Page

Chronique de droit privé

Thomas PIAZZON - Maître de conférences à l'Université Panthéon-Assas (ParisII)

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 48 - juin 2015 - p. 195 à 207

Pour les privatistes, la grande affaire de ce début d’année 2015 réside bien sûr dans la recodification à venir du droit des contrats, au sein du Livre III du code civil. Depuis le magnifique discours prononcé en Sorbonne par Jacques Chirac à l’occasion de la célébration du bicentenaire de notre constitution civile(1), cette réforme était attendue, des projets doctrinaux, désormais anciens(2), ayant devancé des projets de la Chancellerie(3)étrangement diffusés dans la presse généraliste et que les meilleurs spécialistes de la matière s’échangeaient sous le manteau, sans être jamais sûrs de disposer de la dernière version du texte. Très tôt, il fut expliqué aux universitaires les plus têtus – et à certains parlementaires récalcitrants, car soucieux de ne pas abdiquer leurs pouvoirs – qu’il était profondément inenvisageable, sinon inconcevable, qu’une telle réforme puisse être discutée puis votée par le Parlement(4). Comme pour le droit des sûretés en 2006, comme pour le droit de la filiation en 2005, comme pour le nouveau code de commerce (à droit constant) en 2000, à gauche comme à droite ou au milieu, point de salut « modernisateur » ou « simplificateur » en dehors de l’article 38 de la Constitution et de ses salvatrices ordonnances. Du côté des privatistes, ce chantage a plutôt bien fonctionné et, peut-être par lassitude, la plupart des armes doctrinales ont ainsi été baissées devant le constat largement partagé de la nécessité d’une réforme qui n’en finissait plus de se faire attendre(5) ; le besoin fait trotter la vieille, enseigne le Roman de Renart. Seul le Sénat tint bon et refusa de voter une telle habilitation. Mais sa belle résistance démocratique a finalement été vaincue par le Gouvernement qui a demandé à l’Assemblée nationale de statuer en lecture définitive sur ce projet de loi le 28 janvier dernier. De manière parfaitement cohérente, cent-dix sénateurs, de tous horizons politiques, ont saisi le Conseil constitutionnel de l’article 8 de cette loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, lequel habilite le Gouvernement à réformer par voie d’ordonnance non seulement le droit commun des contrats, mais encore le régime général des obligations et le droit de la preuve.

L’opinion favorable du secrétaire général du Conseil constitutionnel à propos du recours aux ordonnances étant bien connue(6), sans doute les craintes du Gouvernement étaient-elles inexistantes face à cette saisine des sénateurs, qui dénonçaient une atteinte à l’article 38 de la Constitution en raison de l’« ampleur » de l’habilitation et de « l’importance que revêt dans l’ordre juridique le droit des contrats et des obligations » (cons. 3). Quatorze jours plus tard, l’affaire était d’ailleurs pliée par la décision n° 2015-710 DC du 12 février 2015. Reprenant son considérant de principe – fort peu exigeant – relatif à l’article 38 de la Constitution(7), le Conseil juge, en quelques lignes, que « l’habilitation conférée ( ) à réformer par ordonnance le droit commun des contrats, le régime des obligations et le droit de la preuve est précisément définie dans son domaine et dans ses finalités ; que, par suite, cette habilitation ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l’article 38 de la Constitution » (cons. 5). Au moins la sobriété de cette motivation a-t-elle le mérite de nous épargner une oiseuse référence à l’urgence de la réforme (qui peut croire que nous attendrions depuis plus de dix ans si l’urgence était réelle ?) ou une référence à la restauration de l’autorité de la loi par rapport à la jurisprudence (qui peut croire que le rôle de celle-ci ne sera pas au contraire renforcé par la réforme, puisqu’il va falloir appliquer et donc interpréter des textes nouveaux ? – sans l’aide de travaux législatifs préparatoires, ordonnance oblige : il n’y aura pas de Fenet du XXIe siècle !) ou encore une saugrenue justification – toute constitutionnelle ! – tirée de l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, comme en 1999 au sujet du code de commerce (qui a oublié les scories de cette codification à droit prétendument constant, qui a si longtemps perturbé le droit commercial(8) ?). Le contrôle lapidaire, voire purement formel, opéré par le Conseil constitutionnel présente ainsi l’avantage de ne pas prêter le flanc à la critique politique, au moins à première vue. Techniquement, cependant, la décision suscite un peu le sourire, notamment parce que le Conseil reproduit longuement les termes de la piteuse habilitation votée par l’Assemblée nationale. Ainsi, comment le Conseil peut-il sérieusement juger que l’habilitation est « précisément définie ( ) dans ses finalités » lorsqu’elle donne pour objectif au Gouvernement d’« affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que (sic) la bonne foi et la liberté contractuelle » (art. 8, 1 °) ? Comme l’a souligné un auteur, cela ne renseigne guère sur le « programme idéologique » de la réforme – si tant est qu’elle en ait un(9) De même, « garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme » (art. 8, al. 1er) peut-il véritablement constituer une finalité précise ? Dans le long inventaire de cette habilitation (« 13 items », comme dit joliment le commentaire officiel de la décision du Conseil ), il est vrai que certains mots sont martelés qui prétendent afficher toute l’ambition de la réforme : « simplifier », « clarifier » (parfois aussi « clarifier et simplifier » !), « préciser », « moderniser ». Mais il ne faut pas s’y tromper : derrière ces slogans faciles et consensuels, la loi d’habilitation ne fixe aucune borne véritable au travail gouvernemental(10). Tout le droit des contrats y passe en effet, sans orientation d’ensemble précise. À bien y regarder, on trouve seulement quelques indices d’une meilleure prise en compte de ce que certains appellent la justice contractuelle. Ainsi le Gouvernement est-il requis pour consacrer « la notion de clause abusive » en droit commun, pour permettre « de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre » (2 °)(11), pour « spécifier » les « dispositions relatives à l’interprétation ( ) qui sont propres aux contrats d’adhésion » (5 °) ou encore pour consacrer « la possibilité [pour les parties(12)] d’adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances » (6 °). Contrainte par un tel programme, on en vient d’ailleurs à douter que la réforme gouvernementale puisse « garantir la sécurité juridique », comme le prétend pourtant l’article 8 de la loi ! Et que dire, au fond, de l’imprécision même de ce programme ? Il y a mille et une façons de consacrer la théorie de l’imprévision (simple obligation de renégociation ? anéantissement judiciaire du contrat ? révision judiciaire ? etc.), mille et une façons de consacrer la notion de clause abusive (dans tous les contrats ? seulement dans ceux marqués par un abus de puissance économique ? toutes les clauses seront-elles justiciables de ce contrôle ? etc.) ou la violence économique. Certes, d’un point de vue strictement juridique, la jurisprudence du Conseil n’exige pas que le Gouvernement fasse connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il envisage d’adopter(13). Il n’en reste pas moins que, d’un point de vue politique, cette loi d’habilitation n’est qu’un jeu de dupes dont la jurisprudence constitutionnelle se rend complice par sa permissivité : en vérité, le projet d’ordonnance est connu depuis de longs mois, ce qui explique, au reste, qu’il ait pu être diffusé – cette fois officiellement – à peine quelques jours, sinon quelques heures, après que la loi d’habilitation a été publiée au Journal officiel. En somme, la loi du 16 février 2015 vient définir une habilitation dont le résultat était déjà connu(14) et l’on comprend la réticence du Sénat face au vote de ce texte cynique qui ne constitue manifestement qu’une pénible formalité procédurale dans l’esprit du pouvoir exécutif. Une telle mascarade n’est pas le meilleur moyen que l’on puisse concevoir pour redorer le blason de la loi Pour se faire pardonner, sans doute l’Assemblée nationale nous gratifiera-t-elle l’année prochaine d’un nouveau colloque sur la qualité du droit, auquel on s’abstiendra encore une fois de se rendre.

Il faut aussi noter que les requérants invoquaient un second grief à l’encontre de l’article 8 de la loi du 16 février 2015, grief qui passe un peu inaperçu dans la décision n° 710 DC, mais sur lequel une autre décision récente du Conseil invite à s’interroger en détail. Selon les sénateurs, « la sécurité juridique serait méconnue compte tenu des modifications qui pourraient être apportées au droit des contrats et des obligations par le Parlement à l’occasion de la ratification de l’ordonnance » (cons. 3). En ce sens, l’exemple de l’ordonnance de 2005 relative à la filiation est encore dans les mémoires civilistes(15). Il est aussi vrai, néanmoins, que la question se pose sous un angle assez différent en droit des contrats, en raison des règles de conflit de lois dans le temps qui prévalent en ce domaine. Ainsi le principe de l’application immédiate de la loi nouvelle est-il écarté, en matière contractuelle, au profit de la survie de la loi ancienne : le contrat demeure en principe régi par la loi qui était en vigueur au moment de sa conclusion, de sorte qu’une réforme législative (ou gouvernementale) n’a vocation à s’appliquer qu’aux contrats conclus après la date de son entrée en vigueur. Dès lors, en imaginant que le Parlement modifie l’ordonnance à venir portant réforme du droit des contrats lors de sa ratification, ces dispositions modificatrices ne s’appliqueraient qu’aux contrats conclus après la loi de ratification. Dans ce cas, si la sécurité juridique est atteinte, c’est seulement dans sa dimension statique de l’accessibilité du droit, car il faudrait alors distinguer plusieurs régimes juridiques applicables selon la date de conclusion du contrat (avant l’ordonnance, entre l’ordonnance et la ratification(16), après la ratification). En droit civil, on enseigne cependant que le législateur (lato sensu ) peut expressément déroger au principe de survie de la loi ancienne en déclarant la loi nouvelle applicable aux contrats en cours, c’est-à-dire en la déclarant applicable aux effets futurs des contrats conclus avant sa publication au Journal officiel. Dans cette hypothèse, il n’y a pas rétroactivité à proprement parler, mais seulement rétrospectivité de la règle nouvelle, selon un concept parfois reçu en doctrine(17). Malgré l’absence de rétroactivité stricto sensu, la sécurité juridique peut alors être compromise dans sa dimension temporelle, car les prévisions des contractants peuvent être remises en cause pour l’avenir. Telle était sans doute la crainte des sénateurs ayant à l’esprit la célèbre formule selon laquelle le contrat constitue « l’entreprise la plus hardie qui se puisse concevoir pour établir la domination de la volonté humaine sur les faits en les intégrant d’avance dans un acte de prévision »(18). Depuis plusieurs années, il faut cependant compter, à ce sujet, avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Pour écarter le grief des sénateurs, les sages convoquent ainsi un considérant de principe désormais bien ancré dans leur jurisprudence et qui pose deux règles distinctes : « Si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; ( ) d’autre part, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 » (cons. 5). La première règle énoncée ne peut qu’exceptionnellement concerner la matière contractuelle, car il est rare qu’une règle nouvelle soit, en ce domaine, rétroactive (c’est-à-dire, au sens strict, qu’elle remette en cause les effets passés d’une convention). Il n’est pas exceptionnel, en revanche, que le législateur déclare la loi nouvelle applicable aux contrats en cours, et la seconde règle posée par le Conseil prend alors le relais de la première : l’atteinte portée au contrat doit être « justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ». En l’espèce, le Conseil conclut logiquement que « lorsqu’il modifie, notamment à l’occasion de sa ratification, les dispositions d’une ordonnance entrées en vigueur, le législateur est tenu au respect de ces exigences » (cons. 7). On ajoutera que ce qui vaut pour la ratification de l’ordonnance devrait aussi valoir pour l’ordonnance elle-même : en principe, le droit des contrats tel qu’il sera réécrit par l’ordonnance attendue pour l’automne 2015 ne devrait pas s’appliquer aux contrats conclus avant sa date d’entrée en vigueur (qui sera probablement différée). Il devrait en résulter, par exemple, qu’un contrat précédemment conclu et soumis au droit commun ne pourra pas être révisé pour imprévision, de même que ses stipulations ne pourront pas constituer des clauses abusives, faute pour ces règles nouvelles d’être applicables. À moins que le législateur n’en décide autrement, au mépris de la force obligatoire des contrats. Du point de vue constitutionnel, encore une telle rétrospectivité devrait-elle être justifiée par un motif d’intérêt général suffisant (comme la promotion de la justice contractuelle ?).

Une récente décision du Conseil constitutionnel invite toutefois à s’interroger sur la persistance de ce schéma. Dans cette décision n° 2014-441/442/443 QPC du 23 janvier 2015, Mme Michèle C. et autres, était en cause l’article L. 442-3 du code de la construction et de l’habitation qui, en matière de bail social, définit les charges récupérables auprès des locataires par les organismes HLM. Brisant une jurisprudence de la Cour de cassation, une loi du 7 décembre 2010 a permis la récupération de toutes les dépenses d’énergie dans l’hypothèse particulière où celle-ci est distribuée en réseau. C’est cette disposition, déclarée applicable aux baux en cours par le législateur, qu’un grand nombre de preneurs contestaient en l’espèce. Sur le fondement du principe d’égalité « selon le mode de chauffage utilisé », le grief est rejeté sans surprise. Les requérants soutenaient également que l’« application immédiate [de la loi nouvelle] aux baux en cours méconnai[ssait] ( ) le droit au maintien des conventions légalement conclues » (cons. 3). Or, plutôt que d’opérer une vérification du motif d’intérêt général pouvant justifier cette rétrospectivité, le Conseil constitutionnel a préféré innover, jugeant « qu’en modifiant y compris pour les baux en cours, le cadre légal applicable à la détermination des charges récupérables pour les habitations à loyer modéré, le législateur n’a pas porté atteinte aux conventions légalement conclues ; que, par suite, le grief tiré d’une atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues, garanti par les articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, doit être écarté » (cons. 9). Qu’est-ce donc que ce « cadre légal » applicable au contrat que la loi pourrait modifier sans contrôle du Conseil constitutionnel ? À suivre le commentaire de la décision sur le site Internet du Conseil, qui n’est ici que d’un faible secours, il faudrait se référer à un unique précédent : « Dans sa décision n° 2009-578 DC du 18 mars 2009 ( ), le Conseil constitutionnel a distingué la modification du contrat lui-même de la modification du cadre légal applicable à ce contrat. Le législateur peut déclarer immédiatement applicable une disposition modifiant le cadre légal applicable au contrat sans porter atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues » (p. 9). Et le service juridique du Conseil de faire référence à la célèbre décision par laquelle la chambre mixte de la Cour de cassation avait admis, en 1981, l’application immédiate de l’action directe ouverte au sous-traitant par la loi du 31 décembre 1975, en se référant à la vieille théorie des droits acquis(19) Comme l’analyse parfaitement M. Gahdoun, la position du Conseil est « ambiguë » et « risquée »(20). La notion de « cadre légal », en effet, ne va pas de soi. Est-ce l’idée selon laquelle le législateur ne pourrait pas directement porter atteinte à un contrat (comme dans l’exemple historique de la remise en cause des conventions collectives en matière de réduction du temps de travail, à l’époque des « lois Aubry »(21)), mais qu’il lui serait entièrement loisible de modifier indirectement les contrats en faisant évoluer la législation qui s’y applique ? S’agissant de la défense de la force obligatoire (ou comme certains le pensent, de la liberté contractuelle au sens très large), on peine cependant à bien cerner la différence réelle existant entre ces deux types de situations. Ainsi, dans l’affaire jugée le 23 janvier 2015, les prévisions juridiques des parties sont modifiées par la possibilité désormais offerte au bailleur de récupérer une somme supérieure à celle que permettait d’obtenir l’état initial du droit : aubaine législative pour le bailleur, facture légale pour le locataire. À moins, comme le suggère M. Gahdoun, que le Conseil n’ait en tête l’insaisissable notion de « statut légal » chère à Roubier(22). Il est vrai que la jurisprudence judiciaire, spécialement en matière de baux, a pu parfois s’inspirer de cette opinion en distinguant les effets du contrat selon qu’ils dépendent purement de la volonté des parties (survie de la loi ancienne) ou qu’ils constituent des effets légaux indépendants de la volonté et par conséquent soumis à la loi nouvelle(23). Mais cette jurisprudence, qui s’applique aux lois silencieuses sur leurs conditions d’application dans le temps, est très imprévisible(24) ; ainsi, tandis que l’action directe du sous-traitant contre le maître de l’ouvrage a été jugée d’application immédiate (v. supra), celle du voiturier contre le destinataire de la marchandise, issue d’une loi du 6 février 1998, ne l’a pas été(25) En droit patrimonial de la famille, on se souvient aussi des incertitudes qui résultèrent de la réforme du divorce opérée par la loi du 26 mai 2004 au sujet du régime juridique applicable aux donations entre époux. Nulles, quand elles étaient déguisées, et révocables dans les autres cas sous l’empire du droit antérieur, ces donations deviennent valables, et en principe irrévocables, avec la loi de 2004. Le législateur n’ayant pas fixé les conditions d’application dans le temps de ce régime nouveau, la doctrine et les juges se sont divisés sur son application aux donations consenties avant l’entrée en vigueur de la loi : ne pouvait-on rétrospectivement les considérer comme irrévocables ? Le but du législateur n’était-il pas, en effet, de modifier un effet légal de ces libéralités ? Mais, d’un autre point de vue, cet effet légal n’a-t-il pas été intégré dans leur acte de prévision par les parties ? La donation aurait-elle été consentie si l’époux avait su qu’il ne pourrait pas la révoquer le moment venu ? Dans l’affaire tranchée par le Conseil, le bail aurait-il été conclu si le preneur avait su que les charges seraient plus élevées que celles convenues, parce que leur mode de calcul légal allait ensuite changer ? S’agissant des donations entre époux, une intervention clarificatrice du législateur a été nécessaire pour sagement prescrire la survie de la loi ancienne(26). Cette expérience enseigne qu’il est bien délicat de distinguer entre « cadre légal » et effet volontaire du contrat, précisément parce que la volonté intègre ou est censée intégrer les effets légaux. Dira-t-on, demain, que le nouveau droit des contrats est applicable rétrospectivement aux conventions conclues avant son entrée en vigueur parce qu’il ne fait que définir le « cadre légal » du contrat ? Une clause pourra-t-elle par conséquent être stigmatisée comme abusive dans les contrats précédemment conclus ? Les contrats en cours pourront-ils être révisés pour imprévision ? Il serait prudent que le législateur le prévoie ou l’exclue expressément, afin d’éviter de graves incertitudes. Le Conseil contrôlera-t-il cette application immédiate ou rétrospective du droit nouveau, dans l’hypothèse où elle serait prescrite ? Aux termes de sa décision du 23 janvier 2015, il est bien difficile de le dire et tel n’est pas le moindre défaut de cette décision qui, voulant faire du neuf avec du vieux, s’avère très expérimentale et fort malvenue dans le contexte actuel.

À côté de cette grosse actualité contractuelle, plusieurs autres décisions du Conseil méritent d’être signalées dans le domaine du droit privé. De manière assez étonnante – mais très significative de l’instabilité qui mine le droit français –, la plupart d’entre elles concernent des textes qui ont été modifiés, de sorte que le Conseil se prononce sur d’anciennes rédactions applicables aux litiges qui lui étaient soumis. La première de ces affaires concerne encore le droit des contrats, plus précisément le domaine spécifique des libéralités. Dans leur décision n° 2014-444 QPC du 29 janvier 2015, Association pour la recherche sur le diabète, les sages ont jugé que l’article 6, al. 5, de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association(27), qui pose des limites à la capacité de certaines associations de recevoir des donations et des legs, n’est contraire ni au principe d’égalité ni au droit de propriété des donateurs ni à la liberté contractuelle. Ces deux derniers griefs étant rapidement balayés par le Conseil(28), celui-ci a estimé, sur le premier, qu’« en réservant la capacité d’accepter des libéralités aux seules associations déclarées “qui ont pour but exclusif l’assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale”, le législateur a entendu favoriser, par la loi du 23 juillet 1987, l’affectation de dons et legs à des associations déclarées en raison de l’intérêt général spécifique qu’il a reconnu à leur objet et à la nature de leur activité ; que les différences de traitement qui en résultent entre les associations déclarées sont en rapport direct avec l’objet de la loi ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit être écarté » (cons. 9). Le Conseil valide donc la sévérité dont la loi française fait traditionnellement preuve à l’égard des associations qui ne sont pas reconnues d’utilité publique(29), par crainte qu’elles ne captent abusivement la générosité de leurs membres ou des tiers (sauf quand celle-ci s’exprime par des dons manuels). Encore faut-il relever que la récente loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a modifié l’article 6 de la loi de 1901 dans le sens d’un élargissement de la capacité de jouissance des associations simplement déclarées. Sans doute pour pallier les démissions de l’État en matière de financement de certaines activités socialement utiles, la loi de 2014 prévoit en effet que peuvent « accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires, dans des conditions fixées à l’article 910 du code civil ( ) les associations déclarées depuis trois ans au moins » et dont « l’ensemble des activités » présente un caractère « philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, ( ) à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises » (renvoi à l’art. 200, 1, b, du code général des impôts). Au rebours de la loi de 1901, bientôt viendra l’époque où seules les associations de buveurs de bière échapperont encore à la nouvelle générosité législative, au détriment potentiel des héritiers légaux.

Les trois décisions suivantes, qui seront rapidement mentionnées, concernent le droit commercial en général et, pour deux d’entre elles, le droit des procédures collectives – décidément gros pourvoyeur de QPC ! On relèvera, d’abord, que le Conseil a admis la conformité à la Constitution du droit de présentation des greffiers des tribunaux de commerce, comme il l’avait fait quelques semaines plus tôt pour celui des notaires (décision n° 2015-459 QPC du 26 mars 2015, M. Frédéric P.). Ensuite, dans sa décision n° 2014-438 QPC du 16 janvier 2015, SELARL GPF Claeys, le Conseil s’est une nouvelle fois prononcé sur une hypothèse de saisine d’office du tribunal de commerce qui, en application de l’ancien article L. 621-12 du code de commerce(30), pouvait convertir d’office une procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire s’il apparaissait que le débiteur était déjà en cessation de paiement au moment du prononcé du jugement. Cette règle échappe à la censure selon un raisonnement fort proche de celui mené par les sages dans leur décision n° 2014-399 QPC du 6 juin 2014(31) : il n’y a pas, en l’occurrence, de « nouvelle instance » (cons. 9), ce qui débouche sur un simple contrôle – novateur depuis juin 2014 – de « la faculté pour le juge d’exercer certains pouvoirs d’office dans le cadre de l’instance dont il est saisi » (cons. 10). Comme dans sa précédente décision, le Conseil décide qu’il n’y a pas d’atteinte au principe d’impartialité déduit de l’article 16 de la Déclaration de 1789, dès lors que cette faculté est justifiée par un motif d’intérêt général (« éviter l’aggravation irrémédiable de la situation de l’entreprise », cons. 11) et qu’elle s’exerce dans le respect du principe du contradictoire (cons. 12). Le 26 septembre 2014, l’ordonnance n° 2014-1088 n’en a pas moins supprimé ce cas de saisine d’office, sans doute par crainte d’une censure constitutionnelle finalement évitée ! Toujours dans le domaine des procédures collectives, il faut enfin signaler la décision n° 2014-447 QPC du 6 février 2015, Époux R., qui valide l’article 64 de la (vieille !) loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, article selon lequel « les cautions solidaires et coobligés » ne peuvent se prévaloir du plan de continuation arrêté par le juge. À juste titre, du moins d’une certaine façon, les requérants dénonçaient la différence de traitement entre caution simple et caution solidaire, la première mais non la seconde pouvant se prévaloir des avantages consentis au débiteur principal en faillite dans le plan de continuation. Pour le Conseil, toutefois, « le principe d’égalité devant la loi n’impose pas d’uniformiser les régimes juridiques de la caution simple et de la caution solidaire » (cons. 6). Du point de vue de la logique civiliste, c’est le sort favorable fait à la caution simple qui méritait en vérité la critique, et non le sort réservé à la caution solidaire car, qu’il soit simple ou solidaire, le cautionnement a vocation dans les deux cas à pallier la défaillance du débiteur, ici en faillite(32). Du point de vue constitutionnel, on peut d’ailleurs se demander si la différence de traitement entre les cautions avait bien un « rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » (pour reprendre la célèbre formule finale du considérant de principe relatif à l’article 6 de la Déclaration de 1789). Comme l’on sait, la logique constitutionnelle n’a cependant pas pour objet de faire régner la pureté des principes civilistes et il n’appartient pas aux sages d’enjoindre au Parlement d’aggraver la situation des cautions simples !

On conclura néanmoins cette chronique en soulignant que c’est en quelque sorte un diminutif de ce pouvoir dont le Conseil a fait usage dans sa décision n° 2014-439 QPC du 23 janvier 2015, M. Ahmed S., au sujet de la déchéance de la nationalité française pouvant, dans certaines conditions, frapper les individus qui l’ont acquise et qui sont condamnés pour un acte de terrorisme (art. 25, 1 ° et art. 25-1 du code civil). En se référant à sa décision du 16 juillet 1996 qui avait validé dans ses motifs (mais non dans son dispositif, d’où la recevabilité de cette QPC) cette sanction, le Conseil a estimé qu’il n’y avait pas là d’atteinte au principe d’égalité entre les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles cette nationalité a été attribuée à leur naissance, quoiqu’elles se trouvent bien « dans la même situation ». Confortés par le dramatique contexte du mois de janvier 2015, les sages ont en effet jugé, en se référant au précédent de 1996, que « le législateur a pu, compte tenu de l’objectif tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme, prévoir la possibilité, pendant une durée limitée, pour l’autorité administrative de déchoir de la nationalité française ceux qui l’ont acquise, sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d’égalité » (cons. 13). Un mois plus tôt, la foule de la place de la République n’aurait peut-être pas été convaincue Mais puisqu’il ne faut pas paraître en reste dans la compétition supra-législative pour la promotion des droits fondamentaux, le Conseil a cru bon de poser une limite à la liberté à venir du Parlement, en ajoutant que le « délai de quinze ans prévu au premier alinéa de l’article 25-1(33) ( ) ne saurait être allongé sans porter une atteinte disproportionnée à l’égalité entre les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance » (cons. 15)(34). Pauvre Parlement, coincé entre les ambitions réformatrices du Gouvernement et les injonctions castratrices du Conseil constitutionnel

Revue doctrinale

  • Articles relatifs aux décisions du Conseil constitutionnel

2 juin 2014
2014-398 QPC

M. Alain D. [Sommes non prises en considération pour le calcul de la prestation compensatoire]

– Foulon, Marcel ; Strickler, Yves. « Du jugement définitif », La Gazette du Palais, 21 au 23 décembre 2014, n° 355-357, p. 11-15.

– Keita, Boubou. « Calcul de la prestation compensatoire : de l’inconstitutionnalité du second alinéa de l’article 272 du code civil. [Cass. civ. 1re, 22 octobre 2014, n° 13-24802] », Les Petites Affiches, 1er-2 janvier 2015, n° 1-2, p. 10-14.

24 juillet 2014
2014-695 DC

Loi relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public

– Roblot-Troizier, Agnès. « Quand le Conseil constitutionnel protège les intérêts financiers de l’État » in : Chronique de jurisprudence – Droit administratif et droit constitutionnel. Revue française de droit administratif, novembre-décembre 2014, n° 6, p. 1223-1224.

26 septembre 2014
2014-415 QPC

M. François F. [Responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif]

– Gout, Olivier. « Le principe de la responsabilité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Recueil Dalloz, 15 janvier 2015, n° 2, p. 127-128.

21 novembre 2014
2014-430 QPC

Mme Barbara D. et autres [Cession des œuvres et transmission du droit de reproduction]

– Laffaille, Franck. « Cession d’œuvre d’art et droit de reproduction », Recueil Dalloz, 5 février 2015, n° 5, p. 306-311.

16 janvier 2015
2014-438 QPC

SELARL GPF Claeys [Conversion d’office de la procédure de sauvegarde en une procédure de redressement judiciaire]

– Roussel-Galle, Philippe. « La saisine d’office, revenue devant le Conseil constitutionnel, crée la surprise », Bulletin d’actualité des greffiers, février 2015, n° 83, p. 1-3.

  • Articles thématiques

Droit civil– Delebecque, Philippe. « La limitation de responsabilité dont bénéficient les armateurs, et spécialement les plaisanciers, n’est pas contraire aux exigences constitutionnelles. [Cass. com., 9 octobre 2014, n° 14-40036] », Recueil Dalloz, 25 décembre 2014, n° 44, p. 2557-2559.

Droit social– Bernaud, Valérie. « Difficultés et solutions dans l’approche constitutionnelle de la liberté contractuelle en droit du travail », Droit social, janvier 2015, n° 1, p. 4-14.

– Cesaro, Jean-François ; Teissier, Arnaud. « L’égalité par le dialogue social [principe de participation des travailleurs]. [Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22179] », La Semaine juridique. Édition générale, 2 mars 2015, n° 9, p. 430-433.

– Cray, Pierre-Édouard du. « Une curiosité juridique : la décote des pensions de retraite à l’épreuve du principe d’égalité », La Semaine juridique. Social, 13 janvier 2015, n° 1-2, p. 23-28.

– Dumortier, Gaëlle ; Florès, Philippe ; Lallet, Alexandre ; Vialettes, Maud. « Actualités des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) », Droit social, janvier 2015, n° 1, p. 40-46.

– Millard, Éric. « Les droits des travailleurs en droit constitutionnel français : l’exemple du droit de grève ». P. Brunet, K. Hasegawa et H. Yamamoto in : Rencontres franco-japonaises autour des transferts de concepts juridiques, Mare et Martin, 2014, p. 277-284.

(1) Discours du 11 mars 2004 (http://discours.vie-publique.fr/notices/047000041.html).

(2) Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, dit « Projet Catala », La Documentation française, septembre 2005, et Pour une réforme du droit des contrats, dit « Projet Terré », Dalloz, 2008.

(3) Premier projet de juillet 2008, puis Avant-projet de réforme du droit des obligations. Document de travail, 23 octobre 2013.

(4) Sur l’ensemble de cette question, voir P. Deumier, « Le code civil, la loi et l’ordonnance », RTD civ., 2013, p. 597.

(5) Voir N. Molfessis, « Droit des contrats : l’heure de la réforme », JCP G, 2015, 199.

(6) M. Guillaume, « Les ordonnances : tuer ou sauver la loi ? », Pouvoirs, n° 114, 2005, p. 117.

(7) L’article 38 de la Constitution « fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention » (cons. 4).

(8) Voir D. Bureau et N. Molfessis, « Le nouveau code de commerce ? Une mystification », D., 2001, p. 361.

(9) J.-P. Chazal, « Quel programme idéologique pour la réforme du droit des contrats ? », D., 26 mars 2015, n° 12, éditorial, l’auteur relevant à juste titre l’ambivalence de la position du législateur qui, « dans un même geste, ( ) érige en principes généraux la bonne foi et la liberté contractuelle, semblant ne pas percevoir toutes les contradictions embarquées dans ces deux expressions ».

(10) En témoigne également l’imprécision du dernier alinéa – une porte ouverte, sous forme d’alinéa-balai – de l’énumération légale : « 13 ° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1 ° à 12 ° ».

(11) Soit dit en passant, on ne voit pas très bien en quoi la consécration de la notion de clause abusive en droit commun pourrait « simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat », contrairement à ce qu’affirme littéralement le 2 ° de l’article 8 Pour notre part, nous serions plutôt tentés d’y voir une complication, qu’elle soit ou non justifiée.

(12) Cela semble maladroitement exclure toute intervention judiciaire sur le contrat pour cause d’imprévision, ce qui trahit certainement les intentions du Gouvernement. En soi, cette rédaction est d’ailleurs absurde, car il va de soi que les parties ont toujours eu, d’un commun accord, la possibilité d’adapter leur contrat ! C’est dire si l’habilitation, qui se veut source de clarté à venir, se montre elle-même peu claire et fort imprécise

(13) Voir par exemple Cons. const., déc. n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes, cons. 12.

(14) Rappr. N. Molfessis, « Droit des contrats : l’heure de la réforme », préc., n° 2 : « Le recours aux ordonnances de l’article 38 [a] davantage pour objet de ne pas s’encombrer des parlementaires que de ne pas encombrer le Parlement ».

(15) La loi de ratification du 16 janvier 2009 a dû en effet apporter de nombreuses corrections à l’ordonnance du 4 juillet 2005.

(16) Ce qui suppose que l’ordonnance entre en vigueur avant sa ratification par le Parlement, hypothèse peu probable s’agissant d’une réforme de l’ampleur de celle annoncée.

(17) Voir notamment J. Héron, Principes du droit transitoire, Dalloz, 1996, spéc. n° 130 et s., p. 119 et s., à propos de « la rétrospectivité particulière aux actes juridiques ». Voir aussi, en jurisprudence, Cass. 1re civ., 29 avril 1960 : F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 1, Dalloz, 13e éd., 2015, n° 5-8, III, p. 49. Voir aussi, en jurisprudence, Cass. 1re civ., 29 avril 1960 ; F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 1, Dalloz, 13e éd., 2015, n° 5-8, III, p. 49.

(18) M. Hauriou, Principes de droit public, 1re éd., 1910, p. 206.

(19) Cass. ch. mixte, 13 mars 1981, n° 80-12.125 : Bull. civ. Ch. mixte, n° 3, p. 3.

(20) Note sous la décision n° 441/442/443 QPC, D., 2015, p. 779.

(21) Cons. const., déc. n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail, cons. 24 et s., et déc. n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, Loi relative à la réduction négociée du temps de travail, cons. 37 et s. (première censure sur ce fondement).

(22) Le droit transitoire (conflits de lois dans le temps), Dalloz et Sirey, 2e éd., 1960, spéc. n° 84, p. 423 et s., sur la « distinction du contrat et du statut légal ». Pressentant que la notion qu’il exposait n’était pas claire, voilà ce qu’écrivait l’auteur : « Ce que l’on peut dire de plus clair est ceci. Une loi est relative à une institution juridique lorsqu’elle vise des situations juridiques ayant une base en quelque sorte matérielle et concrète dans les personnes ou les choses qui nous entourent, et qu’elle crée directement sur cette base un réseau de pouvoirs et de devoirs, qui sont susceptibles d’intéresser tout le monde. Par exemple, le mariage, l’adoption, la propriété, etc., constituent des institutions juridiques, c’est-à-dire autant de statuts légaux » justifiant l’application de la loi nouvelle aux contrats en cours (p. 423).

(23) Voir à ce sujet Th. Bonneau, La Cour de cassation et l’application de la loi dans le temps, PUF, 1990, n° 188 et s., p. 169 et s. (avec les exemples jurisprudentiels cités) ; J. Héron, ouvrage préc., n° 142, p. 128. On trouve encore ce type de raisonnement dans la jurisprudence la plus récente. Voir Cass., avis, 16 février 2015, n° 15002 : « La loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, il en résulte que l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 24 mars 2014 en ce qu’il donne au juge la faculté d’accorder un délai de trois ans au plus au locataire en situation de régler sa dette locative s’applique aux baux en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014 ». On trouve encore ce type de raisonnement dans la jurisprudence la plus récente. Voir Cass., avis, 16 février 2015, n° 15002 : « La loi nouvelle régissant immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, il en résulte que l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 24 mars 2014 en ce qu’il donne au juge la faculté d’accorder un délai de trois ans au plus au locataire en situation de régler sa dette locative s’applique aux baux en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014.

(24) De même que celle qui, au nom d’un ordre public impérieux, permet aussi l’application de la loi nouvelle silencieuse aux contrats en cours. Voir par exemple Cass. soc., 12 juillet 2000, n° 98-43.541 : Bull. civ. V, n° 278, p. 219 : « L’ordre public social impose l’application immédiate aux contrats de travail en cours et conclus avant leur entrée en vigueur des lois nouvelles ayant pour objet d’améliorer la condition ou la protection des salariés ».

(25) Cass. com., 10 mai 2005, n° 03-17.618 : Bull. civ. IV, n° 100, p. 105.

(26) L. n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, art. 47, III (texte expressément déclaré interprétatif de droit).

(27) Dans sa rédaction issue de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

(28) « Ni le principe fondamental reconnu par les lois de la République relatif à la liberté d’association [soulevé d’office par le Conseil] ni aucune autre exigence constitutionnelle n’imposent que toutes les associations déclarées jouissent de la capacité de recevoir des libéralités ; que les griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle des associations déclarées doivent donc être écartés ; que, par voie de conséquence, il en va de même des griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle des testateurs et donateurs » (cons. 7).

(29) Lesquelles sont dotées de la « grande personnalité morale » qui leur permet, en principe, de recevoir des libéralités sans restriction particulière (L. 1er juillet 1901, art. 11, réd. L. n° 2014-856 du 31 juillet 2014).

(30) Dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté.

(31) Voir cette chronique in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2014, n° 45, p. 192.

(32) Telle est d’ailleurs la solution désormais posée par l’article L. 631-20 du code de commerce en matière de plan de redressement. Comp. art. L. 626-11 pour le plan de sauvegarde. Sur cette distinction et sa raison d’être, voir le commentaire de la décision n° 447 QPC sur le site du Conseil, p. 6 et s. Voir aussi Ch. Juillet, note critique in D., 2015, p. 898.

(33) Délai de 15 ans, à partir de l’acquisition de la nationalité française, pendant lequel l’autorité administrative peut agir en déchéance.

(34) Voir P. Spinosi, obs. in JCP G, 2015, act. 122, jugeant cette décision « empreinte d’équilibre ».