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La Cour constitutionnelle autrichienne et les rapports entre juge constitutionnel et pouvoir constituant

Joseph PINI - Professeur à l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse (CNRS UPRESA 6055)- Faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 7 (Dossier : Autriche) - décembre 1999

Parmi les multiples objets d'étude pour le juriste, la Cour constitutionnelle d'Autriche est sans conteste de ceux qui imposent à la fois le respect et la prudence.

Le respect tient évidemment à la fois à l'ancienneté et à l'éminence de l'institution qui, dans son principe comme dans sa forme, demeure le modèle de la justice constitutionnelle concentrée. Certes, la première réflexion moderne sur la justice constitutionnelle en Autriche a porté sur le modèle dit américain de contrôle diffus de la constitutionnalité par voie d'exception, tant à travers l'ouvrage de Robert von Mohl de 1824 consacré au « Droit fédéral des États-Unis » ou la traduction allemande, en 1836, du De la démocratie en Amérique d'Alexis de Tocqueville, qu'au cours et à la suite des débats lors du Juristentag de Vienne en 1862 et celui de Mayence en 1863 (1). Mais l'idée d'une juridiction à compétence exclusive émerge clairement dès le « projet de Kremsier » de la Commission constitutionnelle du Reichstag déplacé de Vienne en octobre 1848, qui pose les fondements d'une organisation fédérale de l'Empire (2), puis dans la « Constitution de mars » même (4 mars 1849), pourtant beaucoup moins libérale, et s'impose dans le grand texte constitutionnel du 21 décembre 1867(3) qui, après une phase de relative incertitude, ancre définitivement l'Autriche (désormais dans le cadre d'une union réelle entre l'Autriche et la Hongrie) dans la monarchie constitutionnelle et parlementaire, au moins dans les textes (4). Dans le même temps, le travail de la doctrine s'est avéré déterminant, car c'est elle, de Georg Jellinek (5) à Hans Kelsen, qui a vraiment forgé et diffusé la forme presque contemporaine de la justice constitutionnelle tant en travaillant le modèle de la cour constitutionnelle qu'en fournissant les fondements théoriques et les moyens d'analyse d'un système normatif rigoureux, éclaircissant par là le concept de constitutionnalité (6). Mais c'est véritablement l'Autriche républicaine qui va forger et ancrer la justice constitutionnelle dans son héritage institutionnel démocratique (7). Après que le paragraphe 16 de la « décision constitutionnelle »(8) du 30 octobre 1918 de l'Assemblée constituante eut repris les dispositions de 1867 sur le contrôle des lois et règlements, la question du devenir du Tribunal d'Empire fut confiée par le chancelier Karl Renner à l'étude de Kelsen (9); celui-ci présenta un projet de Tribunal constitutionnel reprenant l'essentiel des compétences du Tribunal d'Empire en en renvoyant la question de l'élargissement à la décision de la Constituante, et que Renner souhaita, pour en accroître le prestige et le rang, dénommer Cour constitutionnelle, juridiction unique pour toute la nouvelle Autriche fédérale (10). Dès la Constitution provisoire de mars 1919, qui concrétise l'organisation fédérale du pays, la Cour se voit reconnaître une compétence nouvelle et fondamentale dans le projet kelsénien (avant même, dans une certaine mesure, le contrôle de constitutionnalité des normes en tant que tel)(11) : le contrôle a priori des lois fédérées, qui enracinait l'idée d'une juridiction unique à compétence exclusive (12). À l'issue du processus constituant final et du débat, lancé par Renner et Michael Mayr et alimenté par les projets de Kelsen, sur les rapports entre Länder et État fédéral et les relations entre droit fédéral et droit fédéré(13), la Constitution fédérale du 1er octobre 1920 consacra pleinement l'existence de la justice constitutionnelle moderne selon le modèle « concentré ». La révision constitutionnelle du 7 décembre 1929, qui modifie l'orientation du régime, prévit un changement dans la composition de la Cour constitutionnelle, dans le sens de sa « dépolitisation ». Ainsi brièvement résumée, l'histoire de l'institution atteste bien à la fois de son ancienneté et de son importance.

À la déférence due à une noble et vieille dame à qui les vicissitudes n'ont rien retiré de son allure ni de ses atours, doit s'ajouter la prudence. En effet, un tel monument du droit constitutionnel comparé n'a pas manqué d'inspirer et de fournir nombre d'analyses, commentaires et études en diverses langues, dont la qualité rend plutôt ardue la tâche de présenter la Cour constitutionnelle d'Autriche, et presque vain tout effort d'originalité ou d'exhaustivité bibliographique. En outre, sur le fond même comme sur la méthode, la « modélisation » de la Cour peut entraîner vers une erreur d'appréciation qui consisterait à la considérer comme une institution immuable depuis sa fondation (ou sa restauration) dont l'analyse s'épuiserait largement dans la description approfondie (14).

Pour ces deux séries de raisons au moins, il a paru opportun de se placer d'un autre point de vue. Il est incontestable que le système constitutionnel autrichien se caractérise, entre autres, par un nombre élevé de révisions constitutionnelles d'une part (soixante quinze de 1929 à 1999 (15)), et surtout par l'intervention fréquente, considérable et dispersée du législateur constitutionnel (six cent soixante dix fois de 1945 à mars 1992) d'autre part, qui donne à l'ensemble normatif constitutionnel un aspect assez disparate (16). À de tels chiffres, impressionnants au premier abord (17), s'ajoute un phénomène, en soi dénué de problématique, mais dont le contexte et la multiplication ont abouti à un réel débat en Autriche. Devant l'inflexion de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle dans un sens plus « actif », à partir du début des années quatre-vingt, notamment en matière de droits fondamentaux, l'adoption de dispositions constitutionnelles visant à neutraliser la portée de ses décisions est devenue fréquente (18). Ces pratiques itératives, dont on aura immédiatement noté qu'elles ne sont pas propres à l'Autriche et n'ont pas manqué, dans de moindres proportions statistiques, de susciter des discussions similaires dans d'autres pays (19), soulèvent plusieurs questions à des degrés divers. En effet, le problème ainsi posé des relations entre justice constitutionnelle et pouvoir constituant semble se trouver au coeur ou à la croisée de considérations très importantes et toujours actuelles. Ce que l'on pourrait, un peu naïvement, appeler le « paradoxe autrichien » d'un système à normativité forte, doté d'une justice constitutionnelle développée et enracinée et, dans le même temps, à forte variabilité (au moins apparente) des normes constitutionnelles, pose tout d'abord la question de la nature et des caractères de la Constitution à travers son évolution et son adaptation. Le phénomène envisagé pose aussi évidemment celle de la situation et de la fonction de la justice constitutionnelle, souvent présentée avant tout comme la gardienne d'un pacte fondamental dont la quasi-immutabilité serait la principale caractéristique.

La question des relations entre justice constitutionnelle et pouvoir constituant envisagée à travers et à partir de l'exemple autrichien peut sans doute être examinée d'un point de vue systémique. Des précisions doivent immédiatement être apportées à ce titre. La notion de système la plus couramment utilisée en sciences sociales(20) apparaît ambiguë compte tenu de la diversité méthodologique que son emploi indistinct pourrait recouvrir, de manière fâcheuse pour notre étude. Il convient de préciser d'emblée que l'analyse systémique constituant une partie de la sociologie du droit, quel que soit par ailleurs son intérêt, ne sera pas retenue ici : il ne sera pas question de la représentation de type systémique d'un ensemble donné de normes juridiques, ni des interdépendances et des comportements collectifs, ou des normes et des institutions dans leurs rapports avec leur environnement social systémique. C'est avant tout dans le cadre de la définition admise du système juridique que l'on peut envisager tout d'abord le problème des rapports entre juge constitutionnel et constituant. Se trouvent ici en jeu la normativité de l' « oeuvre » de l'organe de justice constitutionnelle, la différenciation des normes constitutionnelles envisagée à travers la question précédente comme dans celle de la révision constitutionnelle, l'intérêt portant plus précisément sur leur rapprochement et leur analyse conjointe (sans parler de véritable corrélation). Un autre point de vue systémique peut éventuellement compléter de manière utile le précédent : celui du système politique dans lequel s'insèrent à la fois la Constitution (au sens large) et la justice constitutionnelle, et qui tient, entre autres, pour un facteur décisif la capacité effective des forces politiques à réviser la norme suprême compte tenu de la procédure de révision. Un tel niveau d'analyse, qui peut présenter un intérêt dans la compréhension de la situation autrichienne(21) ou d'autres (22), ne saurait toutefois se confondre avec le précédent.

Pour tenter de rendre compte de manière constructive de la situation autrichienne, des problèmes qu'elle pose, et par là d'aborder la question des rapports entre juge constitutionnel et législateur constitutionnel d'un point de vue systémique en tant que l'objet de réflexion est précisément la relation entre ces deux organes et la norme constitutionnelle au sein du système juridique impose, dans un premier temps, de rappeler le faisceau de compétences que représente chacun de ces organes, pour s'intéresser, dans un deuxième temps, à la recherche d'un nouvel équilibre dans ce rapport évolutif.

I. Les termes du rapport entre juge constitutionnel et législateur constitutionnel

Une première étape nécessaire dans l'étude des rapports entre juge constitutionnel et pouvoir constituant en Autriche consiste dans le rappel des compétences auxquelles correspondent ces deux organes constitutionnels.

A. Le juge constitutionnel autrichien

En ce qui concerne la Cour constitutionnelle comme organe de la justice constitutionnelle, le tableau suivant permet de récapituler rapidement les principaux points de sa compétence(23).

CompétenceDisp. constit.Actes (ou organes) contrôlésSaisineEffets
Actions patrimoniales contre la Fédération, les Länder et les autorités locales à défaut de juridiction compétente (Kausalgerichtsbarkeit)Art. 137
Conflits de compétence entre trib. et autorités adm., entre Cour adm. et tous autres trib. et juridictions, entre Länder ou entre Land et FédérationArt. 138 al. 1Autorités adm. suprêmes de la Féd. ou de Land, partie intéressée, Gouv. féd. ou de LandDélimitation de la compétence
Constat de la compétence de la Féd. ou d'un Land pour tout acte législ. ou adm.Art. 138 al. 2Gouv. Féd. ou Gouv. de LandEnoncé de la règle juridique de répartition de la compétence (Rechtssatz)
Constat de l'existence et du respect des accords sur les compétences entre Féd. et Länder (hors obligations patrimoniales)Art. 138aAccords prévus par l'art. 15a al. 1erGouv. féd. ou Gouv. de Land Portée déclarative de l'arrêt Nullité absolue de l'accord entaché d'un vice
Légalité des règlementsArt. 139- Règlements féd. ou des Länder \- Règlements des Länder ou féd. \- Règlements d'une autorité de tutelle - Trib., chambre adm. indép. ou saisine d'office \- Gouv. féd. ou Gouv. de Land \- Commune \- Toute personne direct. lésée dans ses droits san qu'une décisions jud. ou adm. ait été priseAnnulation totale ou partielle si elle est demandée (au jour de la publication), sauf intérêt juridique contraire du demandeur. Effet abrogatif (sauf pour l'aff. en instance)
Respect de l'habilitation en cas de republication d'une loi fédérale ou d'un traité (art. 49a)Art. 139aRepublications fédérales - Trib. \- Saisine d'off. \- Gouv. féd. ou de Land \- Toute personne direct. lésée dans ses droits sans qu'une décision jud. ou adm. ait été prise
Constitutionnalité des lois féd. ou de LandArt. 140- Lois féd. \- Lois de LandCour adm., Cour suprême, jurid. d'appel ou chambre adm. indép., ou saisine d'off. ; toute personne direct. lésée dans ses droits sans qu'une décision jud. ou adm. ait été prise \- Gouv. de Land, un tiers des membres du Conseil national ou un tiers du Conseil féd. \- Gouv. féd., éventuellement un tiers des membres du Landtag (selon loi constit. de Land)Annulation totale ou partielle si elle est demandée (au jour de la publication ; possibilité pour la Cour de fixer un délai), sauf intérêt juridique contraire du demandeur Effet abrogatif (sauf pour l'aff ; en instance)
Légalité et constitutionnalité des traités internat.Art. 140a- Application art. 140 pour les traités nécessitant l'approbation du Conseil national (et éventuellement fédéral : art. 50 al. 1er) ou ceux conclus par les Länder dans leur sphère d'autonomie (art. 16 al. 1er) \- Application art. 139 pour les autres traitésEn cas d'illégalité ou d'inconstitutionnalité, la décision d'approbation ou l'instruction d'exécuter perdent leur effet
Contentieux élect. et des mandats, ainsi que des initiatives populaires et des référendumsArt. 141- Election du Président fédéral, aux Assemblées, au Parlement eu., à un gouv. de Land, à un organe exécutif communal, aux assemblées d'organismes professionnels \- Déchéance de mandats électifs féd., eu., communaux ou prof.
Jugement pour « violation fautive du droit dans l'exercice de leur fonction »Art. 142 et 143Organes suprêmes de la Féd. et des Länder
Recours en violation d'un droit constitutionnellement garanti, en illégalité, en inconstitutionnalité d'une loi ou en non-conformité d'un traité internat.Art. 144- Décisions des autorités adm. individuelles \- Décisions des chambres adm. indépendantes (en appel et en cassation)Tout particulier invoquant la violation d'un droit constitutionnellement garanti, après épuisement des voies de recours ordinairesAnnulation En cas de non-violation ou d'absence de compétence subsidiaire de la Cour (art. 133), renvoi à la Cour administrative
Violation du droit internat. pub.Art. 145 [1]

Il ressort d'une telle présentation rapide que la Cour constitutionnelle d'Autriche dispose d'un éventail de compétences assez large, quelle que soit la classification que l'on peut en adopter (25). La réelle unicité de la juridiction constitutionnelle dans le système fédéral autrichien contribue de manière décisive à son autorité. En ce qui concerne les « points névralgiques » du rapport entre juge constitutionnel et législateur constitutionnel, les attributions directes de contrôle de constitutionnalité des normes, on relève l'étendue des pouvoirs de la Cour, particulièrement pour une grande partie des actes administratifs.

B. Le législateur constitutionnel

Le second terme du rapport étudié, celui du pouvoir constituant, mérite également une attention particulière compte tenu de sa diversité. En premier lieu, s'inspirant de l'exemple fédéral suisse (26) repris par Kelsen dans ses propositions, les constituants de 1920-1929 ont imposé dans l'ordre constitutionnel autrichien la distinction entre révision partielle et révision totale de la Constitution. Cette division, dont les contours sont difficiles à déterminer et qui a appelé encore des débats récents (27), se traduit avant tout par une différence procédurale, la révision totale devant être définitivement adoptée par référendum (28). La révision partielle apparaît pour sa part diverse et complexe, dans le sens où le mode de production des normes constitutionnelles prévu par la Constitution (29) ne correspond pas absolument à une modification au sens strict de la Loi constitutionnelle fédérale de 1920-1929. Les dispositions constitutionnelles précitées ouvrent ainsi quatre hypothèses : celle des lois constitutionnelles incluses dans le corps même de la Constitution fédérale et qui en forment une partie et celle des lois constitutionnelles fédérales hors de l'instrumentum constitutionnel fédéral originaire expressément désignées comme telles (Verfassungsgesetze); celle de dispositions à valeur constitutionnelle incluses dans des lois ordinaires, expressément désignées comme telles (Verfassungsbestimmungen); celle de traités ou stipulations de traités modifiant la Constitution, approuvés selon la procédure prévue pour les lois et les dispositions constitutionnelles et explicitement désignés comme tels.

Si un tel dispositif permet de comprendre l'éclatement caractéristique du droit constitutionnel formel autrichien (30), il n'en explique pas à lui seul la variabilité. D'autres facteurs doivent être pris en considération. Tout d'abord, les majorités constitutionnellement requises pour l'adoption de normes constitutionnelles ne s'avèrent que peu contraignantes : pour les lois constitutionnelles fédérales ou les dispositions constitutionnelles dans des lois ordinaires comme pour l'adoption de traités ou de stipulations conventionnelles modificatives, un quorum de la moitié des membres et une majorité des deux tiers du Conseil national est requise, conformément au choix des constituants (31); les mêmes exigences concernent le consentement du Conseil fédéral requis dans les cas où l'autonomie des Länder ou leurs attributions législatives ou exécutives. Pour la modification de la composition et les attributions du Conseil fédéral (art. 34 et 35), la condition d'une majorité de quatre Länder s'ajoute aux exigences de majorité pour la révision constitutionnelle. Une deuxième raison susceptible d'être avancée tient à l'exigence de précision et de rigueur normative qui marque nettement le droit autrichien. D'une part, l'obligation générale pour toute loi de reposer sur un fondement constitutionnel précis de l'habilitation du législateur, affirmée par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle(32) et renforcée par le caractère fédéral spécifique de l'État (33), conduit à édicter une prescription constitutionnelle chaque fois qu'un tel fondement fait défaut. D'autre part, le choix originaire et traditionnel de précision des normes constitutionnelles aboutit lui aussi à la nécessité de fréquentes modifications de ces normes. Un autre facteur de variabilité, dans le même ordre de considérations que celles rappelées à propos du fédéralisme, est que certaines dispositions mêmes de la Constitution fédérale aboutissent à la production de normes constitutionnelles dans des lois constitutionnelles ou des traités. Par exemple, la constitutionnalisation des frontières à la fois extérieures et intérieures (entre Länder) par l'article 3 de la Constitution fédérale, ou encore l'article 9, alinéa 2 qui prévoit la possibilité de transferts de « droits de souveraineté » à des institutions interétatiques par voie législative ou par traité, et oblige à des révisions en cas de transferts importants ou d'atteintes aux compétences des Länder, ont pu contribuer à la « prolifération normative » constitutionnelle. Enfin, le choix originel de ne pas introduire dans la Constitution fédérale elle-même de catalogue de droits fondamentaux et de renvoyer aux lois d'Empire de 1862(34) et de 1867(35) , à certains actes de l'Assemblée nationale provisoire et de l'Assemblée constituante ainsi qu'à des stipulations du traité de Saint-Germain en Laye de septembre 1919 et à d'autres actes(36) , a conduit à une adaptation progressive du corpus des droits constitutionnellement garantis par l'approbation d'instruments internationaux relatifs aux droits et libertés en leur donnant valeur constitutionnelle(37) .

II. La recherche d'un équilibre

Le large champ d'intervention de la justice constitutionnelle d'un côté, et du pouvoir constituant de l'autre, ne rendent que plus intéressante l'analyse de leurs relations à travers le cas du système autrichien. La question peut se poser de savoir si l'évolution, mentionnée supra, de la jurisprudence constitutionnelle et la multiplication des réactions du constituant aboutissent à un conflit effectif, ou si, à l'examen, en émerge un point d'équilibre plus dynamique.

A. Deux développements en conflit ?

Autre que la question, aujourd'hui assez classique, du juge constitutionnel-législateur (négatif ou positif) lorsqu'il procède à l'examen de la loi ordinaire, se pose ici celle de la relation à ses principales (ou exclusives) normes de référence de l'organe de contrôle qu'est la juridiction constitutionnelle. La question devient plus présente en cas de modification du terme premier du rapport de constitutionnalité par l'introduction de nouvelles dispositions constitutionnelles, et cruciale si une telle introduction intervient en réaction à une décision du juge constitutionnel, compte tenu par ailleurs d'éventuelles limitations à l'habilitation du législateur constitutionnel.

Ainsi, la typologie proposée en 1994 (38), distinguant, dans la problématique des rapports entre justice constitutionnelle et révision de la Constitution, entre « révision préalable » exigée par la Constitution et déterminée par le juge, « révision dérogatoire » dans le cas où une annulation par le juge constitutionnel entraîne une constitutionnalisation de la mesure incriminée, et « révision illicite » en tant que contraire aux principes et règles s'imposant au pouvoir constituant, peut être pertinemment retenue, avec une attention particulière aux deuxième et troisième cas de figure. Le premier cas n'est toutefois pas étranger à la réalité autrichienne : nonobstant la précision dans la répartition fédérale des compétences, les décisions rendues par la Cour constitutionnelle sur le fondement de l'article 138, alinéa 2 de la Constitution fédérale sous forme de « règle de droit » ne sont pas, pour la Cour elle-même, de simples interprétations, mais une part entière du droit constitutionnel formel (39). Dès lors, la jurisprudence constitutionnelle s'avère sans conteste un facteur de transformation du droit constitutionnel fédéral. On pourrait d'ailleurs ajouter une hypothèse à ce premier cas de figure : celle de la consécration par le législateur constitutionnel d'une jurisprudence du juge constitutionnel, illustrée par exemple par la modification, en 1990 (40), des dispositions de l'article 26 de la Constitution fédérale sur le droit de vote au profit des citoyens ne résidant pas en Autriche après l'annulation de la loi sur les fiches électorales de 1973 (41).

Le deuxième cas de figure ne constitue pas non plus une nouveauté en Autriche. La thèse du « lit de justice » du constituant, pour reprendre la formule imagée du doyen Vedel (42), y a évidemment toujours été admise. Mais la décennie quatre-vingts a vu la mutation de la relation jusqu'alors indirecte entre la jurisprudence constitutionnelle et l'intervention du législateur constitutionnel de ce point de vue, en un rapport direct plus fréquent et conflictuel. L'initiation de ce changement tient essentiellement dans l'évolution sensible de la jurisprudence de la Cour sur le respect des droits fondamentaux et le débat qui l'a suivie et accompagnée. Abandonnant son traditionnel self-restraint, le juge constitutionnel a peu à peu interprété de manière restrictive la réserve de loi en matière de droits et libertés en soumettant notamment, désormais systématiquement, toute atteinte à un contrôle étroit de proportionnalité et d'intérêt public, à partir des cas d'expropriation, et en clarifiant ainsi sa jurisprudence par l'abandon de standards plus flous (43); il a aussi en quelque sorte réactivé certains principes constitutionnels. La « percée » s'est manifestée en particulier dans l'application plus exigeante du principe d'égalité (44), mais a trouvé d'autres illustrations spectaculaires et assez discutées, par exemple dans la garantie de la liberté constitutionnelle d'entreprendre (45). Ce renoncement à une position de réserve pour l'utilisation d'une plus grande marge de manoeuvre a suscité dans la doctrine hostilité et interrogations, à la fois d'un point de vue plus politique accusant la Cour de partialité idéologique et de militantisme axiologique, et de la part des représentants contemporains les plus éminents du normativisme pour qui l'attitude antérieure du juge constitutionnel était seule conforme à l'orthodoxie kelsénienne (46). Pour sa part, la réaction politique consista en un recours de plus en plus fréquent à l'adoption de normes constitutionnelles « neutralisantes » reprenant parfois purement et simplement les dispositions de la loi ordinaire touchée (47). Divers exemples de cette pratique peuvent être apportés : annulées par la Cour, des dispositions de la loi sur l'octroi des concessions de taxis par les autorités de Land (48), la disposition de la loi sur les véhicules à moteur (Code de la route) obligeant le propriétaire à dénoncer aux autorités le nom du conducteur ayant commis une infraction lorsque le contrevenant n'a pu être identifié sur le fait (49), des lois de Länder autorisant la limitation ou la réduction des retraites et des traitements des hommes et femmes politiques (50), ont ainsi fait l'objet d'une reprise constitutionnelle directe ou indirecte(51).

B. Un nouveau point d'équilibre

La situation ainsi décrite pose évidemment la question de l'équilibre entre justice constitutionnelle et pouvoir constituant au sein du système autrichien en des termes nouveaux au regard de la position doctrinale traditionnelle et dominante, mais aussi dans un ensemble institutionnel et politique où la Cour constitutionnelle occupe une place éminente. Sur un plan théorique, la modification de la norme constitutionnelle dans les conditions du système normatif pourrait être considérée comme ne soulevant aucune difficulté lorsqu'elle traduit un « passage en force » face au juge constitutionnel : dès lors que les conditions de production sont remplies, ce dernier, organe privilégié d'application et de concrétisation de la Constitution, ne voit, à ce seul titre, en rien modifiée sa situation dans le système. C'est d'abord d'un autre point de vue sur la Constitution et le système que semblent surgir les questions. Ainsi, si l'on s'interroge en termes de niveaux de consensus, par exemple, sous un angle de science politique (52), la répétition de révisions de détail neutralisantes peut apparaître problématique. Pourtant, sur le terrain normatif même, et au-delà même des limites matérielles (au sens large), la diversification éventuelle des formes de révision constitutionnelle peut devenir une forme d'obstacle à l'intervention du pouvoir constituant : ainsi lorsque, face à l'évolution décrite, un auteur autrichien parle d' « abus des formes juridiques » (53). De même, le problème, toujours délicat, du statut normatif de la jurisprudence constitutionnelle et de la portée ultime de l'autorité de chose jugée par le juge constitutionnel peut intervenir dans la discussion (54), en faisant toutefois entrer la juridiction constitutionnelle dans un cadre somme toute classique de séparation des pouvoirs entre législateur constitutionnel et juge constitutionnel, ce qui constitue toute une problématique en soi.

Il est intéressant de relever dans ce contexte la position évolutive de la Cour constitutionnelle face à ces remises en cause de sa jurisprudence. Tout d'abord, il convient de relever que la Cour ne se trouve pas totalement démunie dans le cadre de nouvelles normes de référence que l'on pourrait qualifier d'ad hoc. Dans l'affaire, précitée, des concessions de taxis, on a pu relever qu'après l'amendement constitutionnel de 1987, les autorités des Länder avaient édicté de nouvelles réglementations cherchant à tenir compte de l'exigence de « nombre proportionnel ». Ultérieurement, le changement constitutionnel n'a pas empêché le juge constitutionnel, saisi, d'annuler les règlements des Länder au nom de la liberté d'entreprendre (55). Surtout, la distinction entre révision partielle et révision totale en droit constitutionnel autrichien a permis à la Cour de faire évoluer sa jurisprudence au sujet du contrôle des lois constitutionnelles : à la suite de la constitutionalisation de la disposition du Code de la route mentionnée supra, la juridiction a été saisie par voie incidente de la constitutionnalité de la nouvelle mesure et a eu ainsi l'occasion de poser le principe qu'une accumulation de révisions simples pourrait, selon l'ampleur globale ou le caractère effectivement fondamental des changements concernés, équivaloir à une révision totale obtenue par une forme de fraude à la Constitution (56). L'hypothèse de la révision totale concernant la modification des principes fondamentaux de l'État et des rapports entre ces principes, une telle jurisprudence appelle un développement sans doute cas après cas. La Cour a déjà tenu à préciser que la forme républicaine et démocratique de gouvernement, le fédéralisme, l'État de droit mais aussi sa propre existence et le principe de son contrôle étaient inclus dans ces principes. Une telle position d'ensemble ne manque pas évidemment de soulever des difficultés dans un cadre encore très kelsénien (57).

De manière générale, l'évolution de la situation autrichienne des rapports entre juge constitutionnel et pouvoir constituant peut nourrir la réflexion sur la justice constitutionnelle, voire sur la Constitution elle-même. Du point de vue de la justice constitutionnelle, la relation contemporaine, et qui n'est pas propre à l'Autriche, entre les deux organes constitutionnels étudiés confirme la relative inexactitude de l'idée classique d'une justice constitutionnelle gardienne farouche d'un ordre juridique statique et d'un équilibre idéologique intangible (58). À partir de sa fonction servo-régulatrice dans le système où elle évolue (59), elle joue un rôle capital dans l'évolution et l'adaptation de l'ensemble du système juridique. Quant à la Constitution, l'idée de l'immutabilité, dilemme très classique(60), apparaît là encore bien datée. Alors que la théorie des normes de Kelsen a permis d'asseoir définitivement la conception du système juridique comme d'un ordre dynamique, on peut s'interroger au-delà sur la question de définir aujourd'hui la Constitution, norme suprême du système juridique interne, norme de production des normes dans le système, à la fois comme une norme-processus dont l'objet et le but seraient avant tout la détermination des conditions de sa propre transformation en même temps que la possibilité de l'évolution de l'ordre social qu'elle régit, faisant presque de la Constitution autant une méthode qu'une norme au sens classique.

(1) La solution majoritairement dégagée des échanges et écrits de membres notables de la doctrine ou de grands praticiens de l'Empire comme Hiersenmenzel et Gneist à Berlin, Stubenrauch à Vienne ou encore Jozsef Eötvös ou Heinrich Jaques allait dans le sens d'un contrôle par les tribunaux (avec une éventuelle Cour suprême régulatrice) de la régularité formelle et procédurale des lois par rapport à la Constitution. Jaques plaida toutefois déjà pour l'institution d'un organe spécialisé. Cf. S. Peyrou-Pistouley, La Cour constitutionnelle et le contrôle de la constitutionnalité des lois en Autriche, Economica-Presses universitaires d'Aix-Marseille, Paris-Aix-en-Provence, 1993, pp. 26-28.
(2) L'article 139 du projet prévoyait l'institution d'un Tribunal d'Empire notamment chargé du règlement des conflits de compétences dans le cadre de la nouvelle organisation de l'État, ouverture notable qui constituait une voie possible du contrôle de constitutionnalité des lois.
(3) La « Constitution de décembre » rassemble cinq lois constitutionnelles, dont l'une ayant pour objet l'instauration d'un Tribunal d'Empire compétent pour trancher les conflits de compétences et les différends de droit public concernant notamment les droits et libertés constitutionnellement garantis (art. 2).
(4) Cf. Peyrou-Pistouley, op. cit., pp. 34-47. Également C. Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d'Autriche, LGDJ, Paris, 1928 ; Economica-Presses universitaires d'Aix-Marseille, Paris-Aix-en-Provence, 1986, pp. 110-156.
(5) En 1885, dans son opuscule Ein Verfassungsgerichtshof für Österreich, l'éminent auteur plaide pour une réforme du Tribunal d'Empire tendant à la transformation de ce dernier en une véritable Cour constitutionnelle, en particulier dans le sens d'un réel contrôle de la constitutionnalité des lois, notamment sur saisine de la minorité parlementaire : cf. Eisenmann, op. cit., pp. 157-160. Si un tel projet ne fut pas isolé, un débat s'instaura toutefois sur l'opportunité d'un contrôle a priori.
(6) À l'apport décisif de Kelsen pour la question comme pour la théorie du droit, il convient d'ajouter celui d'Adolf Merkl et de Franz Weyr (à l'origine de la Cour constitutionnelle tchécoslovaque en 1920, de quelques mois l'aînée de la Cour autrichienne).
(7) L' « éclipse » de la Cour durant la période ouverte en octobre-novembre 1918 commence effectivement à partir du coup de force du chancelier Dollfuß (l' « auto-exclusion » du Conseil national en mars 1933 et la suppression, par voie réglementaire, du contrôle des normes par la juridiction constitutionnelle), se poursuit avec la Constitution de 1934 qui institue l'État corporatif et autoritaire et fusionne Cour constitutionnelle et Cour administrative en un Tribunal fédéral, puis la suppression pure et simple de cette dernière institution (et d'autres) après l'Anschluß en mars 1938, et s'achève avec son rétablissement par la loi constitutionnelle du 12 octobre 1945 (après la Constitution provisoire du 1er mai de la même année). Les dispositions transitoires prenant fin en mai 1946, la juridiction constitutionnelle reprit un fonctionnement effectif en juin 1946 sur la base de la Constitution de 1929 et de la loi du 4 avril 1930 relative à la Cour.
(8) « Beschluß über die grundlegenden Einrichtungen der Staatsgewalt ».
(9) La contribution directe d'autres grands juristes ne doit pas être oubliée, comme celle de Merkl ou encore d'Egbert Mannlicher.
(10) Tel est l'objet de la loi du 25 janvier 1919 « sur la création d'une Cour constitutionnelle de l'Autriche allemande ».
(11) Cf. G. Stourzh, « Hans Kelsen, die österreichische Bundesverfassung und die rechtsstaatliche Demokratie », in Wege zur Grundrechtsdemokratie – Studien zur Begriffs- und Institutionengeschichte des liberalen Verfassungsstaates, Böhlau, Vienne, 1989, pp. 309-334. Il est toutefois indéniable que l'idée de garantie des droits et de protection contre les pouvoirs publics était également présente dès l'origine chez l'éminent auteur.
(12) Cf. L. Adamovich sen., Die Prüfung der Gesetze und Verordnungen durch den österreichischen Verfassungsgerichtshof, Franz Deuticke, Leipzig-Vienne, 1923, p. 104.
(13) Cf. Peyrou-Pistouley, op. cit., pp. 56-67. Lors de la recherche d'une synthèse, l'idée d'un recours préjudiciel des tribunaux fut écartée : le projet était donc clairement orienté aux compétences « fédérales » et arbitrales de la Cour.
(14) Aux changements dans le mode de désignation de ses membres se sont ajoutées des transformations de sa compétence ou de son mode de saisine, par exemple en 1975 l'ouverture du prétoire au tiers des membres du Conseil national contre les lois ou aux individus s'estimant lésés dans leurs droits, ou en 1988 par la suite de la création des chambres administratives indépendantes (réforme entrée en vigueur en 1991 : cf. O. Pfersmann, chron. in Ann. internat. just. constit., 1989, p. 347).
(15) Non comprise la période 1934-1945. Un problème à la fois formel et constitutionnel se pose pour une modification en 1993 (cf. BGBl 1993/532).
(16) Certains auteurs ont même parlé de ruine : cf. H. Klecatsky et S. Morscher, Das österreichische Bundesverfassungsrecht, Manz Verlag, Vienne, 1982, p. 17.
(17) La comparaison avec l'Allemagne fédérale révèle toutefois que le nombre de révisions n'est probablement pas exceptionnel : cf. O. Pfersmann, « La révision constitutionnelle en Autriche et en Allemagne fédérale : théorie, pratique, limites », in Association française des constitutionnalistes, La révision de la Constitution, Economica-Presses universitaires d'Aix-Marseille, Paris-Aix-en-Provence, 1994, p. 26.
(18) Cf. L. Adamovich, « Adresse au Conseil constitutionnel », in Le Conseil constitutionnel a quarante ans, LGDJ, Paris, 1999, pp. 161-162.
(19) On pense ici évidemment, entre autres, au large débat en France lié à la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration, et à la révision constitutionnelle subséquente du 24 novembre 1993.
(20) À partir de la systémique de von Bertalanffy (1930, 1951, 1968), élaborée à l'origine en biologie. L'idée ici appliquée en serait que l'appréhension d'une institution ou d'une norme, ou d'un rapport entre deux éléments impose l'analyse de sa « place » dans un ensemble organisé (ouvert ou fermé) doté de propriétés distinctes et de ses relations avec les autres éléments de cet ensemble.
(21) À l'exception des périodes 1966-1970 et 1971-1983, le pays a été dirigé par un gouvernement de coalition depuis son retour à la souveraineté.
(22) La conjonction et l'ampleur des majorités à l'Assemblée Nationale et au Sénat pourrait constituer un élément d'explication de la révision constitutionnelle de novembre 1993 en France.
(23) Pour une présentation plus détaillée des compétences de la Cour constitutionnelle et de leur exercice, cf. entre autres, en langue française, Peyrou-Pistouley, op. cit., pp. 107-158 ; F. Ermacora, « Procédures et techniques de protection des droits fondamentaux : la Cour constitutionnelle autrichienne », in L. Favoreu (sous la dir.), Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, Economica-Presses universitaires d'Aix-Marseille, Paris-Aix-en-Provence, 1987, pp. 187-200.
(24)Cette disposition n'a fait l'objet d'aucune application à ce jour.
(25) Sur cette question, au coeur de la comparaison avec des Cours voisines, comme celle de la RFA, cf. Peyrou-Pistouley, op. cit., pp. 107-109.
(26) Cf. art. 118 et s. de la Constitution fédérale du 29 mai 1874.
(27) D'un critère formel classique de distinction (substitution d'un document textuel à un autre), on est peu à peu passé à un critère matériel délicat à manier (modification des principes fondamentaux de la Constitution ou des rapports entre eux), précisé touche par touche. Le problème de l'entrée progressive de l'Autriche dans l'espace européen intégré a suscité notamment des discussions sur ce point ; cf. Pfersmann, in La révision de la Constitution, art. préc., pp. 35-44.
(28) Art. 44, al. 3, de la Constitution fédérale.
(29) Principalement les art. 35, 44, al. 1er, et 2 et 50, al. 3.
(30) En mars 1992, on compte ainsi cinquante-cinq lois constitutionnelles fédérales hors Constitution, quatre-vingt quatorze dispositions constitutionnelles contenues dans des lois simples, et cent dix neuf traités comprenant des dispositions modifiant la Constitution. En septembre 1999, une recherche télématique permet de retrouver sept cent soixante dix neuf dispositions constitutionnelles dans des lois ordinaires.
(31) Kelsen, pour sa part, avait proposé des majorités plus exigeantes : cf. Pfersmann, art. préc., p. 28.
(32) À partir de l'article 18 de la Constitution, dont les exigences générales, que les juges constitutionnels ont élargies au-delà de la seule administration au sens organique (principe de l'État de droit dépassant le principe de légalité stricto sensu), se font plus pressantes depuis 1986 notamment (cf. VfSlg 11,196).
(33) Le débat majeur ayant marqué la naissance de la République autrichienne en 1918-1920 était celui du fédéralisme et de l'autonomie des Länder, et se cristallisait en particulier sur l'introduction ou non dans la nouvelle Constitution fédérale du principe de primauté du droit fédéral sur le droit de Land, qui structure par exemple le système allemand depuis la Constitution de Weimar. Pour résoudre le problème en le contournant, les constituants autrichiens ont préféré un mécanisme de répartition extrêmement détaillée des attributions entre Fédération et Länder assorti d'une clause de compétence de principe à ces derniers (art. 15, al. 1er), privilégiant le principe de compétence sur le principe de hiérarchie.
(34) Loi sur la protection du domicile.
(35) Loi fondamentale d'État du 21 décembre 1867 relative aux droits généraux des citoyens.
(36) Cf. art. 149 de la Constitution fédérale.
(37) Cf. Pfersmann, art. préc., pp. 27-28.
(38) À l'occasion de la Table-ronde internationale organisée par le Groupe d'Études et de Recherches sur la Justice Constitutionnelle à Aix-en-Provence. : cf. Ann. internat. just. constit., 1994, pp. 27-282.
(39) Le Chancelier fédéral doit en assurer la publication au Journal officiel fédéral (art. 56, al. 4, de la loi sur la Cour constitutionnelle – VfGG). En tant qu'« interprétation authentique du droit constitutionnel », elles ont la même force contraignante qu'une loi constitutionnelle fédérale (cf. VfSlg 3055/1956, 4446/1963, 6089/1969, 7780/1976).
(40) BGBl. 1990/148.
(41) Cf. décision G 218/88 du 16 mars 1989, publiée entre autres in ÖJZ 1989, p. 670.
(42) Cf. par ex., « La parité vaut mieux qu'un marivaudage législatif ! », Le Monde, 8 déc. 1998, p. 16.
(43) En particulier la référence au « barrage de la limite essentielle ».
(44) Sur le passage d'une position extrêmement réservée dans les années vingt et trente à la situation actuelle, cf. rapport autrichien à la septième Conférence des Cours constitutionnelles européennes, in Ann. internat. just. constit., 1987, pp. 67-70 ; également sur le principe d'égalité, cf. O. Pfersmann, chron. in Ann. internat. just. constit., 1991, pp. 397-410. L'affaire citée en note 50 a donné lieu à d'amples discussions.
(45) Cf. B. Wagner, chron. in Ann. internat. just. constit., 1987, pp. 450-452 ; Pfersmann, art. préc., Ann. internat. just. constit., 1989, pp. 353-358.
(46) Cf. Pfersmann, eod. loc., pp. 340-344.
(47) Cf. entre autres L. Adamovich, « Recht und Politik im Bereich der Grundrechte », in S. Morscher, P. Pernhalter et N Wimmer (sous la dir.), Recht als Verantwortung und Aufgabe. Festschrift für Hans R. Klecatsky, Manz, Vienne, 1990, pp. 9 et s.; F. Koja, « Parlament gegen Verfassungsgerichtshof ? Sind Verfassungsgesetze zur Ausschaltung von Gesetzesaufhebungen durch den VfGH zulässig ? », Austrian Journal of International Law, 44 (1992), pp. 55-61.
(48) Cf. décision G 14/86 du 23 juin 1986, VfSlg 10.932 et disposition constitutionnelle in BGBl 1987/125.
(49) Cf. décisions réf. VfSlg 9.950 (1984) et 10.394 (1985) et disposition dans la loi de 1967 in BGBl 1986/106.
(50) Cf. décisions G 184-194/87 et autres du 16 mars 1987, VfSlg 11.308, 11.309 et 11.310 et lois constitutionnelles in BGBl 1987/281 et VfSlg 12.095/1989 et disposition constitutionnelle in BGBl. 1989/344.
(51) Dans l'affaire du Code de la route, la disposition touchée n'est pas directement intégrée, mais l'amendement constitutionnel dispose que les prescriptions mettant en oeuvre le principe d'accusation prévu par l'article 90, alinéa 2 de la Constitution fédérale conservent leur valeur législative ordinaire qui s'efface de l'habilitation constitutionnelle donnée aux autorités administratives pour exiger du propriétaire les renseignements en cause. Pour d'autres exemples, cf. R. Walter et H. Mayer, Grundriß des österreichischen Bundesverfassungsrechts, Manz, Vienne, 1996, p. 42.
(52) Cf. Pfersmann, « La révision constitutionnelle··· », art. préc., p. 23.
(53) B.-C. Funk, « Formenmißbrauch und Verfassungsumgehung durch die Legislative. Ein Problem im Spannungsfeld von formalem und materiellem Verfassungsverständnis », in Festschrift für Hans Klecatsky, op. cit., p. 67.
(54) Cf. la doctrine de M. Johannes Hengstschläger, in Pfersmann, in Ann. internat. just. constit., 1989, p. 345-346.
(55) V 29/88 du 23 juin 1988 ; cf. B. Wagner, chron. in Ann. internat. just. constit., 1988, p. 242.
(56) Cf. décision réf. VfSlg 11.829/1988.
(57) Cf. Pfersmann, art. préc., Ann. internat. just. constit., 1989, pp. 345-347 ; « La révision··· », art. préc., pp. 36-40.
(58) Le débat est récurrent dans la plupart des systèmes de justice constitutionnelle : ardent en France notamment lors de l'examen par le Conseil constitutionnel de la loi de nationalisation en 1982, les termes en sont devenus fameux dans certains pays, aux États-Unis ou en Italie par exemple.
(59) Cf. J. Pini, Recherches sur le contentieux de constitutionnalité, thèse, Aix-en-Provence, 1997, pp. 334-337.
(60) On se souvient des termes de la Déclaration d'indépendance des États-Unis de 1776, ou de certains débats de la Révolution française.