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Le rôle constitutionnel de la Cour suprême du Canada : autoportrait

Daniel JUTRAS - Professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université McGill - Ancien adjoint exécutif juridique à la Cour suprême du Canada

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 24 (Dossier : Canada) - juillet 2008

Introduction

Situé près de la colline parlementaire, dans la capitale nationale canadienne, l'édifice de la Cour suprême du Canada comporte des caractéristiques architecturales uniques. Les autres édifices de la colline parlementaire, qui abritent des institutions politiques comme la Chambre des Communes ou les ministères fédéraux, partagent tous le même style architectural gothique dit « pittoresque ». L'édifice de la Cour suprême du Canada, au contraire, marie le style néo-classique épuré à l'art déco ornemental. De manière un peu étonnante, il est surmonté d'une toiture de cuivre fortement inclinée, qui évoque les pignons et les lucarnes des bâtiments gothiques qui l'entourent. L'effet d'ensemble de ce croisement des styles est très distinctif.

À l'image de l'édifice où elle loge, la Cour suprême du Canada est elle aussi une institution hybride. D'une part, elle n'est pas un Conseil constitutionnel, puisqu'elle dispose d'une juridiction générale d'appel en toutes matières. D'autre part, le fait qu'elle soit parfois appelée à rendre des avis consultatifs la distingue de manière assez significative de la Cour suprême des États-Unis, par exemple, qui occupe elle aussi le sommet d'une hiérarchie judiciaire nationale.

Bien qu'elle ait été créée en 1875, à la faveur d'un texte constitutionnel qui autorisait le Parlement fédéral à « créer, maintenir et organiser une cour générale d'appel pour le Canada(1) », la Cour suprême du Canada n'occupe l'édifice dessiné par l'architecte Ernest Cormier que depuis 1946. C'est à peu près à la même époque, soit en 1949, que la Cour suprême est devenue la juridiction d'appel finale en toutes matières au Canada. Avant cette date, les parties pouvaient encore contester les décisions de la Cour suprême devant le Comité judiciaire du Conseil privé à Londres(2). Cette confirmation de son autorité a sans doute contribué à donner à la Cour suprême une place centrale dans l'ordre constitutionnel et politique canadien. Néanmoins, c'est surtout l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, incluse dans la Loi constitutionnelle de 1982(3), qui a fait de la Cour suprême une institution connue des Canadiens, et l'un des acteurs incontournables des débats publics et sociaux au Canada.

Cette visibilité accrue de l'action constitutionnelle de la Cour suprême n'est pas sans susciter des débats animés sur plusieurs terrains. Ces débats, la Cour y participe, tant dans les motifs de ses jugements que dans les allocutions publiques des neuf juges qui la composent. La jurisprudence de la Cour suprême comporte en effet un discours public d'auto-légitimation, qui circonscrit et affirme en même temps les frontières de son rôle constitutionnel. Les réflexions de la Cour suprême sur l'étendue et les limites de ses pouvoirs constituent un autoportrait nuancé, parfois contradictoire, qui place côte-à-côte sur le canevas, l'affirmation tranquille de son autorité et les incertitudes liées à sa compétence institutionnelle.

À partir de cet autoportrait, on examinera, tour à tour, les visages constitutionnels de la Cour suprême (I) et les modalités de son action constitutionnelle (II).

I. Les visages constitutionnels de la Cour suprême du Canada

S'agissant de circonscrire son rôle, deux représentations se juxtaposent dans le discours de la Cour suprême du Canada. La Cour se dit, d'une part, l'arbitre du processus démocratique, la protectrice et la gardienne de la Constitution (A), et d'autre part, un lieu privilégié pour la construction d'une vision cohérente de la Constitution (B).

A. La Cour suprême, arbitre ultime de l'ordre constitutionnel

« On dit qu'un État est souverain et qu'il n'appartient pas aux tribunaux de juger de la raison d'être ni de la sagesse de la volonté expresse du législateur. En tant que déclaration de principe, c'est indubitablement exact, mais dans un État fédéral, le principe général doit céder devant les exigences de la Constitution qui définit les limites de la souveraineté et de la suprématie. Les tribunaux ne mettront pas en doute la sagesse des textes législatifs qui, aux termes de la Constitution canadienne, relèvent de la compétence des législatures, mais une des hautes fonctions de cette Cour est de s'assurer que les législatures n'outrepassent pas les limites de leur mandat constitutionnel et n'exercent pas illégalement certains pouvoirs. »(4)

« Quel est le rôle des tribunaux ? À la base, il consiste à trancher les litiges que leur soumettent les citoyens et le gouvernement. Lorsqu'ils se prononcent sur ces litiges, les tribunaux s'acquittent d'un certain nombre de fonctions essentielles à la gouvernance démocratique. Premièrement, ils définissent les limites précises de la répartition des pouvoirs législatifs entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Deuxièmement, ils statuent sur la validité constitutionnelle des dispositions législatives attaquées en vertu de la Charte et, ce faisant, ils définissent la portée des droits et libertés constitutionnels. Troisièmement, les tribunaux judiciaires supervisent de facto la multitude des tribunaux administratifs créés par le Parlement et les assemblées législatives. »(5)

Depuis la Confédération et l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, les tribunaux canadiens sont constitués en arbitres des différends de nature constitutionnelle au Canada. La Cour suprême du Canada n'a pas de juridiction exclusive sur ce terrain, et sauf exception, les tribunaux de droit commun entendent en première instance tous les conflits constitutionnels qui opposent le Parlement et les législatures provinciales, de même que tous les litiges d'ordre constitutionnel qui opposent un individu au gouvernement. Le principe du constitutionnalisme et le principe de primauté du droit font en sorte que le respect de la Constitution est assuré par les tribunaux. La Cour suprême du Canada entend, quant à elle, les appels formulés contre les décisions de tribunaux de première instance, après un premier appel devant les juridictions d'appel intermédiaires dans les provinces ou à l'échelle fédérale.

C'est à la métaphore de l'arbitrage que la Cour rattache le plus souvent ce rôle des tribunaux.(6) Les normes constitutionnelles sont entendues comme autant de limites à l'exercice du pouvoir de l'État. Quand surviennent des différends sur le sens de ces limites, le conflit doit être soumis à un arbitre indépendant, qui détermine la conformité de l'action étatique par rapport à la Constitution. Les tribunaux se définissent donc eux-mêmes comme les gardiens de l'ordre constitutionnel, même si cette charge ne leur est pas imposée explicitement par le texte de la Loi constitutionnelle.

Les normes constitutionnelles qui sont sanctionnées par ce contrôle relèvent d'abord du partage des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement au Canada, soit le Parlement fédéral et les législatures provinciales, chacun disposant d'une sphère de compétences qui lui est propre. Le pouvoir exécutif est lui aussi soumis à des règles et principes constitutionnels qui circonscrivent son action. Dès sa création, la Cour suprême a ainsi été appelée à contrôler, en appel, la validité de l'action du pouvoir étatique. De même, depuis la Loi constitutionnelle de 1982, les tribunaux ont affirmé leur rôle d'arbitre dans les litiges qui opposent les individus et l'État, quant aux droits et libertés qui sont garantis par la Constitution. Comme le déclarait la Cour suprême dans le Renvoi sur les droits linguistiques du Manitoba : « C'est au pouvoir judiciaire qu'il incombe d'assurer que le gouvernement observe la Constitution. Nous devons protéger les personnes dont les droits constitutionnels sont violés, quelles que soient ces personnes et quelles que soient les raisons de cette violation ».(7)

Cette idée que les tribunaux, et la Cour suprême en dernier ressort, sont les arbitres de l'ordre constitutionnel au Canada, s'accorde bien avec l'image classique du pouvoir judiciaire. Cela dit, on en trouve deux versions dans le discours de la Cour suprême.

Dans une première version, qui relève de la banalisation du pouvoir des juges, l'arbitrage constitutionnel s'inscrit dans la continuité des attribu-tions des tribunaux, dont la fonction première est, en somme, de régler les différends de toute nature en fonction du droit. De ce point de vue, les litiges constitutionnels n'ont au fond rien de particulier qui les distingue des autres litiges opposant des individus les uns aux autres. Il s'agit, dans tous les cas, de trancher les conflits à partir de ce qu'impose le droit. Qu'il s'agisse de principes de common law, de l'interprétation du code civil, du partage des pouvoirs imposé par la Loi constitutionnelle, ou de la portée des droits garantis par la Charte des droits et libertés, on est, dit-on, toujours au cœur de la fonction d'arbitre des tribunaux. Business as usual.

Dans une seconde version, qui insiste sur le changement de paradigme imposé par l'entrée en vigueur de la Charte des droits et libertés en 1982, le rôle des tribunaux s'est transformé de manière fondamentale une fois qu'on leur a imposé de trancher les questions sociales et politiques qui découlent de la mise en œuvre des libertés fondamentales garanties par ce texte constitutionnel. Les juges sont toujours des arbitres, mais les différends ont changé de nature. Ceux-ci sont plus complexes, requièrent plus de doigté et de connaissance des enjeux sociaux, et exposent la magistrature en général, et la Cour suprême en particulier, au regard du public et à la critique politique.

Continuité ou rupture, les deux versions sont évoquées tour à tour, mais elles se colorent toujours d'humilité : les juges n'hésitent pas à dire qu'ils n'ont pas choisi ce rôle d'arbitre, qui leur est imposé par la Constitution. Bref, ce n'est pas une tâche facile, mais elle est nécessaire, et il faut bien que quelqu'un s'en charge.

La métaphore de l'arbitrage évoque nécessairement une certaine passivité -- l'arbitre ne participe pas au jeu. La Cour suprême du Canada décrit pourtant son rôle constitutionnel d'une deuxième manière, pas tout à fait compatible avec la première : d'arbitre ultime de l'ordre constitutionnel, la Cour suprême passe au rôle de participant au débat constitutionnel.

B. La Cour suprême, interlocuteur et lieu privilégié du débat constitutionnel

« Le pouvoir judiciaire joue un rôle que ne joue pas le pouvoir législatif. [···] Les tribunaux constituent un lieu approprié pour un débat posé et complet. »(8)

« Des institutions comme les tribunaux constituent des instruments complémentaires
qui permettent aux membres de groupes minoritaires et défavorisés de proposer des conceptions différentes et de demander l'accommodation de ces intérêts par l'État au sens large. Elles permettent en outre d'introduire de nouvelles idées dans le débat démocratique. Tout cela favorise le changement pacifique ainsi que la stabilité, les intérêts minoritaires étant pris en compte plutôt que réprimés. Autrement dit, cette conception définit une démocratie saine non seulement en tant que volonté de la majorité -- si important que soit cet aspect -- mais aussi comme une entreprise polycentrique complexe. »(9)

Il est certain que le rôle constitutionnel de la Cour suprême favorise son instrumentalisation, soit par les pouvoirs politiques qui s'affrontent ainsi sur un nouveau terrain, soit par la société civile en mal de réformes et de changements. D'aucuns soulignent le déclin de la volonté des élus de trancher eux-mêmes les questions sociales difficiles, et la tentation de faire jouer ce rôle par les institutions judiciaires. Par ailleurs, le contentieux constitutionnel est sans doute devenu un levier efficace pour faire avancer diverses causes sociales, politiques ou économiques. Il n'y a qu'un pas entre ce constat et la possibilité que tout un pan du débat public se déplace vers des institutions judiciaires désormais prêtes à participer au débat constitutionnel.

Mais la Cour se garde bien d'accréditer la thèse de l'opportunité d'un tel déplacement. Dans la représentation qu'elle se fait de son rôle, il ne s'agit pas pour elle de remplacer les élus ni de court-circuiter le débat public. Les juges sont bien des acteurs sur le terrain constitutionnel, qui participent (malgré eux ?) aux débats de société qui s'engagent sur les normes constitutionnelles, mais leur rôle est complémentaire à celui des instances politiques. Ainsi, le cadre distinct du processus judiciaire devient un lieu d'expression de valeurs et de points de vue qui ne trouvent pas facilement leur place dans le cadre de la démarche législative, en raison des contraintes et des jeux politiques qui animent celle-ci. Dans cette représentation, le débat démocratique s'élargit pour inclure le contentieux constitutionnel, et c'est par l'action combinée des législatures et des tribunaux que les problèmes constitutionnels trouvent leur solution.

Pour décrire la participation de la Cour suprême au débat constitutionnel, certains auteurs ont parlé d'un dialogue, sinon d'un partenariat entre les instances politiques et la Cour. Certes, la Cour est chargée de déterminer la validité des actions du pouvoir législatif, mais les élus peuvent aussi lui répondre. Que la Cour déclare un texte législatif inopérant, rien n'empêche le législateur d'en adopter un autre qui soit à la fois conforme à la Constitution et garant des finalités politiques poursuivies par le gouvernement. S'engage ainsi, entre la Cour et les assemblées législatives, un dialogue porteur de solutions constitutionnellement valides. Mais à l'évidence, l'image d'un tel dialogue juridico-politique place la Cour dans une position inconfortable. D'une part, comme le souligne la juge en chef McLachlin : « Le législateur doit veiller à ce que toute loi qu'il édicte, à toute étape du processus, soit conforme à la Constitution. La promotion saine et importante d'un dialogue entre le législateur et les tribunaux ne devrait pas se réduire à la règle qui porte que « si vous ne réussissez pas la première fois, essayez, et essayez encore ».(10)

D'autre part, la Cour est bien consciente qu'il ne peut y avoir de véritable dialogue entre les élus et elle quant au contenu de la loi. Le législateur prend l'initiative des textes législatifs, dont la Cour confirme ou non la validité constitutionnelle. La Cour ne légifère pas, ni ne propose de texte, et peut difficilement avoir le dernier mot si la volonté politique résiste. La Loi constitutionnelle de 1982 permet d'ailleurs de manière explicite le recours à une disposition dérogatoire, qui exclut le contrôle judiciaire à certaines conditions et pour une durée limitée.11(11)

En fait, c'est moins l'idée d'un dialogue qu'exprime la Cour que la possibilité d'efforts parallèles pour parvenir à l'expression d'un cadre constitutionnel adéquat. Dans le discours de la Cour, les pouvoirs législatif et exécutif s'efforcent de bonne foi d'agir à l'intérieur des cadres de la Constitution, et cherchent l'équilibre entre la promotion des intérêts collectifs et le respect des droits garantis par les textes constitutionnels.(12) De leur côté, les tribunaux -- et la Cour suprême au premier chef -- précisent et appliquent de manière contextualisée des normes constitutionnelles nécessairement abstraites, et comblent les lacunes des textes constitutionnels en élaborant des principes sous-jacents et des normes constitutionnelles non écrites. La suprématie de la Constitution, qui a remplacé la suprématie parlementaire, fait de la Cour suprême le lieu privilégié d'élaboration continue d'une vision cohérente de la Constitution, laquelle n'est pas à la portée des pouvoirs législatif et exécutif. Chacun ses attributions, en quelque sorte. La juge en chef est sensible à cette répartition des tâches : « Il est inévitable que les décisions des juges aient des incidences politiques, mais il est essentiel que ces décisions ne soient pas inspirées par la partisannerie. Dans leur forme finale, les décisions [judiciaires] sur des questions de politique sociale ne sont souvent pas très différentes des lois. C'est le processus par lequel les décisions se forment qui les distingue. La loi est souvent le produit d'un compromis ou d'un conflit entre diverses factions politiques, chacune cherchant à imposer son point de vue. Le milieu judiciaire n'offre pas et ne devrait pas offrir tout simplement un autre forum pour la même sorte de confrontation. »(13)

Arbitre ultime de l'ordre constitutionnel ou participant distinct au discours constitutionnel -- reste à voir comment se traduisent, concrètement et dans l'action, ces deux représentations du rôle de la Cour suprême.

II. L'action constitutionnelle de la Cour suprême du Canada

On précisera d'abord, de manière sommaire, les moyens dont dispose la Cour suprême pour intervenir en matière constitutionnelle (A) pour ensuite montrer comment, à l'égard de chacun de ces moyens d'action, la Cour s'inscrit elle-même explicitement en marge du discours politique (B).

A. La saisine et les pouvoirs de la Cour suprême en matière constitutionnelle

« La plupart des juges considèrent qu'il est clair qu'il y a une différence entre l'exercice du pouvoir pour soi-même et l'imposition de limites à l'exercice du pouvoir par les législatures et les gouvernements. Les juges n'ont pas le privilège de choisir les affaires qui viennent devant eux et ils n'ont pas l'occasion de définir de grands objectifs sociaux qui seront mis en place au cours des années afin d'atteindre des objectifs spécifiques. »(14)

Si la Cour suprême du Canada est bien l'arbitre ultime de l'ordre constitutionnel, et le lieu privilégié du débat constitutionnel, elle n'agit néanmoins jamais de sa propre initiative. La Cour ne dispose pas du pouvoir d'intervenir de son propre chef, ni à l'étape de l'élaboration du texte législatif, ni après son entrée en vigueur, ni en réponse à ce qu'elle pourrait percevoir spontanément comme des violations de l'ordre constitutionnel.

Il n'existe que deux moyens de saisir la Cour suprême d'une question constitutionnelle.

D'abord, la Cour peut entendre en appel les différends constitutionnels qui sont portés devant elle par une partie déçue de la décision d'une Cour d'appel intermédiaire dans une province ou dans l'ordre fédéral. La Cour suprême constitue, en ce sens, la plus haute juridiction canadienne en matière constitutionnelle comme en toute autre matière juridique. Ceci dit, le contentieux constitutionnel ne représente qu'une partie de son agenda. Bon an, mal an, la Cour entend entre soixante-quinze et quatre-vingt-dix appels, dont une douzaine seulement de dossiers touchant le partage des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement ou l'application de la Charte des droits et des libertés. Une fois saisie d'un dossier constitutionnel par une partie ou par un ordre de gouvernement, la Cour dispose, comme les autres tribunaux judiciaires, de deux pouvoirs distincts. On peut soit lui demander de constater qu'une règle de droit est incompatible avec la Constitution du Canada, et de la déclarer inopérante,(15) soit lui demander de rendre une ordonnance de réparation juste et convenable, y compris une ordonnance d'exclusion de la preuve obtenue en violation d'un droit garanti par la Charte.(16)

Au-delà de sa juridiction générale en appel, il existe un deuxième moyen de saisir la Cour suprême d'une question constitutionnelle. En vertu de l'article 53 de la Loi sur la Cour suprême, la Cour exerce une compétence de première (et dernière) instance relativement aux avis consultatifs qui sont sollicités par le gouvernement fédéral. Cette disposition permet en effet au gouvernement fédéral d'obtenir un avis juridique de la Cour sur diverses questions de nature constitutionnelle, ou sur toute autre question que le gouvernement fédéral juge « importante ».(17)La procédure des avis consultatifs ajoute donc au travail de la Cour un volet qui s'éloigne de ses fonctions judiciaires classiques, sans pour autant sortir du domaine juridique. La Cour ainsi saisie est invitée à se prononcer sur des questions de droit ou de fait, en dehors de tout contentieux constitutionnel, à n'importe quelle étape de l'élaboration ou de la mise en œuvre d'un texte législatif. Bien que la procédure des avis consultatifs ait été invoquée assez fréquemment au fil des ans, elle ne représente toujours qu'une mince portion des activités de la Cour suprême du Canada.

Qu'il s'agisse pour la Cour de déclarer inopérante une règle de droit, de rendre une ordonnance de réparation, ou de répondre aux questions qui lui sont posées dans un avis consultatif, le souci des limites de son rôle constitutionnel est omniprésent.(18) La jurisprudence de la Cour suprême est ainsi, pour une bonne part, l'expression de sa conception de la place qu'elle occupe, et des frontières entre le juridique et le politique.

B. La Cour suprême, le juridique, et le politique

« Les critères d'intervention des tribunaux doivent pouvoir être fondés sur des principes juridiques, non sur un discours politico-social décroché de la réalité. »(19)

« Le rôle des juges est de régler les différends et de répondre aux questions de nature juridique que d'autres leur soumettent. Il ne leur appartient pas d'établir des programmes de changement social ni d'imposer à la société leurs opinions personnelles. Le rôle des juges est d'assurer la primauté du droit et non la primauté de leurs préférences. Les juges sont des êtres humains, mais ils doivent s'efforcer de rester impartiaux et tenir compte des faits, du droit et des arguments des parties sur tous les aspects de la question en litige. Dans notre cadre constitutionnel, le rôle du politicien et le rôle du juge sont très différents. Le rôle du premier est de lancer le débat et de voter selon ce qu'il estime être le mieux pour le pays, alors que le rôle du second consiste à résoudre les différends juridiques formulés par d'autres, de façon impartiale, en s'appuyant sur les faits et sur le droit. »(20)

Le discours d'auto-légitimation de la Cour suprême fait d'elle un acteur incontournable dans l'ordre constitutionnel canadien, mais pose en même temps la question du caractère politique de son action constitutionnelle. On ne se surprendra pas de constater que la Cour s'interroge souvent à voix haute sur l'opportunité de son intervention, sur la nécessité de respecter le processus politique, et sur la nature proprement juridique, sinon judiciaire, de son activité.

Quant à la saisine de la Cour, d'abord, il faut nuancer l'affirmation que la Cour n'agit jamais de sa propre initiative. S'il est vrai qu'elle ne peut traiter de questions constitutionnelles à moins qu'elles ne lui soient soumises par une partie ou par le gouvernement, la Cour suprême contrôle néanmoins de manière négative l'opportunité de son intervention.

La Cour dispose en effet du pouvoir de choisir les dossiers qu'elle entend, parmi tous ceux qui lui sont soumis.(21) À quelques exceptions près, aucun litige n'est entendu en Cour suprême sans l'autorisation préalable de la Cour, qui ne l'accorde que lorsque le litige soulève une question importante et d'intérêt national. Cette capacité de choisir, qui se traduit par un ratio d'environ 12 % d'autorisations, permet indubitablement à la Cour de calibrer ses interventions, et de ne participer au débat constitutionnel que lorsqu'elle le juge opportun. S'ajoute à ce contrôle sur son agenda une panoplie de doctrines qui permettent à la Cour de ne pas décider de différends qui ne sont pas proprement justiciables,(22) ou qui sont devenus purement théoriques par suite de changement dans les circonstances du litige (mootness).(23)

Par ailleurs, en ce qui concerne les avis consultatifs, la Cour se réserve désormais la discrétion de refuser de répondre à une question posée dans un renvoi, « lorsqu'elle juge qu'il serait inapproprié d'y répondre, soit parce que sa teneur n'est pas suffisamment juridique [···], soit parce que tenter d'y répondre créerait des problèmes à d'autres égards ».(24)

Inversement, la Cour dispose aussi de pouvoirs qui lui permettent de donner au débat toute l'envergure et la portée qui conviennent dans un tel lieu d'élaboration d'une vision cohérente de la Constitution. C'est ainsi, par exemple, que les règles de la Cour suprême permettent à la Cour d'autoriser des intervenants à participer à la détermination d'un dossier porté devant elle, dans la mesure où ils peuvent offrir à la Cour une perspective qui n'est pas exprimée par les parties(25). Dans les faits, les différends constitutionnels comportent ainsi deux volets qui se déroulent simultanément. Les parties au litige s'affrontent dans un cadre caractéristique du processus judiciaire, mais la présence de ces tiers-intervenants donne au litige un contenu non plus bipolaire, mais polycentrique.(26) Plus largement, la Cour reconnait parfois à une partie privée l'intérêt pour agir en justice et soulever des questions d'intérêt public, en dehors de tout litige constitutionnel au sens strict, dès lors qu'une question d'importance ne trouverait pas d'autre voie d'accès réaliste à l'expression d'un avis constitutionnel par la Cour.(27) Il s'agit en somme de demandes d'avis constitutionnels d'initiative privée, dont la Cour contrôle assez strictement la portée, montrant à la fois sa conception du rôle actif des tribunaux dans l'ordre constitutionnel, et la nécessité de rester sur le terrain du droit pour assurer la légitimité du pouvoir judiciaire.

Quant aux pouvoirs constitutionnels de la Cour, ensuite, il faut bien voir que le contentieux l'amène souvent aux limites de sa fonction juridictionnelle, qu'elle se voit forcée de baliser de manière régulière. Le terrain de cette zone frontalière est un peu mou, et il n'est pas certain que de telles balises puissent y être enfoncées solidement. C'est ainsi que les juges de la Cour suprême expriment parfois des opinions divergentes, dans des motifs séparés, quant au degré de déférence qui est dû au législateur dans ses choix politiques, et quant à la portée du principe de la séparation des pouvoirs dans l'ordre constitutionnel canadien(28).

En matière de libertés fondamentales, le pouvoir de la Cour de constater l'invalidité d'une règle de droit ou le caractère inconstitutionnel d'un acte de l'État dépend du constat préalable qu'un droit garanti par la Charte a été violé, mais aussi que cette atteinte dépasse « les limites qui [sont] raisonnables et dont la justification [peut] se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique »(29). Dans l'ordre constitutionnel canadien, les droits fondamentaux ne sont pas exprimés en termes absolus -- ils sont plutôt assujettis à un juste équilibre avec les intérêts collectifs, équilibre dont le gouvernement doit faire la démonstration devant les tribunaux. Au fil des ans, la Cour a ainsi défini les paramètres de cette démonstration : lorsque le gouvernement tente de défendre une restriction à un droit garanti par la Charte, le tribunal doit d'abord vérifier si l'objectif de la loi est urgent et réel. Ensuite, il doit se demander si le moyen utilisé pour atteindre l'objectif législatif est raisonnable et s'il peut se justifier dans une société libre et démocratique. Cette analyse se fait en trois temps : existe-t-il un lien rationnel entre la mesure et l'objectif législatif ? La mesure réduit-elle au minimum l'atteinte portée au droit garanti ? Y a-t-il proportionnalité entre l'effet de la mesure et son objectif ?(30)

Cette caractéristique du cadre conceptuel que la Cour a construit pour la Charte amène donc les tribunaux à soupeser les objectifs et les moyens législatifs pour en apprécier la validité constitutionnelle. Leur capacité institutionnelle à se livrer à un tel exercice est mise à rude épreuve. De l'avis de la juge en chef McLachlin : « La nouvelle tâche dont héritent les juges n'est pas facile. L'on peut se demander, de façon réaliste, si les tribunaux, qui ne disposent pas des ressources que peuvent déployer les législatures pour la collecte et le collationnement de renseignements et d'opinions, sont le lieu approprié pour trancher des questions de politique sociale complexes. Cette question devient toutefois de plus en plus théorique. La réalité, à tout le moins au Canada, c'est que les juges sont appelés à trancher ces questions, quel qu'en soit le niveau de difficulté. »(31)

En somme, si « [r]ien dans [le] régime constitutionnel [canadien] ne soustrait les 'questions politiques' au contrôle judiciaire devant une allégation de violation de la Constitution elle-même », la Cour suprême reconnaît néanmoins son obligation de ne pas s'arroger « l'exercice légitime des mandats démocratiques confiés aux politiciens élus à cette fin. »(32) Elle affirme ainsi la nécessité de faire preuve de prudence dans son examen des choix législatifs lorsque « le gouvernement doit arbitrer entre des intérêts divergents » ou « choisir entre plusieurs priorités législatives » ; lorsque « le gouvernement fait des choix stratégiques qui ont des conséquences futures qu'un tribunal n'est pas en mesure d'évaluer » ; (33) ou lorsque le texte législatif vise la protection d'un groupe vulnérable et qu'il n'est pas possible pour la Cour de mesurer scientifiquement le préjudice particulier en cause ou l'efficacité de la mesure retenue par le législateur.(34) Quand la Cour déclare inopérante une règle de droit, elle choisit aussi souvent de suspendre la déclaration d'invalidité du texte pendant un délai déterminé, qui permet aux instances politiques de refaire leur travail en fonction de la norme constitutionnelle posée par la Cour.(35) Mais le respect et la déférence ont leurs limites : « [I]l faut prendre soin de ne pas pousser trop loin la notion du respect. Le respect porté ne doit pas aller jusqu'au point de libérer le gouvernement de l'obligation que la Charte lui impose de démontrer que les restrictions qu'il apporte aux droits garantis sont raisonnables et justifiables. Le Parlement a son rôle : choisir la réponse qui convient aux problèmes sociaux dans les limites prévues par la Constitution. Cependant, les tribunaux ont aussi un rôle : déterminer de façon objective et impartiale si le choix du Parlement s'inscrit dans les limites prévues par la Constitution. Les tribunaux n'ont pas plus le droit que le Parlement d'abdiquer leur responsabilité. Les tribunaux se trouveraient à diminuer leur rôle à l'intérieur du processus constitutionnel et à affaiblir la structure des droits sur lesquels notre Constitution et notre nation sont fondées, s'ils portaient le respect jusqu'au point d'accepter le point de vue du Parlement simplement pour le motif que le problème est sérieux et la solution difficile. »(36)

Conclusion

« Personne ne doute que les pouvoirs judiciaire et législatif ont des rôles différents à jouer et que notre système atteint son efficacité maximale lorsque des acteurs constitutionnels respectent le rôle et le mandat des autres acteurs constitutionnels, y compris « l'appréciation par le judiciaire de sa propre position dans le système constitutionnel ».(37)

Que conclure, au terme de cette présentation sommaire du rôle constitutionnel de la Cour suprême du Canada ? Deux choses.

D'abord, on constate que la Cour consacre une part non négligeable de son travail judiciaire à expliquer et justifier le rôle distinctif qu'elle joue dans l'espace politique canadien. Alors que l'image de l'arbitre de l'ordre constitutionnel canadien lui permet sans doute d'avoir recours au vocabulaire des fonctions juridictionnelles -- « dire le droit » et « trancher les différends » -- l'idée que la Cour est un lieu privilégié pour l'élaboration d'un cadre constitutionnel cohérent fait d'elle un acteur sur la scène politique. La Cour est à la fois objet de débat, lieu du débat, et interlocuteur dans le débat. Comme l'édifice de la Cour suprême qui par son architecture se distingue et se rattache simultanément aux lieux politiques de la Colline parlementaire, la Cour suprême demeure en marge de l'espace proprement politique, mais indissociable de celui-ci.

Ensuite, et dans la même foulée, on constate que la Cour cherche à se distinguer d'abord par la manière et la méthode, plutôt que par l'objet ou le contenu de ses réflexions constitutionnelles. Dès lors que la Cour appuie sa légitimité sur la nature proprement juridique de ses activités, elle est forcément amenée à identifier ce qu'il y a de juridique dans son action constitutionnelle. Pour se placer fermement dans le giron du droit, la Cour est donc en quête perpétuelle d'indices de juridicité : elle s'impose des exigences méthodologiques et procédurales, et formule des normes constitutionnelles dont la fonctionnalité et l'objectivité s'affirment en autant de « tests » et de « critères » en multiples parties. À terme, on ne peut être que d'accord avec la Cour que c'est sa capacité à se raccrocher au langage du droit qui assure la pérennité de sa contribution au discours constitutionnel canadien.

(1) Article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, (R-U), 30 & 31 Vict., c. 3.
(2) En matière criminelle, les appels au Conseil privé ont cessé en 1933.
(3) Loi constitutionnelle de 1982, (R-U), constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11.
(4) Amax Potash Ltd. c. Gouvernement de la Saskatchewan, [1977] 2 RCS 576, à la p.590.
(5) Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, CP, Juge en chef du Canada, Conférence sur le droit et le Parlement, Ottawa, Ontario, le lundi 22 novembre 2004.
(6) Voir par exemple Terre-Neuve c. NAPE, 2004 CSC 66, au par. 116 : En résumé, chaque fois qu'il existe des limites à l'exercice licite du pouvoir de l'État, ces limites doivent être soumises à un arbitre. Depuis la Confédération, les tribunaux canadiens jouent ce rôle relativement au partage des pouvoirs entre le Parlement et les législatures provinciales. La ligne de démarcation entre le droit ou la liberté garantis à une personne et le pouvoir de l'État doit aussi être soumise à un arbitre. Les rédacteurs de la Charte ont désigné les tribunaux comme arbitre.
(7) Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 RCS 721, au par. 47.
(8) Motifs de l'honorable Juge Marie Deschamps, Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 RCS 791, par. 87 et 90.
(9) Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, CP, Juge en chef du Canada, Conférence sur le droit et le Parlement. Ottawa, Ontario, le lundi 22 novembre 2004.
(10) Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68, [2002] 3 RCS 519, par. 17.
(11) Article 33 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cette disposition exclut le contrôle judiciaire à l'égard de certains droits garantis par la Charte, mais elle est très rarement utilisée.
(12) Voir par exemple Terre-Neuve c. NAPE 2004 CSC 66, par. 105 : Il n'y a aucun doute qu'en général le Parlement et les législatures prennent des mesures qui pour eux représentent l'opinion de la majorité, constituent des limites raisonnables dont la justification a été démontrée à leur satisfaction.
(13) Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, C.P. Juge en chef du Canada, au Fourth Worldwide Common Law Judiciary Conference Vancouver, Colombie-Britannique, le samedi 5 mai 2001.
(14) Allocution de l'Honorable Michel Bastarache, juge à la Cour suprême du Canada, « Le rôle des tribunaux canadiens eu égard à l'évolution du droit au XXIe siècle », Gérone, Espagne, avril 2005.
(15) Ce pouvoir est enchâssé à l'art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui se lit ainsi : 52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada ; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.
Avant l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, l'art. 2 de la Loi de 1865 relative à la validité des lois des colonies, 1865 (R. U.), 28 & 29 Vict., chap. 63, emportait les mêmes conséquences. Le pouvoir de déclarer une règle de droit inopérante est aujourd'hui entendu de manière flexible, et comporte la possibilité d'un découpage interprétatif : la Cour peut ajouter au texte ou en extraire des portions pour parvenir à une lecture qui soit conforme à la norme constitutionnelle.
(16) Outre leur pouvoir de droit commun d'accorder des réparations constitutionnelles, les tribunaux disposent d'un pouvoir spécifique à l'égard des victimes dont les droits ont été violés, qui est prévu à l'article 24 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cet article se lit comme suit :
(1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
(17) L'article 53 de la Loi sur la Cour suprême (Lois refondues du Canada, 1985, ch. S.-26) prévoit que :
(1) Le gouverneur en conseil peut soumettre au jugement de la Cour toute question importante de droit ou de fait touchant :
a) l'interprétation des Lois constitutionnelles ;
b) la constitutionnalité ou l'interprétation d'un texte législatif fédéral ou provincial ;
c) la compétence d'appel en matière d'enseignement dévolue au gouverneur en conseil par la Loi constitutionnelle de 1867 ou une autre loi ;
d) les pouvoirs du Parlement canadien ou des législatures des provinces, ou de leurs gouvernements respectifs, indépendamment de leur exercice passé, présent ou futur.
(2) Le gouverneur en conseil peut en outre, s'il l'estime indiqué, déférer à la Cour toute question importante de droit ou de fait touchant toute autre matière, que celle-ci soit ou non, selon la Cour, du même ordre que les matières énumérées au paragraphe (1).
(3) Les questions touchant les matières visées aux paragraphes (1) et (2) sont d'office réputées être importantes quand elles sont ainsi déférées à la Cour par le gouverneur en conseil.
(18) Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse, [2003] 3 RCS 3, 2003 CSC 62, au par. 34 : « Le souci des limites du rôle judiciaire est omniprésent en droit ».
(19) Motifs de l'honorable Juge Marie Deschamps, Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 RCS 791, par. 85 .
(20) Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, Juge en chef du Canada, Conférence sur le droit et le Parlement, Ottawa, Canada, le lundi 22 novembre 2004 .
(21) Article 40 de la Loi sur la Cour suprême, (Lois Refondues du Canada, 1985, ch. S.-26).
(22) Voir la discussion de cette question dans Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 RCS 441.
(23) Voir par exemple Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342.
(24) Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, [2004] 3 RCS 698, 2004 CSC 79, au par. 62.
(25) Règle 55 et suivantes des Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002-156, modifiées par DORS/2006-203.
(26) Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, Juge en chef du Canada, au Fourth Worldwide Common Law Judiciary Conference, Vancouver, Colombie-Britannique, le samedi 5 mai 2001.
(27) Conseil Canadien des Églises c. Canada [1992] 1 RCS 236.
(28) Sur cette question, voir en particulier l'affaire Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse [2003] 3 RCS 3, 2003 CSC 62, où la Cour suprême s'est divisée à 5 juges contre 4 sur la portée du pouvoir de réparation conféré par l'article 24 de la Charte des droits et libertés de la personne. Le dossier touchait à la protection des droits linguistiques de la minorité francophone en Nouvelle-Écosse, et la possibilité pour un juge de rendre une ordonnance qui le rendait compétent pour entendre des comptes rendus sur les efforts déployés par le gouvernement pour « fournir des établissements et des programmes d'enseignement homogènes de langue française dans des délais déterminés ». La majorité de la Cour a donné son aval à cette pratique, pendant que les juges minoritaires s'insurgeaient contre le risque que les tribunaux ne se transforment ainsi en « gestionnaires de la fonction publique ».
(29) L'article premier de la Charte des droits et libertés se lit comme suit :

  1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique
    (30) Ce découpage du processus de justification est associé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Oakes, [1986] 1 RCS 103.
    (31) Allocution de la très honorable Beverley McLachlin, Juge en chef du Canada, au Fourth Worldwide Common Law Judiciary Conference, Vancouver, Colombie-Britannique, le samedi 5 mai 2001.
    (32) Motifs dissidents dans Chaoulli c. P.G. Québec. [2005] 1 RCS 791, aux par. 176 et 183.
    (33) Chaoulli c. P.G. Québec. [2005] 1 RCS 791. Dans cette affaire, la Cour s'est divisée sur l'opportunité de son intervention sur une question rattachée à la portée et l'exclusivité du régime public d'assurance-maladie au Québec.
    (34) .Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 RCS 877, au par. 90.
    (35) Sur cette pratique, voir P.G. Canada c. Hislop, [2007] 1 RCS 429, 2007 CSC 10 et Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 RCS 721.
    (36) RJR MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 RCS 199, au par. 147.
    (37) Motifs unanimes de la Cour, rédigés par l'Honorable Juge Ian Binnie,Terre-Neuve c. NA.PE., 2004 CSC 66, au par. 104.