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Le principe d'égalité appliqué aux femmes dans la jurisprudence de la Cour Suprême américaine

Michel ROSENFELD - Professeur titulaire de la chaire Justice Sydney L. Robins en droits fondamentaux - Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Cardozo School of law, New York

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 5 - novembre 1998

I.

La décision de la Cour Suprême des Etats-Unis dans l'affaire US c/ Virginie (1996), prise par 7 voix contre 1, a pour effet de garantir aux femmes américaines une quasi-égalité constitutionnelle avec les hommes. Jusque dans les années 1970, le traitement inégal des femmes était considéré comme constitutionnellement acceptable à condition qu'il fût possible de démontrer de manière cohérente que l'inégalité constituait un moyen rationnel d'atteindre un objectif légitime de l'Etat .Malgré les progrès énormes réalisés depuis les années 1970, l'inégalité de traitement des femmes est demeurée constitutionnellement admise à condition qu'elle fût manifestement proportionnelle à un objectif important de l'Etat. Cet état de choses perdura jusqu'à ce que l'avis rédigé par Madame le juge Ginsburg pour la Cour Suprême dans l'affaire US c/ Virginie dît pour droit que les discriminations sexuelles prévues par la loi sont contraires à la Constitution à moins que l'état puisse les étayer par une « justification extrêmement convaincante. »

La voie qui conduit à l'adoption du critère employé dans l'affaire US c/ Virginie fut à la fois long et pénible, et ce pour différentes raisons. La première de celles-ci était que la Constitution des Etats-Unis adoptée en 1787 ne comportait aucune disposition prévoyant des droits à l'égalité, car cela n'aurait pas été cohérent avec le maintien de l'esclavage ; et lorsque l'égalité fut enfin prévue en 1868, à la suite de l'abolition de l'esclavage à la fin de la Guerre Civile, la notion d'égalité se comprenait presque exclusivement par rapport aux anciens esclaves, puisqu'elle était rédigée sans aucune référence aux femmes. En effet, contrairement à la Constitution française de 1958 (le Préambule de la Constitution de 1946 est placé en tête de celle-ci), qui proscrit explicitement la discrimination sur le fondement du sexe, la Clause de la Protection Égale contenue dans le Quatorzième Amendement de la Constitution des Etats-Unis traite l'égalité de la manière la plus générale et la plus abstraite qui soit, puisqu'elle se borne à disposer qu'aucun Etat ne peut « refuser à qui que ce soit se trouvant sur son territoire la protection égale de la loi ».

Le fait même que la Clause de la Protection Égale ait été rédigée de la manière la plus générale possible a contribué dans une large mesure aux variations considérables de sens accordées au concept d'égalité appliqué aux femmes depuis l'adoption du Quatorzième Amendement, il y a cent trente ans de cela. Malgré un consensus général sur le principe selon lequel la Clause de la Protection Égale oblige les Etats à se conformer aux exigences de l'égalité formelle - c'est-à-dire que des personnes en situations similaires doivent être traitées de façon similaire - il y a peu de terrain d'entente pour le reste, et en particulier en ce qui concerne la question de savoir si les hommes et les femmes sont en situation comparable et à quel point ils peuvent être considérés comme similaires malgré certaines différences patentes. En outre, l'effet conjugué du consensus sur l'égalité formelle et des divergences considérables sur les questions de fond fait que l'égalité constitutionnelle apparaît toute à la fois cruciale et difficile à saisir. Cruciale, puisqu'il s'agit du droit constitutionnellement garanti le plus invoqué, étant donné que n'importe quelle loi peut être contestée en fonction d'arguments liés à l'égalité constitutionnelle, soit que des personnes en situation similaire ne reçoivent pas un traitement similaire, soit que certaines personnes en situation non similaire sont traitées de façon similaire. En outre, l'égalité constitutionnelle restera hors d'atteinte aussi longtemps que persisteront les divergences sur ce qui constitue une similarité ou une différence pertinente.

Les divergences sur ce qui constitue une similarité ou une différence pertinente font obstacle à une jurisprudence cohérente et convaincante sur l'égalité constitutionnelle. Cet obstacle est rendu encore plus insurmontable dans le cas de l'égalité entre sexes par l'absence d'accord général sur les différences qui existent entre hommes et femmes et sur la pertinence juridique de ces différences que pourtant tout le monde reconnaît. Il peut y avoir divergence générale sur l'existence de certaines différences sociales ou psychologiques entre les hommes et les femmes, comme il peut y avoir accord sur les différences physiologiques sans qu'il y ait pour autant consensus sur leur portée constitutionnelle.

Dans un monde idéal, l'égalité constitutionnelle devrait tenir compte de toutes les similarités et de toutes les différences pertinentes. Toutefois, dans une société pluraliste où la notion du bien varie fortement en fonction de l'individu, il n'est pas réaliste d'espérer obtenir un consensus sur la pertinence d'un large éventail de points communs et de différences. Il s'ensuit que dans les sociétés pluralistes l'égalité constitutionnelle au sens strict du terme restera à jamais un idéal irréalisable. L'utilité d'une interprétation de l'égalité constitutionnelle sera d'autant plus nécessaire qu'elle visera à éliminer certaines formes d'inégalité spécifiques plutôt qu'à poursuivre l'objectif chimérique d'une égalité approximative en termes globaux. Les dispositions constitutionnelles, conçues de manière à proscrire certaines formes d'inégalité, correspondent d'ailleurs à la pratique actuelle, non seulement en France et aux Etats-Unis mais également dans d'autres démocraties constitutionnelles telles que l'Allemagne.

Que le juge constitutionnel choisisse de cibler certaines inégalités spécifiques plutôt que le concept de l'égalité en général et sa tâche lui sera grandement facilitée. Toutefois, il est toujours nécessaire de rechercher un équilibre entre le fond et la forme. Aux Etats-Unis la recherche de cet équilibre est particulièrement difficile puisque la Clause de la Protection Egale elle-même ne fournit aucune orientation quant aux inégalités à identifier comme contraires à la Constitution. Mais l'objectif qui consiste à équilibrer fond et forme est toujours problématique, même dans le cadre d'une Constitution qui énumère les inégalités qu'elle proscrit explicitement. Une Constitution, par exemple, qui interdit expressément la discrimination sur la base du sexe ne prévoit pas nécessairement les critères permettant de déterminer quelles différences entre les sexes peuvent éventuellement justifier une différence de traitement. Une jurisprudence cohérente de l'égalité constitutionnelle exige donc que les inégalités qui sont proscrites et les différences qui doivent être retenues soient définies au préalable.

II.

Le fait que la Clause de la Protection Egale ne vise pas expressément les inégalités fondées sur le sexe explique dans une certaine mesure les disparités de traitement de ces inégalités tout au long de l'histoire du Quatorzième Amendement. Il faut ajouter que ces disparités de traitement découlent également, en partie du moins, de l'évolution des attitudes aux Etats-Unis en ce qui concerne les différences entre les sexes. Autrement dit, il y a des facteurs tant internes au droit qu'externes à celui-ci qui expliquent qu'au début, les discriminations fondées sur le sexe étaient largement considérées comme constitutionnellement admises alors que de nos jours de telles discriminations sont soumises à un contrôle presque aussi sévère que les discriminations raciales ou religieuses.

Dans l'Amérique contemporaine, les discriminations raciales d'une part et sexuelles d'autre part sont considérées comme des manquements d'égale gravité envers la Clause de la Protection Egale. De ce fait, il peut sembler quelque peu étonnant que les discriminations raciales soient systématiquement soumises à un contrôle plus approfondi que les discriminations sur la base du sexe. Toutefois, après examen il s'avère que cette distinction n'engendre pas d'incohérence mais reflète plutôt la distinction substantielle opérée entre égalité des races et égalité des sexes. D'un point de vue strictement formel, les deux égalités sont par essence comparables : ni les femmes ni les minorités raciales ne devraient être défavorisées en raison exclusivement de leur sexe ou de leur appartenance raciale. Du point de vue de la question de fond, par contre, il semble plus facile de promouvoir l'égalité des races que l'égalité des sexes. La raison en est que la notion d'égalité des races se confond couramment en une notion d'assimilation tandis que la notion d'égalité des sexes se présente de façon bien plus complexe, se traduisant selon les circonstances tantôt par une notion d'assimilation, tantôt par une notion de différentiation. C'est ainsi, qu'à l'exception éventuelle de la discrimination positive, les différences entre races devraient tout simplement être ignorées, alors que l'égalité entre les sexes peut exiger que les différences soient ignorées ou, au contraire, renforcées dans tel ou tel sens, selon le contexte. Par conséquent, même s'il existe une présomption pratiquement irréfragable selon laquelle l'origine raciale ne devrait jamais être prise en compte et que ceci suffise comme moyen de promouvoir l'égalité des races, une telle présomption sur la plan de l'égalité des sexes peut avoir pour effet aussi bien de réduire l'égalité des femmes que de la promouvoir.

Il convient de noter, d'une part, qu'un relâchement de la vigilance dans l'examen des discriminations fondées sur le sexe peut contribuer à augmenter le degré d'égalité des sexes sous réserve que les différences pertinentes soient prises en compte. Mais, d'autre part, il ne faut pas perdre de vue que, tant qu'il n'y a pas de consensus sur la pertinence des différences fondées sur le sexe, un contrôle moins strict peut tout aussi bien fournir l'occasion de dénier l'égalité des femmes que de la promouvoir. Compte tenu de ces complexités, il n'est pas certain qu'un critère constitutionnel unique suffirait pour éliminer l'ensemble des inégalités dont pâtissent les femmes américaines.

Afin de mieux évaluer la jurisprudence américaine sur l'égalité constitutionnelle des femmes et faire une meilleure approche critique de la volumineuse production jurisprudentielle de la Cour Suprême en la matière, il est nécessaire de la replacer dans le contexte de la dialectique de l'égalité. Sur le plan général, l'évolution des critères contemporains de l'égalité constitutionnelle doit être appréciée depuis sa première expression moderne qui apparaît au moment de la Révolution française de 1789. Cette lutte, dont les racines se trouvent dans le rejet des privilèges conférés par la naissance et le statut social, lesquelles revêtaient une importance capitale dans les sociétés féodales, évolue selon un processus dialectique comportant trois phases conduisant, selon une progression logique, de l'inégalité à la plus parfaite égalité garantie par la Constitution. Lors de la première phase, la différence est en corrélation directe avec l'inégalité, c'est-à-dire que ceux qui sont considérés comme différents sont légitimement l'objet d'un traitement différent - inférieur ou supérieur - selon leur situation dans la hiérarchie. Lors de la deuxième phase, l'identité est en corrélation avec l'égalité, c'est-à-dire que tout un chacun a le droit d'être traité de la même façon pour autant qu'il ou elle se conforme à certains critères d'identité. Enfin, une fois la troisième phase entamée, c'est la différence qui se trouve correllée à l'égalité, c'est-à-dire que chacun est traité en fonction de ses besoins et aspirations.

Cette dialectique en trois phases trouve une illustration particulièrement éloquente dans l'évolution des rapports sociaux, politiques et juridico-constitutionnels entre les hommes et les femmes. Même après l'adoption de la Clause de la Protection Egale, les femmes n'étaient pas considérées comme égales aux hommes. Les noirs ont obtenu le droit de vote en 1870, alors que les femmes ont dû l'attendre un demi-siècle encore. En outre, la rhétorique employée pour justifier le refus d'accorder l'égalité aux femmes divergeait nettement de celle utilisée par ceux qui étaient en faveur du maintien de l'esclavage pendant la période précédant la Guerre Civile ; néanmoins, ceci ne change rien au fait qu'en fin de compte les femmes étaient généralement considérées comme inférieures aux hommes d'un point de vue constitutionnel.

Compte tenu de ces antécédents historiques, le meilleur espoir que peuvent nourrir les femmes pour sortir de leur situation d'infériorité dans la deuxième phase de la dialectique de l'égalité consiste à poursuivre une stratégie mettant l'accent sur ce que les deux sexes ont en commun tout en reléguant à l'arrière-plan ce qui les distingue.

Les demandes d'égalité exprimées par les femmes le sont dans le cadre d'une société dominée par les hommes. Par conséquent, l'identité que les femmes cherchent à affirmer devra être conçue dans une perspective masculine. Par exemple, si les femmes veulent obtenir l'égalité des chances sur le plan professionnel, elles se voient contraintes de s'adapter à un environnement conçu pour les hommes et de sacrifier dans la même mesure leur vocation de mettre au monde des enfants et de les élever, afin d'obtenir des chances de promotion égales à celles dont bénéficient leurs collègues masculins.

A partir de la troisième phase, les femmes parviendraient à l'égalité complète par la voie d'une prise en compte appropriée des différences entre les deux sexes sans pour autant se trouver désavantagées de quelque façon que ce soit en raison de telles différences. Dans cette optique, les femmes bénéficieraient des mêmes perspectives de carrière que les hommes tout en bénéficiant des facilités nécessaires pour assurer la maternité et l'éducation des enfants. Parallèlement, dans le cadre de cette même phase, le droit de la femme à l'interruption de grossesse ferait partie intégrante de son droit à l'égalité, car ainsi elle bénéficierait du droit d'être maîtresse de son corps à l'égal des hommes.

III.

Aussi longtemps que l'on ne dépasse pas les deux premières phases du processus dialectique de l'égalité, l'inégalité de traitement de la femme va de pair avec son inégalité en tant que telle. Dès que l'on passe à la phase trois, cependant, la corrélation entre traitement inégal et inégalité devient de moins en moins forte. De ce fait, il est intellectuellement acceptable de défendre sur le plan constitutionnel le traitement spécial réservé aux femmes, voire les discriminations positives pratiquées en leur faveur, lors de cette troisième phase. La lutte engagée en vue de parvenir à la deuxième phase se caractérise par une accentuation des similitudes aux dépens des différences, alors qu'atteindre la troisième phase nécessite de déplacer l'attention sur les différences qui persistent. Du point de vue purement théorique, ce recentrage conduit à une représentation des différences qui n'a rien à voir avec celle qui caractérise la première phase. En effet, lors de la troisième phase, on cherche à mettre en avant les différences dans le but d'éliminer les injustices et de parvenir à l'égalité entre la condition des femmes et celle des hommes, alors que dans la première il s'agit plutôt d'invoquer les différences en tant que manifestations d'infériorité ou de supériorité. Cela dit, nonobstant cette divergence importante de perspective, l'accent mis lors de la troisième phase sur les différences n'est pas exempt de risques car ce déplacement de l'attention vers les différences aux dépens des similitudes engendre la menace d'un retour à la première phase. Par exemple, tant que les similitudes seront mises en avant, notamment lorsqu'on invoque l'argument que les femmes sont tout aussi capables que les hommes d'assumer des responsabilités professionnelles, il ne sera guère facile de convaincre l'opinion publique que les hommes devraient bénéficier d'une situation privilégiée sur les lieux du travail. En revanche, si, pour assurer l'égalité, dès que les différences sont mises en valeur, notamment lorsqu'il s'agit d' accorder aux femmes des facilités particulières pour éviter qu'elles supportent seules les contraintes inhérentes à la maternité et à l'éducation des enfants, ceux qui s'opposent à l'égalité des chances risquent précisément d'invoquer les arguments déployés pour soutenir les revendications des femmes et de les retourner contre celles qui travaillent : le simple fait qu'elles demandent des facilités particulières prouve que les femmes ne sont pas capables d'exercer avec succès les mêmes responsabilités professionnelles que celles confiées aux hommes.

Il ressort à l'évidence des observations qui précèdent que, parmi les tâches prioritaires incombant à ceux qui ont la charge de définir l'égalité au sens de la Constitution, figure celle qui consiste à déterminer quelles sont les différences entre les deux sexes qu'il convient de considérer comme pertinentes dans le cadre du contrôle constitutionnel compte tenu des circonstances. Un survol de la jurisprudence de la Cour Suprême concernant l'égalité des deux sexes permet de constater que trois types de différences ont joué un rôle significatif, voire déterminant, dans la motivation des décisions judiciaires au niveau constitutionnel - les différences sociales, les différences psychologiques et les différences physiologiques. Les pages qui suivent sont consacrées à l'approche suivie par la Cour Suprême dans ces domaines au fil des ans et comportent une évaluation critique des décisions relatives aux trois phases de la dialectique de l'égalité telle qu'exposée ci-dessus.

Dans les premières affaires qu'elle a eues à juger, la Cour Suprême a admis l'inégalité de traitement entre hommes et femmes sur la base des trois catégories de différences identifiées ci-dessus. Aujourd'hui, il semble clair que ces décisions ont contribué à désavantager les femmes et à les maintenir en situation d'infériorité. Si on les replace dans leur contexte historique, il est possible de démontrer que certaines de ces décisions avaient pour objectif d'améliorer la situation des femmes. Dans l'affaire Bradwell susmentionnée, par exemple, qui fut jugée en 1873, la Cour Suprême a admis la législation d'un Etat qui refusait aux femmes l'autorisation d'exercer les professions juridiques au motif que des différences sociales existaient entre les deux sexes. La Cour souligna que le rôle de la femme était celui d'épouse et de mère et que tolérer qu'il y ait des femmes juristes reviendrait à menacer la structure sociale de la société. Bien que la motivation de la décision ait été plutôt paternaliste, elle a très nettement eu pour effet de renforcer l'inégalité des femmes en les privant des chances offertes aux hommes à niveau égal de qualification. Même si une large proportion de la société a pu soutenir, très sincèrement, la pertinence de la différence sociale entre les sexes, il demeure que cette différence était produite par la société et pouvait donc servir aussi bien de justification de l'inégalité que d'explication de celle-ci. Quoi qu'il en soit, Myra Bradwell, celle qui sollicitait son admission au barreau de l'Illinois, cherchait à obtenir l'égalité de la deuxième phase alors que la Cour concéda la victoire aux adeptes de la première phase.

L'affaire Muller c/ Oregon, jugée en 1908, tout en n'ayant pas vraiment pour objet le principe d'égalité, confirma la validité d'une inégalité de traitement entre hommes et femmes. Contrairement à la décision Bradwell, celle de l'affaire Muller ne plaçait pas les femmes dans une situation d'infériorité manifeste. Il peut être en effet soutenu que l'attention portée dans la décision Muller aux différences physiologiques entre les sexes a permis de garantir aux femmes sur le marché de l'emploi une situation privilégiée par rapport à celle des hommes. Dans l'affaire Muller, la Cour Suprême confirma la validité d'une loi de l'Oregon interdisant l'emploi des femmes dans les usines au-delà de dix heures par jour, malgré la décision de censure, prise trois ans auparavant, contre une loi de New York limitant l'horaire hebdomadaire dans le secteur de la boulangerie pour atteinte aux droits fondamentaux de la propriété et de la liberté contractuelle. La décision de la Cour dans l'affaire Muller ne mettait pas en question la conception dominante à l'époque de la philosophie dite du « laisser-faire ». Toutefois, la Cour confirma la loi de l'Oregon contestée devant elle. « La structure physiologique des femmes » les place, selon la Cour, en position désavantageuse dans la lutte pour la survie". La Cour constata, en outre, que « des mères en bonne santé étant indispensables à une jeunesse vigoureuse, le bien-être physique des femmes devrait être considéré comme une question d'intérêt public ».

Toutefois, dans la mesure où les conditions de travail, à l'époque de l'affaire Muller, étaient inhumaines, la protection supplémentaire accordée aux femmes a très bien pu tourner à leur avantage. Un examen plus approfondi permet, toutefois, de conclure qu'en fin de compte elle leur a plutôt porté préjudice. En effet, la perception d'une infériorité physiologique des femmes ne correspond pas nécessairement à la réalité, et n'a peut-être que peu d'importance en termes de qualification pour un nombre considérable d'emplois. En outre, les restrictions imposées aux femmes en ce qui concerne le travail en usine peuvent entraîner des discriminations au niveau du recrutement et, partant, une moindre capacité de pourvoir à leurs propres besoins vitaux, ce qui désavantage manifestement les femmes par rapport à leurs homologues masculins. De surcroît, la préoccupation exprimée par la Cour selon laquelle il convient de veiller à ce que les femmes conservent la capacité de devenir des mères en bonne santé laisse supposer que la Cour n'envisage pas que les femmes travaillant à l'usine, puissent à la fois travailler en usine et conserver la responsabilité de l'éducation des enfants. Il va de soi que, dans son contexte, le paternalisme de l'arrêt Muller semble plus apte à perpétuer la subordination des femmes qu'à garantir leur égalité sur le lieu de travail.

La décision dans l'affaire Goesaert, qui intervient quarante ans après la décision Muller, confirme une loi qui désavantage manifestement les femmes en se fondant sur l'ensemble des trois différences soulignées ci-dessus, et notamment sur les différences psychologiques. Nous avons déjà relevé qu'une loi du Michigan interdisait la délivrance d'une autorisation d'exploiter un débit de boissons à toute femme qui ne serait ni épouse ni fille d'un exploitant masculin du débit en question. La Cour Suprême rejeta le recours constitutionnel dirigé contre cette loi au motif que celle-ci satisfaisait au test du contrôle restreint. Le but de la loi était de préserver l'ordre public, ce qui constitue un objectif « légitime » pour l'Etat. En outre, la Cour constata que les mesures légales prises à cette fin n'étaient manifestement pas disproportionnées avec l'objectif de préservation de l'ordre public. Ce « rapport raisonnable » entre le but poursuivi et les moyens mis en oeuvre par la loi peut sembler ténu ; néanmoins, il est possible de le justifier en se fondant sur les différences psychologiques entre les sexes. Par hypothèse, les hommes qui consomment une certaine quantité de boissons alcoolisées ont tendance à perdre leurs inhibitions et sont ainsi tentés de faire des avances inappropriées d'ordre sexuel aux exploitantes, alors que le fait de savoir que l'époux ou le père de celles-ci surveille de loin pourrait conduire à une modération de leur conduite. En fin de compte, même si ces présupposés étaient fondés, la loi comporte une discrimination manifeste envers les femmes et entérine leur inégalité. En conséquence, en dépit de la sympathie déployée envers les femmes soumises à ces tracasseries du fait de différences psychologiques existant entre les sexes, l'arrêt Goesaert renforce la conception de l'égalité telle qu'exprimée dans la première phase.

C'est au cours des années 1970 que la jurisprudence de la Cour Suprême en matière d'égalité pour les femmes évolue nettement dans le sens de l'égalité de la deuxième phase. Cette évolution est étroitement liée à la proposition d'Amendement à la Constitution : « Des droits égaux pour les hommes et les femmes », présentée par le Congrès. En 1972 le Congrès approuva une proposition d'amendement disposant que « l'égalité des droits devant la loi ne peut être refusée ou limitée pour raison d'appartenance sexuelle par les Etats-Unis ni par un quelconque Etat ». L'adoption d'une telle proposition de révision suppose sa ratification par les trois quarts des Etats. Malgré le soutien initial très encourageant, il manqua trois Etats pour atteindre la majorité requise dans les délais impartis par le Congrès, et ce malgré la prolongation de ceux-ci jusqu'en 1982. Les désaccords portaient sur les raisons et les implications précises de l'amendement ; les adversaires de celui-ci craignaient qu'il puisse avoir pour effet d'interdire toute forme de traitement préférentiel des hommes ou des femmes, même fondé sur des différences tangibles entre les sexes.

Malgré l'échec de « l'Amendement », les décisions prises par la Cour Suprême dans ce domaine au cours des années 1970 ont, tout au moins partiellement, eu le même effet que celui attendu de cette révision constitutionnelle. En exerçant un contrôle normal sur les mesures contestées pour discrimination sexuelle, la Cour a fait avancer le principe d'égalité pour les femmes vers la deuxième phase, quoique de façon moins complète et moins systématique que si l'amendement proposé avait été adopté. Plus précisément, même si un contrôle normal laissait une plus grande marge d'appréciation que l'amendement proposé, il est possible que ce contrôle ait représenté un moyen moins efficace d'atteindre la réalisation complète de l'égalité au sens de la deuxième phase, bien que, par ailleurs, il paraisse plus apte à assurer la transition de la deuxième à la troisième phase.

Le passage à un contrôle normal révèle une évolution : partant d'une différentiation idéale des sexes on passe à leur assimilation idéale., le problème de la définition et du traitement des différences entre les sexes restant tout aussi complexe en cas d'application d'un contrôle normal. Ce point est illustré de façon éloquente par la décision prise dans l'affaire Craig c/ Boren (cf. supra) de 1976, dans laquelle une majorité des membres de la Cour Suprême était parvenue en définitive à un consensus en acceptant l'exercice d'un contrôle normal. Cette affaire portait sur une loi d'un Etat qui interdisait la vente de bière aux hommes âgés de moins de 21 ans tout en l'autorisant aux femmes à partir de l'âge de 18 ans. La justification avancée par l'Etat était que les hommes avaient plus tendance que les femmes à conduire en état d'ivresse et que les statistiques démontraient qu'un pourcentage plus élevé de jeunes gens que de jeunes femmes était impliqué dans des accidents provoqués par la consommation d'alcool. Le recours fut intenté au nom des hommes âgés de 18 à 21 ans pour discrimination fondée sur le sexe.

A première vue, la loi invalidée par la décision Craig plaçait les hommes en situation désavantageuse ; de plus, elle était fondée sur des différences entre les sexes, tant sociales que psychologiques, entraînant des conséquences concrètes. En revanche, une analyse plus approfondie, permet de comprendre que la loi, en réalité, perpétue une conception stéréotypée, et que même si ses connotations les plus immédiates présentent les hommes sous un jour peu flatteur, son économie générale est inspirée par des généralisations injustifiées qui ont pour effet de renforcer la subordination des femmes. Dès lors la loi en question, dans les faits , risquait d'avoir, à long terme, des effets plus profondément néfastes à l'encontre des femmes que des hommes.

L'invalidation par la Cour Suprême de la loi contestée dans l'affaire Craig, malgré la preuve apportée d'une disparité statistique du comportement entre les deux sexes, était fondée sur la constatation que le rapport entre l'objectif poursuivi par la loi et les mesures législatives était manifestement disproportionné. . En d'autres termes, la disparité statistique en question était aux yeux de la Cour un indice trop faible pour justifier une législation discriminatoire compte tenu du fait que d'autres mesures, telles qu'un alourdissement des sanctions imposées aux conducteurs en état d'ivresse, auraient indiscutablement été plus efficaces.

D'une manière générale, la période Craig c/ Boren se caractérise par un retrait de l'argument auparavant utilisé fondé sur des différences sociales et psychologiques, au bénéfice de la promotion de l'objectif d'assimilation dans le domaine des rapports entre les sexes. Le traitement par la Cour des différences physiologiques a cependant été bien plus problématique. A un certain niveau, les différences physiologiques paraissent moins difficiles à manier que les différences sociales et psychologiques, car elles sont incontestablement plus ancrées dans la réalité que purement conceptuelles. A d'autres niveaux, les différences physiologiques sont délicates, soit parce qu'on manque de certitude quant à la nécessité de les prendre en compte, soit parce qu'elles peuvent servir à camoufler, en réalité, l'application de stéréotypes sociaux ou psychologiques.

Ces dernières difficultés sont bien illustrées par la décision de la Cour Suprême dans l'affaire Michael M c/ Superior Court, dans laquelle un jeune homme de 17 ans contestait sa condamantion pour « viol fictif » après avoir eu des rapports sexuels avec une jeune femme consentante de 16 ans. Le jeune homme soulevait l'exception d'inconstitutionnalité de la loi pénale qui lui était appliquée au motif qu'elle pénalisait les rapports sexuels entre un homme et une femme âgée de moins de 18 ans mais pas ceux entre une femme et un homme âgé de moins de 18 ans. Le jugement final, très contesté au sein de la Cour, confirma la condamnation au motif que le risque de grossesse n'est encouru que par les femmes et que pénaliser l'homme plutôt que la femme est un moyen de rétablir équitablement une dissuasion vis-à-vis de l'un et de l'autre sexe.

Les auteurs de l'avis dissident objectaient que l'opinion de la majorité était fondée sur des stéréotypes sociaux et psychologiques humiliants pour les femmes, masqués derrière une différence physiologique réelle mais non-pertinente au regard de l'objectif poursuivi par la loi, à savoir décourager les rapports sexuels entre mineurs. En fait la différence entre les sexes peut être considérée comme sans effet dans les affaires de « viol fictif », et ce pour diverses raisons. Par exemple, les rapports en question étant consensuels, la crainte de la grossesse ne semble pas jouer le rôle dissuasif sur lequel compte la majorité des juges. En outre, les pratiques contraceptives réduisent dans une large mesure le risque de grossesse sans entraîner d'effet dissuasif significatif sur les partenaires sexuels qu'ils soient masculins ou féminins.En revanche, l'accent mis par la majorité des juges sur la différence physiologique cache mal des préjugés tels que celui selon lequel les jeunes femmes de moins de 18 ans sont psychologiquement incapables de consentir à l'acte sexuel ou que la perte de la virginité est socialement bien plus préjudiciable pour les femmes que pour les hommes.

S'il ressort de l'analyse des affaires évoquées ci-dessus, que la progression de la première vers la deuxième phase de l'égalité par l'exercice d'un contrôle normal n'est ni complète ni cohérente, l'égalité constitutionnelle des femmes s'est largement rapprochée de l'idéal assimilationiste de la deuxième phase de la dialectique de l'égalité. La décision de la Cour Suprême dans l'affaire US c/ Virginie renforce et confirme jurisprudentiellement cet idéal assimilationiste ; l'avis de Madame le juge Ginsburg permet de conclure qu'il reste constitutionnellement possible de se fonder sur les différences des femmes sans pour autant les placer en position d'infériorité, ce qui ouvre la possibilité d'une évolution ultérieure vers la troisième phase. En même temps, certains auteurs ont souligné que la jurisprudence de la Cour Suprême en matière d'application du contrôle normal laisse à désirer dans la mesure où l'égalité des femmes n'est admise que sous réserve que la conception masculine de la société le soit.

IV.

Il est vrai que l'idéal assimilationiste prédomine dans la jurisprudence actuelle relative à l'égalité des femmes ; néanmoins, il est possible d'imaginer ce que pourrait être la voie vers la troisième phase à partir d'un survol de la jurisprudence en matière de discriminations positives en faveur des femmes. Il convient toutefois de souligner que les discriminations positives ne conduisent pas nécessairement à l'égalité telle qu'on la conçoit dans la troisième phase. Il est nécessaire de distinguer les discriminations positives à caractère compensatoire de celles à caractère redistributif. L'égalité pleine et entière de la troisième phase suppose un traitement différentiel tenant compte des besoins et aspirations des unes et des autres en vue de l'obtention de certaines catégories d'égalité globale, ce qui en réalité laisse peu de place à la discrimination positive. Du point de vue de la pratique en revanche, les préjugés à l'encontre des femmes et les conceptions machistes sont parfois si profondément ancrés qu'il n'y a pas d'autre possibilité que le recours à la discrimination positive pour rompre avec le passé. Bref, si dans une société parvenue à l'égalité de troisième phase il ne reste aucune place pour la discrimination positive, le traitement préférentiel peut être invoqué pendant la période de transition entre la deuxième et la troisième phases.

Les discriminations positives à caractère compensatoire qui ne visent pas à conférer un avantage à leurs bénéficiaires mais plutôt à redresser les erreurs du passé, sont parfaitement compatibles avec la deuxième phase. Ceci ressort clairement de la décision de la Cour Suprême dans l'affaire Califano c/ Webster, dans laquelle la Cour confirma que n'était pas contraire à la Constitution un régime de calcul de prestations de vieillesse permettant aux femmes, mais non aux hommes, d'exclure les années où elles avaient été les moins bien payées du calcul de leur salaire mensuel moyen au cours de leur vie professionnelle. Si les femmes tiraient un avantage de ce régime, cet avantage n'était que relatif. Compte tenu du nombre d'années pendant lesquelles les conditions d'emploi ont été discriminatoires et leurs revenus inférieurs à ceux des hommes, les femmes auraient été injustement privées du bénéfice de prestations de vieillesse comparables à celui des hommes, tout en ayant travaillé aussi dur et aussi longtemps que ceux-ci.

Inversement, les discriminations positives à caractère distributif ne sont pas compatibles avec la deuxième phase, mais semblent l'être autant avec la transition vers l'égalité de la troisième phase qu'avec une régression vers celle de la première phase. De surcroît, cette double compatibilité se reflète inévitablement dans les incertitudes et les controverses qu'elle engendre couramment. Dans la mesure où la vie professionnelle a été organisée par les hommes, il semble difficile d'imaginer que les femmes puissent à la fois y réussir et maintenir leur identité. Dans ces conditions, le recrutement préférentiel de femmes peut provoquer un déplacement de l'équilibre du pouvoir sur le lieu de travail et encourager une féminisation de celui-ci, permettant, le cas échéant, de créer les conditions propices à l'avènement de la troisième phase.

Dans l'affaire Johnson c/ Transportation Agency, la Cour Suprême confirma une série de mesures de discrimination positive en faveur de l'emploi des femmes dans le secteur public. Le cas d'espèce concernait la promotion accordée à titre préférentiel à une femme dans une fonction traditionnellement réservée aux hommes. La Cour rejeta l'argument présenté par un homme ayant le même niveau de qualification (voire des qualifications légèrement supérieures), selon lequel la promotion en cause violait son droit constitutionnellement garanti, de ne faire l'objet d'aucune discrimination sur la base du sexe. Selon une interprétation possible, cette affaire fournit l'illustration d'une discrimination positive à caractère compensatoire dans la mesure où elle ouvre aux femmes des perspectives professionnelles dont elles étaient jusqu'alors indûment privées. Selon une autre interprétation, par contre, elle ouvre la porte à la féminisation de certaines activités jusqu'alors réservées exclusivement aux hommes, traçant ainsi la voie vers la troisième phase.

Citons à titre de contraste l'affaire Orr c/ Orr, qui concerne une situation dans laquelle le traitement préférentiel accordé aux femmes pourrait signifier un retour vers la première phase. Cette affaire concernait une loi de l'Alabama prévoyant, en cas de divorce, l'octroi d'une pension alimentaire pour l'épouse mais non pour l'époux. La motivation sous-jacente de la loi en était que les femmes divorcées se trouvant plus souvent dans le besoin que leurs ex-époux, cette différence justifiait une disparité de traitement selon les sexes. La Cour Suprême déclara que loi d'Alabama contestée était effectivement contraire à la Constitution ; elle souligna qu'au lieu de priver les hommes du bénéfice de la pension alimentaire, l'Etat pouvait très bien imposer une évaluation des besoins au cas par cas. L'intention du législateur était certes louable ; mais la loi renforçait le stéréotype défavorable selon lequel les femmes sont intrinsèquement dépendantes des hommes. De ce fait, cette loi a été jugée régressive et non progressiste.

Dans l'unique affaire où la Cour Suprême s'est réellement trouvée confrontée à une demande d'égalité de la troisième phase, elle rejeta la requête. Il s'agit de l'affaire Geduldig c/ Aiello, où la Cour déclara que l'exclusion des « incapacités qui accompagnent normalement la grossesse et la maternité » du régime d'assurance d'invalidité de l'Etat de Californie ne constituait pas une discrimination inadmissible envers les femmes. Cette décision est d'autant plus frappante que la réglementation californienne contestée accordait un bénéfice indemnitaire à des incapacités dont seuls les hommes souffrent, telles que les maladies liées à la prostate.

La majorité des juges de la Cour motiva la décision par le fait que l'exclusion contestée ne constituait pas une discrimination fondée sur le sexe, puisque toutes les femmes ne deviennent pas enceintes. Corrélativement, toujours selon la majorité, la réglementation était discriminatoire entre femmes enceintes et femmes qui ne l'étaient pas et les économies financières consécutives à l'exclusion bénéficiaient tant aux hommes qu'aux femmes non-enceintes. Cette exclusion de la grossesse peut évidemment être compatible avec l'assimilationisme de la deuxième phase, mais elle est manifestement incompatible avec la préoccupation spécifique de .la troisième phase qui consiste à tenir compte des différences afin de parvenir à l'égalité selon les besoins.

V.

Il est clair que la décision dans l'affaire US c/ Virginie contribue à ancrer la jurisprudence de la Cour suprême dans la deuxième phase. De plus, comme nous l'avons déjà indiqué, cette décision ouvre la voie à l'abandon de l'application du contrôle normal, mais il reste à déterminer dans quelle mesure. L'avis de Madame le juge Ginsburg prétend appliquer un contrôle normal, alors que, selon l'avis dissident du juge Scalia, la Cour, en réalité, est déjà passée du contrôle normal au contrôle strict.

Si c'est le juge Scalia qui a raison, l'affaire US c/ Virginie aura atteint l'objectif assimilationiste dont il faudra éventuellement payer le prix, à savoir un sérieux coup de frein donné au passage vers la troisième phase de l'égalité constitutionnelle des femmes. Pour connaître la direction dans laquelle évoluera éventuellement l'égalité constitutionnelle des femmes il faut attendre les décisions futures de la Cour Suprême ; toutefois il faut signaler que, dans son avis, Madame le juge Ginsburg est à la fois consciente de l'enjeu que constitue la troisième phase et ouverte à son avènement. « Les différences inhérentes entre hommes et femmes, telles que nous les avons évaluées, nous amènent plutôt à nous réjouir qu'à dénigrer l'un ou l'autre sexe (... ».

La jurisprudence américaine de l'égalité constitutionnelle des femmes évoluera à coup sûr au fur et à mesure qu'évolueront les perceptions, croyances et expériences en matière de rapports entre les sexes. L'aspect le plus remarquable de cette jurisprudence est peut-être son insertion dans des questions de fond malgré les efforts qui ont été faits pour la maintenir dans un cadre formel. En fin de compte, ce qui distingue cette jurisprudence américaine de celle d'autres grandes démocraties constitutionnelles, c'est sa plus forte dépendance par rapport aux questions de fond.