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Observatoire de jurisprudence constitutionnelle - Chronique n°10

Étude coordonnée par Guillaume DRAGO avec Hubert Alcaraz, Laetitia Janicot, Philippe Raimbault, Agnès Roblot-Troizier, Ariane Vidal-Naquet

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 37 - octobre 2012

Chaque trimestre, l'Observatoire de jurisprudence constitutionnelle de l'Université Panthéon-Assas Paris II livre une chronique publiée dans Les nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel. Celle-ci, coordonnée par le Professeur Guillaume Drago, est destinée à présenter et commenter les décisions rendues par les juridictions administratives, judiciaires et financières en matière constitutionnelle. On trouve dans cette rubrique dix thèmes identifiés comme majeurs (droits et libertés, justice, droit pénal et procédure pénale, droit social, égalité – discrimination, finances publiques et fiscalité, élections, normes, pouvoirs publics et autorités administratives, réserves d'interprétation).

Les chroniques de ce numéro portent sur le thème « Droits et libertés » : Droit au respect de la vie privée - Langue - Liberté de l'enseignement et droit de l'éducation- Droit de l'environnement

DROITS ET LIBERTÉS

Droit au respect de la vie privée

par Hubert Alcaraz Maître de conférences à l'Université de Pau

Décisions commentées : CE, 27 avr. 2011, n° 314577, Fedida, au Lebon ; AJDA 2011. 873 ; D. 2011. 1945, obs. M.-C. de Montecler, note G. Lécuyer ; AJCT 2011. 520, obs. A. Chéron ; CE, 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l'image, au Lebon ; AJDA 2012. 35, chron. M. Guyomar et X. Domino ; ibid. 2011. 2036 ; D. 2011. 2602, et les obs. ; CE, 22 juin 2011, n° 347813, Kargaci (Epx), au Lebon ; AJDA 2011. 1760 ; Cass., crim., 30 novembre 2011, n° 11-87.213 ; Cass., crim., 4 janvier 2012, n° 11-87.001 ; Cass., crim., 14 mars 2012, n° 12-90.001 ; Cass., crim., 16 juin 2011, n° 10-80.016 ; Cass., crim., 7 septembre 2011, n° 10-85.310 ; Cass., crim., 19 octobre 2011, n° 10-88.193 ; Crim., 30 nov. 2011, n° 10-81.748, D. 2011. 2989 ; Soc., 3 nov. 2011, n° 10-18.036, D. 2011. 2803 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2012. 156, obs. B. Bossu et T. Morgenroth ; Civ. 1re, 6 oct. 2011, n° 10-21.822, D. 2011. 2771, note E. Dreyer ; ibid. 2457, édito. F. Rome ; ibid. 2012. 765, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2011. 522, obs. S. Lavric ; RTD civ. 2012. 89, obs. J. Hauser

Mots clés : Vie privée, visites et saisies domiciliaires, protection des données personnelles, biométrie, article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Alors que nous relevions, il y a tout juste un an, que le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) n'avait pas encore produit toutes ses potentialités en matière de protection de la vie privée, l'année écoulée, ce n'est pas là le moindre des paradoxes, a brusquement projeté cette question sur le devant de la scène. Exposés sous le feu de l'oil médiatique, ce sont tour à tour, et pour ne s'en tenir qu'à quelques exemples, l'accès aux « fadettes » de journalistes, les révélations de sites d'informations tel Mediapart, les ambiguïtés de la lutte contre la fraude identitaire, ou encore les démêlés politico-judiciaires de la famille placée à la tête de l'un des plus grands groupes industriels français, qui ont nourri les unes. Ainsi placées au cour de l'actualité, les préoccupations autour de la protection du droit au respect de la vie privée ont démontré, si besoin en était, que cette notion, loin d'être dépassée à l'heure de la confusion des sphères publique et privée, demeure capitale. Au-delà de cette observation générale, l'examen de la jurisprudence ordinaire fait, en premier lieu, apparaître une multiplication des QPC en matière de droit au respect de la vie privée, confirmant l'essentiel des orientations qui se dessinaient il y a un an. En second lieu, des nuances, voire de véritables précisions, peuvent également être identifiées ; parfois issues de la jurisprudence constitutionnelle, elles se diffusent aisément, semble-t-il, dans les décisions des juges ordinaires, mettant en lumière la cohérence des solutions retenues. En toute hypothèse, elles apportent de précieux éclairages sur la protection que reçoit le droit au respect de la vie privée devant les juridictions judiciaires et administratives.

C'est, d'une part, à un accroissement du nombre des dispositions légales contestées au regard du droit au respect de la vie privée, par le biais de QPC, que l'on assiste. De ce point de vue, les visites domiciliaires occupent toujours largement le prétoire au titre des QPC formées devant le juge judiciaire ; c'est très souvent le cas, à propos de l'article L. 450-4 du code de commerce, lorsque le juge des libertés et de la détention autorise la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles (1). Dans le même ordre d'idées, quant à la possibilité pour l'administration fiscale, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, de soumettre un contribuable à des demandes, des éclaircissements et justifications en vue d'établir l'existence de revenus dissimulés, c'est, cette fois, le juge administratif qui se voit sollicité (2). Inutile de revenir sur ce que nous avons déjà eu l'occasion de dire : devant le juge judiciaire, bien que le droit au respect de la vie privée soit également en cause et, plus précisément, le droit à l'inviolabilité du domicile chaque fois que des perquisitions sont en cause, c'est le plus souvent au regard des droits de la défense que la question est envisagée pour, finalement, être repoussée. Le Conseil d'État, pour sa part, constatant l'irrecevabilité du moyen, n'a pas eu à trancher la question (3). Dans toutes ces affaires, le juge ordinaire a refusé de renvoyer la question au Conseil constitutionnel, se livrant, pour ce faire, à ce qui ressemble fort à un contrôle de constitutionnalité, observant que la conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public et le respect de la vie privée « n'est pas manifestement disproportionnée » et que les dispositions en cause « sont suffisamment précises et non équivoques pour exclure tout risque d'arbitraire » (4). Dans un domaine voisin, la solution retenue manifeste la même orientation, lorsque la Cour de cassation, pour refuser le renvoi d'une QPC portant sur les articles 60 et 67 du code des douanes, juge que ces dispositions « ne méconnaissent à l'évidence aucun des droits ou principes que la Constitution garantit » (5). À cet égard, on se souvient que dans la décision 214 QPC, le Conseil constitutionnel a relevé la conformité à la Constitution de l'article 65 de ce code, article relatif au droit de communication dont disposent certains agents de l'administration dans le cadre de leurs pouvoirs de recherche a posteriori des infractions douanières ; le juge constitutionnel y distinguait, à bon droit, entre perquisitions douanières et droit de communication (6). Par ailleurs, le constat du refus de renvoi peut, également, être étendu aux dispositions de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, portant sur l'usage de stupéfiants (7), ou à celles de l'article 55-1, alinéas 1 et 2, du code de procédure pénale à propos, en cas de crime ou de délit flagrant, du refus de se soumettre aux opérations de prélèvements externes ou de relevés signalétiques (8). La lutte contre le proxénétisme a aussi donné lieu à l'articulation de griefs d'inconstitutionnalité devant le juge judiciaire ; elle n'a pas davantage été couronnée de succès (9). Il y a ici confirmation d'une jurisprudence, administrative comme judiciaire, désormais clairement affermie sur ces points. Les refus de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité sont loin d'être dépourvus d'enseignements et mettent en évidence la cohérence des solutions adoptées.

D'autre part, les préoccupations, devant les juges administratif et judiciaire, apparaissent très sensiblement communes, permettant à des précisions de se faire jour. D'un côté, certaines tendances déjà mises en lumière ont été validées. À cet égard, l'invocation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que sont articulés devant le juge ordinaire, des moyens tirés de la violation du droit au respect de la vie privée, demeure majoritaire (10). On en prendra pour preuve une affaire emblématique qui, entre le printemps 2011 et aujourd'hui, a défrayé la chronique, nourrissant révélations et conflits familiaux au sein de la famille Bettencourt. Parmi les nombreuses décisions juridictionnelles auxquelles ces démêlés ont donné lieu, une grande partie portait sur la question du respect de la vie privée de la célèbre milliardaire. Or, devant le juge judiciaire étaient, notamment, invoquées conjointement la violation des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de celles de l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; il s'agissait, plus précisément, de contester la validité du versement au dossier, au titre de preuves, de la transcription d'enregistrements de conversations tenues au domicile de la milliardaire, et réalisés clandestinement par son maître d'hôtel (11), ainsi que leur diffusion par la presse. Plusieurs des personnes mises en cause soutenaient qu'il y avait là une atteinte à l'intimité de la vie privée. Non seulement, l'invocation conjointe des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Déclaration de 1789 est remarquable en ce qu'elle a d'emblématique des options contentieuses des plaideurs en matière de protection du respect de la vie privée. Mais la solution retenue par la Cour de cassation, quant aux révélations de plusieurs médias, l'est tout autant, dans la mesure où la Haute juridiction n'exige pas une atteinte effective à l'intimité de la vie privée pour estimer qu'une telle violation a bien eu lieu : fixer l'image à l'insu de la personne intéressée, capter à son insu ses paroles, c'est-à-dire procéder par la voie de techniques de surprise et de dissimulation, produit cette conséquence saisissante que le juge n'a pas à s'interroger sur le contenu du message (12). Il y a là une garantie « formelle » du droit au respect de la vie privée, que l'on ne peut manquer de rapprocher de l'inviolabilité du domicile ou de celle des communications. Quant à la précédente observation, nous avons déjà eu l'occasion de nous interroger sur les raisons de ce « succès juridictionnel » : le droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti sur le fondement de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme, souffre de ce qu'il se déploie, devant le juge constitutionnel, avant tout à travers des garanties procédurales, bien plus qu'il n'est doté d'un contenu matériel. Aussi, les espoirs des requérants ne peuvent-ils qu'être nourris par l'hyper-activisme de la jurisprudence européenne. Cependant, on ajoutera que la tendance, toujours ferme, est loin de marginaliser le recours à l'article 2 de la Déclaration de 1789, les requérants faisant, au demeurant, souvent feu de tout bois en invoquant à la fois la violation de la Convention européenne et celle de la Déclaration de 1789 (13). D'ailleurs, le succès de la QPC devant le juge judiciaire ne se dément pas.

D'un autre côté, plusieurs décisions manifestent nettement l'accord des analyses mises en ouvre par le juge ordinaire et le juge constitutionnel en matière de protection de la vie privée. On pense, en particulier, à la jurisprudence relative à la protection des données personnelles. Sans qu'il faille la confondre avec le droit au respect de la vie privée, les notions sont largement voisines, voire susceptibles de se superposer, et il est rare qu'un traitement de données personnelles ne soit pas potentiellement attentatoire au droit au respect de la vie privée. Ainsi, saisi du décret du 30 avril 2008, prévoyant, d'une part, la biométrisation du passeport français par recueil de l'image numérisée du visage et des empreintes digitales et, d'autre part, l'enregistrement de ces données personnelles dans une base centralisée dénommée « Titres électroniques sécurisés » (TES), le Conseil d'État a censuré la collecte et la conservation de huit empreintes au lieu des deux imposées par le droit communautaire (14). Le juge administratif avait estimé que les données recueillies pour la mise en ouvre du passeport biométrique devaient être celles qui étaient strictement nécessaires aux finalités du traitement et il avait donc sanctionné l'exigence d'empreintes digitales supplémentaires. On ne peut manquer de rapprocher l'observation du Conseil d'État, selon laquelle ces données ne sont « ni adéquates, ni pertinentes et apparaissent excessives au regard des finalités du traitement informatisé », de l'exigence de proportionnalité que traduisent plusieurs décisions rendues à ce sujet par le Conseil constitutionnel (15). Certes, le Conseil d'État s'est montré, apparemment, moins sévère que ne l'a été le Conseil constitutionnel, mais les caractères du contrôle de proportionnalité auquel, chacun pour leur part, ils se livrent, sont, pour l'essentiel, concordants et peuvent être rapprochés de ceux que retient la Cour de cassation (16).

Par conséquent, ce sont d'utiles éclaircissements qui ont été fournis. Tout d'abord, les liens qu'entretiennent protection des données personnelles et droit au respect de la vie privée ont été précisés. À cet égard, le Conseil d'État a rappelé que la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d'informations personnelles nominatives constituent une ingérence dans le droit de toute personne au respect de sa vie privée (17). Le Conseil constitutionnel, quant à lui, juge que le droit au respect de la vie privée implique l'encadrement du traitement des données personnelles (18). On appréciera la cohérence des solutions, à l'heure où un recours croissant à l'informatique a permis la création de plus d'une cinquantaine de fichiers de police et où les réseaux sociaux annoncent leur intention d'utiliser des données biométriques (19). Ensuite, le Conseil d'État a eu l'occasion d'affirmer la compétence des juridictions administratives, dans des termes d'une clarté et d'une fermeté inédites à notre connaissance, lorsqu'une atteinte, imputable à une personne publique, est portée à la vie privée ou au droit d'auteur (20). Il en a profité pour indiquer nettement que les règles sur ce point sont celles qui sont issues de l'article 9 du code civil et des orientations posées par la jurisprudence judiciaire ; à cet égard, il est tout à fait remarquable qu'il n'entende donc pas développer une conception propre du droit au respect de la vie privée. Enfin, les questions prioritaires de constitutionnalité à venir peuvent être l'occasion de développements jurisprudentiels utiles. On pense, en particulier, au contrôle de la procédure dire d'« accouchement sous X », mise en place par les articles L. 147-6 et L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles, à l'égard de laquelle un requérant a récemment fait valoir, notamment, une atteinte au droit au respect de la vie privée (21). Même si cet argument paraît, à ce stade, peu convaincant, gageons que les mois à venir fourniront encore l'occasion de précisions significatives.

(1) Cass., crim., 16 juin 2011, pourvoi n° 10-80.016, arrêt n° 3677 ; Cass., crim., 7 septembre 2011, pourvoi n° 10-85.310, arrêt n° 4862 ; Cass., crim., 19 octobre 2011, pourvoi n° 10-88.193, arrêt n° 5947 ; du même jour, pourvoi n° 10-88.194, arrêt n° 5948.

(2) CE, 22 juin 2011, n° 347813.

(3) CE, 22 juin 2011, préc. À propos du dispositif voisin des articles L. 80 F à H du LPF, la Cour de cassation a considéré que « les dispositions critiquées ne méconnaissaient, à l'évidence, aucun des droits ou principes que la Constitution garantit » : Cass., crim., 21 mars 2012, pourvoi n° 11-86.317, arrêt n° 2065.

(4) Cass., crim., 21 juin 2011, pourvoi n° 11-82.858, arrêt n° 3783 : à propos de l'art. 77-1-1 du Code de procédure pénale qui permet à un officier de police judiciaire d'exiger la remise de documents, y compris informatiques lato sensu.

(5) Cass., crim., 5 octobre 2011, pourvoi n° 11-90.089, arrêt n° 5613.

(6) Cons. const., déc. n° 2011-214 QPC du 27 janvier 2012, D. 2012. 449, point de vue C.-J. Berr ; AJ pénal 2012. 167, obs. G. Roussel.

(7) Cass., crim., 30 novembre 2011, pourvoi n° 11-87.213, arrêt n° 6861.

(8) Cass., crim., 4 janvier 2012, pourvoi n° 11-87.001, arrêt n° 2.

(9) Cass., crim., 14 mars 2012, pourvoi n° 12-90.001, arrêt n° 1858.

(10) En matière d'interception de communications téléphoniques, on pourra se reporter, par exemple, à Cass., crim., 27 septembre 2011, pourvoi n° 11-81-848 ; outre ce dispositif, pour un cas de sonorisation, captation d'images et géolocalisation d'un véhicule : Crim., 22 nov. 2011, n° 11-84.308, D. 2011. 2937 ; ibid. 2012. 171, chron. C. Roth, A. Leprieur et M.-L. Divialle ; ibid. 2118, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2012. 293, obs. J. Lasserre Capdeville.

(11) Crim., 31 janv. 2012, n° 11-85.464, D. 2012. 440, obs. M. Lena ; ibid. 914, note F. Fourment ; ibid. 2118, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2012. 224, note E. Daoud et Pierre-Philippe Boutron-Marmion ; RSC 2012. 401, obs. X. Salvat.

(12) Cass., civ. 1re, 6 octobre 2011, pourvoi n° 10-21.822, arrêt n° 898 ; du même jour, Civ. 1re, 6 oct. 2011, n° 10-21.823, D. 2012. 765, obs. E. Dreyer.

(13) À titre d'exemple : Cass., crim., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-81.748, arrêt n° 6621 ; Crim., 30 nov. 2011, n° 10-81.749, D. 2011. 2988 ; RTD eur. 2012. 526, obs. F. Zampini ; ibid. 526, obs. F. Zampini.

(14) CE, ass., 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l'image et autres, n° 317827.

(15) Cons. const., déc. n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, D. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ pénal 2010. 545, étude J. Danet ; déc. n° 2012-652 DC du 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l'identité, AJDA 2012. 623.

(16) Cass., soc., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-18.036, arrêt n° 2206.

(17) CE, ass., 26 octobre 2011, préc.

(18) Cons. const., déc. n° 2012-652 DC, préc., cons. 8.

(19) www.cnil.fr.

(20) CE, 27 avril 2011, Commune de Nantes, n° 314577 ; le respect de la vie privée, en l'espèce d'un mineur, avait déjà été envisagé pour être concilié avec la liberté d'expression : CE, 16 mars 2011, n° 334289, TF1, au Lebon ; D. 2011. 2012, note M. Afroukh.

(21) CE, 16 mars 2012, n° 355087, AJDA 2012. 576 ; D. 2012. 1432, obs. F. Granet-Lambrechts.

DROITS ET LIBERTÉS

Langue

par Ariane Vidal-Naquet, Professeur à l'Université d'Aix-Marseille, ILF-GERJC

Décisions commentées : CAA Marseille, 13 octobre 2011, Commune de Galiera, n° 10MA02330 ; CE, 20 décembre 2011, Syndicat national des professions du tourisme, n° 318920 ; Crim., 8 févr. 2012, n° 11-88.044, D. 2012. 612 ; ibid. 1775, chron. C. Roth, B. Laurent, P. Labrousse et Marie-Lucie Divialle

Mots clés : article 2 de la Constitution, article 75-1 de la Constitution, langue de la République, langue régionale, langue étrangère, tourisme, conseil municipal, délibération, procédure.

La portée de l'article 2 de la Constitution a été notablement restreinte à l'occasion d'un recours contre le décret transposant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles au titre de la libre prestation de services (1). Le décret prévoyait notamment que le titre officiel, voire le titre de formation, des guides-interprètes ou conférenciers établis dans d'autres États membres de l'Union européenne mais exerçant à titre temporaire ou occasionnel en France serait indiqué « dans la langue officielle de l'État d'établissement ». Rappelant que l'article 2 impose l'usage du français aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, le Conseil d'État juge cependant que, « eu égard à l'objet des dispositions contestées (...) qui n'ont ni pour objet ni pour effet d'obliger de telles personnes à utiliser une langue autre que le français, le syndicat requérant ne saurait se prévaloir à leur encontre de la méconnaissance de l'article 2, alinéa 1er, de la Constitution ». Le juge semble ici cantonner l'article 2 à sa facette négative, l'interdiction d'obliger des personnes à utiliser une langue autre que la langue officielle. Mais il occulte son versant positif, l'obligation d'utiliser le français, qui semble en l'espèce méconnue dès lors que ces mentions en langues étrangères figurent sur des documents destinés aux tiers, qu'il s'agisse des personnes recourant aux services de ces guides ou des responsables des musées ou monuments historiques visités.

La portée de cet article 2 a également été précisée par la Cour administrative d'appel de Marseille, combinée avec l'article 75-1. Une petite commune de Haute Corse avait décidé qu'un conseil municipal sur deux se tiendrait totalement en langue corse, que le compte-rendu en serait bilingue et que sa traduction en français sera remise en sous-préfecture (2). S'appuyant sur les articles 2 et 75-1 de la Constitution ainsi que sur les dispositions de la loi Toubon, la Cour rappelle « qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public et que les particuliers ne peuvent être contraints à l'usage d'une langue autre que le français ». Elle ajoute, fort opportunément, qu'en insérant dans la Constitution l'article 75-1, « le pouvoir constituant a (...) entendu marquer l'attachement de la France aux langues régionales, sans pour autant créer un droit ou une liberté opposable dans le chef des particuliers ou des collectivités territoriales ». La décision contestée ayant « pour objet et pour effet de contraindre les membres de cette assemblée à s'exprimer exclusivement, une séance sur deux, dans une langue autre que la langue française », ces dispositions sont, nonobstant les comptes rendus des séances bilingues et la traduction française, contraires aux dispositions précitées. On relèvera que le Conseil d'État avait adopté une position similaire à propos du règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française qui prévoyait que les orateurs pourraient s'y exprimer « en langue française ou en langue tahitienne ou dans l'une des langues polynésiennes ». Rappelant les termes de l'article 2 de la Constitution, le Conseil d'État avait alors précisé que si la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française avait consacré l'existence de ces autres langues « aux côtés de la langue de la République », elle imposait néanmoins le français comme langue officielle et il avait, en conséquence, annulé la disposition litigieuse (3).

Dans un arrêt du 8 février 2012, publié au bulletin, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé le vénérable principe selon lequel le français est la seule langue de procédure. Une chambre de l'instruction avait refusé à un avocat polonais, intervenant aux côtés d'un avocat français, la possibilité de présenter des observations dans l'intérêt de son client lors de l'audience à laquelle était examinée la demande d'extradition concernant celui-ci. À l'appui de son pourvoi, le demandeur soulignait que l'avocat étranger ne maîtrisait pas la langue française, langue de la République posée par l'article 2, mais qu'il intervenait de concert avec un avocat français et qu'était présent un interprète en langue polonaise. Cette argumentation n'a pas convaincu. Selon la Cour de cassation, la chambre de l'instruction a justifié sa décision « dès lors que tout avocat, même de nationalité étrangère, plaidant devant les juridictions répressives françaises, est tenu de le faire en français, seule langue de procédure admise ». Est ici implicitement visé l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts, qui impose que « tous arrêtés, ensemble toutes autres procédures ... soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage français maternel françois et non autrement ». Sur ce fondement, les demandes adressées au juge et les décisions de justice doivent être écrites en français, de même que les actes de procédure tels les assignations, conclusions et significations. La jurisprudence est cependant plus souple quant aux documents produits et aux débats. S'agissant de ces derniers, il est admis que les parties peuvent utiliser une langue étrangère dès lors qu'elle est traduite en français ; les codes de procédure prévoient que les parties peuvent s'exprimer en langue étrangère à la condition d'être assistées d'un interprète (par ex. CPP, art. 344 ; 443 -NCPC art. 740 - CJA, art. R 776-23) ; le juge peut même s'abstenir de recourir à un interprète lorsqu'il connaît la langue dans laquelle s'expriment les parties (NCPC, art. 23). Il faut en conclure que cette facilité reconnue aux parties parce qu'elle participe aux droits de la défense ne l'est pas aux avocats, auxiliaires de justice.

(1) CE, 20 décembre 2011, Syndicat national des professions du tourisme, n° 318920.

(2) CAA Marseille, 13 octobre 2011, Commune de Galiera, n° 10MA02330.

(3) CE, 29 mars 2006, n° 282335, Haut-commissaire de la République en Polynésie française, Fritch, au Lebon ; AJDA 2006. 733.

DROITS ET LIBERTÉS

Liberté de l'enseignement et droit de l'éducation

par Philippe Raimbault Professeur de droit public (LaSSP), Directeur de Sciences Po Toulouse

Décisions commentées : CE, 15 déc. 2010, n° 344729, Ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et de la vie associative c/ Peyrilhe (Epx), au Lebon ; AJDA 2011. 858, note P.-H. Prélot ; ibid. 2010. 2453 ; D. 2011. 1126, note Y. Dagorne-Labbe ; RDSS 2011. 176, obs. R. Fontier ; CE, ord. réf., 23 février 2011, Mme M., n° 346844 ; CE, 20 avril 2011, M. et Mme S., n° 345442 ; CE, 15 juin 2011, n° 347581, Association justice pour toutes les familles, au Lebon ; AJDA 2011. 1233 ; ibid. 1966, concl. M. Vialettes ; Cah. Cons. const. 2012. 186, obs. L. Gay ; CE, 23 déc. 2011, n° 350541, Association DIH mouvement de protestation civique, au Lebon ; AJDA 2012. 6 ; TA Toulouse, 1er décembre 2011, n° 1005158-4 ; Cass., civ., 14 septembre 2011, n° 11-13.069

Mots clés : Droit à l'éducation, scolarisation des élèves en situation de handicap, référé liberté, auxiliaire de vie scolaire, temps périscolaire, prise en charge financière, absentéisme scolaire d'élèves mineurs, sanction administrative, mesures de suspension/suppression des allocations familiales, principe d'égalité, accident survenu lors d'un stage, faute inexcusable de l'établissement d'enseignement, rejet de l'action récursoire dirigée contre l'entreprise du stagiaire.

L'éducation et l'institution scolaire sont depuis les origines de la République des questions particulièrement importantes, souvent au cour des débats publics. La récente campagne présidentielle a du reste une nouvelle fois illustré les clivages susceptibles de se créer autour de ce sujet. Pourtant, malgré l'ancienneté des débats, l'encadrement juridique, et notamment constitutionnel, de l'activité scolaire n'est pas surdéveloppé en France et se concrétise principalement à travers la double proclamation du droit à l'éducation et de la liberté de l'enseignement. Cette relative timidité constitutionnelle est d'autant plus patente lorsque le regard est porté hors des frontières. De nombreuses constitutions récentes, et de manière assez significative notamment des dispositions issues du « printemps arabe » de 2011, ont effectivement développé un corpus bien plus riche sur ce terrain, intégrant notamment une dimension qualitative du droit à l'éducation (1), sans toutefois que l'effectivité du droit proclamé ne soit garanti.

Dans ce contexte, il n'est guère surprenant que l'institutionnalisation et l'autonomisation du droit scolaire aient tardé à se concrétiser en France et ne se soient opérées, résultantes d'une certaine inflation contentieuse liée au développement de la responsabilité administrative, que dans le courant des années 1990, au bénéfice de la réduction des mesures d'ordre intérieur à l'école (2). Face à ce double constat d'une consécration constitutionnelle limitée et d'un droit scolaire en pleine structuration, il semblait envisageable que la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité soit très largement saisie pour mieux ancrer le droit scolaire au sommet de la hiérarchie des normes.

Or, pour l'heure, sans être insignifiant, le bilan de l'usage de cette procédure est peut-être moins fourni qu'il n'était imaginable en ce domaine. De fait, seules trois questions posées ont directement porté sur l'activité et l'institution scolaires et aucune d'entre elles n'a abouti à une évolution majeure. C'est ainsi que le récent article 75-1 intégrant les langues régionales au patrimoine de la France a été jugé comme n'instituant pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit et n'est de ce fait pas invocable dans ce cadre (3). De même, le financement obligatoire par les départements des centres d'information et d'orientation (CIO) initialement créés à leur demande a été considéré comme conforme à la Constitution, sous réserve de la nécessité pour l'État, lorsqu'il est confronté à une demande de désengagement de la collectivité, soit de transformer le CIO concerné en service de l'État, soit d'organiser sa fermeture (4). Enfin, au niveau universitaire, les dispositions contestées de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ont-elles aussi été jugées comme étant conformes à la Constitution, sous une réserve correctrice relative aux pouvoirs du président de l'université en matière de recrutement dans les corps d'enseignants-chercheurs (5).

Par ailleurs, la décision relative au droit local alsacien-mosellan, rendue sur une question relative au travail dominical, est également intéressante en la matière dans la mesure où les spécificités de ce droit ont des répercussions importantes à l'école (dispositions réunies à l'article L. 481-1 du Code de l'éducation ; à titre d'exemple une heure par semaine d'enseignement religieux obligatoire dans les écoles primaires), spécificités qui pouvaient sembler mises en danger par l'émergence de la question prioritaire de constitutionnalité. Or, la reconnaissance par le Conseil constitutionnel d'un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République garantissant le maintien en vigueur des règles locales particulières applicables dans les trois départements concernés limite l'impact éventuel du nouveau dispositif constitutionnel sur l'école (6). Ainsi, l'influence des QPC traitées par le Conseil ne se révèle pas encore fondamentale sur le droit de l'éducation. Pour autant, ces décisions nourrissent la jurisprudence constitutionnelle mobilisée par les requérants devant les juges ordinaires et l'existence même du dispositif constitue un encouragement à saisir ces derniers, ce qui alimente le contentieux scolaire. Le phénomène s'est illustré durant l'année écoulée principalement autour de l'accès à l'instruction et des conditions d'exercice de la scolarisation.

L'une des principales dispositions constitutionnelles en matière éducative est évidemment l'alinéa 13 du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que

« la Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État ».

Fondement du droit à l'éducation, ce texte a également permis la consécration d'une exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction (7). Le législateur a d'ailleurs concrétisé ce droit en proposant dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées une nouvelle conception de la politique éducative pour les élèves en situation de handicap. Cette loi met effectivement fin au principe d'une éducation spéciale et développe au contraire l'idée d'un parcours s'effectuant en priorité en milieu scolaire ordinaire. Ainsi, l'accessibilité aux différents types ou niveaux de la formation scolaire reconnue à chaque élève ne l'est plus seulement « en fonction de ses aptitudes », mais aussi « de ses besoins particuliers » (adjonction à l'article L. 111-2 du Code de l'éducation), ce qui permet d'englober, tout en la reconnaissant, la situation des élèves handicapés. Ces derniers se voient pour ce faire reconnaître le droit de s'inscrire dans l'école la plus proche qui constitue leur « établissement scolaire de référence », au sein duquel pourra être mis à disposition si nécessaire un assistant d'éducation. Mise en ouvre par anticipation par le Conseil d'État, qui a consacré l'existence d'un droit subjectif à la scolarisation des enfants en situation de handicap (8), cette loi est aujourd'hui à l'origine d'une part non négligeable des contentieux dans lesquels est impliquée l'Éducation nationale, en dépit des réels efforts mis en ouvre en termes de moyens.

Le droit à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap constitue en effet la principale concrétisation du droit à l'éducation et permet au juge administratif de donner corps à l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction. Cette démarche est particulièrement explicite lorsque le Conseil d'État se fonde directement sur l'alinéa 13 du Préambule de 1946 pour hisser le droit à la scolarisation au rang des libertés fondamentales au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative et ainsi lui conférer une justiciabilité dans le cadre du référé-liberté (9). Dès lors, la privation « de toute possibilité de bénéficier d'une scolarisation ou d'une formation scolaire adaptée » pour un enfant en situation de handicap est susceptible de constituer une atteinte à une liberté fondamentale. L'invocation de la Constitution permet donc ici de perfectionner l'arsenal juridictionnel dont disposent les requérants pour s'assurer de l'effectivité de leur droit. Pour autant, le juge administratif ne pousse pas encore la logique du dispositif à son terme dans la mesure où il demeure très exigeant dans son appréciation de la nécessité d'une « atteinte grave et manifestement illégale » à cette liberté. Ses raisonnements in concreto - fondés sur l'âge de l'enfant et les diligences accomplies par l'autorité administrative compétente au regard des moyens dont elle dispose - le conduisent en effet encore souvent à ne pas reconnaître l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale, limitant alors l'avancée née de la reconnaissance de la fondamentalité du droit à la scolarisation. Tel est le cas dans l'espèce évoquée, où l'absence d'auxiliaire de vie scolaire n'est pas jugée manifestement illégale dès lors que l'enfant reste scolarisé, même si la scolarité s'avère plus difficile. Il en va de même du refus d'affectation d'un élève dans un collège doté d'une section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), dès lors que le handicap considéré n'est pas incompatible avec la scolarisation aménagée proposée (10). À l'évidence, les dispositions constitutionnelles sont prises en considération par le juge administratif, qui améliore le cadre normatif en intégrant mieux l'exigence d'égal accès à l'enseignement. Néanmoins, soucieux de tenir compte des contraintes des autorités publiques, il n'interprète pas encore le dispositif de la manière la plus favorable aux libertés individuelles. L'invitation constitutionnelle demeure présente et pourrait progressivement l'inciter à aller plus loin dans l'avenir, notamment lorsque le juge statuera au fond. Il faut à ce titre noter que dans le cadre du référé suspension, plusieurs jurisprudences ont déjà insisté sur la nécessaire effectivité de ce droit, jugeant par exemple que le financement des emplois d'assistants d'éducation recrutés par l'État pour « l'aide à l'accueil et à l'intégration scolaires des enfants handicapés en milieu scolaire n'est pas limité aux interventions pendant le temps scolaire » (11) ou encore que l'autorité académique ne saurait « se prévaloir du manque d'effectifs en assistants d'éducation dans le département pour suspendre (...) la mise en ouvre de l'aide d'un assistant de vie scolaire attribué » à l'élève (12). L'horizon constitutionnel permet donc d'envisager d'autres avancées.

II - L'encadrement inabouti des conditions de la scolarisation

Si le cadre constitutionnel peut incontestablement favoriser l'égal accès de tous à l'instruction, sans discrimination et ainsi perfectionner le droit subjectif à l'éducation, il reste à déterminer si le texte suprême peut jouer un même rôle de fécond aiguillon des libertés dans le fonctionnement de l'institution scolaire.

La réponse ne paraît pas nécessairement positive au regard de la jurisprudence intervenue en matière d'absentéisme scolaire. Saisi par une association d'une demande d'annulation du décret permettant la suspension du versement des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire chronique, le Conseil d'État s'est effectivement refusé à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qui mettait en cause la loi fondant ce texte, en considérant que la question n'était ni nouvelle, ni sérieuse. Selon la Haute juridiction, ni la politique de solidarité nationale prévue aux 10 et 11es alinéas du Préambule de 1946, ni le principe d'égalité n'interdisent à l'autorité administrative d'exercer un pouvoir de sanction, dès lors que celle-ci « est exclusive de toute privation de liberté » et que ce pouvoir « est assorti de mesures destinées à assurer les droits et libertés constitutionnellement garantis », ce qui est bien le cas en l'espèce du fait des garanties procédurales accordées (13). Quels enseignements tirer de cet échec de la mobilisation des normes constitutionnelles ? S'il faut se garder de toute conclusion définitive, il reste probable que les juges ordinaires ne souhaitent pas interpréter trop extensivement les dispositions constitutionnelles et qu'ils s'efforcent donc de ne pas donner des implications sectorielles très concrètes à des dispositions générales comme la solidarité nationale ou l'égalité. La prudence du juge administratif peut alors se lire à la fois comme une volonté de ne pas empiéter sur le rôle premier du Conseil constitutionnel en matière d'interprétation de la Constitution et comme l'expression d'une stratégie plus défensive visant à ne pas donner à ce dernier de multiples occasions de développer les contraintes constitutionnelles à l'occasion de l'examen des questions prioritaires dont il serait saisi.

Une même réticence à exploiter la Constitution dans ses moindres implications est d'ailleurs perceptible de la part de la Cour de cassation qui, saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre l'interdiction d'action récursoire contre l'auteur d'une faute inexcusable opposable aux universités s'agissant des accidents survenus aux étudiants stagiaires (article L. 412-8 du Code de la sécurité sociale), a refusé la transmission au Conseil constitutionnel (14). L'argumentation repose là aussi sur l'absence de nouveauté et de caractère sérieux de la question, notamment au regard du principe d'égalité, l'établissement d'enseignement se trouvant dans une situation différente de celle des autres employeurs.

Enfin, l'usage du texte constitutionnel pour contester le contenu même des programmes reste également limité. Ainsi, dans une affaire récente où était mis en cause l'apprentissage à l'école de la Marseillaise, le Conseil d'État a refusé la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil en la jugeant non sérieuse du fait de la reconnaissance constitutionnelle de l'hymne national à l'article 2. En l'espèce, la Constitution permet même de « protéger » la loi en cause au regard de plusieurs convention internationales dans la mesure où l'article 2 est considéré comme autorisant nécessairement l'apprentissage de l'hymne national, sans qu'il soit utile d'analyser la compatibilité de la loi le prévoyant avec les conventions internationales (15).

Ainsi, deux ans après l'émergence de la question prioritaire de constitutionnalité, son apport à la constitutionnalisation du droit de l'éducation n'est pas encore majeur. Elle permet certes de développer des argumentations nouvelles qui conduisent les juges ordinaires à intervenir sur des questions jusqu'alors rarement évoquées. Mais, souvent filtrée, elle n'a pour l'heure pas généré de remises en cause fondamentales. Par-delà cette procédure, les juges ordinaires sont cependant de en plus souvent amenés à concrétiser des affirmations constitutionnelles, ce qu'ils font d'autant plus facilement que le droit énoncé est précis et proche du domaine scolaire. Le phénomène est patent concernant le droit à l'instruction, récemment bien développé et précisé sous l'angle de l'égal accès. Ils sont en revanche légitimement plus timides lorsque l'argument constitutionnel reste généraliste et conduirait à introduire de nouvelles obligations dans le fonctionnement du service public éducatif. Il y a là l'illustration d'une prudence qui, pour être classique, n'en est pas moins justifiée.

(1) Voir par exemple l'article 31 de la Constitution marocaine du 1er juillet 2011, qui dispose que « l'État, les établissements publics et les collectivités territoriales ouvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits [...] à une éducation moderne, accessible et de qualité ».

(2) CE, 2 novembre 1992, Kherouaa.

(3) Déc. n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011, AJDA 2011. 1053 ; ibid. 1963, note M. Verpeaux.

(4) Déc. n° 2011-149 du 13 juillet 2011, AJDA 2011. 1467 ; ibid. 2067, note M. Verpeaux.

(5) Déc. n° 2010-20/21 du 6 août 2010, AJDA 2010. 1557 ; ibid. 2011. 1791, note M. Verpeaux ; D. 2010. 2335, note F. Melleray ; AJFP 2010. 245, et les obs., reprise par le Conseil d'État dans des décisions évoquées par M. Disant dans la chronique n° 8 de l'Observatoire.

(6) Déc. n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, AJDA 2012. 331, note A. Jennequin ; ibid. 2011. 1590 ; ibid. 1880, étude M. Lombard, S. Nicinski et E. Glaser ; RDT 2011. 574, obs. E. Sander ; RFDA 2011. 1209, chron. A. Roblot-Troizier et G. Tusseau ; ibid. 2012. 131, note J.-M. Woehrling ; Constitutions 2012. 104, obs. C. Radé.

(7) Déc. n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, D. 2002. 1949, obs. D. Ribes.

(8) CE, 8 avr. 2009, n° 311434, M. et Mme Laruelle, au Lebon ; AJDA 2009. 678 ; ibid. 1262, concl. R. Keller ; D. 2009. 1508, obs. C. De Gaudemont, note P. Raimbault ; RDSS 2009. 556, note H. Rihal.

(9) CE, 15 déc. 2010, n° 344729, Ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et de la vie associative c/ Peyrilhe (Epx), au Lebon ; AJDA 2011. 858, note P.-H. Prélot ; ibid. 2010. 2453 ; D. 2011. 1126, note Y. Dagorne-Labbe ; RDSS 2011. 176, obs. R. Fontier.

(10) CE, ord. réf., 23 février 2011, Mme M., n° 346844.

(11) CE, 20 avril 2011, M. et Mme S., n° 345442.

(12) TA Toulouse, 1er décembre 2011, n° 1005158-4.

(13) CE, 15 juin 2011, Association « Justice pour toutes les familles », n° 347581.

(14) Cass., civ. 2e, 14 septembre 2011, n° 11-13.069.

(15) CE, 23 décembre 2011, Association DIH-Mouvement de protestation civique, n° 350541.

DROITS ET LIBERTÉS

Droit de l'environnement

par Laetitia Janicot Professeur à l'Université de Cergy-Pontoise,
Agnès Roblot-Troizier Professeur à l'Université d'Évry,
Ariane Vidal-Naquet Ariane Professeur à l'Université d'Aix-Marseille III ILF-GERJC

Décisions commentées : CE, 15 avr. 2011, n° 346042, Association après-mines Moselle-Est, au Lebon ; AJDA 2011. 823 ; Constitutions 2011. 407, obs. D. Hédary ; CE, 18 juill. 2011, n° 340512, Fédération nationale des chasseurs , Fédération départementale des chasseurs de la Meuse, au Lebon ; AJDA 2011. 1527 ; ibid. 2311 ; ibid. 2012. 1047, étude C. Groulier ; D. 2011. 2121, et les obs. ; ibid. 2694, obs. F. G. Trébulle ; Constitutions 2012. 147, obs. K. Foucher ; CE, 14 sept. 2011, n° 348394, Pierre, au Lebon ; AJDA 2011. 1764 ; D. 2011. 2282, obs. S. Brondel ; ibid. 2811, chron. N. Maziau ; CE, 16 nov. 2011, n° 344972, Ciel et Terre (Sté), au Lebon ; AJDA 2011. 2262 ; CE, 9 déc. 2011, n° 324294, Réseau sortir du nucléaire, au Lebon ; AJDA 2011. 2445 ; CE, 1er févr. 2012, n° 353945, Les Angles (Cne), au Lebon ; AJDA 2012. 242 ; CE, 23 mars 2012, n° 337144, Hures la Parade (Cne), au Lebon ; AJDA 2012. 624 ; ibid. 1458, note E. Untermaier ; AJCT 2012. 377, obs. M. Moliner-Dubost ; Crim., 3 mai 2011, n° 10-81.529, RTD eur. 2012. 519, obs. B. Thellier de Poncheville ; CAA Marseille, 12 mai 2011, Association Fédération d'action régionale pour l'environnement (FARE Sud) et autres, n° 10MA04368 ; CAA Marseille, 16 juin 2011, Commune d'Arles-sur-Tech, n° 09MA02520 ; CAA Nancy, 30 juin 2011, n° 10NC01264, Cousances-les-Triconville (Cne), AJDA 2011. 2374 ; CAA Bordeaux, 7 juin 2001, Association de sauvegarde de l'église de Castels et Château de Fages, n° 10BX01576 ; CAA Bordeaux, 21 juin 2011, Cne de Saint-Pierre-d'Irube, n° 10BX02447 ; CAA Versailles, 5 juillet 2011, Société Continent, n° 09VE01624 ; CAA Versailles, 5 juillet 2011, Société Sogara, n° 09VE01622 ; CAA Marseille, 11 juillet 2011, Société Dépôt pétrolier de Port-la-Nouvelle, n° 08MA04178 ; CAA Douai, 19 juillet 2011, Lille Métropole Communauté urbaine, n° 09DA00608 ; CE, 26 juill. 2011, n° 342453, Syndicat national des pilotes de la ligne France Alpa, au Lebon ; CAA Nancy, 4 août 2011, M. Bernard, n° 10NC01680 ; CAA Versailles, 13 septembre 2011, SAS Super Nivolet, n° 09VE00386 ; CE, 26 oct. 2011, n° 326492, Saint-Denis (Cne), au Lebon ; AJDA 2011. 2039 ; ibid. 2219, chron. J.-H. Stahl et X. Domino ; D. 2012. 2128, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; RDI 2012. 153, obs. A. Van Lang ; AJCT 2012. 37, obs. M. Moliner-Dubost ; CE, 26 oct. 2011, n° 329904, Pennes-Mirabeau (Cne), au Lebon ; AJDA 2011. 2039 ; D. 2012. 2128, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJCT 2012. 37, obs. M. Moliner-Dubost ; CE, 26 oct. 2011, n° 341767, Société française de radiotéléphone, au Lebon ; AJDA 2011. 2039 ; D. 2011. 2660, et les obs. ; ibid. 2012. 2128, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJCT 2012. 37, obs. M. Moliner-Dubost ; CAA Versailles, 1er décembre 2011, Commune de Saint-Lambert des bois et SA Source du Val Saint-Lambert, n° 10VE01705-10VE01869 ; CAA Marseille, 5 décembre 2011, Association Trebon-Campagne et autres, n° 09MA01711 ; CAA Douai, 8 décembre 2011, Société Ecotera et autres, n° 10DA00984 ; CAA Marseille, 8 décembre 2011, Association de défense et de sauvegarde des sites de Peille, n° 09MA03392 ; CAA Lyon, 4 janvier 2012, Société Innovent, n° 10LY01901 ; CE, 30 janv. 2012, n° 344992, Orange France (Sté) c/ Noisy-le-Grand (Cne), au Lebon ; AJDA 2012. 183 ; RDI 2012. 176, obs. P. Soler-Couteaux ; ibid. 327 et les obs. ; CAA Nantes, 3 févr. 2012, n° 10NT01244, Baudoin, AJDA 2012. 1080 ; CAA Paris, 9 février 2012, Association pour la reconnaissance de Noisement, l'aménagement de son site et la sauvegarde de son environnement naturel et association pour la sauvegarde de seine port et de ses environs, n° 10PA03987 ; CAA Bordeaux, 6 mars 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, n° 11BX01701, n° 11BX01700, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, AJDA 2012. 1155, note J.-M. Pontier, n° 11BX01599, n° 11BX01598

Mots clés : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Charte de l'environnement (articles 2, 4, 5, 6, 7), code rural, compétence, concours des polices, développement durable, droit d'accès à l'information, droit de participation à l'élaboration des décisions publique, équarrissage, indépendance des législations, invocabilité, lien de causalité, maïs génétiquement modifié, parc d'éoliennes, police générale, police spéciale, politique forestière, politique publique, pollution, pouvoir réglementaire, principe de précaution, principe du pollueur payeur, question prioritaire de constitutionnalité, remembrement rural, responsabilité civile, risques pour l'environnement, risques sanitaires, santé publique, sécurité des personnes, taxe sur les achats de viande.

I - L'article 5 de la Charte de l'environnement

À nouveau, l'article 5 de la Charte de l'environnement relatif au principe de précaution nourrit abondamment le contentieux. La jurisprudence continue d'en préciser les contours non sans quelques hésitations.

Soucieux de maîtriser le périmètre du principe de précaution, le Conseil d'État a ainsi rappelé que ce dernier « n'est susceptible de s'appliquer qu'aux possibles dommages de nature à affecter de manière grave et irréversible l'environnement », ce qui exclut qu'il soit invoqué en matière de protection de la santé ou de la sécurité des personnes (1). Ce recadrage contraste avec plusieurs initiatives politiques visant au contraire à étendre le principe de précaution à la santé publique et à la sécurité alimentaire (voir par exemple la résolution sur la mise en ouvre du principe de précaution adoptée par l'Assemblée nationale le 1er février 2012). Pourtant, s'agissant du contentieux des antennes-relais, à nouveau abondant et instructif, le juge administratif semble admettre que, pour l'application de l'article 5 de la Charte de l'environnement, le risque puisse résulter, « pour le public, de son exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais de téléphonie mobile » (2) ; de même accepte-t-il d'examiner « les risques sur la santé humaine, résultant des effet des champs électromagnétiques provoqués par les antennes relais de téléphonie mobile (...) de nature à affecter de manière grave et irréversible l'environnement et la santé » (3). Plus subtilement, ont pu être examinés à l'encontre de la légalité d'un permis de construire et sur le fondement du principe de précaution « les risques pouvant résulter, pour le public, des risques de pollution », l'atteinte à la santé et à la sécurité étant ici envisagée comme une conséquence des risques environnementaux (4).

La probabilité et le caractère plausible des risques « incertains » ont également été précisés par le juge. S'agissant toujours du contentieux des antennes-relais, le Conseil d'État confirme l'abandon du principe d'indépendance des législations : « il appartient (...) à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme » (5). Mais il précise aussitôt que « les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas (...) de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaitre, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus » (6). La seule invocation du principe de précaution ne suffit pas : les risques, incertains par nature, doivent être étayés mais non prouvés ou avérés faute de quoi ils ne relèveraient plus du champ d'application de ce principe. Cependant, la notion d' « éléments circonstanciés » mérite encore d'être précisée : en l'espèce, le maire avait invoqué à l'appui du principe de précaution le non respect des normes de distance minimale entre plusieurs antennes relais adoptées dans plusieurs pays voisins, ce qui n'a pas convaincu le Conseil d'État qui attendait sans doute des éléments plus détaillés et factuels.

La jurisprudence de l'année écoulée témoigne également du souci du juge de juguler les conséquences de ce principe de précaution, parfois perturbateur pour l'ordre juridique.

L'invocation de ce principe ne saurait remettre en cause la répartition des compétences s'agissant de l'exercice du pouvoir de police. Dans quatre arrêts d'assemblée du 26 octobre 2011 (CE ass., Cne de Saint-Denis, Cne de Pennes-Mirabeau, Société française de radiotéléphonie et 341768), le Conseil d'État relève que le principe de précaution « est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d'attributions ». Très fermement, il précise que ce dernier « ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions ». À cet égard, on rappellera que le Conseil constitutionnel avait pris soin de souligner que les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement « s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectifs » (Cons. const., 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, consid. 18, AJDA 2008. 1232 ; ibid. 1614, note O. Dord ; D. 2009. 1852, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2448, obs. F. G. Trébulle ; RFDA 2008. 1233, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud ; Constitutions 2010. 56, obs. A. Levade ; ibid. 139, obs. Y. Aguila ; ibid. 307, obs. Y. Aguila). Or, s'agissant des antennes relais, le législateur a confié aux autorités de l'État la police spéciale des communications électroniques. Ceci exclut toute intervention des maires sur le fondement de leur pouvoir de police générale et au nom du principe de précaution. De fait, ces derniers ne sauraient se réfugier derrière des circonstances locales pour adopter une « réglementation relative à l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes » (7).

De même le juge judiciaire a-t-il eu l'occasion de circonscrire les conséquences du principe de précaution (8). Citant les articles 1 à 5 de la Charte de l'environnement, la Cour de cassation précise que c'est « à bon droit » que les juges du fond ont estimé que « la charte de l'environnement et le principe de précaution ne remettaient pas en cause les règles selon lesquelles il appartenait à celui qui sollicitait l'indemnisation du dommage (...) d'établir que ce préjudice était la conséquence directe et certaine de celui-ci ». L'invocation du principe de précaution ne doit pas conduire à altérer les règles d'engagement de la responsabilité et, plus particulièrement, à inverser la charge de preuve : en l'espèce, la cour d'appel a justement retenu que le lien de causalité entre le risque, la présence d'une ligne à très haute tension, et les dommages allégués, les problèmes sanitaires rencontrés par les animaux d'un élevage, n'était pas suffisamment caractérisé. Ce faisant, la Cour de cassation confirme l'invocabilité de l'article 5 de la Charte de l'environnement dans les litiges entre particuliers, ici entre RTE, ex-EDF, et un exploitant agricole ; elle se montre néanmoins peu sourcilleuse sur le périmètre des risques couverts par le principe de précaution, en l'espèce des risques sanitaires.

II - L'article 7 de la Charte de l'environnement

Les décisions de l'année écoulée confirment la jurisprudence antérieure quant à l'invocabilité de l'article 7 de la Charte de l'environnement devant les juridictions ordinaires. On sait que si cette disposition constitutionnelle reconnaît à toute personne le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques ainsi que le droit de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, elle est également une règle constitutionnelle de répartition des compétences normatives en ce qu'elle donne compétence au législateur pour définir « les conditions et les limites » des droits consacrés.

La compétence exclusive du législateur pour définir les conditions et les limites des droits garantis par l'article 7 de la Charte implique que la compétence du pouvoir règlementaire en la matière est limitée à l'adoption des « mesures d'application des conditions et limites fixées par le législateur » (9). Comme le rappelle le Conseil d'État dans son arrêt du 9 décembre 2011, Réseau sortir du nucléaire, « postérieurement à l'entrée en vigueur de la Charte, le pouvoir réglementaire ne peut prendre des dispositions que pour l'application de dispositions législatives antérieures l'habilitant à intervenir dans ce domaine ou de dispositions législatives postérieures et conformes aux exigences de la Charte » (10). En l'espèce, la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire garde « le silence (...) sur les modalités de participation du public à l'élaboration des décisions d'autorisation d'arrêt définitif et de démantèlement de centrale nucléaire dont les demandes ont été déposées avant la publication du décret du 2 novembre 2007 ». Dans ces conditions, la requérante n'était pas fondée à soutenir que les dispositions réglementaires attaquées, certes adoptées fin 2007, mais qui se bornent « à renvoyer aux modalités d'instruction des demandes d'autorisation prévues par le décret du 11 décembre 1963 », sont entachées d'incompétence.

Il résulte de cette répartition des compétences normatives une invocabilité limitée des droits issus de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Logiquement, ce dernier ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'un décret qui « n'a ni pour objet, ni pour effet, d'instituer une procédure particulière déterminant les conditions et limites dans lesquelles le droit à l'information et à la participation des personnes pour l'élaboration d'une décision publique procédant à l'extension du périmètre du cour d'un parc naturel national doit être exercé » (11). De même, doit être écarté le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité règlementaire qui adopte des mesures qui « n'ont pas pour objet de mettre en ouvre le principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement consacré par l'article 7 de la Charte de l'environnement, mais concernent un comité chargé du suivi de la mise en ouvre des engagements du «Grenelle de l'environnement » » (12).

La position prise la cour administrative d'appel de Versailles dans son arrêt du 1er décembre 2011 est plus radicale (13) : saisie de deux moyens par lesquels les associations requérantes entendaient contester la constitutionnalité - au regard de l'article 7 de la Charte - d'autorisations de travaux, la cour juge ces moyens irrecevables aux motifs, pour l'un, qu'une norme constitutionnelle ne peut être invoquée directement à l'appui d'un recours contre une décision administrative prise sur le fondement de dispositions législatives - on reconnaît ici une application classique de la théorie de la « loi-écran » - et, pour l'autre, qu'une norme constitutionnelle ne peut être directement invoquée à l'appui d'un recours contre une décision administrative. La généralité des termes ici employés ne peut que surprendre, dès lors qu'elle semble signifier qu'une norme constitutionnelle, quelle qu'elle soit, n'est pas invocable à l'appui d'un recours dirigé contre une décision administrative, quelle qu'elle soit.

Bien qu'une telle conclusion soit excessive, il faut reconnaître que l'invocabilité de l'article 7 de la Charte reste dépendante des lois prises pour son application : reprenant la jurisprudence du Conseil d'État en la matière (14), la cour d'appel de Marseille a jugé que « lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en ouvre des principes énoncés à l'article 7 de la Charte de l'environnement, la légalité des décisions administratives s'apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s'agissant de dispositions législatives antérieures à l'entrée en vigueur de la Charte de l'environnement, qu'elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette charte » (15). La cour en déduit la légalité de la délibération locale attaquée en l'espèce : « le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 7 de la charte de l'environnement ne saurait (...) être accueilli » dans la mesure où la délibération ne méconnaît pas les dispositions législatives du code de l'environnement (16).

Cette jurisprudence permet toutefois aux juridictions administratives de porter des appréciations sur le respect au fond des exigences de l'article 7, à condition que les décisions administratives attaquées entrent dans le champ d'application de cette disposition constitutionnelle.

La cour administrative d'appel de Marseille a, dans un arrêt du 16 juin 2011, clairement précisé les contours du droit de participation en matière environnementale. Ainsi, en se référant tant à l'article 7 de la Charte de l'environnement qu'à l'article L.110-1 du code de l'environnement, la cour a jugé que « le principe de participation visé par ces dispositions (...) concerne les projets, plans et programmes ayant des incidences importantes sur l'environnement ou l'aménagement du territoire et dont les effets et conséquences doivent être maîtrisés au nom de la protection et de la gestion des espaces et des ressources concernés ». Aussi « l'opération de recensement et de cartographie de risques naturels connus afin de déterminer des périmètres de protection contre leur manifestation » n'entre-t-elle pas dans le champ de l'article 7 de la Charte en ce qu'elle « n'a pas pour effet de modifier ou d'altérer l'environnement » : le principe de participation « ne peut donc être invoqué pour contester la régularité de la procédure d'élaboration de l'arrêté litigieux » (17).

Les droits d'information et de participation de l'article 7 de la Charte n'en restent pas moins invocables. Invocables d'abord par le truchement de l'article L. 110-1 du Code de l'environnement comme l'illustre parfaitement l'arrêt de la cour administrative de Marseille du 5 décembre 2011 (18) qui vérifie que le public a pu effectivement participer à la procédure d'élaboration du projet litigieux (19) : se fondant sur les deux dispositions, la cour vérifie que la procédure suivie a permis au public de « se prononcer en connaissance de cause sur le projet », d'être informé et de présenter des observations. Et elle précise que, si les dispositions législatives et constitutionnelles permettent au public de faire part de son opinion sur un projet ayant une incidence sur l'environnement, elles « n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exiger que ce dernier soit associé à la décision finale, notamment en ce qui concerne le choix d'un tracé ».

On notera également que le Conseil d'État ne se réfère pas à l'article L. 110-1 du code de l'environnement dans son arrêt Société Ciel et Terre, mais qu'en l'espèce, il constate l'absence de violation « en tout état de cause » de l'article 7 de la Charte de l'environnement « eu égard à la nature et à la durée très limitée » des décisions administratives de suspension attaquées (20).

Les droits garantis par l'article 7 de la Charte sont également invocables au soutien d'une QPC à l'encontre de dispositions législatives. Dans sa décision de renvoi du 18 juillet 2011, Association France Nature Environnement, le Conseil d'État considère d'abord que les dispositions de l'article 7 de la Charte ne peuvent être utilement invoquées pour contester la procédure d'élaboration d'une ordonnance d'où sont issues les dispositions ratifiées qui font l'objet de la QPC. En revanche, il juge ensuite que le moyen tiré de la méconnaissance par la loi du droit de participation présente à la fois un caractère nouveau et un caractère sérieux. Le Conseil d'État constate en effet que « si le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, examiné la conformité de dispositions législatives à l'article 7 de la Charte de l'environnement, il ne s'est prononcé que sur le droit dont dispose toute personne à accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques, et pas sur le droit de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement mentionné au même article et sur la portée de celui-ci » : la question présente donc un caractère nouveau au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, ce qui implique que la QPC doit être renvoyée au Conseil constitutionnel. Elle présente en outre un caractère sérieux tant s'agissant de la méconnaissance du droit de participation que concernant le droit à l'information. Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011, que le législateur avait effectivement méconnu l'étendue de sa compétence en violation de l'article 7 de la Charte de l'environnement en ne prévoyant pas la participation du public à l'adoption de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement (21).

III - Les autres articles de la Charte de l'environnement

Plusieurs arrêts confirment enfin la volonté du juge administratif de circonscrire le champ de l'article 6 de la Charte aux termes duquel : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

Comme il l'avait fait l'année dernière, le juge exige comme condition de l'applicabilité de l'article 6 la mise en ouvre d'une politique publique (22). Ainsi, cet article ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une mesure de police ordonnant la remise en état d'une zone humide (23). Le moyen tiré de la violation de l'article 6 est également jugé inopérant à l'encontre de décisions prises par l'autorité administrative dans le cadre de compétences liées (24).

L'article 6 de la Charte a été invoqué à deux reprises dans le cadre de QPC, mais sans succès. D'abord, dans un arrêt du 14 septembre 2011, M. Pierre (25), le Conseil d'État a rejeté une QPC portant sur l'article L. 123-3 du code rural relatif au remembrement rural en jugeant qu' « eu égard à son objet et ses modalités de mise en ouvre, le remembrement tel qu'il est défini par la loi ne méconnaît pas les exigences de l'article 6 de la Charte ». Puis, dans un arrêt du 1er février 2012, Commune des Angles (26), le Conseil d'État a refusé de renvoyer une QPC portant sur l'article L. 144-1 du code forestier relatif à la vente de coupes de bois par l'ONF, en jugeant que ces dispositions « n'ont [...] pas [...] pour objet ou pour effet de priver les collectivités territoriales de la possibilité de prendre part, à travers la mise en ouvre de la politique forestière et la gestion de leurs forêts, à l'amélioration de l'environnement et à la promotion d'un développement durable ».

C'est aussi à l'occasion de recours contentieux portant sur la réalisation de parcs d'éoliennes que l'article 6 de la Charte a été invoqué sans aboutir toutefois à des annulations (27). Dans deux arrêts du 30 juin 2011 (28), la Cour administrative d'appel de Nancy a jugé qu'un préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en refusant la création d'une zone de développement de l'éolien dès lors que cette zone se trouvait dans le principal couloir de migration de grues.

L'article 2 de la Charte, jusqu'à présent peu invoqué (29), a donné lieu cette année à plusieurs arrêts qui retiennent l'attention. Le juge oppose cet article aux pouvoirs publics et aux autorités administratives qui « sont tenus à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de leur activité » (CE, 14 septembre 2011, M. Pierre, n° 348394). Aussi a-t-il accepté d'apprécier la légalité, conformément à cet article, de la modification d'un PLU (30) ou de l'approbation d'une carte communale (31). La Cour de cassation, elle aussi, a du se prononcer sur la responsabilité de prévenus, poursuivis pour avoir détruit une parcelle de culture autorisée de maïs génétiquement modifié, ces derniers ayant invoqué l'état de nécessité, cause d'irresponsabilité prévue par l'article 122-7 du code pénal, arguant de ce que les poursuites étaient contraires, notamment, aux articles 1 et 2 de la Charte de l'environnement (32). La cour a toutefois jugé que les actes reprochés n'étaient pas justifiés par un danger actuel ou imminent caractéristique de l'état de nécessité.

En revanche, le juge a écarté le moyen tiré de la violation de l'article 2, au motif que cet article « ne saurait être regardé comme imposant à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie d'octroyer une subvention à une association exerçant des activités cultuelles sans tenir compte des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 » (33).

Il en va différemment de l'article 4 de la Charte, dont la violation n'a pu être utilement invoquée devant le juge. Dans trois arrêts, la Cour administrative d'appel de Versailles a en effet jugé que « compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre de l'année 2001, le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur » (34). Un requérant ne peut pas davantage se prévaloir utilement de l'article 4 de la Charte à l'encontre d'une personne publique qui n'est pas à l'origine de la pollution de terrains (35).

(1) CE, 26 juillet 2011, Syndicat national des pilotes de ligne France Alpa, nos 342453 et 342454.

(2) CE, 30 janvier 2012, Société Orange France, nos 344992 et 344993.

(3) CAA Nantes, 3 février 2012, M. Baudoin, n° 10NT01244.

(4) CAA Marseille, 8 décembre 2011, Association de défense et de sauvegarde des sites de Peille, n° 09MA03392.

(5) V. Chronique OJC, Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 33, p. 229.

(6) CE, 30 janvier 2012, Société Orange France, nos 344992 et 344993 préc.

(7) CE, mêmes décisions - pour un arrêt antérieur réservant au maire la possibilité d'agir sur le fondement de son pouvoir de police générale en cas de péril imminent ou de circonstances locales particulières, voir CAA Bordeaux, 21 juin 2011, Commune de Saint-Pierre-d'Irube, n° 10BX02447.

(8) Civ. 3e, 18 mai 2011, n° 10-17.645, D. 2011. 2089, obs. I. Gallmeister, note M. Boutonnet ; ibid. 2679, chron. A.-C. Monge et I. Goanvic ; ibid. 2694, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 2891, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Gelbard-Le Dauphin ; ibid. 2012. 47, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2011. 540, obs. P. Jourdain.

(9) CE, ass., 3 oct. 2008, n° 297931, Commune d'Annecy, au Lebon 322 ; AJDA 2008. 1852 ; ibid. 2166, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; D. 2009. 1852, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2448, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2008. 563, obs. P. Soler-Couteaux ; RFDA 2008. 1147, concl. Y. Aguila ; ibid. 1158, note L. Janicot ; ibid. 1233, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud ; Constitutions 2010. 139, obs. Y. Aguila ; ibid. 307, obs. Y. Aguila, JCP, 2008, I, 225, chron. B. Plessix, DA, 2008, n° 152, note F. Melleray, Europe, nov. 2008, n° 55, comm. D. Simon.

(10) CE, 9 décembre 2011, Réseau sortir du nucléaire, 324294.

(11) CE, Sect., 23 mars 2012, Commune de Hures-la-Parade, 337144.

(12) CE, 18 juillet 2011, Fédération nationale des chasseurs et Fédération départementale des chasseurs de la Meuse, 340512.

(13) CAA Versailles, 1er décembre 2011, Commune de Saint-Lambert des bois et SA Source du Val Saint-Lambert, 10VE01705-10VE01869.

(14) Bien que l'article 7 ne soit pas lui-même en cause, voir CE, 19 juin 2006, n° 282456, Association Eau et rivières de Bretagne, au Lebon ; AJDA 2006. 1584, chron. C. Landais et F. Lenica ; RFDA 2007. 596, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier.

(15) CAA Marseille, 12 mai 2011, Association Fédération d'action régionale pour l'environnement (FARE Sud) et autres, 10MA04368.

(16) Dans le même sens, CAA Marseille, 19 mai 2011, Comité de sauvegarde du site de Clarensy-Valensole, 09MA01597.

(17) CAA Marseille, 16 juin 2011, Commune d'Arles-sur-Tech, 09MA02520.

(18) CAA Marseille, 5 décembre 2011, Association Trebon-Campagne et autres, 09MA01711.

(19) Dans le même sens, voir dans la précédente chronique CAA Marseille, 14 avril 2011, Commune d'Amélie-les-bains, 09MA02409.

(20) CE, 16 nov. 2011, Société Ciel et Terre et autres, 344972 et autres : « eu égard à la nature et à la durée très limitée » de la suspension de l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil prononcée par décret, « l'absence de consultation préalable du public ne méconnaît pas, en tout état de cause, les dispositions [...] de l'article 7 de la Charte de l'environnement », dès lors qu'une telle suspension est « destinée à permettre au Gouvernement de redéfinir, en lien avec les acteurs de la filière, les règles relatives à l'obligation de conclure un contrat d'achat d'électricité ».

(21) Cons. const., n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011, Association France Nature Environnement [Projets de nomenclature et de prescriptions générales relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement], cons. 7 et 8, AJDA 2011. 1981 ; ibid. 2012. 260, étude B. Delaunay ; Constitutions 2012. 150, obs. A. Faro ; RSC 2011. 844, obs. J.-H. Robert.

(22) V. Chronique OJC, Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 33, p. 229, préc.

(23) CAA Nancy, 4 août 2011, M. Bernard, n° 10NC01680.

(24) CAA Marseille, 11 juillet 2011, Société Dépôt pétrolier de Port-la-Nouvelle, n° 08MA04178 ; CAA Lyon, 4 janvier 2012, Société Innovent, n° 10LY01901.

(25) n° 348394.

(26) n° 353945.

(27) V., cependant, CAA Douai, 8 décembre 2011, Société Ecotera et autres, n° 10DA00984, retenant sans explication le caractère inopérant du moyen tiré de la violation de l'article 6 à l'encontre d'un refus de délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un parc éolien.

(28) Nos 10NC01264 et 10NC01265.

(29) V. Chronique OJC, Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n° 33, p. 229, préc.

(30) CAA Paris, 9 février 2012, Association pour la reconnaissance de Noisement, l'aménagement de son site et la sauvegarde de son environnement naturel et Association pour la sauvegarde de Seine-Port et de ses environs, n° 10PA03987.

(31) CAA Bordeaux, 7 juin 2001, Association de sauvegarde de l'église de Castels et Château de Fages, n° 10BX01576, exerçant un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation.

(32) Cass., crim., 3 mai 2011, n° 10-81529.

(33) CAA Bordeaux, 6 mars 2012, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, nos 11BX01701, 11BX01700, 11BX01599, 11BX01598.

(34) CAA Versailles, 5 juillet 2011, Société Continent, n° 09VE01624 ; CAA Versailles, 5 juillet 2011, Société Sogara, n° 09VE01622 ; CAA Versailles, 13 septembre 2011, SAS Super Nivolet, n° 09VE00386. V., dans le même sens, CAA Nancy, 25 mars 2010, nos 09NC00825 et 08NC00803 commentés in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2010, n° 29, p. 267.

(35) CAA Douai, 19 juillet 2011, Lille Métropole Communauté urbaine, n° 09DA00608.