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La transformation de l’écriture de la Constitution, l’exemple islandais

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Éric SALES - Maître de conférences de droit public, HDR, Faculté de droit et de science politique de l'Université Montpellier, CERCOP

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 57 (dossier : droit constitutionnel à l’épreuve du numérique) - octobre 2017

L’Islande n’est pas la destination privilégiée de la réflexion des juristes en général et des constitutionnalistes en particulier. Le pays est de petite dimension, son régime politique est parlementaire depuis longtemps et sa Constitution du 17 juin 1944(2) n’est qu’une simple reprise de la Constitution du Danemark avec, pour présenter les choses rapidement, un Président à la place du Roi. Il n’y a donc pas de spécificités sur le plan juridique. Sur le plan politique, il n’y a pas eu d’alternance entre 1944 et 2009 avec une domination sans faille du parti de droite(3) souvent allié au parti centriste(4). Toutefois, la secousse financière de 2008 a bouleversé le paysage politique avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement issu d’une coalition entre la gauche(5) et les écologistes en charge d’enregistrer, en priorité, de fortes revendications populaires en faveur d’une nouvelle donne constitutionnelle. L’intérêt pour l’Islande devient donc plus fort avec, par ailleurs, une expérience inédite de rédaction citoyenne de la Constitution par le biais des nouvelles technologies de communication. Sans en exagérer la portée, il s’agit ici d’une véritable transformation de l’écriture constitutionnelle car le peuple a eu la possibilité d’y concourir directement en apparaissant ainsi et, à part entière, comme un écrivain juridique du projet constitutionnel de 2011(6).

Il faut reconnaître, a priori, que le changement observé n’est pas facile à réaliser et à accepter. En effet, l’écriture juridique est complexe. Elle repose notamment sur un vocabulaire spécifique. Elle suppose la connaissance du droit, de l’existant juridique et, s’agissant de la Constitution ou de la loi ordinaire, elle s’articule par principeautour de la formulation de règles générales ayant vocation à être précisées dans le détail par des normes inférieures. Écrire le droit implique donc une maîtrise technique la plupart du temps détenue par des experts chargés de réaliser un travail préparatoire lequel est ensuite discuté, amendé puis finalement voté. En conséquence, l’écriture juridique est déléguée à des personnes disposant du temps, du savoir et de l’expérience en la matière. Par ailleurs, le droit traduit des politiques pour la mise en oeuvre desquelles des représentants ont été choisis par les citoyens. Le peuple, constitué de l’ensemble du corps électoral, ne participe donc pas à l’écriture du droit. Il lui appartient simplement, ce qui a souvent été considéré comme étant à sa portée, de désigner en son sein des citoyens « éclairés » porteurs d’un projet politiqueet chargés de le retranscrire en termes juridiques dans des textes de droit. Si, par un raccourci rapide, le peuple, en tant que souverain, est souvent présenté comme l’auteur du droit, il n’en est jamais l’écrivain. Il est l’auteur de la Constitution ou de la loi lorsqu’il les valide par référendum constituant ou législatif et cette distinction entre l’écriture réelle des textes juridiques susvisés et leur adoption, entre écrivain et auteur juridiques, s’explique par un souci de légitimité démocratique. On fait comme si la Constitution ou la loi étaient l’oeuvre du peuple car ce qui importe avant tout c’est le consentement du plus grand nombre et non sa contribution réelle. Le peuple est donc celui qui fonde le droit et non celui qui le conçoit.

Le progrès technique est-il en mesure de changer la donne et de faire du peuple un écrivain du droit ? Le numérique permet-il de pratiquer une autre forme de démocratie au quotidien ? Permet-il d’introduire de la démocratie participative dans la démocratie représentative ? A priori, les nouveaux outils technologiques – et Internet à titre principal – ne réduisent ni ne suppriment le caractère complexe et spécifique de la langue juridique. Elle reste donc une affaire de spécialistes. En revanche, l’idée classique selon laquelle la démocratie directe n’estenvisageable que dans les petits États faiblement peuplés, peut être discutée dans la mesure où il est désormais possible d’échanger et de décider sans se déplacer. L’exemple islandais semble en attester avec la recherche et l’identification d’un mieux disant démocratique en matière de processus constituant. Il ne s’agit plus uniquement de procéder à l’élection populaire d’une Assemblée Nationale Constituante, de la faire suivre d’une discussion parlementaire et publique du texte constitutionnel en fabrication et d’organiser son acception finale par référendum. Il est question, avec l’outil numérique, d’intégrer la participation des citoyens dans la phase constituante intermédiaire, c’est-à-dire celle à l’occasion de laquelle le texte constitutionnel est en cours d’écriture. Jusqu’à présent le constat était celui de l’absence du peuple à ce stade important de la création des Constitutions. Les citoyens pouvaient suivre les discussions parlementaires, préparer leur opinion en vue de la ratification finale du texte après la campagne référendaire. L’absence de temps disponible, le caractère technique et complexe de l’écriture constitutionnelle, pour l’essentiel, justifiaient la réservation de cette tâche aux représentants du peuple. Toutefois, certaines expériences récentes tendent à démontrer que la mise à l’écart du peuple, dans cette étape cruciale, n’a rien de systématique. Ainsi certains projets ont pu être pensés en ce domaine sans avoir été toutefois concrétisés comme en Turquie(7). D’autres ont été tentés, comme en Islande, où une expérimentation inédite de rédaction numérique de la Constitution a été réalisée au travers de ce que certains journalistes ont rapidement appelé la « wiki Constitution » ou encore la « Constitution 2.0 ». Il reste toutefois à déterminer s’il s’agit d’une mutation démocratique en cours ou d’une simple manoeuvre démagogique visant à pérenniser la démocratie représentative ? Dans le cas islandais, la transformation est observable dans la mesure où a été mis en place un processus constituant laissant une large place au peuple (I). En revanche, et pour emprunter une formule sportive, l’essai de l’écriture constitutionnelle citoyenne n’a pas été suivi de sa transformation par les représentants du peuple (II).

I – Un processus constituant original laissant une large place au peuple

Le peuple islandais a largement contribué au processus constituant non seulement en le déclenchant dans un contexte particulièrement tendu (A), mais aussi en participant directement à l’écriture du nouveau texte fondamental (B).

A. Un processus voulu par le peuple dans un contexte de crise

Très souvent un changement constitutionnel prend sa source dans une crise importante. Il peut s’agir, par exemple, d’une révolution, d’une guerre ou encore d’un dysfonctionnement majeur des institutions en place.

Le cas islandais repose sur une crise financière, sur fond de corruption, ayant entraîné un fort discrédit sur la classe politique(8). En effet, en septembre 2008, à la suite du scandale de la banque en ligne « Icesave »(9), filiale de Landsbanki qui était la première banque privée du pays, la faillite touche les banques islandaises et le Fonds Monétaire International demande à l’Islande de rembourser aux gouvernements anglais et néerlandais le montant des dépôts effectués par les clients ressortissants desdits pays dont ils ont pris en charge le dédommagement. Dans la foulée, le gouvernement islandais, majoritairement à droite(10), démissionne sous la pression populaire(11) et un gouvernement de transition, composé de l’Alliance social-démocrate et des écologistes, est instauré au mois de janvier 2009 avant les élections législatives. Pour relayer les revendications citoyennes formulées à l’occasion de la « “Révolution des casseroles”, les deux partis inscrivent alors dans leur accord de gouvernement le principe de création d’une assemblée constituante, sur quoi ils s’engageront de nouveau une fois sortis victorieux des élections législatives du 25 avril 2009 »(12).

Par la suite, un accord a été négocié et signé avec Londres et La Haye par le nouveau gouvernement, en observation duquel les Islandais ne paieront que 50 % de leur PIB, ce qui représentait une dette toujours importante. En d’autres termes, l’État islandais était contraint de rembourser sur fonds publics les défaillances d’une banque privée. À la suite de l’intervention du Parlement islandais entérinant l’accord précité par le vote d’une loi, le peuple manifeste à nouveau sa colère devant l’institution parlementaire. Dans ces circonstances de crise financière et politique, le Président fait obstacle à la promulgation de la loi et la soumet à l’approbation des citoyens par référendum ainsi que la Constitution du 17 juin 1944 lui en donne pouvoir en vertu de l’article 26. En mars 2010, le résultat est sans appel dans la mesure où le refus de payer est clairement exprimé par une écrasante majorité de93 % de votants. Sur le plan constitutionnel, la loi est donc nulle et non avenue. Sondés à nouveau par le gouvernement en avril 2011(13), 60 % des votants prennent la même décision. Entre ces deux consultations, de nombreux manifestants, « armés » de « poêles et de casseroles » et réunis sur la place du Parlement à Reykjavik exigent la rédaction d’une nouvelle Constitution « post-krash »(14). Très faiblement prise en compte par les médias internationaux, la « révolution silencieuse » est en marche(15).

B. Un processus permettant la participation du peuple à l’écriture constitutionnelle

Les manifestations populaires, à l’origine de la revendication constitutionnelle, vont déboucher sur une double procédure constituante. Dans un premier temps, il est particulièrement intéressant de relever l’existence d’un processus au sein de la société civile avec la mise en place en novembre 2009 d’un collectif regroupant, en assemblée publique, 1 500 personnes chargées de dégager les grandes valeurs communes aux Islandais au titre desquelles apparaissent, après discussion, le souhait d’une séparation plus stricte des pouvoirs, l’exigence d’une responsabilisation des détenteurs du pouvoir exécutif et un désir très net en faveur du développement de l’instrument référendaire. Globalement, une volonté de changement constitutionnel est nettement exprimée en dehors du système institutionnel(16).

Dans un second temps, une procédure constituante officielle et originale(17) permet de souligner la fabrication d’une « Constitution du peuple, par le peuple et pour le peuple »(18). Une résolution parlementaire votée le 16 juin 2010 pour la révision de la Constitution rassemble effectivement la vieille technique de la démocratie de la Grèce antique – le tirage au sort – pour la mise en place d’un Forum National, suivie de procédés plus modernes avec la création d’une Assemblée constituante et la soumission finale du texte au référendum. Dans l’ensemble, ces exigences formelles essentielles avaient pour principaux objectifs de restaurer la confiance et de jeter les bases d’une société plus juste et plus démocratique. Sur le terrain des exigences matérielles, le programme de travail constitutionnel reposait sur la détermination des fondements et principes du texte fondamental, sur l’organisation et la limitation des pouvoirs exécutif et législatif, sur l’identification du rôle du Président, sur la nécessaire indépendance de la magistrature, sur l’établissement des règles électorales et de celles permettant le recours auxréférendums ainsi que sur la question sensible de la propriété et de l’utilisation des ressources naturelles. Au-delà de ces thématiques, dont certaines sont communes aux aspirations citoyennes formulées par le collectif précité, l’Assemblée constituante restait libre d’aborder d’autres sujets dans son travail d’écriture constitutionnelle. À ce stade, et contrairement à la proximité qu’il pourrait être tentant d’établir avec la loi constitutionnelle française du 3 juin 1958, il est important de souligner que la résolution du 16 juin 2010 n’a pas pour objet de réviser la procédure de révision existante. Elle doit en réalité contribuer à l’élaboration, en dehors du circuit institutionnel, d’un projet constitutionnel ayant vocation à être discuté et voté par le Parlement dans le respect de l’article 79 de la Constitution de 1944(19). Le texte constitutionnel finalisé le 29 juillet 2011 le démontre directement en précisant, dans son article 114, que la « présente Constitution entrera en vigueur après approbation par le Parlement conformément auxdispositions de la loi constitutionnelle du 17 juin 1944 ».

Dans le détail, la procédure constituante appelle des remarques supplémentaires. Tout d’abord, le Forum National, chargé d’énumérer les principes et les valeurs de la future Constitution, est composé de 950 citoyens tirés au sort dans le registre électoral national. Il est mis en place le 6 novembre 2010. L’Assemblée constituante est, quant à elle, composée de 25 membres élus par le peuple le 27 novembre 2010 parmi 522 candidats eux-mêmes membres du Forum et répondant à certains critères. En vertu du premier, il faut avoir plus de 18 ans. En observation du second, il est interdit d’être un élu national. Et selon le dernier, un parrainage est nécessaire dans la mesure où il faut être soutenu par au moins 30 personnes dans sa démarche. Son rôle est de procéder à la rédaction d’un projet de texte constitutionnel représentant la volonté populaire exprimée par le Forum National. À ce niveau, il est important de relever l’existence de certaines difficultés. Il y a eu, tout d’abord, des controverses autour du scrutin. Certains ont souligné la trop grande rapidité de la campagne laquelle a duré moins d’un mois. D’autres ont fait remarquer le faible taux de participation(20). Enfin, des problèmes relatifs à la tenue de l’élection ont conduit à l’invalidation des résultats par la Cour suprême, dans sa décision du 25 janvier 2011, pour des motifs jugés peu convaincants(21). Il n’est pas anodin d’observer que ladite Cour est composée, à ce moment-là, de 9 juges dont 8 ont été nommés(22) par le parti de l’indépendance lui-même considéré comme le principal coupable de la faillite financière de l’Islande. La Cour suprême se présente donc comme un facteur de blocage du processus constituant en incarnant la défense de ce parti politique qui se retrouve dans l’opposition au moment des faits. Finalement, la solution résultera d’une intervention du nouveau gouvernement qui, par le biais d’une résolution parlementaire en date du 24 mars 2011, procédera à la création d’un Conseil constitutionnel (CC) destiné au remplacement de l’Assemblée constituante mais composé de 25 membres nommés parmi les candidats ayant reçu le plus grand nombre de voix lors du précédent scrutin. Le 6 avril 2011 le Conseil est installé avec à sa tête un Président élu parmi ses membres. Pour l’essentiel, il rassemble des personnes sans appartenance politique officielle(23) et dont la politique n’est en aucune façon un métier à part entière. Il s’agit d’avocats, de journalistes et d’universitaires. Il y a une dizaine de femmes dont une militante des droits de l’homme handicapée. On y retrouve également un agriculteur, un pasteur, un étudiant, un directeur de musée d’art, un animateur de radio, un cinéaste, un Président de syndicat et un porte-parole des consommateurs.

Le Conseil constitutionnel a disposé de quatre mois pour établir une proposition pour une nouvelle Constitution. La participation du peuple a été principalement organisée par Internet car cette « option d’une vaste consultation en ligne est apparue comme une évidence » dans la mesure où l’Islande dispose de l’un « des taux de connexion à Internet les plus élevés au monde »(24). La méthode retenue a consisté dans la mise en place d’un projet de texte consultable en ligne sur le site du CC. La possibilité de participer à sa rédaction en postant des commentaires et des propositions d’amendements a été organisée sur ledit site. Ce procédé du « crowdsourcing »(25) a permis de recueillir 3 600 commentaires et 370 propositions d’amendements(26) discutées directement sur Youtube et complétées par des prises de position des « conseillers constitutionnels » publiées sur Facebook. Enfin, la validation ou le rejet des propositions d’amendement a été réalisée par un vote du CC à l’occasion de réunions accessibles au public et retransmises en direct sur le site. Dans le cadre de ce travail d’écriture constitutionnelle « multilatérale et inclusive »(27), il est possible de noter, parmi les propositions retenues, la reconnaissance d’un droit constitutionnel à internet intégré dans l’article 14 du projet final de texte(28). En réponse aux attentes citoyennes, la participation du peuple au processus législatif est, par ailleurs, instituée avec plusieurs dispositifs innovants qu’il s’agisse d’un pouvoir d’initiative législative(29) suivi de l’organisation d’un référendum ou encore d’un recours à la Nation permettant aux citoyens d’exiger qu’une loi votée par le Parlement soit soumise à un référendum(30). Une forme de démocratie directe, juridiquement encadrée(31), a donc été organisée en complément de la démocratie représentative.

Mais au-delà de ces remarques, et sans exagérer la portée de cette écriture numérique inédite de la Constitution, il est fondamental de prendre en compte le changement majeur opéré sur la définition même du peuple. De façon classique, la notion est comprise en droit constitutionnel comme regroupant la collectivité juridique formée par le corps électoral. En d’autres termes, il s’agit de l’ensemble des citoyens. Or, l’écriture numérique n’a pas été organisée en fonction de critères limitant son accès aux seuls électeurs et éligibles. Ainsi, il n’était nullement interdit à un résident étranger ou à un mineur de participer. Il leur était donc possible de formuler des observations et, le cas échéant, de proposer des amendements au projet de texte constitutionnel. La recherche sur l’exemple islandais n’a pas permis de l’établir, mais il n’en demeure pas moins, sur le terrain des principes, que l’écriture juridique électronique peut être ouverte à des personnes se trouvant dans l’incapacité de voter ou d’être élues. Le sujet mérite réflexion car il donnerait à voir différemment la citoyenneté. Elle ne supposerait plus uniquement un acte de désignation des représentants ou un choix législatif opéré au travers d’un référendum, mais elle transparaîtrait par le biais d’un acte de participation à la rédaction directe d’une Constitution ou d’une loi. En conséquence, seraient citoyens ceux qui répondent à des critères juridiques et qui concourent personnellement à l’écriture des textes juridiques. Seraient également considérés comme tels ceux qui, ne remplissant pas les exigences pour être électeurs et éligibles, participent individuellement, comme les autres, à la création des règles de droit.

Enfin, le texte a été adopté à l’unanimité par le CC, présenté au Parlement le 29 juillet 2011 et approuvé par 66,3 % de « oui » lors du référendum consultatif organisé le 20 octobre 2012(32). À bien des égards, le projet constitutionnel et la procédure constituante démocratique ont fait l’objet d’un accueil très favorable et parfois de véritables éloges(33). Il s’agit effectivement d’une réussite incontestable dans la mesure où le processus s’est déroulé sans problème technique, sans dysfonctionnement du CC et avec l’aval du peuple.

II – Un processus constituant original non relayé par les représentants du peuple

Après un peu plus de deux années de procédure constituante, entre l’adoption de la résolution parlementaire du 16 juin 2010 et le succès du référendum consultatif du 20 octobre 2012, il était possible de s’attendre à une discussion parlementaire suivied’une rapide validation du projet constitutionnel par les représentants du peuple. Or, contre toute attente, le nouveau texte fondamental a été purement et simplement abandonné quelques mois après l’avis favorable des citoyens. Il est donc important de comprendre, selon les mots de l’un des membres de l’Assemblée constituante, « l’assassinat parlementaire »(34) de la Constitution rédigée par le peuple islandais. À titre principal, il existe deux mobiles du « crime constitutionnel » relevant, pour les uns, de justifications externes (A) et, pour les autres, d’explications internes (B).

A. Les justifications externes de l’abandon du texte constitutionnel

Pour comprendre l’échec du processus, il faut prendre en compte l’avis de la Commission de Venise(35) demandé le 16 novembre 2012 par la présidente de la Commission constitutionnelle du Parlement islandais et transmis aux autorités du pays le 11 février 2013 avant les élections législatives du mois d’avril. L’Islande étant membre du Conseil de l’Europe depuis le 7 mars 1950, il n’est pas a priori surprenant que les autorités parlementaires du pays aient pris la décision de saisir la Commission européenne pour la démocratie par le droit laquelle, comme chacun le sait, est un organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles. À titre préalable, des précautions importantes sont prises par les auteurs du rapport dans la mesure où ils indiquent ne pas avoir disposé du projet constitutionnel dans son intégralité. Ils ont donc été amenés à se prononcer, dans l’urgence, sur un simple exposé des motifs ce qui impacte nécessairement la portée de leur avis tout en faisant naître des doutes sur les intentions réelles des représentants du Parlement islandais. Par ailleurs, la Commission a relevé à plusieurs reprises la forte dimension participative des citoyens islandais dans le processus constituant en soulignant notamment le rôle décisif joué par Internet dans la vie politique du pays(36) tout en précisant qu’en dépit de « cette évolution remarquable, les avis divergent en Islande sur les besoins réels et sur la pertinence d’une nouvelle Constitution »(37) ainsi que sur le processus constituant en lui-même. Alors que la volonté du peuple en faveur d’une nouvelle Constitution ne semble pas pouvoir être mise en doute et que la procédure constituante a laissé la possibilité au plus grand nombre de s’exprimer, il est très surprenant de constater les insuffisances observées par la Commission en la matière. Elle indique, par exemple, que « la nouvelle Constitution doit être fondée sur un consensus le plus large possible au sein de la société et reposer sur une discussion approfondie associant les différentes forces politiques, les ONG, les associations, les milieux universitaires et les médias »(38). Il s’agit là, toujours selon la Commission de Venise, « d’une condition déterminante pour l’adoption d’un texte durable, acceptable par l’ensemble de la société et conforme aux notions démocratiques »(39). Ainsi, au-delà et en dehors des observations formulées sur le contenu du projet constitutionnel faisant état d’insuffisances et d’incohérences, la Commission préconise, dès les premières pages de son avis, « une solution de rechange » résidant dans « l’adoption d’amendements constitutionnels sur des sujets faisant consensus afin de privilégier la continuité »(40).

Enfin, la partie de l’avis consacrée à la procédure constitutionnelle s’avère particulièrement éclairante. Non sollicitée sur cette question, la Commission estime qu’il « convient naturellement » de se conformer à l’article 79 de la Constitution de 1944 pour l’adoption d’un nouveau texte constitutionnel(41). En vertu de cette disposition, les amendements constitutionnels doivent être adoptés par le Parlement. Ensuite, de nouvelles élections législatives doivent être organisées après la dissolution du Parlement. Enfin, si la nouvelle assemblée ratifie le même texte, la révision une fois approuvée par le Président prend effet. Toutefois, cette position est contredite à la fin de son avis puisqu’il est mentionné qu’il serait utile de réviser la procédure de révision, car trop compliquée, et de la remplacer par celle qui a été imaginée dans le projet de Constitution à savoir un vote du Parlement suivi d’un référendum(42) ! Plus exactement, il serait bon de mettre en place un vote parlementaire à « la majorité qualifiée » tout en limitant à certains cas spécifiques le recours auréférendum alors que ce dernier était présenté comme systématique dans le projet constitutionnel(43). En résumé, la Commission de Venise suggère à l’Islande de modifier uniquement l’article 79 de la Constitution de 1944 en laissant de côté et la « révolution des casseroles » et le projet de Constitution de 2011. Sans exagérer laresponsabilité des membres de la Commission de Venise dans l’échec final du processus constituant islandais, il faut reconnaître qu’ils ont donné assez explicitement un prétexte permettant aux parlementaires islandais de s’appuyer sur une expertise juridique extérieure qualifiée pour abandonner la discussion constitutionnelle ou la réduire nettement en la cantonnant, dans un premier temps, à la seule révision de la procédure de révision(44). Il fallait sans doute commencer par cette étape en 2009(45) ne serait-ce que pour assurer la transition entre la Constitution de 1944 et celle de 2011. Mais, le dire en 2013 n’avait pas vraiment de sens.

B. Les justifications internes de l’abandon du texte constitutionnel

Il faut revenir sur l’article 79 de la Constitution de 1944 relatif à la procédure à suivre pour la révision du texte fondamental. Quand les parlementaires ont reçu l’avis de la Commission en février 2013, soit deux mois avant les élections législatives, il leur était tout à fait possible d’organiser un vote sur le projet constitutionnel de 2011 en y apportant les modifications les plus importantes suggérées par l’instance européenne spécialisée dans les questions constitutionnelles. Ils se devaient sans doute de le faire pour s’inscrire dans la continuité de l’écriture citoyenne de la Constitution(46). En outre, en agissant ainsi, ils étaient également en mesure de capitaliser un soutien populaire nécessaire à leur réélection. Au surplus, ils n’avaient pas besoin de se sacrifier par une dissolution rendue obligatoire par l’article 79 de la Constitution à la suite du vote d’une révision constitutionnelle, car leur mandat de quatre ans arrivait à échéance. Au final,le défi était de remporter les législatives afin de pouvoir voter en termes identiques le changement constitutionnel. Or, la majorité politique du moment n’a rien fait sans doute par manque de temps mais surtout au regard de nombreux sondages d’opinion faisant état d’une nette remontée politique du parti indépendant annonçant sa future victoire aux législatives. Le vote du projet constitutionnel risquait effectivement de ne pas être entériné par la future majorité parlementaire(47). En conséquence, et de façon assez paradoxale pour l’observateur étranger, le peuple pouvait sanctionner l’inertie parlementaire en ramenant au pouvoir le parti politique présenté comme le grand responsable de la crise de 2008 et, par ailleurs, opposé à un profond changement constitutionnel(48). Les élections législatives de 2013 ont d’ailleurs confirmé cela avec l’effondrement de l’Alliance social-démocrate(49) et des écologistes(50), le grand retour du parti de droite(51) et du parti du centre(52) et l’abandon officiel du projet de Constitution.

Au-delà de cette explication, il existe également d’autres éléments de compréhension de l’échec du processus constituant(53). En premier lieu, de nombreux représentants du peuple estimaient que le changement de Constitution ou sa simple révision relevaient à titre principal de leur champ de compétence et en aucune façon du Forum national et de l’Assemblée constituante malgré l’élection populaire de cette dernière. Il ne faut pas oublier effectivement l’exclusion de principe des candidatures à ladite constituante des élus nationaux. En second lieu, il ne faut pas minimiser également la crainte des politiques vis-à-vis du recours plus fréquent aux référendums, d’initiative ou de véto populaire, permis par les nouvelles dispositions constitutionnelles de 2011. En d’autres termes, la réaction négative des parlementaires se mesure à la hauteur de leur mise à l’écart du processus constituant ou de leur possible perte d’influence dans le cadre du nouveau schéma constitutionnel de prise de décision politique. Enfin, la future et nécessaire entrée en vigueur d’une loi de liberté de l’information fondée, elle aussi, sur les nouvelles dispositions de la Constitution et sur des exigences accrues de transparence, ne rassurait pas forcément certains politiciens. L’article 15 du projet de Constitution de 2011, jugé trop détaillé par la Commission de Venise dans son avis précité(54), mentionnait en l’occurrence que « les informations et documents détenus par l’État sont accessibles sans exception et la loi garantit l’accès du public à tous les documents collectés ou financés par les autorités. Le public doit pouvoir accéder à la liste de toutes les affaires traitées et de tous les documents détenus par l’État, avec la description de la source et du contenu ».

Si le processus islandais fut un échec, il n’en reste pas moins une expérience intéressante et riche de leçons à tirer pour une future réussite démocratique en Islande ou ailleurs. L’introduction du peuple dans la procédure d’écriture de la Constitution ne peut être associée à une appréciation finale du texte fondamental par les représentants du souverain sous peine de créer déception et fracture dès lors que le Parlement oppose un silence ou une fin de non-recevoir. En revanche,la mise en place – dans la phase intermédiaire de rédaction de la Constitution – d’une véritable co-écriture entre les citoyens et les parlementaires y compris avec le support du numérique, suivie d’une validation du texte constitutionnel par un référendum décisionnel, peut être une piste envisageable pour faire revivre la démocratie représentative grâce à la démocratie participative. Pour conforter ou infirmer ce sentiment, l’exemple récent du Sri Lanka est donc à observer de près en la matière. En 2016, un processus constituant a effectivement été lancé en faisant une large place à une écriture numérique de la Constitution par les citoyens connectés. Cette étape doit être suivie d’un référendum et d’une ratification finale de la Constitution par les 2/3 des membres du Parlement(55). La question qui demeure est de savoir si la démocratie des îles est une démocratie en ligne vouée à l’échec ou si elle constitue un modèle émergeant pour l’ensemble des pays(56) ?

(1) Cette contribution est issue d’une communication prononcée le 4 novembre 2016 à Montpellier dans le cadre de la journée d’études décentralisées de l’AFDC organisée par le CERCOP sur « Le numérique au service du renouvellement de la vie politique ? » dont les actes seront prochainement publiés par la Fondation Varenne. La présente publication a reçu l’aimable autorisation de cette maison d’édition.

(2) V. La version française de cette Constitution sur le site Digithèque de matériaux juridiques et politiques de l’Université de Perpignan, http://mjp.univ-perp.fr/constit/is1944‑0.htm

(3) Parti de l’Indépendance.

(4) Parti du Progrès.

(5) Parti de l’Alliance social-démocrate.

(6) Pour consulter le projet constitutionnel du 29 juillet 2011 dans son intégralité en version française, voir le site Digithèque de matériaux juridiques et politiques de l’Université de Perpignan, http://mjp.univ-perp.fr/constit/is2011p.htm

(7) V. Ibrahim Ö. Kaboğlu et Éric Sales, « Le droit constitutionnel turc, entre coup d’État et démocratie », L’Harmattan, 2015, p. 117 et s.

(8) V. Silla Sigurgeirsdóttir et Robert Wade, « Une Constitution pour changer l’Islande », Le Monde diplomatique du 18 octobre 2012.

(9) V. Les Échos, « L’Islande victorieuse dans l’affaire Icesave », https://www.lesechos.fr/28/01/2013/lesechos.fr/0202530192351_l-islande victorieuse-dans-laffaire- icesave.htm

(10) Il s’agit du parti de l’Indépendance.

(11) V. Michel Sallé, « Islande. La révision “participative” de la Constitution ou comment passer du rêve à la réalité », P@ges Europe, 12 novembre 2012 – La Documentation française © DILA. L’auteur précise en effet que « centrées au départ sur une demande de démission de Davíð Oddsson, ancien Premier ministre puis gouverneur de la Banque centrale et considéré comme responsable de la situation, les revendications se sont rapidement élargies à la démission du gouvernement et à une refonte des institutions “par le peuple” ».

(12) V. Michel Sallé, préc.

(13) Silla Sigurgeirsdottir et Robert Wade, « Quand le peuple islandais vote contre les banquiers », Le Monde diplomatique, mai 2011.

(14) V. Thorvaldur Gylfason, « Putsch, la Constitution islandaise rédigée par le peuple a été assassinée par le Parlement », http://www.vivreenislande.fr/2013/03/la-constitution-islandaiseassassinee.html

(15) V. « Islande, la révolution silencieuse », http://www.investigaction.net/Islande-la-revolutionsilencieuse/, 27 janvier 2011. V. également, Pascal Riché, Comment l’Islande a vaincu la crise, Versilio, 2013.

(16) V. Jérôme Salski, La révolution des casseroles, chronique d’une nouvelle Constitution pour l’Islande, éd. La Contre Allée, 2012.

(17) V. Michel Sallé, préc.

(18) V. Adrien Calvez-Petit, « Islande : une Constitution citoyenne », Mediapart, 2 mars 2012.

(19) En vertu de l’article 79, les amendements constitutionnels doivent être adoptés par le Parlement. Ensuite, de nouvelles élections législatives doivent être organisées après la dissolution du Parlement. Enfin, si la nouvelle assemblée ratifie le même texte, la révision une fois approuvée par le Président prend effet.

(20) 36 % de suffrages exprimés.

(21) V. Silla Sigurgeirsdóttir et Robert Wade, « Une Constitution pour changer l’Islande », Le Monde diplomatique du 18 octobre 2012. Selon les auteurs, « paradoxalement, à la suite d’une plainte déposée par trois personnes proches du Parti de l’indépendance, au motif que les isoloirs choisis n’auraient pas permis de garantir la confidentialité, la Cour suprême a invalidé les élections tout en admettant que ces raisons techniques n’étaient pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin ».

(22) Les juges sont nommés par le ministre de l’Intérieur lequel est par ailleurs ministre de la Justice. V. en ce sens les précisions apportées par M. Sallé, « Islande. Une révision “participative” de la Constitution », Grande Europe numéro 36, septembre 2011, La Documentation française, DILA.

(23) M. Sallé, préc.

(24) V. Silla Sigurgeirsdóttir et Robert Wade, « Une Constitution pour changer l’Islande », Le Monde diplomatique du 18 octobre 2012. Selon les auteurs, « en 2012, selon l’Agence de statistiques islandaises, l’accès à Internet est de 93 à 96 % à l’échelle individuelle et de 92 à 95 % chez les ménages islandais ».

(25) « Le crowdsourcing consiste littéralement à externaliser (to out source) une activité vers la foule (crowd) c’est-à-dire vers un grand nombre d’acteurs anonymes… Bien que le phénomène soit ancien… son essor est fortement lié au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et, plus particulièrement, du Web 2.0 qui facilite la mise en relation d’un grand nombre d’acteurs dispersés ». V. en ce sens, Thierry Burger-Helmchen, Julien Pénin, « Crowdsourcing : définition, enjeux, typologie », Management & Avenir, 1/2011 (n° 41), p. 254‑269, http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir- 2011‑1-page-254.htm

(26) Ce qui représente environ 1 à 2 % de la population du pays laquelle est estimée à 320 000 habitants.

(27) Terme suggéré par Fabrice Hourquebie lors d’un échange intervenu à la suite de la présentation de cette communication dans le cadre de la journée nationale d’étude de l’AFDC sur « Le droit constitutionnel à l’épreuve du numérique », Paris, 17 mars 2017.

(28) Selon cette disposition, « l’accès à l’Internet et à l’information ne peut être interdit que par décision judiciaire et aux mêmes conditions que celles prévues pour la limitation de la liberté d’opinion ».

(29) En vertu de l’article 66, « Dix pour cent des électeurs ont pouvoir de proposer un projet de loi au Parlement. Le Parlement peut présenter une contreproposition sous la forme d’un autre projet de loi. Sauf retrait du projet de loi par les électeurs, ce projet est soumis à référendum conjointement avec l’éventuel projet de loi rédigé par le Parlement. Le Parlement a pouvoir de décider que le référendum aura portée obligatoire. La proposition des électeurs est soumise au vote dans le délai de deux ans après soumission au Parlement ».

(30) En observation de l’article 65, « Dix pour cent des électeurs ont pouvoir de demander qu’une loi votée par le Parlement soit soumise à référendum national. La demande doit être présentée dans les trois mois à compter de l’adoption de la loi considérée. La loi est caduque si les électeurs la rejettent ; dans le cas contraire, elle conserve sa validité. Le Parlement a pouvoir de retirer la loi avant tenue du référendum. Le référendum a lieu dans le délai d’un an après que les électeurs en ont fait la demande ».

(31) L’article 67 encadre effectivement les procédures de pétition et de référendum. « Les questions soumises au référendum à la demande ou à l’initiative des électeurs en vertu des articles 65 et 66 de la Constitution doivent être d’intérêt public. Le vote ne doit pas porter sur des budgets, des collectifs budgétaires ou des dispositions législatives relatives aux engagements internationaux, à la fiscalité ou à la citoyenneté. Il est fait en sorte que toute proposition des électeurs soit conforme à la Constitution. Les tribunaux tranchent tout litige connexe.
La loi fixe les procédures relatives aux pétitions et initiatives des électeurs, s’agissant notamment des modalités de présentation et de l’interprétation de la demande, du délai de collecte des signatures et de leur traitement, du montant maximal des dépenses publicitaires autorisées, des modalités de retrait éventuel de la demande une fois connue la position du Parlement, et des modalités de vote ».

(32) Plusieurs questions étaient posées aux citoyens islandais dans le cadre de cette consultation : « Voulez-vous que les propositions du CC forment les bases de la nouvelle Constitution ? », 66,3 % de « oui » ; « Voulez-vous que, dans la nouvelle Constitution, les ressources naturelles qui ne sont pas privées soient déclarées propriété de la Nation ? », 82,9 % de « oui » ; « Voulez-vous que la nouvelle Constitution prévoit qu’une certaine proportion du corps électoral puisse exiger la tenue d’un référendum ? », 73,9 % de « oui »…

(33) En ce sens, voir le point de vue de certains experts étrangers comme celui du Professeur J. Elster de l’Université de Columbia ou celui du Professeur T. Ginsburg de l’Université de Chicago. V. Thorvaldur Gylfason, « Democracy on Ice : A Post-mortem of the Icelandic Constitution », 19 June 2013, https://www.opendemocracy.net/can-europe-make-it/thorvaldur-gylfason/democracy-on-ice-post-mortem-of-icelandic-constitution

(34) V. Thorvaldur Gylfason, « Putsch, la Constitution islandaise rédigée par le peuple a été assassinée par le Parlement », http://www.vivreenislande.fr/2013/03/la-constitution-islandaiseassassinee.html

(35) Avis de la Commission de Venise 702/2012 du 11 mars 2013, CDL-AD (2013) 010. 36- Avis

(36) Avis de la Commission de Venise, préc. p. 4, p. 24 et p. 33.
(37) Avis préc., p. 4 et p. 34.

(38) Avis préc., p. 5.

(39) Avis préc., p. 5.

(40) Avis préc., p. 4.

(41) Avis préc., p. 32.

(42) V. l’article 113 du projet constitutionnel de 2011.

(43) Avis préc., p. 32.

(44) À ce propos, le Parlement a voté le 27 mars 2013 une loi modifiant la procédure de révision de la Constitution. Si elle est confirmée par la prochaine assemblée, il faudra, pour changer le texte fondamental, une majorité parlementaire des 2/3 et une approbation par 40 % des électeurs inscrits sur les listes électorales. V. en ce sens, M. Sallé, « Islande. Que reste-t‑il de la “révolution des casseroles” ? », P@ges Europe, 18 juin 2013, La Documentation française, DILA.

(45) Il était néanmoins délicat de le faire car l’Islande connaissait pour la première fois de son histoire l’alternance politique en 2009. La nouvelle majorité au pouvoir, issue d’une coalition entre la gauche et les écologistes, n’a pas immédiatement envisagé de réviser la procédure de révision car l’article 79 lui impose, dans ce cas, une dissolution du Parlement et l’organisation d’élections législatives anticipées à l’occasion desquelles il y avait un risque – toujours présent – de changement politique. L’option principale était donc de gouverner pendant quatre ans.

(46) V. Thorvaldur Gylfason, « Putsch, la Constitution islandaise rédigée par le peuple a été assassinée par le Parlement », préc. L’auteur précise que « 32 des 63 membres du Parlement ont été entraînés par une campagne de courriels organisée par des citoyens ordinaires pour déclarer qu’ils soutenaient ce projet de loi et qu’ils voulaient l’adopter immédiatement. Cependant, malgré ces déclarations publiques, le projet de loi n’a pas été soumis à un vote au Parlement ».

(47) Ibid. V. également, M. Sallé, « Islande. Que reste-t‑il de la “révolution des casseroles” ? », préc.

(48) Il est vrai toutefois que l’offre politique ne donnait pas d’autres alternatives que celle-là.

(49) En 2013, le parti totalise 9 sièges au Parlement contre 20 à l’occasion des élections législatives de 2009.

(50) Ce parti perd également la moitié des sièges en passant de 14 en 2009 à 7 en 2013.

(51) Le parti Indépendant comptabilise 19 sièges en 2013 là où il en détenait 16 précédemment.

(52) Le parti Progrès remonte à 19 sièges en 2013 alors qu’il en totalisait 9 en 2009.

(53) V. Thorvaldur Gylfason, préc.

(54) V. Commission de Venise, avis préc., p. 12. Sur ce sujet, l’avis précise « qu’il est regrettable qu’une Constitution soit conçue avant tout à la lumière d’une expérience historique malheureuse ».

(55) Julien Bouissou, « Les Sri-lankais rédigent leur nouvelle Constitution sur Internet », Le Monde, 1er février 2016.

(56) Le Chili a mis en place en 2016 – à la suite de « dialogues citoyens » – un document intitulé « fondements citoyens pour une nouvelle Constitution » ayant vocation à servir de base à une discussion parlementaire d’un projet de réforme de la Constitution. Pour une présentation historique de ce mouvement réformiste, v. Jacques Le Bourgeois, « Le mouvement constitutionnaliste chilien ou le rêve démocratique », Les cahiers de psychologie politique (en ligne), numéro 26, janvier 2015.