultatif constitutionnel, DPS, vol. 2, p. 434.

(15) Expression de P. Marcilhacy, ibid., p. 423.

(16) V. la loi constitutionnelle du 4 juin 1960.

(17) V. les interventions de M. Solal-Céligny, devant le Conseil d'État, 25-26 août 1958, DPS, vol. 3, p. 218 ; du rapporteur général, M. Deschamps, ibid., p. 294 ; et du Commissaire du Gouvernement, M. Janot, ibid., vol. 2, p. 50-54.

(18) V. F. Lemaire, « La question de la libre détermination statutaire des populations d'outre-mer devant le Conseil constitutionnel », RDP, 2000, p. 909-931.

(19) V. sur ce point la décision 87-226 DC du 2 juin 1987, cons. 8 et 9.

(20) V. F. Lemaire, « Le nouveau statut constitutionnel de l'outre-mer français », JCP, administrations et collectivités territoriales, n° 25, 16 juin 2003, 1583, p. 809.

(21) En Guyane, le 23 novembre 1997, le Président J. Chirac avait déjà demandé que l'on exploite davantage pour les DOM la souplesse qu'offre la Constitution et notamment l'article 73. Il a, par la suite, souhaité voir se mettre en place un « statut sur mesure » pour chaque DOM, Le Monde, 14 mars 2000, p. 7.

(22) V. sur ce point la décision 2011-636 DC du 21 juillet 2011 (AJDA 2011. 1524) confirmant la possibilité que l'habilitation puisse être accordée par un décret en Conseil d'État lorsqu'elle n'intervient que dans le domaine réglementaire.

(23) Ainsi, la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 permet la consultation des assemblées locales des DOM et met en place un congrès des élus départementaux et régionaux chargé de délibérer sur les propositions d'évolution institutionnelle ou de transfert de compétences. Ce dispositif de concertation est aujourd'hui étendu à l'ensemble de l'outre-mer.

(24) V. loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte et loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 définissant le fonctionnement et l'organisation de la nouvelle collectivité.

(25) On cherchera en effet en vain dans la jurisprudence constitutionnelle la mention stricte de l'« unité de la République », même lorsque l'occasion en a été donnée à travers l'article 59 de la loi du 2 mars 1982 qui se référait à ce terme. V., en ce sens, notamment F. Luchaire : « En effet, sans le dogme de l'unité rien n'empêche - à première vue - le souverain d'édicter des lois différentes selon les diverses parties du territoire national », Le Conseil constitutionnel, t. III, Economica, 2e éd., 1999, p. 7 ; et plus généralement F. Lemaire, Le principe d'indivisibilité de la République. Mythe et réalité, PUR, 2010.

(26) C'est nous qui soulignons.

(27) L'article 1er était, à l'origine, ainsi libellé : « La République et les peuples des territoires d'outre-mer qui, par un acte de libre détermination, adoptent la présente Constitution instituent une Communauté. - La Communauté est fondée sur l'égalité et la solidarité des peuples qui la composent. »

(28) Non sans esprit de suite, le Conseil constitutionnel confirme le principe d'unicité du peuple en affirmant qu'il est proclamé par le préambule de la Constitution de 1958 (décision 2003-468 DC du 3 avril 2003, AJDA 2003. 948, note G. Drago ; ibid. 1625 ; ibid. 753, tribune H. Moutouh ; ibid. 1038, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert, note M.-T. Viel).

(29) Cf. décisions 96-373 DC du 9 avril 1996, AJDA 1996. 371, note O. Schrameck ; D. 1998. 156, obs. J. Trémeau ; ibid. 145, obs. J.-C. Car ; ibid. 147, obs. A. Roux ; ibid. 153, obs. T. S. Renoux ; RFDA 1997. 1, étude F. Moderne ; 99-412 DC du 15 juin 1999, AJDA 1999. 627 ; ibid. 573, note J.-E. Schoettl ; D. 1999. 598, note J.-M. Larralde ; ibid. 2000. 198, obs. F. Mélin-Soucramanien ; 2001-456 DC du 27 décembre 2001, D. 2002. 1954, obs. D. Ribes ; 2001-454 DC du 17 janvier 2002, AJDA 2002. 100, note J.-E. Schoettl ; ibid. 465, tribune J.-C. Douence ; D. 2003. 1124, et les obs., obs. X. Magnon ; RFDA 2002. 459, note M. Verpeaux ; ibid. 469, note B. Faure ; ibid. 474, note A. Viola ; 2004-490 DC du 12 février 2004, D. 2005. 1132 ; ibid. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2004. 248, étude J.-E. Schoettl.

(30) V. l'article 57 de la loi organique qui fait simplement de la loi tahitienne un élément fondamental de l'identité culturelle. Pour une application stricte : CE, 29 mars 2006, Haut-Commissaire de la République en Polynésie française, annulant une disposition du règlement intérieur de l'assemblée de Polynésie permettant à l'orateur de s'exprimer dans une langue autre que le français.

(31) CE, 27 févr. 1970, n° 77577, Saïd Ali Tourqui, au Lebon 138.

(32) CE, 29 avr. 1994, n° 119562, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, au Lebon 205 ; AJDA 1994. 558 ; ibid. 499, chron. C. Maugüé et L. Touvet ; D. 1995. 242, note G. Orfila ; RFDA 1994. 947, concl. M. Denis-Linton ; ibid. 954, étude G. Agniel. V. également l'arrêt CE, 13 mai 1994, n° 112409, Président de l'assemblée territoriale de la Polynésie française, au Lebon ; AJDA 1994. 558, et CE, 30 juin 1995, n° 162329, Gouvernement du territoire de la Polynésie française, au Lebon 279 ; AJDA 1995. 751 ; ibid. 688, chron. J.-H. Stahl et D. Chauvaux ; RFDA 1995. 1240, note L. Favoreu ; ibid. 1243, note L. Philip.

(33) V. les décisions 99-410 DC du 15 mars 1999, cons. 17, AJDA 1999. 379 ; ibid. 324, note J.-E. Schoettl ; D. 2000. 116, obs. G. Roujou de Boubée ; ibid. 199, obs. J.-C. Car ; GADPG, 7e éd. 2009, n° 47 ; RTD civ. 1999. 724, obs. N. Molfessis ; et 2004-490 DC du 12 février 2004, cons. 34, D. 2005. 1132 ; ibid. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2004. 248, étude J.-E. Schoettl. V. également, pour les îles Saint-Barthélemy et Saint-Martin, la décision 2007-547 DC du 15 février 2007, cons. 61.

(34) F. Garde, « Le préambule de l'accord de Nouméa, prologue d'une histoire officielle ? », RFDC, 2005, p. 810.

(35) V. la décision 2004-490 DC du 12 février 2004, cons. 90, D. 2005. 1132 ; ibid. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2004. 248, étude J.-E. Schoettl ; et CE, 1er févr. 2006, n° 286584, Commune de Papara, au Lebon ; RFDA 2006. 271, concl. J.-H. Stahl ; ibid. 280, note A. Moyrand et A. Troianiello.

(36) V., en ce sens, la décision 2004-490 DC du 12 février 2004, cons. 48 et 49, D. 2005. 1132 ; ibid. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2004. 248, étude J.-E. Schoettl.

(37) V. les articles LO 6213-5 et LO 6313-5 CGCT adoptés dans le cadre de la loi organique du 21 février 2007, portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

(38) Pour un rejet de la demande de déclassement présentée par le président de la Polynésie française, décision 2007-1 LOM, 3 mai 2007, Compétences fiscales en Polynésie française, AJDA 2007. 1076, note J.-E. Schoettl ; GDCC, 15e éd. 2009, n° 47.