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Le revirement de jurisprudence en Belgique

Francis DELPÉRÉE - Sénateur, professeur à l'Université de Louvain

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 20 (Dossier : Les revirements de jurisprudence du juge constitutionnel) - juin 2006

À en croire le dictionnaire, le revirement, c'est le changement brusque et complet d'opinion. Est-il compatible, demandera aussitôt le juriste, avec la prudence qui doit caractériser l'œuvre de justice ?
Un homme change d'avis. Quoi de plus normal. Il n'y a que les imbéciles, dit la sagesse populaire, pour s'accrocher à un point de vue initial. Une femme change d'avis. Quoi de plus évident. « Bien fol qui s'y fie », dit avec un brin d'ironie mêlée de mauvaise foi la chanson. Un enfant change d'avis. Quoi de plus naturel. C'est de son âge. Il apprendra, chemin faisant, à faire preuve de plus de constance. Bref, le revirement est monnaie courante. Qui peut s'en émouvoir ?
Mais que l'autorité publique, et notamment l'autorité de justice, change d'avis… Quoi de plus surprenant. N'a-t-elle pas pour fonction sociale d'inscrire sa réflexion et ses décisions dans la durée ? Elle exprime une part de vérité. Elle est porteuse de continuité. Elle est gage de sécurité.
Si elle veut atteindre ces objectifs, elle doit se garder de brouiller les pistes. Et de contraindre le citoyen - justiciable qui s'ignore - et ceux qui le conseillent ou le défendent à opérer sans état d'âme des virages à cent quatre-vingt degrés.
Comment ne pas ajouter que l'institution de justice constitutionnelle est, au premier chef, interpellée par une réflexion sur le revirement de jurisprudence(1) ?
En Belgique, la Cour d'arbitrage interprète des dispositions dont la formulation remonte, pour l'essentiel, à cent soixante-quinze ans et qui ont fait l'objet, depuis 1831, de commentaires autorisés - ceux de la doctrine ou ceux des cours et des tribunaux. L'ancienneté du texte et celle des analyses qui lui ont été consacrées ne sont pas dépourvues de sens, y compris juridique. Ces conditions chronologiques peuvent faire passer le revirement pour un crime de lèse-majesté, voire pour un sacrilège.
Dans une société de type fédéral, la Cour est aussi organe régulateur des pouvoirs publics. Elle contribue à décrisper autant que faire se peut les relations souvent conflictuelles qui s'instaurent entre les diverses collectivités politiques. Un revirement impromptu risque de jeter de l'huile sur le feu plutôt que d'apaiser les esprits. Pourquoi avoir, un temps, induit les uns ou les autres en erreur ? La Cour n'aurait-elle pas été mieux avisée de statuer immédiatement dans le sens auquel elle se rallie, il faut le présumer, à tête reposée ?
La Cour est encore institution protectrice des droits fondamentaux. Elle s'efforce d'adapter le statut du citoyen au changement des réalités économiques, sociales et culturelles du pays, voire du continent européen. Le revirement qui, par la force des choses, n'épouse pas les formes souples de ces évolutions peut avoir un effet néfaste. Il instaure des cassures ou des ruptures au sein d'une société politique qui excelle dans l'art de pratiquer le compromis(2). Est-on sûr que la cause des droits fondamentaux s'en trouve affermie ? N'est-elle pas, au contraire, fragilisée par ces modifications brutales ? Le citoyen ne peut s'empêcher de murmurer : « Comment croire dans ces conditions au droit et à la justice ? » Le texte et le contexte constitutionnels sont ce qu'ils sont. Ils peuvent inciter la Cour d'arbitrage à préférer les infléchissements subtils de la jurisprudence aux changements brusques de cap(3). Ce n'est pas à dire qu'elle condamne le principe du revirement de jurisprudence (I). Un changement de cette ampleur est autorisé. Dans une certaine mesure, il est même organisé. Et, à ce titre, contrôlé. Mais, on ne le souligne pas à suffisance, les modes de revirement sont diversifiés (II). Le changement peut être imposé à la Cour. Il peut aussi être décidé par elle.
L'on rend compte de ces phénomènes. Non sans observer que les changements peuvent paraître d'autant plus significatifs qu'ils s'inscrivent dans une pratique d'à peine vingt ans.

I. Le principe du revirement

Le droit belge ne connaît pas la technique du « précédent obligatoire »(4). Le revirement de jurisprudence participe aux opérations auxquelles une cour de justice, y compris constitutionnelle, peut se livrer. Une telle opération est néanmoins encadrée par le droit, spécialement sur le terrain procédural.

A. Le revirement autorisé

La loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage le veut ainsi. Les juridictions sont tenues de respecter les arrêts de la Cour. Ceux qu'elle rend au contentieux de l'annulation et qui s'imposent, comme il se doit, à tous. Ceux qu'elle rend au contentieux des questions préjudicielles et qui, c'est une spécificité du système belge, s'imposent au tribunal qui a interrogé le juge constitutionnel ou à ceux qui rencontreraient à l'avenir la même difficulté(5).
Il est admis que l'autorité - absolue ou relative renforcée, selon le cas(6) - qui s'attache à de tels arrêts ne se limite pas à leur dispositif. Selon une formule connue, elle s'étend aux motifs qui en constituent le soutènement nécessaire. Il n'en va pas de même pour les obiter dicta.
Tel est le régime qui prévaut pour l'ensemble des juridictions qui sont constituées dans l'ordre judiciaire ou administratif. Mais, comment ne pas l'ajouter aussitôt, la Cour, pour sa part, n'est pas liée par ses propres décisions. Elle peut changer d'avis. Elle peut statuer de manière différente, sinon contradictoire, à des moments distincts. Évolutions, circonvolutions, révolutions (de palais de justice...), renversements, révisions, revirements..., toutes opérations qui sont de l'ordre du possible.
Certes, la Cour peut chercher à instaurer la cohérence, sinon la logique, dans la succession de ses arrêts. Elle est encline à inscrire ses décisions dans le prolongement de celles qu'elle a rendues précédemment. À un point tel que les commentateurs ne manquent pas de relever les « antiennes » qui émaillent désormais la rédaction des arrêts. Ou qu'ils décortiquent, année après année, la motivation de ces derniers pour y découvrir de subtiles variations dans la formulation d'expressions stéréotypées.
En général, c'est la continuité qui prévaut. Pour citer l'exemple le mieux connu, l'on considérera volontiers que le principe d'égalité des Belges devant la loi et donc la règle inscrite dans les articles 10 et 11 de la Constitution sont aujourd'hui définis dans des formules ne varietur que reproduit, avant bien d'autres, l'arrêt n° 23/89 du 13 octobre 1989. On doute qu'il soit possible de s'en distancer de sitôt.
Mais il arrive aussi que la Cour d'arbitrage revienne sur les solutions qu'elle a retenues dans de premiers arrêts. Peut-être s'est-elle trompée. L'erreur est humaine et les collèges juridictionnels ne sont pas prémunis contre ces inadvertances.
En témoignent, par exemple, les tergiversations de la Cour lorsqu'il lui est arrivé de qualifier l'opération de fédéralisation de l'État belge. Elle n'y a vu longtemps qu'un « transfert », voire une « délégation », de compétences que l'État aurait consenti aux communautés et aux régions. À la longue, elle a été amenée à revoir sa façon de penser et d'écrire. Elle considère aujourd'hui que les révisions opérées à partir de 1970 s'inscrivent dans un phénomène global de réforme de l'État et que la Constitution a procédé, en l'espèce, à une véritable redistribution des pouvoirs, sous la forme notamment d'une « attribution » de compétences et de moyens aux collectivités fédérées. Telle n'est, cependant, pas la situation la plus fréquente. D'habitude, il n'y a pas, à proprement parler, erreur. Il y a plutôt mauvaise perception de la réalité. À vrai dire, ce sont de nouveaux dossiers qui vont révéler à la Cour les facettes d'une problématique qu'elle n'avait envisagée jusqu'alors que de manière parcellaire. Ils l'incitent à reprendre l'examen du problème de plus haut ou à l'envisager de plus loin.
L'hypothèse est d'autant plus plausible qu'au contentieux des questions préjudicielles, le système belge de justice constitutionnelle n'a pas pour effet de vider de manière définitive le litige. La loi condamnée subsiste alors même que la Cour fait défense au juge d'en faire application dans l'affaire dont il est saisi. Rien n'empêche un autre juge, dans un cas similaire ou voisin, de s'adresser à son tour à la Cour d'arbitrage pour lui demander de procéder à un nouvel examen de la loi au regard d'une règle constitutionnelle déterminée - ce peut être la même ou une autre. En d'autres termes, une procédure distincte de saisine dans une affaire différente peut conduire la Cour à reprendre l'examen de la question constitutionnelle ab initio.
Et alors de deux choses l'une(7). Ou bien la Cour confirme une première jurisprudence. Elle considère que les nouveaux éléments du dossier ne l'incitent pas à changer d'avis. Elle constate que les considérations de droit qu'elle a énoncées dans de précédentes affaires restent pertinentes. Elle rappelle, fût-ce avec vivacité, que sa jurisprudence est bien établie sur ce point et qu'elle mériterait d'être mieux connue par les autres juridictions(8).
Ou bien elle change d'avis. Elle fait amende honorable. Sans ostentation. Mais aussi sans hésitation. Elle renonce à une interprétation qui s'était focalisée à l'excès sur le règlement d'une difficulté particulière. Elle fait place nette. Elle balaie devant sa porte. Elle assoit, sinon définitivement du moins pour quelques années, les lignes d'un raisonnement plus construit et mieux élaboré. Elle n'exclut pas que d'autres litiges encore l'incitent à étoffer ou à corriger sur un point ou sur un autre la jurisprudence novatrice.
L'affaire dite du « pli judiciaire » illustre cette démarche en deux temps du juge constitutionnel.
À l'occasion d'une première affaire - celle qui donne lieu, le 12 juillet 2001, à l'arrêt n° 96/2001 -, la Cour d'arbitrage ne voit pas d'inconvénient à ce que le législateur établisse deux régimes juridiques distincts. L'un pour la procédure d'appel qui s'engage au départ de la réception d'un pli judiciaire, l'autre pour les procédures de droit commun qui sont initiées par exploit d'huissier.
Dans le premier cas, la procédure s'ouvre à la date d'envoi par la poste du texte du jugement. Le délai court dès cet instant. Dans le second, le début de la procédure est repoussé de quelques jours. C'est, en effet, la date, non de l'envoi mais de la réception de l'exploit, et donc de la prise de connaissance de l'acte par la personne intéressée, qui indique le moment à partir duquel le délai commence à courir.
Selon la Cour, cette distinction se justifie aisément. Elle n'est pas accidentelle. Elle a été voulue par le législateur. La procédure de notification vise à simplifier les formalités, à réduire les frais, à accélérer le cours des affaires et, en définitive, à assurer une prompte exécution des décisions de justice. Quant aux « aléas de la transmission postale », ils ne sauraient être pris en considération. Ils sont à mettre au compte des mille et un impedimenta qui parsèment le cours de la vie en société.
Deux ans et demi plus tard, soit le 17 décembre 2003, à l'occasion d'une deuxième affaire - celle qui donne lieu, pour sa part, à l'arrêt n° 170/2003 -, le débat rebondit. Il s'élargit du même coup. En termes non équivoques, le juge du fond invite sans autre formalité la Cour à « réexaminer la (même) question de droit ».
Mais pourquoi changer d'avis ? Devant la Cour d'arbitrage, les mêmes arguments sont, pour l'essentiel, échangés. Il est, une fois de plus, plaidé que la procédure de notification est plus souple, plus rapide et moins coûteuse. Chacun, et notamment le justiciable, devrait se féliciter de ces façons de procéder. Un élément neuf apparaît, cependant, dans la discussion. L'attention de la Cour d'arbitrage est attirée sur une incongruité du système organisé par la loi. Le destinataire du pli qui est envoyé « le dernier jour ouvrable précédant les vacances judiciaires » ne peut bénéficier d'un délai prorogé pour exercer une voie de recours. S'il reçoit un exploit d'huissier pendant ces mêmes vacances, il pourra, par contre, se prévaloir d'une telle prorogation. Le régime instauré n'est-il pas discriminatoire ?
Le nouvel argument emporte la conviction. L'anomalie est de taille. La sécurité juridique est en question. La Cour va donc procurer une interprétation « salvatrice » des dispositions du code judiciaire. Elle le fait dans un dispositif à double portée.
Ou bien, première interprétation, les articles contestés introduisent une dualité juridique qui n'est pas acceptable et le régime instauré est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. En clair, le juge du fond ne peut en faire application dans le cas d'espèce. Ou bien, seconde interprétation, ces articles doivent être compris comme faisant courir le délai « à la date à laquelle le destinataire a pu prendre connaissance » de la notification du pli. Ce régime est - il aurait fallu ajouter : désormais - « compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution ». Ce qui signifie que le juge du fond peut en tirer parti dans le litige dont il est saisi.
La Cour d'arbitrage ne bat pas ouvertement sa coulpe. Elle laisse même entendre, comme pour se dédouaner de son premier arrêt, qu'il est permis de procurer deux interprétations au même texte de loi. Elle condamne néanmoins sans hésiter la première. C'est sur ce point qu'il y a revirement manifeste de jurisprudence. Comme l'on disait autrefois de l'administration active, la Cour, est « mieux informée », elle est plus attentive aux intérêts du justiciable, elle est plus réceptive aux arguments du juge du fond. Elle change d'avis. Du tout au tout.
Il faut s'en féliciter. Le revirement s'opère à deux ans et demi de distance. Le juge constitutionnel ne persiste pas dans la voie qu'il avait peut-être imprudemment tracée peu de temps auparavant. Cette attitude n'est pas signe d'inconstance mais de maturité(9).

B. Le revirement organisé

La loi n'exclut pas le revirement de jurisprudence. Au contraire, elle le prévoit. Elle l'envisage comme une éventualité. Elle entend néanmoins baliser ce type d'opération. À cette fin, elle instaure une règle particulière de procédure. Elle permet à l'un et l'autre présidents de la Cour de porter, « s'il l'estime nécessaire », l'affaire en séance plénière.
Il est communément admis que la faculté qui est ainsi réservée à ces deux hauts magistrats(10) doit jouer dans deux hypothèses distinctes mais comparables. Elle vaut si la Cour d'arbitrage doit statuer, pour la première fois, sur une question importante de droit constitutionnel et « fixer (à cette occasion) sa jurisprudence ». Elle vaut aussi si la Cour est amenée à revenir sur une jurisprudence qui pouvait sembler acquise.
Comme le relèvent J.-P. Moerman et F. Moline, telle est la procédure qui a été suivie dans l'affaire du pli judiciaire. Le premier dossier est soumis, comme il se doit, à un siège de sept juges. Le second est déféré à la Cour en audience plénière. Douze juges rendent le second arrêt(11).
Non que les seconds - cinq d'entre eux, en tout cas - veuillent faire la leçon aux premiers. Il s'agit plutôt d'assumer, dans des formes solennelles, une responsabilité collégiale. Celle qui revient à définir une nouvelle manière d'interpréter le texte d'une loi qui est de portée pratique évidente. Celle qui consiste aussi à se prémunir contre l'avalanche des recours qu'à l'invitation des parties, d'autres juges n'auraient pas manqué de susciter si la Cour s'était entêtée à maintenir de premières positions.
La procédure retenue n'est pas sans susciter une double interrogation. Celle-ci s'inscrit dans une réflexion de lege ferenda.
La loi spéciale sur la Cour d'arbitrage ne devrait-elle pas reconnaître une autorité particulière aux arrêts qui, rendus en audience plénière, opèrent un revirement de jurisprudence ? Pourquoi ne pas leur reconnaître, dans cette situation spécifique, une valeur erga omnes(12) ? Le moyen serait commode pour éviter les opérations ultérieures de guérilla.
Le code judiciaire qui prête, selon la Cour, à deux interprétations - l'une mauvaise et l'autre bonne - ne mériterait-il pas, à son tour, d'être modifié en plusieurs de ses dispositions ? Le procédé pourrait s'avérer utile pour dissiper les équivoques et établir, dans les formes de la loi, le régime procédural qui s'impose. Le seul fait que la Cour d'arbitrage ait, en un peu plus de deux ans, hésité sur le sens à donner à quelques notions élémentaires de droit judiciaire donne à penser qu'un éclaircissement des règles en vigueur pourrait s'avérer nécessaire.

II. Les modes de revirement

Le revirement de jurisprudence peut s'imposer à la Cour. Il y a lieu, pour elle, de tenir compte des modifications qui ont été apportées à la Constitution, aux lois voire aux traités qui lui servent directement ou indirectement de normes de référence. Comment pourrait-elle faire autrement ? Elle est contrainte de modifier de premières options (A). Le revirement peut aussi être décidé par la Cour. Elle change d'avis, du tout au tout. À l'invitation des parties au litige ou à la demande d'une juridiction, elle revient, non sur de premières décisions - puisque celles-ci sont revêtues de l'autorité de chose jugée -, mais sur l'argumentation qui leur servait de soutènement. L'arrêt rendu dans ces conditions peut imposer une solution de droit toute différente de la première (B).

A. Le revirement imposé

(13)

Comment ignorer les contraintes extérieures ?
La Cour d'arbitrage peut revenir sur une jurisprudence antérieure à raison d'un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour de justice des Communautés européennes. À la différence d'autres juridictions constitutionnelles en Europe, la Cour considère, en effet, qu'il lui revient de statuer en monopole sur les questions de droit constitutionnel mais que, dans la même logique, il appartient au juge européen de donner une interprétation pertinente du droit communautaire. Dans cet esprit, elle n'hésite pas s'adresser à la Cour de Luxembourg(14). Elle se conforme, en toute simplicité, aux décisions que celle-ci est amenée à prendre(15).
La Cour peut être placée dans la même situation à l'occasion d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme(16). Encore que l'habitude prise par le juge constitutionnel belge d'amalgamer, fût-ce dans le désordre, les règles de droit qui établissent le régime constitutionnel des libertés et les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme(17) peut contribuer à mettre le juge constitutionnel belge à l'abri de cette intervention extérieure. L'on ne peut, cependant, exclure une évolution et, pourquoi pas là aussi, un revirement de la jurisprudence européenne qui entraînerait, dans une réaction en chaîne, un revirement dans l'ordre interne.
Une autre réalité ne peut être perdue de vue. Les normes de référence peuvent changer(18). La Constitution est révisée. La loi spéciale de réformes institutionnelles est modifiée. Peut-être même la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage subit-elle, comme en 1989 et en 2003, des changements importants. Comment la Cour ne tiendrait-elle pas compte de ces transformations du cadre institutionnel ou procédural dans lequel elle est amenée à intervenir ?
C'est ainsi que la loi spéciale du 9 mars 2003 élargit la compétence du juge constitutionnel(19). Au titre de la protection des droits fondamentaux, la Cour ne se contente plus de veiller au respect des règles d'égalité et de non-discrimination ainsi que des dispositions relatives à la liberté de l'enseignement. Désormais, l'ensemble des droits et libertés inscrits au titre II de la Constitution font expressément partie des normes de référence. Une conséquence simple mais automatique s'ensuit. La Cour revoit ses critères d'appréciation. Elle ne peut plus se déclarer incompétente pour vérifier la conformité d'une loi au regard de la liberté de la presse ou de la liberté d'association. Fût-ce en termes de compétences juridictionnelles, la jurisprudence de la Cour est appelée à s'infléchir sur des points significatifs.
Comme l'écrivent S. Depré et V. Ost, « même si, à l'occasion du contentieux de l'égalité, la Cour d'arbitrage s'est déjà ici et là avancée sur le terrain du contenu matériel des droits et libertés, gageons que le contrôle direct du titre II densifiera cette jurisprudence et, pourquoi pas, favorisera l'émergence d'une approche d'ensemble, voire même d'une “théorie générale” des droits fondamentaux »(20).
La réforme législative de 2003 donne des ailes à la Cour d'arbitrage. Des développements assortis à des revirements de jurisprudence ne sont pas à exclure.

B. Le revirement décidé

(21)

Il se peut aussi que le revirement ne soit pas imposé. La Cour d'arbitrage en décide. Elle se l'impose à elle-même. Comme d'autres cours de justice, dira-t-on, et notamment comme les cours suprêmes qui assument de manière autonome une fonction de discipline de l'activité juridictionnelle. Mais la comparaison est-elle exacte ?
En 1999, le procureur général à la Cour de cassation, Jean-Marie Piret, ne pouvait s'empêcher de ramener le phénomène de revirement à de justes proportions : « Lorsque règnent la paix judiciaire et l'équité, lorsque les juridictions de fond suivent la jurisprudence de la Cour (de cassation), que la doctrine s'y rallie, que les assemblées législatives et l'opinion publique ne s'en émeuvent pas(22), un revirement de jurisprudence se justifie rarement (23). »
En 1967, l'un de ses prédécesseurs, Raoul Hayoit de Termicourt, observait néanmoins que « la stabilité de la jurisprudence, indispensable à la sécurité juridique, ne peut être confondue avec sa rigidité ». Des évolutions et même des revirements peuvent s'avérer inéluctables. Ce qu'exprimait, de manière nuancée, dès 1950, le procureur général Léon Cornil : « Lorsqu'un même fait juridique a donné lieu à de nombreuses décisions et que celles-ci ne forment point un ensemble harmonieux, une nouvelle méditation du juge ne paraît pas hors de propos. »
La formule est prudente. Elle témoigne, cependant, de la ferme résolution d'une cour de justice de ne pas laisser se développer des jurisprudences anarchiques. Celles-ci ne peuvent que désorienter les citoyens, les gouvernants et les juges eux-mêmes.
Ce qui est vrai de la Cour de cassation l'est plus encore de la Cour d'arbitrage. En l'occurrence, il ne s'agit pas, en effet, d'assurer l'unité de la jurisprudence. La Cour d'arbitrage exerce, en monopole, le contrôle juridictionnel des lois. De manière plus fondamentale, il s'impose de préserver, au sein de l'État belge, la cohérence juridique et la cohésion politique.
La cohérence juridique sera assurée si la Cour est en mesure de procurer à tous - gouvernants et gouvernés - une interprétation uniforme de la Constitution et de l'ensemble normatif. La cohésion politique sera préservée si la Cour réussit à ordonner et à équilibrer les interventions de la collectivité fédérale et celles des collectivités fédérées. L'existence, certains diront la survie, d'une société politique complexe est à ce prix.
Évidemment, la Cour d'arbitrage doit montrer l'exemple. L'efficacité et la légitimité de son action sont tributaires de la cohérence de son discours et de la cohésion de ses membres. Le revirement de jurisprudence n'est pas pour autant condamné. Mais il change peut-être de sens. Il ne s'agit pas d'instaurer la discipline chez autrui. Il s'agit de la pratiquer pour soi-même.
Le revirement apparaît, dans ce contexte, comme le procédé qui permet de mieux serrer l'argumentation et le raisonnement et, en même temps, de « serrer les rangs ». Il se donne pour objet de faire échapper la Cour à des critiques, notamment doctrinales, dont la pertinence ne pourrait qu'affecter l'institution et la fonction éminente qui lui est confiée. Il sert l'institution de justice constitutionnelle et l'État dont elle est la clef de voûte.
Dans cette perspective, l'on relève, dans une pratique d'une vingtaine d'années, six revirements avérés.

  1. Le 10 mai 1994, l'arrêt n° 35/94 considère que la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage doit s'interpréter « en tenant compte des exigences développées par la Cour européenne des droits de l'homme au sujet de l'impartialité prescrite par l'article 6.1 de cette convention ». Il faut savoir que l'arrêt n° 32/87 avait décrété l'inapplicabilité de cette même disposition(24).
  2. Le 3 mars 1999, l'arrêt n° 26/99 ne voit pas d'inconvénient à ce qu'une collectivité fédérée fixe des règles tarifaires en ce qui concerne les maisons de repos. Pour leur part, les arrêts n° 40 et 41/97 lui refusaient le droit de fixer, en tout cas de manière trop générale, les règles de sécurité relatives à ces mêmes établissements.
  3. Le 9 janvier 2002, l'arrêt n° 7/2002 refuse de se prononcer sur la constitutionnalité d'un règlement. Ce qui paraît aller de soi mais qui prend toute son importance si l'on sait que l'arrêt n° 91/95 avait accepté de pratiquer un tel contrôle dès lors que la norme réglementaire venait à s'imbriquer dans les dispositions législatives qui lui servaient de soutènement(25).
  4. Le 27 novembre 2002, l'arrêt n° 169/2002 reconnaît à l'article 23 de la Constitution une « effectivité éclatante », selon l'expression du juge Martens : « En matière d'aide sociale, cette disposition constitutionnelle (qui consacre le droit à la dignité humaine) impose aux législateurs de ne pas porter atteinte au droit garanti par la législation qui était applicable le jour où l'article 23 est entré en vigueur. » Le considérant n'est pas anodin. Il faut savoir, en effet, que, plusieurs arrêts touchant à la même matière, dont l'arrêt n° 51/94, avaient reconnu un droit fondamental à l'aide sociale mais s'étaient prudemment abstenus de faire référence au texte constitutionnel(26).
  5. Le 14 mai 2003, l'arrêt n° 66/2003(27) constate que « l'application donnée aux arrêts n° 39/90, 63/92 et 36/96 génère une différence de traitement entre enfants ». S'ils ont plus de quinze ans, ils bénéficient d'un contrôle judiciaire sur leur « intérêt à voir établie leur filiation » paternelle. S'ils ont moins de quinze ans, cette protection ne leur est pas assurée. La Cour s'attache à gommer une distinction dont elle porte, pour une part, la responsabilité.
  6. Le 17 décembre 2003, l'arrêt n° 170/2003 se prononce dans l'affaire du « pli judiciaire », déjà citée (I, A) alors que l'arrêt n° 96/2001 statuait en sens contraire.

La jurisprudence de la Cour d'arbitrage a vingt ans. Elle n'a pas encore eu l'occasion de procéder à des revirements spectaculaires ou à des changements radicaux. Sur quelques questions délicates, cependant, elle s'affine et se précise. Les observateurs attentifs pourront déceler ici ou là des inflexions significatives. Sans compter quelques bouleversements plus nets - ils se comptent sur les doigts des deux mains.
Le nombre restreint de juges - douze -, la présence des deux présidents dans tous les délibérés, l'exercice par le président francophone de la magistrature suprême pendant douze ans sans interruption, peuvent contribuer à assurer la continuité de l'œuvre juridictionnelle ou, en tout cas, à en donner l'impression.
L'arbitre gagne à se situer au-dessus de la mêlée et à ne pas trop rapidement revenir sur un premier jugement. Par ailleurs, à la différence d'une cour suprême, il n'a pas pour tâche de veiller à l'uniformité de la jurisprudence. Seule compte pour lui la cohérence de la Constitution et des lois - fédérale et fédérées.
Il est vrai qu'une autre préoccupation encore peut se faire jour. Le juge constitutionnel peut, à l'instar d'autres juges, se donner pour tâche, sinon pour mission, d'actualiser la règle constitutionnelle et de l'adapter aux circonstances du moment. À ce moment, la Cour d'arbitrage devient le coadjuteur du pouvoir politique, que ce dernier s'exprime par la voie constitutionnelle ou législative. Elle peut être tentée d'en adopter les méthodes.
Or, s'il est bien des hommes et des femmes qui ne se sentent guère liés par ce qu'ont fait leurs prédécesseurs - qui sont souvent leurs adversaires -, ce sont ceux qui s'adonnent à une fonction politique. Le revirement de jurisprudence devient un instrument mis au service de la fonction heuristique ou de la fonction créatrice que le juge constitutionnel peut remplir, même en mode mineur, au service du droit. Il vaudrait mieux écrire : au service de l'État de droit.
Le revirement de jurisprudence n'est pas une anomalie. Il est preuve de sagesse et de prudence. Contrairement aux apparences peut-être, il est porteur de sécurité.

(1) Le « point de vue de la Cour d'arbitrage » est exprimé dans une étude réalisée en 2004 par Moerman (J.-P.) et Moline (F.) (« Le rôle des précédents - nationaux, étrangers et internationaux - pour la pratique des Cours constitutionnelles », Strasbourg, CDL-JU, [2004] 045, spécialement pp. 4 et 5). L'auteur remercie Françoise Moline, attaché-juriste à la Cour d'arbitrage, pour les informations complémentaires qu'elle a bien voulu lui communiquer.
(2) Delpérée (F.), « Présentation de la Cour d'arbitrage de Belgique », in Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 12.
(3) « L'identification d'un véritable revirement n'est pas toujours chose aisée, le discours officiel étant souvent enclin à dissimuler le changement dans la continuité, pour des motifs liés à la nécessaire unité de la jurisprudence » [Dieux (X.), « Préface » d'I. Rorive, Le revirement de jurisprudence. Étude de droit anglais et de droit belge, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. VII].
(4) « La règle du précédent obligatoire est inconnue en droit belge », écrit avec force Isabelle Rorive (op. cit., p. 68). Elle reconnaît néanmoins, avec Michel Coipel, que « de facto, le précédent judiciaire fait école ». L'on ne saurait sous-estimer le poids que certaines décisions de justice, celles de la Cour d'arbitrage, en particulier, peuvent avoir dans le système juridique, que ce soit à titre officiel ou officieux. Il y a un effet incontestable de diffusion de la jurisprudence constitutionnelle dans ce qu'il est commode d'appeler « les milieux juridiques ».
(5) Horevoets (C.) et Boucquey (P.), Les questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage. Aspects théoriques et pratiques, Bruxelles, Bruylant, 2001. L'arrêt rendu en réponse à une question préjudicielle a aussi une portée dissuasive, relèvent J. Van Compernolle et M. Verdussen (« La réception des décisions d'une Cour constitutionnelle sur renvoi préjudiciel. L'exemple de la Cour d'arbitrage de Belgique », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 14): « Ultérieurement, toute juridiction sera dispensée de poser une question... qui aurait la même portée que la question tranchée par l'arrêt. Mais elle doit, ici aussi, s'y conformer. »
(6) Delpérée (F.) et Rasson-Roland (A.), La Cour d'arbitrage, Bruxelles, Larcier, 1996, p. 108.
(7) Une troisième perspective ne peut être écartée. La Cour d'arbitrage découvre, affaire après affaire, les éléments d'une problématique dont elle avait peut-être sous-estimé au départ l'envergure. Par petites touches, elle règle le contentieux constitutionnel qui lui est déféré. Les arrêts les plus récents ne prêtent guère à comparaison avec ceux qui composaient la jurisprudence initiale. Une doctrine élaborée prend progressivement la place de décisions qui, à l'origine, pouvaient paraître squelettiques. On en trouve un exemple saisissant dans le domaine du droit de la faillite [Delpérée (F.) et Siaens (J.), « L'égalité à la rencontre du droit constitutionnel et du droit commercial », in Faillite et concordat judiciaire : un droit aux contours incertains et aux interférences multiples, Bruxelles-Louvain-la-Neuve, Académia-Bruylant, 2002, p. 299). Dans cette hypothèse, il n'y a, cependant, pas revirement, mais plutôt développement, de jurisprudence.
(8) Lorsque la question préjudicielle est identique ou similaire à une question à laquelle la Cour d'arbitrage a déjà répondu, la loi spéciale du 6 janvier 1989 permet, dans ses articles 69 à 73, à la Cour de réserver un dénouement rapide au litige dont elle est saisie. Elle le fait dans le cadre d'une procédure préliminaire. La Cour rend un arrêt dit de « réponse immédiate » (art. 72).
(9) Le débat est-il clos pour autant ? Il n'en est malheureusement rien. Un arrêt de la Cour de cassation du 26 novembre 2004 ignore tant l'arrêt de la Cour d'arbitrage que les vœux unanimes de la doctrine processualiste. Selon l'expression de J.-Fr. Van Droogghenbroeck, « l'arrêt a l'effet d'une douche froide » (« La date de la notification : à quand l'unité de la jurisprudence ? », Journal des tribunaux, 2005, p. 554). L'auteur ne peut manquer d'ajouter ce commentaire : « Et si, conscientes de la noblesse et de la complémentarité de leurs missions, la Cour de cassation et la Cour d'arbitrage apprenaient tout bonnement à se parler ? ». On ne saurait mieux dire. Les querelles de juges ne servent pas la cause de la justice, encore moins celle des citoyens. Sur l'ensemble de la problématique, voy. Les rapports entre la Cour d'arbitrage, le pouvoir judiciaire et le Conseil d'État, Bruxelles, La Charte, 2006. Adde : Van Compernolle (J.) et Verdussen (M.), « La guerre des juges aura-t-elle lieu ? À propos de l'autorité des arrêts préjudiciels de la Cour d'arbitrage », Journal des tribunaux, 2000, p. 297.
(10) Les présidents sont également tenus de convoquer la Cour en audience plénière si, parmi les sept juges qui composent un siège ordinaire, deux en font la demande.
(11) Cinq autres cas de revirement de jurisprudence sont cités dans cette étude (II, B). Dans quatre de ces affaires, le dossier est examiné par la Cour siégeant en formation plénière. Est-ce à dire qu'il n'y a pas un réel revirement dans la cinquième (CA, n° 26/99)? La conclusion serait abusive. La Cour d'arbitrage peut, en effet, ne pas mesurer sur le moment l'impact de la décision qu'elle rend. En réalité, ce sont les commentaires de la doctrine et les rapprochements que celle-ci opère entre plusieurs arrêts qui prouvent a posteriori la radicalité du changement intervenu.
(12) L'observation est d'autant plus fondée que, dans une affaire comme celle du pli judiciaire, l'on constate que des requérants n'ont pas utilisé la procédure que leur réserve l'article 4, alinéa 2, de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage. Ils n'ont pas profité d'une réouverture des délais pour demander, dans les six mois, l'annulation des dispositions contestées. Il est vrai qu'une mesure aussi radicale n'aurait servi à rien. Il ne s'agit pas, en effet, de supprimer un texte mais de le réécrire pour tenir compte des interprétations procurées par le juge constitutionnel. Ce qui est une autre manière de dire qu'il revient au législateur de faire connaître clairement ses choix.
(13) Moerman (J.-P.) et Moline (F.), op. cit., ibidem.
(14) CA, n° 94/2003 et 151/2003.
(15) Delpérée (F.), Le fédéralisme en Europe, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2000, p. 104 et s.
(16) Verdussen (M.), « La Cour d'arbitrage belge et l'application de la Convention européenne des droits de l'homme », RFD const., 1994, p. 437.
(17) L'arrêt n° 136/2004 rend compte de la construction de « l'ensemble indissociable » qui serait composé par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles ayant un objet « analogue ».
(18) Contra : Vanwelkenhuyzen (A.), « La motivation des revirements de jurisprudence », in La motivation des décisions de justice (dir. C. Perleman et P. Foriers), Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 256 : « Pour qu'on puisse parler de revirement, il faut que le droit écrit n'ait pas été modifié. »
(19) Depré (S.) et Ost (V.), « La Cour d'arbitrage et les droits fondamentaux du titre II de la Constitution », in La Cour d'arbitrage vingt ans après. Analyse des dernières réformes (dir. A. Rasson-Roland, D. Renders et M. Verdussen), Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 81 ; Velaers (J.), « Le contrôle des lois, décrets et ordonnances au regard du titre II de la Constitution et des conventions internationales relatives aux droits de l'homme, en cas de concours de droits fondamentaux », in Les rapports entre la Cour d'arbitrage... (cité), p. 113.
(20) Depré (S.) et Ost (V.), op. cit., p. 94.
(21) Rorive (I.) (op. cit., p. 5) évoque dans le même sens le « revirement assumé ». Il se révèle lorsqu'« une proposition juridique contenue dans une décision est incompatible avec celle qui résulte d'une décision antérieure ».
(22) L'on pourrait ajouter : « et qu'aucune question préjudicielle n'est posée à la Cour d'arbitrage ».
(23) Piret (J.-M.), « Un siècle de réflexion sur la justice », Journal des tribunaux, 1999, p. 619.
(24) Andersen (R.) et Van Compernolle (J.), « La procédure devant la Cour d'arbitrage », in La Cour d'arbitrage. Actualité et perspectives, Bruxelles, Bruylant, 1988, p. 87.
(25) Commentant cette décision, le juge Martens souligne qu'il s'agit d'« un arrêt de principe, qui marque un revirement de jurisprudence exprimé en audience plénière » (« La Cour de cassation et la Cour d'arbitrage. Les paradoxes du respect », in Liber amicorum Pierre Marchal, Bruxelles, Larcier, p. 99).
(26) P. Martens, op. cit., p. 117.
(27) Dans l'affaire sous rubrique, le Tribunal de première instance de Liège observe avec perspicacité que c'est « la lecture combinée des arrêts de la Cour d'arbitrage » qui fait ressortir une « différence de traitement... entre les enfants âgés de plus ou moins de quinze ans ».