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Le réalisme dans la jurisprudence constitutionnelle de la Cour suprême des États-Unis

Elisabeth ZOLLER - Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 22 (Dossier : Le réalisme en droit constitutionnel) - juin 2007

Lorsqu'il est utilisé par les juristes américains, le terme « realism » est souvent complété par l'adjectif « legal » et renvoie au courant de pensée du « legal realism » (réalisme juridique). Né à la fin du xixe siècle, le réalisme juridique a exercé une influence profonde et durable sur la pensée juridique, d'abord, aux États-Unis, et plus tard, en Europe. L'idée fondamentale qui en constitue le socle est que les décisions des juges, c'est-à-dire le véritable droit dans les systèmes de common law, ne sont pas le résultat d'opérations de pure logique, mais le produit des « leçons de l'expérience » et, en particulier, pour reprendre les explications du juge Oliver W. Holmes (1841-1935), l'un des fondateurs du réalisme juridique, le produit « des nécessités pressantes du moment, des théories politiques et morales dominantes, de l'intuition tantôt révélée, tantôt tenue secrète, que les juges peuvent avoir sur la politique jurisprudentielle qu'il leur faut suivre, quand elles ne sont pas le résultat des préjugés qu'ils partagent avec leurs collègues »(1).

Au départ, le réalisme juridique fut une révolte contre le formalisme juridique qui affirmait que le droit n'a rien de subjectif, mais qu'il est une réalité objective qui préexiste au juge et que celui-ci ne fait qu'appliquer aux affaires à juger au moyen de la logique, méthode scientifique par excellence, proche des mathématiques(2). Au fur et à mesure qu'il s'est développé et a gagné du terrain, le réalisme est devenu une véritable philosophie du droit qui tient le droit pour « un moyen qui permet d'atteindre une fin et qui doit être jugé non par la beauté des processus logiques qui permettent d'arriver aux résultats qu'il énonce ou par la rigueur avec laquelle le juge déroule les conséquences de ses dogmes, mais par les résultats qu'il est capable de produire »(3). Autrement dit, le réalisme juridique oblige le juge à décider d'abord en fonction de ce qui est (sein) et de ce qu'on veut faire, et non en fonction de ce qui doit être (sollen). Les tenants du réalisme juridique sont des anti-kelséniens, pour ainsi dire ; ce sont des pragmatiques qui sont convaincus que le droit doit s'accorder avec les faits et qu'il faut toujours veiller à ce qu'il y ait une concordance entre les prescriptions juridiques et les réalités sociales. Leurs critiques les qualifient, bien entendu, d'opportunistes.

Du réalisme juridique au réalisme tout court, il n'y a qu'un pas. L'un comme l'autre insistent sur la nécessité pour le juge d'avoir le sens des réalités ; ils approuvent et même encouragent l'attitude du juge qui les apprécie avec justesse, de manière pragmatique, et non pas idéaliste, imaginative ou visionnaire, dogmatique ou doctrinaire. S'il fallait les distinguer, nous dirions volontiers que le réalisme juridique ressort de la philosophie du droit et se pose à un niveau normatif comme un devoir être, alors que le réalisme tout court, le seul qui nous retiendra ici, se place à un niveau descriptif, non prescriptif. C'est dire qu'il ne sera pas question dans les lignes qui suivent de s'interroger sur le point de savoir si la Cour suprême doit ou non adhérer au réalisme juridique et si elle doit rendre des jugements qui se préoccupent plus d'épouser les réalités sociales que de suivre à la lettre des normes juridiques écrites il y a deux siècles, mais simplement si, en fait, elle est réaliste.

À cette question, il n'est pas possible d'apporter une réponse uniforme. Tout dépend des cas sur lesquels la Cour a eu à statuer. Si l'on ne retient que les affaires constitutionnelles, celles qui mettent en cause l'interprétation de la Constitution, à l'exclusion des affaires législatives qui ne touchent qu'à l'interprétation des lois et dans lesquelles un manque de réalisme de la Cour n'est qu'un demi-mal dans la mesure où le Congrès peut toujours renverser les arrêts rendus, la jurisprudence constitutionnelle de la Cour apparaît très inégalement réaliste. Vue dans la longue durée, la jurisprudence de la Cour suprême tend beaucoup plus à être tirée par les prescriptions de la Constitution vers le sollen qu'entraînée par les réalités économiques et sociales et tournée vers les exigences du sein ; bref, la Cour est bien plus idéaliste que réaliste. Elle tend à faire prévaloir la lettre sur l'esprit de la Constitution, à donner priorité au respect des formes et des procédures aux dépens des nécessités pressantes du moment, à préférer la hiérarchie des normes juridiques à celles des valeurs politiques. Sans doute son histoire est-elle ponctuée de périodes pendant lesquelles elle s'est inclinée devant ce qu'un commissaire du gouvernement, concluant devant le Conseil d'État dans une affaire Meyet, a appelé « le nécessaire réalisme du droit constitutionnel »(4). Mais ces périodes ne durent pas. Quand il se vérifie, le réalisme de la Cour est toujours un réalisme d'exception (I), une sorte de parenthèse dans son histoire qui se renferme sitôt disparues les circonstances qui l'avaient fait naître et qui est toujours suivie d'un retour à l'idéalisme de principe qui l'habite (II).

I. Réalisme d'exception

Dans sa longue histoire, il est exceptionnel que la Cour ait écarté le droit strict et qu'elle ait fait prévaloir sur la lettre des normes juridiques « les nécessités pressantes du moment », pour parler comme Oliver W. Holmes. Les exemples ne sont pas nombreux ; mais ils sont illustres et comptent d'ailleurs parmi les plus grands arrêts de la Cour. Ils concernent les deux grands chapitres de la matière constitutionnelle : l'organisation du pouvoir et la protection des droits.

A. L'organisation du pouvoir

Le pouvoir aux États-Unis est agencé, on le sait, selon une structure fédérale qui laisse aux États membres les compétences étatiques de principe et n'attribue au gouvernement fédéral que des compétences d'attribution. La principale conséquence en est que le gouvernement fédéral n'a que les pouvoirs que la Constitution lui confère ; c'est un gouvernement de « pouvoirs énumérés ». Mais que se passe-t-il lorsque les nécessités du moment l'obligent à exercer des pouvoirs qui n'ont pas été prévus dans le texte fondateur ?

La réponse que commande le réalisme fut donnée par le président John Marshall en l'affaire McCulloch v. Maryland (1819). Aucune disposition de la Constitution n'avait donné au gouvernement fédéral le pouvoir de créer une banque nationale. Sur les recommandations du financier avisé qu'était Hamilton, le Congrès se résolut à en créer une. L'institution rencontra bien des difficultés dans les États qui se retrouvèrent désormais gênés dans leurs politiques monétaires et qui essayèrent bientôt d'entraver son action. Le Maryland s'était résolu à la soumettre à un impôt spécial. Sur recours du caissier de la banque fédérale qui refusa de payer l'impôt, la question de la validité constitutionnelle de la création de cette institution financière vint devant la Cour. Confronté à cette réalité toute simple qu'aucune disposition de la Constitution n'avait donné au gouvernement le pouvoir de créer une banque fédérale, le président Marshall expliqua : « À travers cette vaste république, de l'Ile Sainte-Croix au Golfe de Mexico, de l'Atlantique au Pacifique, des deniers publics doivent être collectés et dépensés, des armées doivent avancer et être entretenues. L'urgence nationale peut exiger que le trésor levé au nord soit transporté au sud, que celui levé dans l'est soit amené à l'ouest, ou que cet ordre soit annulé. Faudrait-il préférer une interprétation de la Constitution qui rendrait ces opérations difficiles, incertaines et coûteuses ? Pouvons-nous adopter une interprétation (à moins que les mots ne l'exigent impérieusement) qui attribuerait aux rédacteurs du texte, quand ils accordèrent [au gouvernement] ces pouvoirs pour le bien public (for the public good), l'intention de faire obstacle à leur exercice en [lui] refusant le choix des moyens ? »(5). En d'autres termes, pour lever l'impôt, pour faire la guerre, l'Union devait avoir sa banque, ou, pour dire les choses en termes juridiques, nonobstant les silences de la Constitution, l'Union devait être regardée comme ayant le pouvoir de créer une banque tout simplement parce que le bien public l'exigeait. Et le président Marshall d'affirmer dans une magnifique envolée de réalisme écrite à l'adresse des générations futures : « Nous admettons [···] que les pouvoirs du gouvernement sont limités et que ses limites ne doivent pas être outrepassées. Mais nous pensons qu'une saine interprétation de la Constitution doit donner au Congrès le pouvoir discrétionnaire de choisir les moyens qui lui permettront, pour le plus grand bénéfice du peuple (in the manner most beneficial to the people), de mettre en œuvre les pouvoirs qui lui ont été conférés, et de réaliser les hautes fonctions qui lui ont été assignées. Que la fin soit légitime, qu'elle se situe dans la portée de la Constitution, et tous les moyens qui sont propres à la mettre en œuvre, qui sont simplement adaptés à cette fin et qui ne sont pas interdits, mais qui s'accordent avec la lettre et l'esprit de la Constitution, sont constitutionnels »(6).

Cette jurisprudence sur les pouvoirs implicites (ou impliqués) n'a pas eu une longue postérité. Dès la fin de la guerre de Sécession, la Cour fit comprendre au Congrès que les amendements adoptés pour éradiquer la servitude et réaliser l'égalité des droits civils de tous les citoyens sur le territoire de l'Union n'avaient pas eu pour effet d'augmenter ses pouvoirs(7). Dans le même ordre d'idées, dès la fin du xixe siècle, lorsque le Congrès, pressé par l'opinion publique de mettre fin aux abus de la grande industrie, confronté aux impératifs de la question sociale et désireux d'introduire une nécessaire réglementation dans les conditions de travail, entreprit d'adopter de grandes lois sociales, la Cour freina tant qu'elle put son action et invalida ses lois à tour de bras(8) . Cette période qui est connue sous le nom de « gouvernement des juges » a duré jusqu'au New Deal quand, sous la pression des nécessités économiques, le président Roosevelt a obligé la Cour, sous la menace, de revenir au réalisme recommandé par le juge Marshall.

En 1937, le réalisme est donc redevenu le droit commun de l'interprétation constitutionnelle et la Cour s'est convertie à la nouvelle pensée. À partir de cette date, sa jurisprudence a fait en sorte que : « Le principe cardinal de l'interprétation des lois [soit] de sauver et non pas de détruire », et d'ajouter en forçant un peu le trait : « Nous avons toujours dit qu'entre deux interprétations possibles d'une loi, l'une qui la rendrait constitutionnelle et l'autre qui la rendrait valide, notre devoir est clairement d'adopter celle qui sauvera la loi »(9) . La décision Jones & Laughlin qui a inauguré la période réaliste de la Cour au xxe siècle, a permis au gouvernement fédéral, comme le souhaitait le peuple souverain, de prendre le contrôle de l'économie nationale grâce, sur le plan juridique, à une présomption de constitutionnalité que la Cour a systématiquement attachée à toutes les lois fédérales de portée économique.

Mais la période réaliste « vingtiémiste » de la Cour, si l'on peut dire, n'a pas duré. Dès le milieu des années soixante-dix, elle a commencé à battre de l'aile. Dans un arrêt National League of Cities v. Usery (1976)(10) , la Cour annula une loi du Congrès qui étendait d'office à tous les employés des États les dispositions des lois fédérales sur le salaire minimum et les horaires de travail au motif que la clause de commerce inscrite à l'article I, sec. 8 (3) de la Constitution ne donnait pas au Congrès le pouvoir de réglementer ce qu'elle a dénommé les « fonctions gouvernementales traditionnelles » lesquelles, selon elle, relèvent des fonctions souveraines et réservées des États. En 1985, dans un sursaut de réalisme, une majorité sur le siège se résolut à renverser cette décision inique(11). Peine perdue ! Dix ans plus tard, sans revenir tout de même sur le droit des employés d'État à bénéficier des dispositions fédérales sur le salaire minimum, la Cour a tourné le dos au réalisme en matière fédérale. Dans un arrêt déjà passé à la postérité comme historique, United States v. Lopez, elle reconnut que, sous couvert de réalisme, sa jurisprudence antérieure était « déjà allée très loin···, en faisant preuve d'une grande déférence vis-à-vis des actions du législateur ». Et elle précisa : « Les termes très larges utilisés dans ces affaires ont donné à penser que l'expansion continuerait, mais aujourd'hui nous refusons d'aller plus loin. Poursuivre dans cette voie exigerait de nous que nous renoncions à considérer que l'énumération par la Constitution de certains pouvoirs présuppose qu'il existe quelque chose de non énuméré,··· et que nous admettions qu'il ne sera jamais possible de distinguer entre ce qui est vraiment national et ce qui est vraiment local··· Ceci, nous ne sommes pas disposés à le faire »(12) . Et, à ce titre, sans la moindre considération pour ce que la violence à l'école pouvait avoir de désastreux pour la nation et la formation de la jeunesse, elle annula pour vice d'incompétence une loi du Congrès qui interdisait de venir dans les écoles avec des armes à feu. Concrètement, cela signifie que, si les États négligent de prendre des dispositions pour l'interdire, les élèves peuvent être armés. « Le bien public », « le plus grand bénéfice du peuple », auquel se référait le président Marshall n'ont pas guidé la Cour bien souvent dans l'interprétation qu'elle devait faire des pouvoirs du Congrès, et aujourd'hui moins que jamais(13).

B. La protection des droits

De la crise du New Deal jusqu'à la fin des années soixante, la Cour s'est efforcée de mettre le droit en harmonie avec les faits et les nécessités sociales. Son effort a porté non seulement, on vient de le dire, sur l'adaptation de la structure fédérale initiale qui impliquait la dispersion des pouvoirs aux exigences de l'unité d'action et de régulation dans un grand marché national aux dimensions continentales tel qu'il s'est vraiment réalisé avec le New Deal, il s'est aussi porté sur les droits de l'individu.

Sans la jurisprudence énergiquement réaliste adoptée par la Cour sous le leadership d'un des ses plus grands présidents, Earl Warren, la protection des droits aux États-Unis, notamment la protection des droits des Noirs, n'aurait jamais progressé. À l'issue de la guerre de Sécession, le XIVe Amendement avait promis « l'égale protection des lois » aux anciens esclaves, mais non « l'égalité des droits ». L'énigmatique formule ne signifiait pas (et ne signifie toujours pas) une égalité de droits entre les citoyens, mais seulement une égalité dans la protection que le droit civil garantit à la liberté naturelle. Les hommes ont des droits naturels (droit à la vie, à la liberté, à la propriété) et l'égale protection des lois exige simplement qu'ils soient tous, sans discrimination, également protégés dans l'exercice qu'ils en font. Mais elle n'interdit pas des préférences ou des privilèges inégaux dès lors que les inégalités qui en résultent ne blessent pas un droit naturel. C'est très exactement ce qu'évitait le principe « Séparés, mais égaux » qui justifia pendant un demi siècle l'indécent système d'apartheid qui régna dans les États du Sud. L'égale protection des lois n'était pas en cause puisque les discriminations ne portaient pas sur un droit naturel ; concrètement, comme il n'y a pas de droit naturel à prendre le train, ou à aller à l'école, ou à fréquenter des lieux publics, il devient parfaitement légal de discriminer entre les voyageurs, les élèves ou les clients ; interdire l'accès de certains wagons, ou de certaines écoles, ou de certains lieux à certaines personnes, mais pas à d'autres, ne viole pas le droit car ce ne sont que des privilèges qui peuvent être inégalement distribués, disaient en substance les tenants du principe. La Cour valida le principe « Séparés, mais égaux » dans la décision Plessy v. Ferguson(14) , lequel devint ainsi règle de droit en vigueur aux États-Unis pendant plus d'un demi-siècle.

En 1954, dans l'arrêt le plus réaliste qu'elle ait rendu au cours du xxe siècle, Brown v. Board of Education of Topeka, la Cour, à l'unanimité, a renversé l'inique principe dans le domaine scolaire. Brown représente le sommet du réalisme parce que la décision y est prise sur le seul fondement des réalités sociales ; les règles de droit n'y jouent pratiquement aucun rôle. « Des écoles séparées sont intrinsèquement inégales », affirme la Cour sur un ton péremptoire, non parce que le XIVe Amendement oblige à la mixité scolaire, non parce que le précédent Plessy v. Ferguson qui a sanctifié la règle « Séparés, mais égaux » doit être renversé, bref, non parce que la Constitution ou le droit constitutionnel l'exige, mais beaucoup plus simplement parce que « les travaux scientifiques modernes » ont « amplement » démontré que « la ségrégation des enfants, sur le seul fondement de la race, quand bien même les bâtiments et l'équipement ainsi que les autres conditions matérielles seraient égaux, privent les enfants du groupe minoritaire de l'égalité des chances en matière éducative »(15) .
Brown montre fort bien à la fois les avantages et les inconvénients de la philosophie réaliste. Avec le réalisme, le juge peut faire avancer le droit là où le souci de l'humain lui commande d'aller ; mais le réalisme montre aussi qu'à la limite, le juge n'a plus besoin du droit ; il lui est loisible de décider sur la base de considérations de son choix. Les critiques ont vite trouvé le talon d'Achille de la nouvelle doctrine et ils ont exhorté les juges à revenir à des principes de droit parce que ces principes sont les seuls selon eux à être vraiment « neutres »(16) . La Cour a entendu leurs arguments. Par la suite, chaque fois qu'elle a tenté de mettre le droit en accord avec les faits, elle a toujours pris le plus grand soin à fonder son raisonnement dans les textes. On n'en veut pour preuve que les tribulations du concept de « droit à la vie privée » (right to privacy) que la Cour a façonné pour répondre aux attentes des citoyens américains qui dans les années soixante se sont dressés contre les innombrables textes puritains autrefois adoptés par leurs États pour régler leur vie intime dans ses moindres détails. À défaut de pouvoir faire comme dans Brown, c'est-à-dire fonder son raisonnement tout simplement sur l'évolution des idées et des mœurs, la Cour s'est fait un point d'honneur à trouver un fondement textuel à ce droit ; elle l'a d'abord vu inscrit en filigrane dans les pénombres et clairs-obscurs de toute la Constitution(17), puis dans le XIVe Amendement(18), et enfin, dans le seul mot « liberté » inscrit dans celui-ci(19) . Elle a fait tant et si bien que ses critiques ont fini par dire qu'elle pouvait faire dire aux textes ce qu'elle voulait. Et, de fait, c'est bien là le danger qu'elle court chaque fois qu'elle s'abandonne au réalisme. Y a-t-elle recours qu'à plus ou moins brève échéance, elle se voit contrainte sous la pression des critiques de l'abandonner et de revenir à l'idéalisme de principe qui l'habite depuis les origines et qui est la raison d'être de son action et sa seule source de légitimité.

II. Idéalisme de principe

Si le réalisme est une exception dans la jurisprudence de la Cour, c'est parce que l'idéalisme en est le principe de vie. Et si l'idéalisme en est le principe de vie, c'est parce qu'aux États-Unis, la « Constitution » est un idéal ou, plus exactement, la promesse d'un idéal, un idéal de liberté, de liberté individuelle entendue tous azimuts, rayonnante dans la sphère privée comme dans la sphère publique, voisine de cette souveraineté du sujet (self-sovereignty) qui caractérise la modernité telle qu'on l'entend aux États-Unis et qui permet à chacun de réaliser son propre bonheur. Aux États-Unis, la Constitution est ainsi moins un moyen pour la Nation de se gouverner comme elle l'est en France que le moyen pour chaque individu de rester libre, libre au sens moderne, c'est-à-dire jouissant d'une totale indépendance individuelle(20) . Pour atteindre cet idéal, la Constitution a établi un gouvernement aux pouvoirs limités, doublement limités par le fédéralisme et la séparation des pouvoirs. Et, c'est le point décisif, elle ne s'est pas arrêtée là, elle a pris soin que ces limites ne puissent pas être dépassées, elle a été écrite. Comme l'a dit John Marshall dans le célèbre arrêt Marbury v. Madison : « C'est pour que ces limites ne soient pas ignorées ou oubliées que la Constitution est écrite ». Seule garantie que le gouvernement restera bien dans les limites qui lui ont été assignées, l'écriture de la Constitution détermine et l'inéluctable idéalisme, et l'impossible réalisme de l'interprétation constitutionnelle aux États-Unis.

A. L'inéluctable idéalisme

Bien avant la Constitution américaine, la Constitution d'Angleterre avait cherché, elle aussi, à limiter le pouvoir, mais sans avoir jamais eu besoin de recourir à l'écrit pour faire en sorte que les limites posées ne soient pas dépassées. Au xviiie siècle, la garantie du pouvoir limité tel qu'il était organisé en Angleterre reposait dans les inclinations naturelles des divers membres qui formaient le corps souverain du « Roi en Parlement » ; elle résultait d'une combinaison entre toutes les qualités des ordres qui y étaient représentés ; l'économie de la bourgeoisie, la sagesse de l'aristocratie, la piété du clergé et la puissance du roi.

Faute de pouvoir trouver dans le Nouveau monde les structures sociales qui, dans l'Ancien, garantissaient contre l'abus de pouvoir, les Américains ont fait de l'écriture de la Constitution la plus sûre garantie de leurs droits. Ce faisant, ils ont surdéterminé la constitution écrite en général, et leur propre Constitution en particulier, se condamnant à l'idéalisme en matière constitutionnelle. L'inéluctable idéalisme de la constitution écrite aux États-Unis est contenu et expliqué dans le célèbre arrêt de la Cour, Marbury v. Madison (1803)(21) . L'arrêt contient le premier exposé des raisons qui justifient le contrôle judiciaire de constitutionnalité des lois et qui se fondent sur le principe de suprématie de la loi constitutionnelle sur la loi ordinaire. Le principe de la supériorité de la Constitution sur la loi ordinaire avait bien été prévu au profit de la Constitution fédérale pour ce qui concerne les lois d'États, lois ordinaires et même loi constitutionnelle, notamment par l'article VI (2) de la Constitution fédérale, mais elle n'avait pas été formellement énoncée pour ce qui concerne les lois du Congrès. John Marshall l'a postulé de toutes pièces à partir d'une lecture hyper idéaliste de la Constitution.

Porteuse d'un nouveau principe constitutionnel qui renouvelait les conditions de la liberté, le principe de la souveraineté du peuple, une constitution telle qu'on l'entendait en Amérique n'avait, selon John Marshall, rien à voir avec les constitutions qui avaient pu la précéder ou qui pouvaient exister à côté d'elle, sous-entendu, les constitutions européennes. Elle était, contrairement à celles-ci, une œuvre de l'esprit, non une œuvre de l'histoire ; elle n'avait rien d'évolutif, elle ne s'était pas élaborée avec le temps, peaufinée au fil des ans, améliorée au gré des avancées de la liberté contre le pouvoir, comme la Constitution d'Angleterre. Elle n'était pas un produit de l'histoire, mais un produit de la raison. Sa fabrication avait mobilisé « une grande énergie » dont il était exclu qu'on puisse la « répéter fréquemment » ; elle n'avait donc pas vocation à être complétée par des textes successifs ; elle n'était pas comme en Angleterre une constitution sédimentaire, mais un texte qui posait des principes fondamentaux, on oserait à peine dire éternels, en tout cas « conçus pour être permanents ».

Non seulement, la Constitution était d'une autre nature, disait Marshall, mais elle avait aussi un autre objet. À l'inverse des constitutions connues jusque là, la Constitution fédérale, telle qu'elle avait été conçue pour le gouvernement des États-Unis, avait pour particularité de fixer des limites aux pouvoirs du gouvernement qu'elle instituait, des limites que celui-ci ne devait pas dépasser. À partir de là, raisonnait le logicien John Marshall, le bon sens commandait de reconnaître que, si ces limites pouvaient être franchies, il n'y aurait « plus de différence entre un pouvoir limité et un pouvoir illimité ». Il en résultait, selon lui, que la Constitution devait nécessairement l'emporter sur la loi ordinaire. Telle que John Marshall en fit la théorie, la suprématie de la Constitution sur la loi ordinaire ne se justifie ni par l'histoire, ni même par le droit, mais par la logique pure ou, pour utiliser une formule qui acquerra bien après lui valeur canonique, par la hiérarchie des normes. Dès les origines, la Cour suprême a ainsi adopté une approche idéaliste, légaliste, quasi scientifique vis-à-vis de la Constitution. La Constitution américaine n'avait rien à voir avec les constitutions européennes qui se bornaient à organiser le pouvoir sans le limiter ; elle était normative parce qu'elle était écrite et elle avait été écrite pour avoir valeur normative de sorte que son écriture en faisait une œuvre statique, sortie de l'histoire, une œuvre qui avait posé des principes « permanents », bref, un idéal.

Sur de telles bases, le réalisme a toujours rencontré des difficultés pour s'imposer aux États-Unis ; d'une manière ou d'une autre, il est toujours vu comme une trahison. Car que signifie-t-il au juste ? Il signifie que la Constitution n'est pas immuable, qu'elle doit s'adapter aux nécessités du temps et se plier à l'évolution de la société. Mais comment demander au juge de satisfaire ces exigences sans trahir la mission qui lui est confiée ? La question n'a jamais pu recevoir de réponse satisfaisante.

B. Les difficiles chemins du réalisme

Un idéal peut-il évoluer avec le temps et se plier aux pressantes nécessités du moment ? Dès les origines, la question s'est posée et elle a été résolue par celui-là même qui fit la théorie de l'idéalisme, John Marshall, dans l'arrêt précité, McCulloch v. Maryland. On se rappelle qu'il s'agissait dans cette affaire de savoir si le gouvernement fédéral avait le pouvoir de créer une banque quand la Constitution ne prévoyait rien en ce sens. Marshall commença par noter que « le problème de l'étendue des pouvoirs réellement concédés [au gouvernement fédéral] se présente tous les jours et continuera probablement de se présenter aussi longtemps que notre système existera ». Pour le résoudre, il donna deux conseils. Le premier est celui-ci : « Nous ne devons jamais oublier que c'est une constitution que nous interprétons », sous-entendu, ce n'est pas une loi ordinaire faite par un législateur qui a tout loisir de donner les détails qu'il veut pour guider l'interprétation du juge ; c'est un texte qui se borne à fixer les grandes lignes de l'action fédérale, à désigner quelques objectifs importants, et qui laisse l'énoncé des voies et moyens de nature à les atteindre se déduire de leur contenu. La seconde directive s'énonce comme suit : « La Constitution est appelée à durer pour les âges à venir et par conséquent doit être adaptée à toutes les diverses crises des affaires humaines »(22) . Ces deux recommandations montrent bien qu'à la question de savoir si le juge peut donner la préférence au réalisme sur l'idéalisme en matière d'interprétation constitutionnelle, la réponse de Marshall se résume à ceci : non seulement il le peut, mais il le doit.

La Cour suprême n'a toutefois jamais beaucoup emprunté les voies du réalisme ouvertes par Marshall. Elle en a donné les raisons avec une simplicité désarmante dans un arrêt qu'on ne lui a jamais pardonné, Dred Scott v. Sandford (1857). Placée entre une constitution qui avait explicitement consacré l'esclavage et des réalités qui avaient complètement changé depuis la convention de Philadelphie, la Cour expliqua par la voix du président Taney tenant la plume : « Tant que la Constitution demeure inchangée, elle doit être interprétée comme elle fut comprise au moment de son adoption. Elle ne reste pas seulement la même dans ses mots, elle reste aussi la même dans le sens qui leur fut donné ; elle continue de déléguer les mêmes pouvoirs au gouvernement et elle continue de réserver et de garantir les mêmes droits et privilèges aux citoyens ; et tant qu'elle continue à exister dans sa forme présente, elle ne parle pas seulement avec les mêmes mots, elle parle aussi avec la même signification et la même intention que ces mots emportaient lorsque, sortie des mains de ses rédacteurs, elle a été soumise au peuple des États-Unis et adoptée par lui. Toute autre règle d'interprétation ferait fi du caractère judiciaire de la Cour et en ferait le simple reflet de l'opinion ou de la passion populaire du jour. La Constitution n'a pas créé la Cour pour lui confier ce rôle. Elle l'a investie de charges plus hautes et plus solennelles et la Cour ne doit pas chanceler sur le chemin du devoir »(23).

À l'exception de la parenthèse réaliste qui s'est ouverte à partir des années trente et qui s'est refermée à partir des années soixante-dix, la Cour est dans l'ensemble restée assez fidèle à la philosophie exposée dans la funeste affaire Dred Scott. Elle s'en est tenue à la lettre du texte et a fait prévaloir les commandements inexorables de la Constitution sur « les nécessités du moment ». C'est surtout vrai dans le domaine des questions intéressant l'organisation du pouvoir, mais un peu moins vrai dans celui des droits individuels, la différence semblant tenir au fait que le jeu de l'interprétation est beaucoup moins ouvert dans le premier champ que dans le second, du chef des différences dans la précision rédactionnelle des dispositions de la Constitution dans un cas et dans l'autre. Dans le domaine de la séparation des pouvoirs, elle a jugé que « la Constitution a cherché à diviser les pouvoirs attribués au nouveau gouvernement fédéral en trois catégories définies, législative, exécutive et judiciaire, pour garantir autant que possible que chaque branche du gouvernement se confine à la responsabilité qui lui a été assignée. Il faut donc combattre la pression hydraulique qui travaille dans chacune des branches séparées à les faire sortir des limites assignées à leur pouvoir, quand bien même il s'agirait pour elles d'accomplir des objectifs désirables »(24) . En revanche, dans le domaine de la protection des droits, elle s'est reconnue plus de marge et s'est aventurée à donner un contenu actualisé à la notion de liberté contenue dans le XIVe Amendement estimant tout d'abord, en 1992, que « l'essence de cette liberté consiste dans le droit de chaque individu de définir sa conception de l'existence, de la signification de l'univers et du mystère de la vie humaine »(25) , et ensuite, en précisant dix ans plus tard, par la voix du juge Kennedy, que « le droit d'être libre (freedom) va au-delà de limites spatiales. Il présuppose l'autonomie du sujet (autonomy of self) qui comprend la liberté de pensée, la liberté de conscience, la liberté d'expression et la liberté de comportement dans l'intimité »(26).

Aujourd'hui, la philosophie interprétative de l'arrêt Dred Scott est au cœur du courant connu sous le nom d'« originalisme » qui fut lancé dans les années 1980 par l'Attorney General de l'époque, Edwin Meese III(27) . Il consiste à interpréter les dispositions de la Constitution en se référant toujours à l'intention des Pères fondateurs, à l'exclusion de toute autre méthode et sans considération pour les conséquences humaines ou sociales qui peuvent en découler. Le courant de l'originalisme particulièrement bien représenté par la puissante Federalist Society voit dans le réalisme et les conquêtes sociales qu'il a pu permettre le plus grand malheur qui ait pu frapper la Constitution depuis 1787. Il a été théorisé par Antonin Scalia, juge à la Cour suprême, dans un livre devenu un classique, A Matter of Interpretation, Federal Courts and the Law (1997)(28) . Bien entendu, il existe des opposants à ce courant de pensée qui, à la faveur de la longue occupation de la Maison Blanche par les Républicains à partir des années 1980 et de la courte parenthèse démocrate de la présidence Clinton entre 1992 et 2000, est aujourd'hui devenu presque majoritaire à la Cour. Un des plus célèbres de ces opposants est Stephen Breyer, nommé juge à la Cour suprême en 1994, dont l'ouvrage récent Active Liberty, Interpreting Our Democratic Constitution (2005) est, sous le couvert d'une pleine réalisation des ambitions démocratiques de la Constitution, un vibrant plaidoyer en faveur de ce qui fait le cœur de la méthode réaliste d'interprétation, la nécessité pour le juge de s'appuyer sur les objectifs de l'instrument et de toujours tenir compte des conséquences de ses décisions(29).

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En conclusion, il resterait à se demander pourquoi la Cour suprême éprouve tant de mal à adopter une posture réaliste, et pourquoi elle se réfugie par principe dans l'idéalisme. La réponse tient probablement à la culture de common law dans laquelle a grandi le système constitutionnel des États-Unis. Cette culture tend à opérer une distinction radicale entre la politique et le droit parce qu'elle n'a jamais pu accepter que le second ne soit que le produit de la première. L'idée même de la common law, de ce droit immémorial qui vient du fin fond des âges, s'y oppose. Un juriste de common law ne peut pas se résoudre facilement à l'idée des systèmes de droit codifié, tous nés des principes de la Révolution française, selon laquelle le droit n'est pas « une toute puissance tutélaire logée au firmament, mais la voix intelligible d'une sorte de souverain ou de quasi souverain »^(30), sous entendu la voix du peuple souverain ou de ses représentants. C'est ce que le juge Holmes, le plus grand réaliste des réalistes américains, essayait de faire comprendre à ses collègues au début du xxe siècle. Pour lui, la Constitution était la voix du peuple souverain de l'époque comme, de nos jours, elle devrait être celle du peuple d'aujourd'hui. L'état actuel de la jurisprudence de la Cour suprême montre que son appel n'a pas été entendu et qu'il est douteux qu'il ne le soit jamais.

La Constitution est devenue aux États-Unis ce qu'était la common law en Angleterre au temps de Blackstone(31) , elle est la perfection de la raison, elle vise toujours à s'y conformer et ce qui n'est pas raison n'est pas dans la Constitution. L'idéalisme est inhérent à la common law ; en matière constitutionnelle où la rigidité est le principe, et la souplesse l'exception, l'idéalisme ne cède devant le réalisme que lorsqu'à être aveuglément poursuivi, il expose ses thuriféraires soit à se dresser contre la volonté générale (crise du New Deal), soit à devoir assumer la gêne de rester le dernier bastion de l'indécence dans une communauté de sociétés en marche vers la maturité(32). C'est contre l'idéalisme d'une Constitution éternelle et d'un droit immuable qu'en 1954, la Cour suprême à écarté le principe « Séparés, mais égaux » en matière éducative(33) et qu'en 2005, elle a invalidé la peine de mort pour les mineurs de moins de 18 ans(34) . Les plus grandes conquêtes de la Cour ont toujours été celles de la pensée réaliste.

(1) Holmes (O. W.), The Common Law (1881), Boston, reprint, Black Bay Books, 1963, p. 5.
(2) V. Zoller (E.), « La Cour suprême des États-Unis entre création et destruction du droit », Archives de philosophie du droit, vol. 50 (2006), p. 277-287.
(3) Pound (R.), « Mechanical Jurisprudence », Columbia Law Review, vol. 8 (1908), p. 605.
(4) Conclusions D. Kessler, sous CE, 10 sept. 1992, Meyet, RD publ., 1992, p. 1805.
(5) McCulloch v. Maryland, 17 US (4 Wheat) 316, 408 (1819), in Zoller (E.), Grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis [désormais Grands arrêts], PUF, 2000, p. 137.
(6) 17 US (4 Wheat) 316, 421 ; Grand arrêts, p. 148.
(7) The Civil Rights Cases, 109 US 3 (1883); Grands arrêts, p. 257.
(8) Hammer v. Dagenhart, 247 US 251 (1918); Grands arrêts, p. 345.
(9) National Labor Relations Board v. Jones & Laughlin Steel Corp., 301 US 1, 30 (1937); Grands arrêts, p. 467, 471.
(10) 426 US 833 (1976).
(11) Garcia v. San Antonio Metropolitan Transit Authority, 469 US 528 (1985); Grands arrêts, p. 1041.
(12) United States v. Lopez, 514 US 549, 567-68 (1995); Grands arrêts, p. 1189.
(13) Elle a invalidé, par exemple, une partie des lois du Congrès prévoyant des recours en justice devant les juridictions fédérales au profit des femmes battues ou violées, United States v. Morrison, 529 US 598 (2000).
(14) Plessy v. Ferguson, 163 US 537 (1896); Grands arrêts, p. 301.
(15) Brown v. Board of Education of Topeka, 347 US 483 (1954), Grands arrêts, p. 601.
(16) V. l'article influent de Wechsler (Herbert), « Towards Neutral Principles of Constitutional Law », Harvard Law Review, vol. 73 (1959), p. 1 et s.V. l'article influent de Wechsler (Herbert), « Towards Neutral Principles of Constitutional Law », Harvard Law Review, vol. 73 (1959), p. 1 et s.
(17) Griswold v. Connecticut, 381 US 479 (1965); Grands arrêts, p. 679.
(18) Roe v. Wade, 410 US 113 (1973); Grands arrêts, p. 745.
(19) Lawrence v. Texas, 539 US 558 (2003).
(20) Le système américain consacre dans sa plénitude la liberté des modernes décrite par Benjamin Constant dans son discours sur « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes, Discours prononcé à l'Athénée royale de Paris en 1819 », in Écrits politiques, Paris, Gallimard, Folio Essais, 1997, p. 589 et s.
(21) Marbury v. Madison, 5 US (1 Cranch) 137, (1803); Grands arrêts, p. 71, 103.
(22) McCulloch v. Maryland, 17 US (4 Wheat.) 316, 415 (1819); Grands arrêts, p. 129, 143.
(23) Dred Scott v. Sandford, 60 US (19 How.) 393, 425-26 (1857); Grands arrêts, p. 219-220.
(24) INS v. Chadha, 462 US 919, 951 (1983); Grands arrêts, p. 1010.
(25) Planned Parenthood of Pennsylvania v. Casey, 505 US 833, 851 (1992); Grands arrêts, p. 1129.
(26) Lawrence v. Texas, 539 US 558, 562 (2003).
(27) Edwin Meese III, « Rights and Realism – Making the Constitution Work », Harvard Journal of Law & Public Policy, vol. (11) 1990, p. 165 et s.
(28) Scalia (Antonin), A Matter of Interpretation, Federal Courts and the Law, Princeton University Press, 1997.
(29) Breyer (Stephen), Active Liberty, Interpreting Our Democratic Constitution, Alfred A. Knopf, 2005, p. 115-116 ; traduction française par Isabelle Moy, Pour une démocratie active, Odile Jacob, 2007, notamment p. 157 et 159.
(30) Southern Pacific Co. v. Jensen, 244 US 205, 221 (1917), opinion dissidente Holmes.
(31) Sir William Blackstone, Commentaries on the Laws of England, Introduction, Section III, fac-similé de l'édition de 1765, p. 70.
(32) La corrélation entre le standard de « décence » et la notion de « société en marche vers la maturité » a été faite par la Cour suprême dans l'affaire Trop v. Dulles (1958). Appelée à interpréter la notion de « châtiment cruel et inhabituel » contenue dans la VIIIe Amendement à la Constitution, la Cour a souligné que pareille interprétation l'amenait à définir les « critères évolutifs de décence qui jalonnent les progrès d'une société en marche vers la maturité », 356 US 86, 101 (1958).
(33) Brown v. Board of Education of Topeka, précité supra, note 15 et texte correspondant.
(34) Roper v. Simmons, 543 US 551.