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Le volontarisme politique contre la liberté d’entreprendre

Denys de BÉCHILLON - Professeur de droit public, Université de Pau et des pays de l'Adour

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 49 (dossier : l’entreprise) - octobre 2015 - p. 7 à 14

On a longtemps pu croire que la liberté d’entreprendre souffrait surtout de n’être pas suffisamment protégée par le Conseil constitutionnel lorsque la loi lui porte atteinte. Cette idée est devenue très inexacte. La menace principale vient aujourd’hui d’ailleurs et principalement de ces bonnes intentions dont l’enfer est pavé. L’enthousiasme de nos contemporains devant l’idée d’une reviviscence du politique qui parviendrait – enfin – à tenir l’économique en l’état occupe à cet égard une place de choix. Jetons un bref regard sur cette double tendance.

1. La liberté constitutionnelle d’entreprendre procède de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Le Conseil constitutionnel a confirmé dans sa décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 (corporations d’Alsace-Moselle), qu’elle comprend deux objets, à savoir : « non seulement la liberté d’accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité » (cons. n° 7). La jurisprudence s’est beaucoup développée sur ce second versant. De nombreuses décisions de censure ou de conformité sous réserve attestent la fermeté du juge(1) , et déterminent un véritable renouveau de cette liberté. A ainsi été reconnu à l’entreprise le droit de choisir librement ses collaborateurs(2) , mais aussi celui de licencier(3) , de fixer ses tarifs(4) , de faire sa publicité(5) , etc.

Dans la période la plus récente, deux décisions peuvent être tenues pour particulièrement révélatrices.

La première est celle rendue, sur la loi dite « de sécurisation de l’emploi », à propos de ces — invraisemblables — clauses de désignation obligatoire d’organismes de protection sociale qu’un étrange marchandage syndical avait fait advenir, et dont le législateur avait entendu se faire à la fois le bénisseur et le notaire scrupuleux. Le Conseil constitutionnel ne s’était pas laissé impressionner par ce contexte et avait jugé que :

_« 11.[ ] d’une part, en vertu des dispositions du premier alinéa de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, toutes les entreprises qui appartiennent à une même branche professionnelle peuvent se voir imposer non seulement le prix et les modalités de la protection complémentaire mais également le choix de l’organisme de prévoyance chargé d’assurer cette protection parmi les entreprises régies par le code des assurances, les institutions relevant du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale et les mutuelles relevant du code de la mutualité ; que, si le législateur peut porter atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle dans un but de mutualisation des risques, notamment en prévoyant que soit recommandé au niveau de la branche un seul organisme de prévoyance proposant un contrat de référence y compris à un tarif d’assurance donné ou en offrant la possibilité que soient désignés au niveau de la branche plusieurs organismes de prévoyance proposant au moins de tels contrats de référence, il ne saurait porter à ces libertés une atteinte d’une nature telle que l’entreprise soit liée avec un cocontractant déjà désigné par un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini ; que, par suite, les dispositions de ce premier alinéa méconnaissent la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre ;_12. Considérant que, d’autre part, les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 912-1 permettent d’imposer que, dès l’entrée en vigueur d’un accord de branche, les entreprises de cette branche se trouvent liées avec l’organisme de prévoyance désigné par l’accord, alors même qu’antérieurement à celui-ci elles seraient liées par un contrat conclu avec un autre organisme ; que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 11 et sans qu’il soit besoin d’examiner le grief tiré de l’atteinte aux conventions légalement conclues, ces dispositions méconnaissent également la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre ; 13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale portent à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs dirigés contre le 2 ° du paragraphe II de l’article 1er de la loi déférée, ces dispositions ainsi que celles de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale doivent être déclarées contraires à la Constitution »(6) .

La deuxième décision révélatrice est celle rendue sur la loi dite « Florange ». S’agissant de l’obligation faite aux entreprises d’accepter une « offre de reprise sérieuse », le Conseil constitutionnel y pose que :

20. [ ] les dispositions contestées imposent à l’entreprise qui envisage de fermer un établissement d’accepter une « offre de reprise sérieuse » ; que si le législateur précise que ce caractère sérieux des offres de reprise s’apprécie « notamment au regard de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement », ces dispositions confient au tribunal de commerce saisi dans les conditions prévues à l’article L. 771-1 le pouvoir d’apprécier ce caractère sérieux ; que les dispositions contestées permettent également à un tribunal de commerce de juger qu’une entreprise a refusé sans motif légitime une offre de reprise sérieuse et de prononcer une pénalité pouvant atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé ; que les dispositions contestées conduisent ainsi le juge à substituer son appréciation à celle du chef d’une entreprise, qui n’est pas en difficulté, pour des choix économiques relatifs à la conduite et au développement de cette entreprise ;

21. Considérant que l’obligation d’accepter une offre de reprise sérieuse en l’absence de motif légitime et la compétence confiée à la juridiction commerciale pour réprimer la violation de cette obligation font peser sur les choix économiques de l’entreprise, notamment relatifs à l’aliénation de certains biens, et sur sa gestion des contraintes qui portent tant au droit de propriété qu’à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ; que, par suite, les dispositions des 2 ° et 3 ° de l’article L. 772-2 du code de commerce doivent être déclarées contraires à la Constitution ; qu’il en va de même, par voie de conséquence, des mots « ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus » figurant au premier alinéa de l’article L. 773-1 du même code et des mots : « ou qu’elle a refusé une offre de reprise jugée sérieuse en application du 2 ° du même article en l’absence d’un motif légitime de refus de cession au titre du 3 ° dudit article » figurant à l’article L. 773-2 du même code »(7) .

Enseignement combiné de ces décisions, la liberté d’entreprendre se comprend désormais comme une liberté véritable, économiquement réaliste. Elle protège avant tout l’autonomie des entrepreneurs, leur aptitude à effectuer eux-mêmes les choix de gestion, de stratégie et de gouvernance qu’ils jugent bons. Le droit offert à chacun d’entreprendre librement se comprend avant tout comme une latitude d’autodétermination, pour ne pas dire une souveraineté(8) . Dit autrement, le législateur ne peut se substituer à l’entreprise pour dire ce qui est bon pour elle et comment elle doit s’y prendre pour réaliser son objet social, a fortiori lorsqu’aucun motif d’intérêt général n’impose de lui ôter la possibilité de choisir entre plusieurs solutions susceptibles de parvenir au même résultat.

C’est, à bien y réfléchir, assez impressionnant. La loi censurée dans l’affaire de la désignation obligatoire d’un organisme de prévoyance était (aussi) réputée obéir à un impératif constitutionnel de protection sociale. La contrainte publique légitime était donc portée par là à son point de paroxysme. La latitude virtuelle du législateur était maximale ; plus élevée en bonne logique que celle dont il dispose dans le jeu « normal » du libre marché et de la vie des affaires. Or l’annulation du texte a tout de même eu lieu. Sèche de surcroît. Cela montre bien que la liberté d’entreprendre a vocation à peser fortement et dans tous les cas de figure, sur le législateur économique et social(9) .

Bref, au plan des principes, nous ne sommes vraiment pas en Union soviétique. C’est tant mieux. Les choses ont beaucoup changé. Là où l’on pouvait craindre que la liberté d’entreprendre ne bénéficie d’aucune protection véritable contre les assauts du législateur, il se vérifie au contraire qu’elle bénéficie d’un statut raffermi. Perfectible, sans doute, mais néanmoins solide et propre à faire que le législateur doive désormais la prendre tout à fait au sérieux.

2. Pour autant, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes économiques possibles. La liberté d’entreprendre pâtit beaucoup ces temps-ci — qui ne se compte d’ailleurs pas seulement depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir — de ce qu’il est convenu d’appeler le (retour du) volontarisme politique.

Plus vont les choses, plus il se semble que nos gouvernants ne perçoivent la liberté d’entreprendre ni comme une contrainte majeure, ni comme un facteur de prospérité. Ce n’est pas par hasard si, comme on vient de le voir, le Conseil constitutionnel a censuré autant de lois récentes sur ce terrain. Cela n’aurait jamais eu lieu si le législateur n’avait pas choisi de sur-réglementer d’immenses pans de l’activité au point d’en réduire la liberté d’exercice à peau de chagrin

L’une des politiques publiques les plus emblématiques de cette tension restrictive est assurément celle qui consiste à faire renaître à grande échelle l’autorisation administrative préalable.

Le plus bel exemple de la croyance renouvelée en la vertu de ce moyen est sans aucun doute contenu dans le fameux décret (Montebourg) n° 2014-479 du 14 mai 2014, qui assujettit l’investissement international à autorisation préalable dans un nombre de domaines infiniment supérieur à celui que couvrait la réglementation antérieure : il ajoute en effet à la liste des activités dites « sensibles » – parce qu’elles touchent pour l’essentiel à des questions de sécurité nationale au sens strict du terme – le plus gros (à peu près tout ?) de ce qui concerne l’énergie, la santé, l’eau, les grandes infrastructures, les transports, les communications électroniques et la santé(10) De jure, dans de nombreux segments de l’activité, un opérateur étranger ne peut donc plus investir « librement ». Il lui faut passer par ces fourches caudines. Tâchons donc de voir ce que cela peut avoir de rebutant pour lui, et par là-même de toxique pour le dynamisme de notre économie.

En matière d’investissement, les conditions de délivrance d’une autorisation administrative préalable sont invariablement frappées d’un coefficient de discrétionnalité significatif. En tout état de cause, elles sont toujours perçues par les entrepreneurs comme présentant cette caractéristique au premier chef, et comme s’en trouvant profondément perverties.

Qu’on le veuille ou non, dans un environnement juridique de ce type, les investisseurs étrangers se disent – le plus souvent à juste raison – qu’ils vont devoir négocier d’abord avec les pouvoirs publics, c’est-à-dire ajouter un coût inconnu à la colonne des débits. Une grande variable d’incertitude vient ainsi s’ajouter à la liste de ce qu’il faudra consentir pour acquérir à proprement parler, mais aussi pour se conformer à l’ensemble – pour le coup connu, calculable et légitime – des normes sociales, sanitaires et environnementales en vigueur.

Pourtant, c’est le menton haut que la France agit comme elle le fait et complique l’entrée sur le territoire de ces capitaux structurants dont tout nous dit par ailleurs que nous avons le plus grand besoin pour sauver l’emploi et améliorer l’état des finances.

Elle le fait au surplus avec une très grande candeur (ou un très grand aveuglement) parce que nul ne sait vraiment de quoi et jusqu’où notre pays se prive en agissant de la sorte. Mieux vaut ne pas se bercer d’illusions à ce propos : le niveau des investissements effectués est connaissable, mais l’ampleur de ceux qui n’ont pas (ou pas eu) lieu parce que l’intention a avorté ab ovo dans la tête des intéressés ne l’est aucunement, ou peu s’en faut. L’inhospitalité économique de la France se dénonce dans les dîners en ville, parfois avec une mauvaise foi criante, mais elle ne se mesure pas en chiffres, en tout cas de manière fiable. On ne sait tout simplement pas – et l’on n’a sans doute pas les moyens de savoir – combien d’entrepreneurs renoncent parce que la France les effraie. Il y a là un angle mort, qui n’aide pas la classe politique à croître dans la lucidité et à se prémunir contre les effets néfastes de ses (trop) grands moulinets protectionnistes.

Nous sommes prévenus, pourtant, du poids gigantesque de la psychologie dans les comportements des investisseurs, et du danger qu’il y a à alimenter avec de solides arguments rationnels les impressions déjà trop construites et parfois très injustes qu’ils entretiennent au sujet du caractère excessivement dirigé de l’économie française. Nous savons, surtout depuis qu’il existe des rapports Doing business de la banque mondiale(11) , qu’une représentation passablement catastrophique du droit français a lieu dans le monde anglo-saxon et se diffuse dans le monde entier à partir des croyances qui s’ensuivent. Tous les observateurs un peu instruits – de droite et de gauche – convergent pour voir là un danger pour l’investissement dans notre pays. Les contempteurs de ces rapports de la banque mondiale communient aussi, à juste titre, dans la même conviction selon laquelle les impressions, même inexactes, jouent en la matière un rôle gigantesque. Or, malgré ce consensus sur la nécessité de se méfier comme de la peste de ce que l’on laisse croire, les pouvoirs publics font à peu près tout pour que la réalité rejoigne les fantasmes les plus délétères.

Sous cet angle, notre décret du 14 mai 2014 étincelle dans la nuit. Il est vrai qu’il scintillait aussi en plein jour lorsque le ministre en charge de délivrer lesdites autorisations ajoutait avec autant de talent que de gourmandise une touche d’insécurité personnelle à l’équation des choses perçues (en insultant publiquement quelques dirigeants d’entreprises ou se faisant le chantre inconditionnel de la démondialisation). Dans ce contexte où, rappelons-le, l’autorisation administrative est fatalement comprise (à tort ou à raison) comme le produit d’une décision politique, c’est-à-dire discrétionnaire, les garanties faciales de neutralité bienveillante des pouvoirs publics pèsent aussi de leur poids propre.

N’exagérons pas, cela étant, l’importance de ces éléments subjectifs. La situation potentielle de l’investissement se délite très bien sans eux lorsque par ailleurs – et toujours sous couvert de « volontarisme politique » – d’autres signaux sont adressés au marché à l’effet de le convaincre de la déliquescence de la parole de l’État.

Pour ce qu’il en est d’effrayer l’investisseur en lui faisant redouter une insécurité juridique excessive, on ne fait guère mieux. Or la parole publique n’est vraiment pas exempte d’éléments de cette trempe. Rappelons, pour s’en tenir aux derniers mois écoulés, que l’État a voulu dire et/ou faire croire qu’il se disposait, pour des raisons d’orthodoxie politique pour ne pas dire « morale », à n’envisager rien moins que l’annihilation de ses contrats parmi les plus gigantesques – pensons par exemple à celui d’Écoumouv’ ou aux concessions d’autoroutes. Peu importe, à dire vrai, que ces annonces aient procédé d’une intention purement tactique ou d’un mouvement de conviction plus profond, et peu importe aussi que l’État soit revenu à la raison – c’est-à-dire au droit – dans un second temps pour aboutir à ce que soient trouvées des solutions à peu près respectueuses de ses engagements initiaux. L’important tient à ce que l’image publique donnée en ces occasions n’est autre que calamiteuse en ce qui concerne l’attractivité de la France pour les entrepreneurs étrangers. L’idée même qu’un État sophistiqué comme le nôtre puisse annoncer coram populo qu’il se dispose à fouler aux pieds sa propre parole, motif pris de ce qu’elle aurait été donnée à la légère ou pour de « mauvaises » raisons par « d’autres » gouvernements précédents – c’est-à-dire par lui-même si l’on ne perd pas de vue le principe d’unité de sa personnalité juridique – a quelque chose de profondément dangereux.

Si, comme tout l’indique, la confiance est bien le moteur des affaires, il ne peut pas être économiquement raisonnable que l’État détruise celle qu’il est réputé susciter plus que tout autre. L’étymologie parle d’elle-même à ce propos : la confiance est une foi. L’État – c’est même un des éléments essentiels de sa définition politique depuis la naissance de son concept dans le monde occidental – a pour fonction première de susciter un credo, c’est-à-dire un crédit. Il est vital, pour cette raison, qu’il soit respectueux des bien nommés « droits acquis » qu’il a lui-même fait naître. Et il est tout aussi important, à bien y réfléchir, qu’il montre par son discours et par ses actes son adhésion foncière au principe d’intangibilité des droits ainsi créés pour toutes les raisons qui justifient cette création : celles, dans l’ordre des valeurs, selon lesquelles on ne renie pas sa parole, mais aussi celles, dans l’ordre des nécessités prosaïques, selon lesquelles il vaut mieux ne pas faire fuir la poule aux œufs d’or en lui présentant le couteau.

3. La liberté d’entreprendre n’a rien d’une vache sacrée. Elle doit souffrir comme toutes les autres de se voir limitée pour des motifs d’intérêt général et conciliée avec les autres impératifs de nature constitutionnelle. Encore faut-il qu’elle ne subisse aucune limitation disproportionnée. Encore faut-il aussi qu’elle soit perçue, là aussi comme toutes les autres, comme une garantie utile et le vecteur d’un mieux-être.

Les risques qui pèsent aujourd’hui sur elle – et sur le potentiel de prospérité économique qui l’accompagne – sont importants parce qu’articulés à une sorte d’oubli collectif de cette exigence. L’exemple que l’on vient d’observer au travers du décret de mai 2014 le révèle très bien. Il n’est, au demeurant, ni le seul ni forcément le plus lourd. La conversion de la France aux mérites de la « régulation » par des autorités indépendantes contribue, elle aussi, à une transformation en profondeur des conditions d’exercice de cette liberté. Une analyse approfondie pourrait bien montrer que notre économie est tout aussi – voire plus – administrée qu’elle ne l’était il y a encore une vingtaine d’années. Et le fait qu’elle le soit « mieux » à maints égards ne devrait pas forcément faire perdre de vue qu’elle l’est tout de même beaucoup et peut-être beaucoup trop. Il serait peut-être temps de commencer à se soucier des effets pervers de ce dirigisme new look. Mais c’est une autre histoire

(1) Or relève notamment une censure en matière d’affiliation d’office à une corporation obligatoire des personnes qui exercent à titre indépendant une activité artisanale dans le département du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle (décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, cons. n° 11), mais aussi l’annulation de l’exigence d’une quantité minimale de matériaux en bois dans les constructions nouvelles (décision n° 2013-317 QPC du 23 mai 2013, cons. n° 10), de même que celle des dispositions de la loi de finances pour 2014 relatives au « schéma d’optimisation fiscale » (décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013), etc.

(2) Décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, cons. n° 22.

(3) Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, cons. n° 50.

(4) Décision n° 90-287 DC du 16 janvier 1991, Loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, cons. n° 21.

(5) Décisions n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle, cons. n° 12 et 13 et n° 90-283 DC du 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, cons. n° 15.

(6) Décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 (sécurisation de l’emploi). [Je souligne].

(7) Décision n° 2014-692 DC du 27 mars 2014 (loi visant à reconquérir l’économie réelle). [Je souligne].

(8) Le secrétariat général du Conseil constitutionnel emploie la notion de « libre disposition de la propriété économique » dans son commentaire officiel de la décision n° 2014-692 DC précitée.

(9) La décision n° 2001-455 DC peut être citée dans cet esprit, où le Conseil censure la définition hyper-restrictive du licenciement pour motif économique qu’entendait poser la loi de modernisation sociale : « Considérant, en premier lieu, que la nouvelle définition du licenciement économique résultant de l’article 107 de la loi déférée limite aux trois cas qu’elle énonce les possibilités de licenciement pour motif économique à l’exclusion de toute autre hypothèse comme, par exemple, la cessation d’activité de l’entreprise ; « Considérant, en deuxième lieu, qu’en ne permettant des licenciements économiques pour réorganisation de l’entreprise que si cette réorganisation est « indispensable à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise « et non plus, comme c’est le cas sous l’empire de l’actuelle législation, si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, cette définition interdit à l’entreprise d’anticiper des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants ; « Considérant, en troisième lieu, qu’en subordonnant les licenciements économiques à « des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen », la loi conduit le juge non seulement à contrôler, comme c’est le cas sous l’empire de l’actuelle législation, la cause économique des licenciements décidés par le chef d’entreprise à l’issue des procédures prévues par le livre IV et le livre III du code du travail, mais encore à substituer son appréciation à celle du chef d’entreprise quant au choix entre les différentes solutions possibles ; « Considérant que le cumul des contraintes que cette définition fait ainsi peser sur la gestion de l’entreprise a pour effet de ne permettre à l’entreprise de licencier que si sa pérennité est en cause ; qu’en édictant ces dispositions, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi du maintien de l’emploi ; que, dès lors, les dispositions de l’article 107 doivent être déclarées non conformes à la Constitution ». Dans cette décision, la censure protège à la fois la liberté de se désengager d’une entreprise, de la réorganiser et assurer la sauvegarde de sa compétitivité, la liberté propre au chef d’entreprise, de fixer les buts et les moyens de sa gestion et notamment « de choisir ses collaborateurs » Ce n’est pas rien.

(10) Son article 1 ajoute à l’article R. 153-2 du code monétaire et financier, « sept alinéas ainsi rédigés : « [...] Autres activités portant sur des matériels, des produits ou des prestations de services, y compris celles relatives à la sécurité et au bon fonctionnement des installations et équipements, essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d'ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale énumérés ci-après : « a) Intégrité, sécurité et continuité de l'approvisionnement en électricité, gaz, hydrocarbures ou autre source énergétique ; « b) Intégrité, sécurité et continuité de l'approvisionnement en eau dans le respect des normes édictées dans l'intérêt de la santé publique ; « c) Intégrité, sécurité et continuité d'exploitation des réseaux et des services de transport ; « d) Intégrité, sécurité et continuité d'exploitation des réseaux et des services de communications électroniques ; « e) Intégrité, sécurité et continuité d'exploitation d'un établissement, d'une installation ou d'un ouvrage d'importance vitale au sens des articles L. 1332-1__et__L. 1332-2__du code de la défense ; « f) Protection de la santé publique ». N.B. Que la seule variable de restriction ou de nuance dans cet encadrement procède de la référence à des activités « essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d'ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale », dont personne ne sait évidemment dire où elle commence (mais dont on peut raisonnablement attendre qu’elle ne restreigne pas grand-chose si l’on en juge à l’expansivité moderne des notions qu’elle recouvre, et singulièrement celle « d’ordre public »).

(11) C’est-à-dire 2002, à notre connaissance.