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Le réalisme du Conseil constitutionnel

Didier RIBES - Professeur à l'Université de Haute-Alsace, GERJC Institut Louis Favoreu CNRS UMR 6201

Cahier du Conseil constitutionnel n° 22 (Dossier : Le réalisme en droit constitutionnel) - juin 2007

Le réalisme décrit-il une forme particulière, un aspect distinctif de l'activité du Conseil constitutionnel ? Qualifie-t-il plus précisément une donnée juridique ou une politique jurisprudentielle ? Sur un plan théorique, le terme « réalisme » est-il opératoire à une compréhension approfondie de la manière dont le Conseil constitutionnel fait œuvre juridictionnelle ? Il n'est pas certain qu'il soit utilement descriptif et il est même possible qu'il obscurcisse, voire qu'il déforme toute analyse à prétention scientifique du travail du juge constitutionnel français. La raison en est que l'appellation « réalisme » recouvre, si l'on ose dire, des « réalités » différentes, en caractérisant des objets distincts et en portant des sens autonomes.

Le « réalisme » évoque irrémédiablement aujourd'hui une posture métajuridique que Michel Troper a largement popularisée en France. Le réalisme juridique (Legal Realism) développe l'idée que les acteurs juridiques, notamment les juges, sont libres de donner aux textes qu'ils interprètent le sens qu'ils veulent(1). Certains tenants de la théorie réaliste de l'interprétation précisent, cependant, qu'il existe des « contraintes », qualifiées même de juridiques, à la liberté du juge(2). Ce juge peut naturellement intégrer des approches théoriques du droit. Les liens entre la sociological jurisprudence et les conceptions juridiques de certains membres de la Cour suprême sont assez clairs. Les juges constitutionnels français peuvent, sans doute aussi, faire leurs certaines conclusions du néoréalisme tropérien, notamment l'idée de stratégies suivies par le juge dans l'exercice de son pouvoir comme le dialogue des juges. Il reste, et sans se prononcer sur la possibilité même pour le Conseil constitutionnel d'être réaliste au sens de la théorie du droit(3), que tel n'est pas son discours, la motivation explicite de ses décisions.

Dans le langage courant, le réalisme caractérise aussi l'attitude de celui qui tient compte de la réalité et non de principes abstraits comme critère d'action. Même selon cette acception, parler de réalisme n'est pas univoque pour caractériser la jurisprudence constitutionnelle. Loin de proposer un concept neutre(4), le réalisme est porteur, dans les esprits, soit de péjoration, soit de majoration. En négatif, il fait vivre l'idée que le juge constitutionnel s'abstrait du service impératif de la Constitution pour laisser son jugement être conditionné par des considérations extra-juridiques conjoncturelles, notamment politiques. En positif, il flatte le pragmatisme du juge dans la perception des phénomènes régulés et le dessin des solutions juridiques nécessaires. Parmi les présupposés communs à ces deux analyses réside une vision commune de la justice constitutionnelle française. Selon cette vision des choses, le Conseil constitutionnel, nimbé dans l'éther constitutionnel, procéderait à l'examen de constitutionnalité de textes législatifs hors de tout contexte. Sans doute la qualification, à visée pédagogique, de contrôle abstrait a-t-elle contribué à inscrire dans les esprits une telle image. Mais elle ne justifie pas que l'on s'arrête aux apparences, à l'idée générale. Il est nécessaire de revenir à l'identification du phénomène juridique avant de se diviser sur une qualification équivoque(5). Alors, le réalisme du Conseil constitutionnel ne peut plus s'identifier à une politique jurisprudentielle dont les motivations, quelles qu'elles soient, relèveraient d'une analyse sociologique. Alors, il ne s'agit plus d'éprouver le rôle des thèses réalistes dans l'exercice du contrôle de constitutionnalité.

L'idée ici soutenue est que ce réalisme juridictionnel est inhérent à l'application de la Constitution et au contrôle du respect de ses dispositions. Dans un cadre d'étude limité au contentieux normatif, le réalisme sera donc défini, de façon stipulative, comme une méthode, un mode de raisonnement du Conseil constitutionnel. La jurisprudence constitutionnelle permet de mettre en évidence les principales expressions de ce réalisme juridictionnel (I). Elle est également à l'image de la méthode qu'emploie le Conseil constitutionnel. Ainsi, les effets de ce réalisme juridictionnel permettent de caractériser la jurisprudence constitutionnelle (II).

I. Les expressions du réalisme juridictionnel

L'efficacité du contrôle de constitutionnalité « à la française » a été et doit être soulignée car elle évite, à la différence des mécanismes étrangers, l'application, pendant plusieurs années, de dispositions législatives inconstitutionnelles. Sa faiblesse majeure résiderait cependant dans la difficulté d'identifier les inconstitutionnalités avant toute application de la loi. Toutefois, les caractéristiques propres à tout « rapport de constitutionnalité »(6) conduisent à relativiser une différenciation par trop tranchée entre contrôle concret et contrôle abstrait. En effet, comme les autres juridictions constitutionnelles, le Conseil constitutionnel met en œuvre une méthode d'analyse à la fois conséquentielle (A) et globale (B).

A. Une méthode d'analyse conséquentielle

Les dispositions constitutionnelles se caractérisent par leur généralité et donc par leur grande indétermination normative. Les principes qu'elles portent, et notamment les droits fondamentaux(7), « ne peuvent recevoir de signification opérationnelle qu'en les faisant “réagir” avec l'un ou l'autre cas concret. Leur signification n'est pas déterminable dans l'abstrait, mais seulement dans le concret, et c'est dans le concret seulement qu'on peut en saisir la portée »(8). En effet, les principes répondent à un mode de fonctionnement spécifique. Ils « donnent des critères pour prendre position face à des situations a priori indéterminées, quand elles viennent à se présenter effectivement »(9). Selon une distinction inspirée par le professeur Ronald Dworkin(10), les règles, en revanche, sont, dans une alternative absolutiste, réalisées ou pas. Elles prescrivent des actions humaines dans des situations déterminées qu'elles précisent elles-mêmes. Ainsi, aussi paradoxal que cela puisse paraître au premier abord, ce sont les principes, et non les règles, qui appellent naturellement au réalisme juridictionnel.

La mise en contact d'un principe et de données factuelles crée un précipité normatif. Le devoir-être contenu dans le principe est enrichi par des éléments issus de l'être pour se concrétiser en une règle secondaire. C'est à cette règle secondaire, souvent non formalisée dans les décisions du Conseil constitutionnel, que la loi est confrontée. Le juge constitutionnel détermine ainsi, par touches successives, les conséquences, les implications qui peuvent et doivent être raisonnablement tirées d'un principe constitutionnel dans un contexte économique, social, politique et juridique donné. La formalisation de cette interprétation conséquentialiste est une limite à la subjectivité du juge constitutionnel, notamment lorsqu'il doit donner sens à des énoncés vieux de plus de deux cents ans. Le Conseil constitutionnel interprète ainsi la liberté de communication au regard de ses conséquences pour la démocratie. Dès lors, cette liberté ne saurait être effective si le public auquel s'adressent les moyens de communication n'était pas à même de disposer, dans le secteur public et dans le secteur privé, de programmes qui garantissent l'expression de tendances différentes dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information(11). Dans une lecture inversée à une approche littérale de l'article 11 de la Déclaration de 1789, la liberté de communication implique, en matière audiovisuelle, un mécanisme d'autorisation administrative et un contrôle économique(12).

Pour faire réagir les principes constitutionnels de façon efficace et pertinente, le Conseil constitutionnel doit tenter d'établir la réalité qui résultera de l'application de la loi(13). Le contexte économique et social pertinent est appréhendé tout comme le contexte juridique à l'intérieur duquel la disposition examinée a vocation à se placer. Le temps est également pris en compte, les dispositifs transitoires bénéficiant souvent de la clémence du Haut Conseil(14). Si la Cour constitutionnelle italienne recherche l'existence d'un « droit vivant », c'est-à-dire d'une interprétation consolidée de la disposition de loi par la jurisprudence et l'administration(15), le Conseil constitutionnel est, lui, attentif à l'existence de dispositifs normatifs comparables à celui soumis à son examen ainsi qu'à l'état du droit antérieurement à l'adoption de la loi. Ce « droit vivant contextuel »(16) aide le Conseil constitutionnel à affiner l'interprétation de la loi et à dessiner la réalité qui résultera de son application. Le degré d'abstraction de l'interprétation de la loi est donc éminemment variable.

Mais au-delà, le Conseil constitutionnel cherche, dans la mesure du possible, à identifier les conséquences des textes contestés, les effets concrètement produits sur les destinataires et leurs capacités d'action. Cette approche conséquentialiste permet, grâce au contrôle juridictionnel, de donner toute sa portée aux principes constitutionnels actionnés. La réserve d'interprétation, on y reviendra, est alors souvent utilisée pour prévenir ou corriger des effets induits préjudiciables de la loi. Les neuf Sages ont pu ainsi s'attacher à cerner les effets possibles de l'institution d'un régime de base de sécurité sociale. Plus précisément, il a été établi que la compétence exclusive accordée par la loi aux caisses de mutualité sociale agricole dans la gestion du régime de base des non-salariés agricoles, notamment par la centralisation des informations, pouvait conduire à un abus de position dominante sur le marché de l'assurance complémentaire. Le Conseil constitutionnel a enjoint aux autorités administratives et juridictionnelles de « veiller au respect du principe d'égalité et de la libre concurrence sur les marchés de l'assurance complémentaire »(17).

Plus spécifiquement, le premier grief quantitativement invoqué par les requérants, la violation du principe d'égalité, implique de la part du juge constitutionnel l'intégration systématique de données factuelles dès lors que les différences de traitement doivent être justifiées par une différence de situation ou par un motif d'intérêt général lui-même basé sur une réalité à transformer. La décision du Conseil constitutionnel du 14 août 2003 est particulièrement intéressante à ce titre(18). Les requérants alléguaient une violation du principe constitutionnel d'égalité par une disposition de la loi portant réforme des retraites qui maintenait aux seules mères le bénéfice d'une majoration de deux ans de leur durée d'assurance, sans condition d'interruption de leur activité professionnelle. Les neuf Sages ont d'abord souligné que « l'attribution d'avantages sociaux liés à l'éducation des enfants ne saurait dépendre, en principe, du sexe des parents ». Toutefois, ont-ils précisé, le législateur ne pouvait ignorer « les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet » dans ce domaine. Et de préciser que les femmes « ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes afin d'assurer l'éducation de leurs enfants » et dans le même sens, qu'« en 2001, leur durée moyenne d'assurance était inférieure de onze années à celle des hommes », « les pensions des femmes demeurant en moyenne inférieures de plus d'un tiers à celles des hommes ». Sur la base de ce constat d'inégalités de fait, la conformité du dispositif au principe d'égalité a été admise au moins le temps de « compenser des inégalités appelées à disparaître ». Le Conseil constitutionnel peut également être conduit à examiner si le texte n'est pas générateur de distorsions dans son application(19). Si les catégorisations opérées par le législateur ne retranscrivent pas nécessairement la diversité de la réalité sociale, le Conseil constitutionnel tient compte aussi de la nécessité de préserver la généralité de la loi et d'éviter une complexification excessive du droit par la multiplication des régimes juridiques(20).

Si l'interprétation de la Constitution et de la loi implique bien du Conseil constitutionnel une prise en compte des faits, il ne saurait être nié qu'un tel exercice, en raison des modalités de contrôle, connaît des limites. Un exemple, celui de l'institution du jour de non-chasse, devrait permettre d'illustrer ces limites de l'analyse conséquentielle et du contrôle de rationalité que le Conseil constitutionnel réalise sur les choix du législateur. En effet, la Haute juridiction a considéré que l'institution d'un jour de non-chasse, le mercredi, ne portait pas atteinte au droit de propriété dès lors qu'un motif d'intérêt général, la sécurité des enfants et de leurs accompagnateurs, venait la justifier. Il a, en revanche, refusé à l'autorité administrative la possibilité de choisir un autre jour en l'absence de tout motif d'intérêt général mis en avant dans la disposition contestée ou au cours des débats parlementaires(21). En cela, il a été globalement approuvé par la doctrine(22). Il était avancé que l'interdiction de chasser le mercredi permettrait aux usagers non chasseurs, en particulier les scolaires, de faire des promenades en toute sécurité. La mise en discussion de la rationalité de la mesure permet, transitivement, d'évoquer celle du contrôle réalisé sur cette disposition. À ce titre, il a été souligné que c'est durant les jours de classe que les enseignants organisent des sorties « nature ». Les parents, qui travaillent dans leur grande majorité, se promènent essentiellement avec leurs enfants le week-end. Ainsi, dans les forêts domaniales, la chasse est interdite les jours de forte fréquentation. Pour les plus fréquentées, la chasse à tir est systématiquement interdite les samedis, dimanches et jours fériés. Par ailleurs, la chasse n'étant ouverte que quatre mois par an, en automne et en hiver, les maîtres jugent, avec raison, plus judicieux et plus agréable d'organiser ce type d'activités scolaires durant les beaux jours(23). Il a été établi, par ailleurs, que la loi du 26 juillet 2000 n'a pas produit d'effet sur les statistiques des accidents de chasse. Ces données seraient-elles apparues au terme d'un examen plus approfondi ? La question est posée. Mais il faut souligner que, malgré le caractère objectif du contentieux constitutionnel, la responsabilité ne saurait être seulement celle du juge, c'est-à-dire du Conseil constitutionnel et de ses services. Les requérants ne sont pas moins bien armés pour la défense de la Constitution. Et l'argumentation sommaire de certaines requêtes montre que du côté des requérants, il serait parfois aussi nécessaire de prendre davantage la Constitution au sérieux. Une telle nécessité s'impose d'autant plus que l'appréciation de la constitutionnalité repose sur une équation complexe dépassant le simple raisonnement syllogistique. L'harmonie de la Constitution impose, en effet, une méthode d'analyse globale.

B. Une méthode d'analyse globale

La Constitution est un monde de principes mais elle n'est pas celui de l'idéalisme. On ne saurait trouver dans cette affirmation de contradiction interne. En effet, la place de ces principes dans le texte constitutionnel ne leur garantit pas une existence juridique idéale en ce sens qu'ils seraient protégés de toute attaque, de toute limitation. Le sommet de la hiérarchie des normes est formé d'une communauté de principes également applicables. Or, il résulte de l'applicabilité parallèle de ces principes constitutionnels leur mise en concurrence. La Constitution établit un ensemble de principes, certains diront de valeurs, complémentaires par vocation, contradictoires par nécessité. Chaque principe constitutionnel est développé dans des législations qui peuvent contrarier la pleine réalisation d'autres principes constitutionnels. Ainsi, l'application des énoncés constitutionnels établit des obligations et des habilitations dont la réalisation simultanée est conflictuelle car juridiquement impossible.

Le traitement de ces antinomies contingentes appartient au législateur. Il lui échoit d'assurer le plus grand degré de réalisation simultanée à l'ensemble des principes constitutionnels. Le juge constitutionnel doit, lui, veiller, dans son interprétation et son application, à la cohérence et à l'unité structurelle de la Constitution. Ainsi que l'a souligné la Cour constitutionnelle fédérale allemande, « aucune disposition constitutionnelle ne peut être sortie de son contexte et interprétée en elle-même. Son sens dépend des autres dispositions car la Constitution présente une unité interne. Chaque disposition constitutionnelle doit toujours être interprétée de façon à la rendre compatible avec les principes fondamentaux de la Constitution et avec les intentions de ses auteurs »(24).

Pour apprécier la constitutionnalité d'un dispositif législatif, le Conseil constitutionnel procède à ce que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qualifie de mise en « concordance pratique » (« praktische Konkordanz »). Cette méthode impose la pondération de tous les principes constitutionnels en jeu pour atteindre la plus grande effectivité et assurer l'application de la Constitution comprise comme un système complet et cohérent(25). Plus l'atteinte portée à un principe constitutionnel est conséquente, plus le degré de réalisation d'un autre principe constitutionnel doit être important. De la balance réalisée, de l'équilibre établi entre les deux normes en présence, émerge une nouvelle norme forgée par le juge, une relation de préférence conditionnée par le cas concret(26). Le Conseil constitutionnel vérifie le respect de cet équilibre par application du principe de proportionnalité.

Le Conseil constitutionnel est fonctionnellement producteur de normes conciliatrices de principes constitutionnels. Ce faisant, il ajuste la force de principes constitutionnels en acceptant des atténuations, des exceptions, des adaptations. Ainsi en est-il, par exemple, lorsque le juge du pavillon Montpensier reconnaît un pouvoir réglementaire limité aux autorités administratives indépendantes(27) et, de façon beaucoup plus discutable au regard de la formulation sans équivoque des articles 13 et 21 de la Constitution, un pouvoir réglementaire général, bien que non autonome, aux collectivités territoriales(28). La compétence affirmée du président de la République et du Premier ministre est contrebalancée par le principe énoncé à l'article 72 de la Constitution.

Le président Pierre Mazeaud a bien montré que le réalisme a à faire, dans l'esprit du Conseil constitutionnel, avec cette démarche de mise en concordance pratique. Il a souligné notamment que « dans le domaine des libertés publiques, l'intérêt général consiste à concilier avec réalisme les droits potentiellement en conflit, sans oublier que la défense trop intransigeante d'un droit peut compromettre la protection des autres. C'est compter le principe de réalité au nombre des grands principes et ne pas sacrifier la nécessité publique à une conception dogmatique du droit »(29).

Bien que séduisante, l'expression « principe de réalité » est, d'une certaine façon, contradictoire dans les termes, fragile conceptuellement et finalement faiblement opératoire. Il n'y a pas d'infléchissement de certains principes par rapport à la réalité. La seule réalité est celle de l'application de tout principe constitutionnel concurremment à celle d'autres principes ou exigences de même valeur et, en tout état de cause, dans les limites du possible. Ce principe de réalité, « principe constitutionnel clandestin mais efficient »(30), ne tend donc qu'à exprimer essentiellement le mode spécifique d'application de la Constitution.

L'affirmation de ce « principe de réalité » met toutefois en lumière un point important. En effet, les analyses se concentrent généralement sur l'interprétation des textes constitutionnels et donc sur la signification donnée par le juge à tel ou tel énoncé. Mais la difficulté essentielle réside davantage dans l'articulation, la coordination des normes constitutionnelles pour faire émerger le critérium constitutionnel à l'aune duquel est examinée la loi. La difficulté est de ne négliger aucun des objectifs fondamentaux que porte la Constitution. Le Justice Stephen Breyer souligne bien que « la complexité de la structure de la Constitution tient au fait que celle-ci répond à certains besoins pratiques : le besoin de délégation de pouvoirs, celui de politiques publiques non suicidaires et, on l'espère, de politiques raisonnables, ainsi que celui de protection des libertés fondamentales de l'individu »(31). Le Conseil constitutionnel ne peut faire abstraction de cette architecture invisible de l'État et de la société, ces principes parfois si évidents qu'ils sont implicites ou simplement évoqués dans le texte constitutionnel. Ainsi en est-il du principe de continuité fonctionnelle de l'État que l'on retrouve expressément aux articles 5 et 16 de la Constitution avec « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». La jurisprudence relative aux validations législatives montre que « le bon fonctionnement des services publics » peut parfois être opposé à la séparation des pouvoirs et au droit au recours(32). La continuité de l'état constitue également le fondement constitutionnel de dispositifs d'exception en période de circonstances exceptionnelles et des limitations de libertés qu'ils impliquent(33). Les objectifs de valeur constitutionnelle tels que la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui ou la préservation des courants d'expression sociaux et culturels concourent également à la cohérence matérielle de la Constitution. Le Conseil considère que ces objectifs sont des buts assignés par la Constitution au législateur pour assurer l'effectivité des droits et principes de valeur constitutionnelle.

Dans l'identification et la mobilisation des principes constitutionnels résident le pouvoir du juge constitutionnel, sa marge d'appréciation ; là réside aussi la source, la justification de ses décisions. C'est pourquoi le réalisme juridictionnel conçu comme méthode d'analyse à la fois globale et conséquentielle pose la question du maintien de l'imperatoria brevitas observée par le Conseil constitutionnel. On ne peut que rejoindre le professeur Olivier Jouanjan lorsqu'il souligne que « le système dit de la phrase qui détermine la forme grammaticale de la motivation en France a pour effet de donner aux motifs de la décision une forme extrêmement ramassée, souvent laconique, parfois purement affirmative, sans encombrement excessif d'argumentations, de pesées pro et contra. Cette forme grammaticale, qui rend souvent les décisions françaises incompréhensibles non seulement au public auquel elles sont destinées, mais aussi aux juristes étrangers non spécialistes du droit français, et qui donc ne contribue pas, loin s'en faut, au rayonnement du droit français, porte d'ailleurs en elle-même un certain caractère autoritaire »(34). La motivation frugale des décisions du Conseil constitutionnel(35), qui contraint souvent à s'en remettre à des commentaires autorisés, peut néanmoins trouver quelques justifications dans le délai très court pour statuer et dans le souci de ne pas figer la portée de principes constitutionnels à l'occasion de chaque décision. En effet, la faiblesse quantitative du contentieux en fait qualitativement un ensemble de décisions de principe. Il est toutefois possible d'imaginer que le renforcement de la motivation, en soulignant la casuistique également présente en contentieux constitutionnel, limiterait la portée de chaque décision et donnerait au juge un pouvoir d'appréciation au moins équivalent. Explicitée ou non, il reste que l'analyse conséquentielle et globale menée par le Conseil constitutionnel produit des effets sensibles sur sa jurisprudence.

II. Les effets du réalisme juridictionnel

Le réalisme du Conseil constitutionnel, tel qu'il a été identifié, induit une capacité juridictionnelle maîtrisée. Il a, en effet, deux conséquences principales qui, loin d'être contradictoires, se complètent. Le juge constitutionnel français est modéré dans l'exercice de ses pouvoirs (A) mais moderne dans son interprétation des principes constitutionnels (B).

A. Un juge moderne dans l'interprétation des principes constitutionnels

Parce que son application dépasse l'instantanéité de sa création pour s'inscrire dans le temps, la Constitution a nécessairement vocation à régir des questions, des situations étrangères à ses auteurs, à l'époque où elle a été forgée. Cela est particulièrement vrai en France où certaines composantes du bloc de constitutionnalité ont plus de deux cents ans. L'analyse opposée, portée notamment par une doctrine « originaliste » aux États-Unis, a le défaut de conduire à une progressive mais inéluctable désuétude du texte constitutionnel. L'une des principales fonctions reconnues à la justice constitutionnelle est bien au contraire de permettre, au fil du temps, « l'adaptation et l'évolution de la Constitution »(36).

Le traitement interprétatif de la Constitution et l'intégration de la « réalité » se font dans une dynamique temporelle. Le juge de la loi prend en compte les effets prévisibles des principes constitutionnels sur la société d'aujourd'hui. Une disposition constitutionnelle peut alors acquérir une signification renouvelée, voire totalement nouvelle, inédite. Le Conseil constitutionnel a ainsi récemment reconnu la valeur constitutionnelle du droit d'auteur sur le fondement des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Les motifs de la décision soulignent l'actualisation du texte constitutionnel : « les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux ; [...] parmi ces derniers, figurent les droits de propriété intellectuelle et notamment le droit d'auteur et les droits voisins »(37).

Le constructivisme du Conseil constitutionnel s'exprime, au-delà de la catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, dans l'activation de certaines dispositions comme le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel, « au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Sur son fondement, a été consacré le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine.

Le Conseil constitutionnel fait également une interprétation dynamique de certaines dispositions en densifiant leur contenu. Citons simplement, à titre d'exemples, le droit au respect de la vie privée, la liberté personnelle et la liberté contractuelle qui ont émergé des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Sur le fondement de l'article 16 de la même déclaration, le juge du pavillon Montpensier a également donné une forte consistance normative à la notion de garantie des droits, avec notamment le droit au recours juridictionnel et le procès équitable. L'ensemble des textes évoqués ont aussi servi de soubassement constitutionnel à la consécration de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Cette nouvelle norme constitutionnelle est mobilisée par le Conseil constitutionnel dans une lutte très contemporaine, le combat contre la complexité et la mauvaise qualité de la loi(38). Pour servir la sécurité juridique, le juge constitutionnel français a aussi consacré, sur le fondement de l'article 34 de la Constitution, l'exigence de normativité de la loi et censuré des dispositions dépourvues de portée normative(39). Le secrétaire général du Conseil constitutionnel a souligné la nécessité de condamner la loi inutilement bavarde : les énoncés flous « encombrent les textes et l'ordre du jour parlementaire sans effet réel, ou (pire encore) en ayant un effet non désiré sur la réalité que l'on prétend infléchir [...] en ne régissant qu'une réalité virtuelle, ils transforment la loi en rite incantatoire, substitut de l'action »(40). Mais il est possible de se demander si cette jurisprudence, loin de témoigner du réalisme du Conseil constitutionnel, n'est pas, de sa part, l'expression d'un certain idéalisme, au mépris de la rigueur juridique(41) et de la réalité de ses capacités de contrôle. En tout état de cause, ces quelques exemples suffisent à souligner, comme cela a déjà été largement montré, que la Constitution française, composée de matériaux d'âges différents, est aujourd'hui une constitution vivante dont l'actualité et l'effectivité sont assurées par le juge constitutionnel. Un juge constitutionnel qui, dans le même temps, et par l'effet du réalisme, fait preuve de modération dans l'exercice de ses pouvoirs

B. Un juge modéré dans l'exercice de ses pouvoirs

Le réalisme du Conseil constitutionnel se concrétise, dans l'exercice de ses pouvoirs, par un self-restraint revendiqué. Cette prudence du juge constitutionnel français est notamment justifiée par sa capacité limitée d'expertise dans le cadre du contrôle a priori(42). Une telle limitation ne peut être niée, particulièrement lors de l'examen des textes financiers car, comme le rappelle justement un commentateur autorisé, « le Conseil constitutionnel n'est ni la direction de la prévision du ministère des Finances, ni l'Institut national de la statistique et des études économiques »(43). La Haute juridiction souligne parfois elle-même, dans ses décisions, cette capacité limitée d'appréhension de la réalité. Ainsi a-t-elle pu préciser que « pour l'examen de situations de fait, le Conseil constitutionnel, saisi d'une loi votée et en instance de promulgation, se prononce dans des conditions différentes de celles dans lesquelles la juridiction administrative est appelée à statuer sur la légalité d'un acte administratif »(44). Toutefois, un renforcement de cette capacité d'expertise demeure possible sans bouleverser le mode de fonctionnement du Conseil constitutionnel. Il ne tient qu'à lui d'utiliser à plein le délai, déjà bref, qui lui est donné pour statuer. Par ailleurs, pour les textes les plus lourds ou les plus techniques, il ne serait pas inconcevable que s'ajoutent au rapporteur principal des rapporteurs spéciaux sur des questions spécifiques. L'intervention de plusieurs membres du Conseil constitutionnel dans l'examen d'un texte, loin de remettre en cause la collégialité de la décision, la renforce. Ces rapporteurs spéciaux pourraient ainsi approfondir le traitement d'une question de constitutionnalité posée par la loi déférée en procédant notamment à des auditions ou à des demandes d'expertise. Une telle démarche nous paraît devoir être accompagnée d'une augmentation du nombre de membres du service juridique. La structuration du contentieux constitutionnel montre que certains secteurs, en raison de leur complexité, appellent la présence de spécialistes : le droit et la pratique budgétaires, la sécurité sociale, le droit du travail, le droit économique, la procédure pénale, l'outre-mer et plus largement le droit des collectivités, aujourd'hui le droit communautaire matériel, demain peut-être le droit de l'environnement.

La retenue du juge de la rue Montpensier repose également et surtout sur sa volonté de ne pas porter d'atteinte excessive à la compétence dévolue au Parlement, celle d'exprimer la volonté générale dans le respect de la Constitution. Le Conseil constitutionnel aime à souligner dans ses décisions qu'il ne dispose pas d'« un pouvoir d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ». Il veille surtout à déterminer la mesure de l'incompatibilité de la loi examinée avec les exigences de la Constitution afin que la censure ne puisse toucher que les éléments inconstitutionnels du texte. Le Conseil constitutionnel recherche donc la solution juridictionnelle qui permette, tout à la fois, de garantir le respect des dispositions de la Constitution et de réduire au minimum l'ingérence juridictionnelle dans les prérogatives du Parlement.

Le Conseil constitutionnel, comme beaucoup de ses homologues, a ainsi dû sortir du schéma binaire : déclarer la disposition législative examinée conforme à la Constitution ou la censurer. Il a procédé, de façon prétorienne, à une diversification des techniques de sanction. L'intérêt est, pour le juge constitutionnel, de pouvoir assurer la proportionnalité de la sanction à la méconnaissance, avérée ou potentielle, de la Constitution. Le Conseil constitutionnel s'attache, dans chaque cas concret, à réaliser une pondération entre la garantie des principes constitutionnels et le respect des prérogatives du Parlement. Ce faisant, il entend donner toute sa portée au principe démocratique qui se trouve au cœur de la Constitution. Ainsi, il paraît aujourd'hui difficilement envisageable que le Conseil constitutionnel censure toute une loi de finances pour une méconnaissance, établie mais limitée, du principe de sincérité budgétaire, comme il avait pu le faire en 1979 pour violation de la procédure de vote(45). L'affaire de la « cagnotte fiscale » dans la loi de finances pour 2000 en fournit, s'il en était besoin, une illustration(46).

À côté de l'annulation partielle, les techniques herméneutiques constituent indiscutablement un outil privilégié à la disposition du juge constitutionnel pour ne pas « tirer sur des moineaux avec un canon »(47). Pour le Conseil constitutionnel, les réserves d'interprétation, dans leur diversité(48), montrent également la projection de son analyse contentieuse au stade de l'application de la loi. Elles expriment ainsi la concrétisation du contrôle de constitutionnalité, et finalement, le réalisme du juge constitutionnel(49). Le Conseil d'État rappelle bien que « pour l'application et l'interprétation d'une loi, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation énoncées par le Conseil constitutionnel dans sa décision statuant sur la conformité de cette loi à la Constitution »(50). Mais des questions peuvent être posées, sinon des « réserves » émises, sur l'effectivité de cette technique contentieuse de plus en plus employée. Jusqu'à quel point la réserve d'interprétation peut constituer l'alpha et l'omega de la justice constitutionnelle française, la « synthèse » constitutionnelle à toute épreuve ? On peut notamment se demander dans quelle mesure l'expression de « strictes » réserves d'interprétation ne risque pas de n'être qu'un coup de fusil à blanc de la rhétorique juridictionnelle. Depuis 2002, le dispositif des décisions indique non seulement que le Conseil a émis des réserves mais aussi quels sont les considérants dans lesquels ces réserves sont posées. Mais la réception de ces réserves par la pluralité de leurs destinataires demeure incertaine et il ne peut être exclu qu'elles posent elles-mêmes, par leur généralité, des questions d'interprétation. Le rôle de gardien de la Constitution reste fondamentalement celui de poser des limites pour assurer l'effectivité de la norme suprême. C'est à ce prix aussi que le Conseil peut véritablement avoir une fonction non seulement répressive mais aussi préventive.

Depuis une décennie environ, une diversification des dispositifs décisionnels a permis, au-delà des réserves d'interprétation, d'adapter la sanction aux nécessités de la garantie conjointe des principes constitutionnels et des prérogatives de la Représentation nationale. Le Conseil constitutionnel a notamment rendu des décisions d'inconstitutionnalité non déclarée(51) car la déclaration d'inconstitutionnalité aurait empêché de remédier à une violation jugée plus grave de la Constitution(52) ou aurait entraîné des conséquences plus lourdes pour le respect de la Constitution(53). En matière financière, le juge de la rue Montpensier a également procédé à des déclarations de constitutionnalité conditionnelle en ce sens qu'elles étaient assorties d'une injonction au législateur(54). L'annualité des lois de finances et de leur contrôle devait permettre d'assurer une régularisation rapide et surveillée des inconstitutionnalités relevées, tout en préservant la bonne exécution du budget de l'État(55). La dernière innovation en date, intervenue dans l'affaire de la privatisation de GDF, est une déclaration de constitutionnalité différée ayant pour conséquence nécessaire mais inédite une suspension temporaire de la loi(56).

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel évoque lui-même une atténuation du contrôle de constitutionnalité résultant du réalisme au sens d'une prise en compte de considérations extra-juridiques(57). À ce titre, les droits-créances consacrés par le Préambule de 1946 ont été conçus comme des droits relatifs, sans applicabilité directe et posant des obligations de moyens et non de résultat. Pour les juges du Palais Royal, « c'est évidemment le réalisme qui a dicté cette solution : le niveau des prestations servies par l'“État providence” étant conditionné par la situation économique, il ne serait pas raisonnable de le fixer de façon rigide au niveau constitutionnel »(58). Il n'y a pas là l'expression d'un réalisme externe mais bien d'un réalisme interne au contrôle de constitutionnalité par la prise en compte d'impératifs constitutionnels concurrents. La même analyse vaut pour l'abandon de « l'effet cliquet » appliqué au niveau de garantie légale d'une exigence constitutionnelle. Ce mécanisme était contraire à l'impératif juridique de concordance pratique puisqu'il s'imposait au détriment d'autres droits ou exigences de valeur constitutionnelle dont la protection législative n'avait pas atteint un niveau de développement équivalent. Il nous semble que, comme M. Jourdain, le Conseil constitutionnel fait du droit même lorsqu'il tente de justifier des écarts supposés à l'orthodoxie juridique. Les questions évoquées permettent, en revanche, de souligner la problématique financière des décisions du Conseil constitutionnel. L'impact financier des jurisprudences et censures constitutionnelles doit être pris en compte dans la mesure où le Conseil constitutionnel bénéficie, de façon incidente mais nécessaire, d'un pouvoir de décision financière qui est au cœur de la compétence du Parlement. Comme cela a été souligné, le respect du pouvoir financier du Parlement ne saurait, pour autant, conduire à admettre des violations de la Constitution qui sont d'autant plus importantes que les sommes en jeu sont élevées(59).

Enfin, il faut souligner que la modération du Conseil constitutionnel se fonde aujourd'hui essentiellement sur la « réhabilitation de l'intérêt général comme valeur constitutionnelle »(60). Plus que jamais, l'intérêt général occupe une place centrale dans le processus de mise en concordance des principes constitutionnels(61). Comme l'a souligné le professeur Véronique Champeil-Desplats, « cet appui sur l'intérêt général est ambigu ou habile, c'est selon. Il conduit à mettre en face à face l'ordre civique dans lequel s'insère le concept d'intérêt général, et non plus seulement un ordre sécuritaire ou répressif exprimé par la notion d'ordre public, contre l'ordre humaniste des libertés. Tandis qu'il est aisé aux humanistes de s'opposer à un ordre sécuritaire, l'opposition est plus délicate face aux valeurs civiques que lesdits humanistes partagent assurément. Ne reste alors que la critique, éculée mais inévitable, de l'instrumentalisation du standard qu'est l'intérêt général »(62). Une partie de la doctrine s'inquiète des nouveaux équilibres de la jurisprudence constitutionnelle, dénonçant le glissement, dans la jurisprudence la plus récente, d'une démarche anthropocentrique vers une lecture clairement plus statocentrique. Et d'engager, en conséquence, une remise en question du rôle du Conseil constitutionnel en tant que protecteur des droits fondamentaux(63). Ce faisant, c'est la légitimité de l'institution qui se trouve sinon ébranlée, au moins interrogée. Or, il est clair qu'une des sources essentielles de sa légitimité réside dans la nécessité de tenir bon la barre de la protection des droits et libertés. Mais, à un excès pourrait-il en être opposé un autre et la doctrine accusée de manquer de réalisme ?

Conclusion : du réalisme du Conseil constitutionnel au réalisme de la doctrine ?

« L'œuvre prétorienne est avant tout inspirée de réalisme »(64). Dans le discours du juge sur sa fonction, il y a là une évidente source de légitimité. En exprimant un refus du dogmatisme, elle contribue à donner au pouvoir normatif du juge sa place, à côté de celui du législateur. En revanche, ce réalisme du juge s'apparente, pour la doctrine, à une fausse idée claire. Au-delà de formules très générales et finalement assez convenues, le « réalisme » se révèle largement insaisissable pour caractériser une pratique juridique spécifique. Sans doute marque-t-il plus une différence de degré qu'une différence de nature dans l'office du juge.

Il a été tenté de montrer que le « réalisme » du juge, et plus précisément celui du Conseil constitutionnel, ne saurait signifier l'abdication des « faiseurs de systèmes »(65) dès lors que ce terme peut servir à identifier un certain mode de concrétisation du droit et de contrôle juridictionnel de cette concrétisation.

D'aucuns pourront y voir sans doute une forte dose d'idéalisme, d'angélisme ou pourquoi pas d'aveuglement. Et, il est sans doute vrai qu'une telle approche ne permet pas de saisir dans toute sa « réalité » le réalisme du Conseil constitutionnel(66). « Il faut donc compléter le point de vue de la dogmatique juridique par d'autres formes d'approche et d'autres regards, forcément plus “réalistes” dans leur projet, si l'on veut scientifiquement rendre compte de la totalité de l'objet juridique. À maints égards, il faut donc ne pas être complètement réaliste si l'on veut saisir la fonction et le modus operandi de la référence juridique. Mais il faut être réaliste aussi, si l'on veut porter un regard objectivant sur la manière dont la machine vit et marche “réellement” à l'intérieur et au regard de cette fiction »(67).

Cet exercice, exigeant et, dans une certaine mesure, schizophrénique, ne saurait signifier, en tout état de cause, pour la doctrine, de renoncer à son ambition fondamentale, celle de « réaliser la synthèse entre le donné résultant de l'observation du droit positif et le construit issu de la réflexion »(68). Enrichi par le droit comparé(69) et armé par la théorie du droit, le travail de conceptualisation est une source de compréhension pour l'ensemble des destinataires, de légitimation pour la décision juridictionnelle, et, globalement, de sécurité du système juridique. Le dialogue continu qu'entretient le Conseil constitutionnel avec la doctrine témoigne d'une conception exigeante de sa mission. Il y a sans doute là aussi une marque de réalisme du Conseil constitutionnel.

(1) Pour une présentation synthétique des réalismes juridiques, v. Millard (Éric), « Réalisme », in Alland (Denis), Rials (Stéphane) (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF-Lamy, coll. « Quadrige », Paris, 2003, p. 1297. Pour une critique de cette approche théorique, ou tout du moins d'une de ses expressions, Pfersmann (Otto), « Contre le néoréalisme juridique. Pour un débat sur l'interprétation », RFD const., n° 50, 2002, p. 279 ; Hamon (Francis), « Quelques réflexions sur la théorie réaliste de l'interprétation », in L'architecture du droit. Mélanges en l'honneur de Michel Troper, Economica, 2006, p. 487.
(2) Troper (Michel), Champeil-Desplats (Véronique), Grzegorczyk (Christophe), Théorie des contraintes juridiques, Paris, LGDJ, 2005.
(3) Sur cette question, la contribution de Michel Troper à ce dossier intitulée « Le réalisme et le juge constitutionnel ».
(4) Ainsi, en droit fiscal, le réalisme qui caractériserait cette matière s'oppose plus spécifiquement au moralisme. Cf. Cozian (Maurice), « Propos désobligeants sur une “tarte à la crème” : l'autonomie et le réalisme du droit fiscal », in Les grands principes de la fiscalité des entreprises, Paris, Litec, 4e éd., 1999, document n° 1 ; Gouyet (Rémi), « Les concepts de réalisme et de moralisme fiscal à travers le prisme des sanctions pécuniaires infligées par le Conseil de la concurrence », Les petites affiches, 10 août 2001, n° 159, p. 17.
(5) Appliquant une telle démarche à d'autres questions, cf. de Béchillon (Denys), « Le gouvernement des juges : une question à dissoudre », in Brondel (Séverine), Foulquier (Norbert) et Heuschling (Luc) (dir.), Gouvernement des juges et démocratie, Publications de la Sorbonne, Paris, 2001, p. 341 ; « Comment traiter le pouvoir normatif du juge ? », in Libres propos sur les sources du droit. Mélanges en l'honneur de Philippe Jestaz, Paris, Dalloz, 2006, p. 29.
(6) Favoreu (Louis), « Le principe de constitutionnalité. Essai de définition d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Mélanges Eisenmann, Paris, Cujas, 1975, p. 41.
(7) Ribes (Didier), Les effets des droits fondamentaux entre personnes privées, Paris, Economica, coll. « Corpus Droit », 2007, à paraître.
(8) Zagrebelsky (Gustavo), Le droit en douceur. Il diritto mite, Paris- Aix-en-Provence, Economica-PUAM, coll. « Droit public positif », 2000, p. 105.
(9) Idem.
(10) Dworkin (R.), Prendre les droits au sérieux, Paris, PUF, coll. « Léviathan », 1995, p. 79 et s. Il faut préciser que les principes ne sont pas conçus, à notre sens, comme des normes non écrites dictées par la morale ou l'idée de justice mais comme des normes écrites soumises à un mode spécifique de réalisation.
(11) Déc. n° 93-333 DC du 21 janv. 1994, Liberté de communication II, RJC I-569.
(12) Pour une application récente de cette lecture conséquentialiste de la liberté de communication, déc. n° 2007-550 DC du 27 févr. 2007, Télévision du futur, JO 7 mars 2007, p. 4368.
(13) Plus largement sur la prise en compte des faits dans le jugement de constitutionnalité, Pardini (Jean-Jacques), Le juge constitutionnel et le « fait » en Italie et en France, Paris - Aix-en-Provence, Economica-PUAM, coll. « Droit public positif », 2001.
(14) Déc. n° 90-277 DC du 25 juill. 1990, Établissement d'impôts directs locaux, RJC I-406 ; déc. n° 90-280 DC du 6 déc. 1990, Concomitance des élections régionales et cantonales, RJC I-412 ; déc. n° 96-372 DC du 6 févr. 1996, Renouvellement de l'assemblée territoriale de Polynésie, RJC I-659 ; déc. n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi sur les 35 heures I, RJC I-754 ; déc. n° 99-423 DC du 13 janv. 2000, Loi sur les 35 heures II, Rec. p. 23 ; déc. n° 2001-444 DC du 9 mai 2001, Inversion des calendriers électoraux, Rec. p. 59.
(15) En langue italienne, v. notamment Pugiotto (Andrea), Sindicato di costituzionalità e « diritto vivente ». Genesi, uso, implicazioni, Giuffrè editore, Milan, 1994 ; en langue française, Zagrebelsky (Gustavo), « La doctrine du droit vivant », AIJC, II-1986, p. 55, Severino (Caterina), La doctrine du droit vivant, Paris-Aix-en-Provence, Economica-PUAM, 2003.
(16) Di Manno (Thierry), Le juge constitutionnel et la technique des décisions « interprétatives » en France et en Italie, Paris - Aix-en-Provence, Economica-PUAM, 1997, p. 468.
(17) Déc. n° 2001-451 DC du 27 nov. 2001, Libre concurrence, Rec. p. 145, relative à la loi portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
(18) Déc. n° 2003-483 DC du 14 août 2003, Réforme des retraites, Rec. p. 430.
(19) Par ex., déc. n° 2004-509 DC du 13 janv. 2005, Loi de programmation de cohésion sociale, cons. 17 à 19, Rec. p. 33 : « La circonstance qu'un déplacement de même durée puisse entraîner une contrepartie différente suivant que les salariés ont établi leur domicile en un lieu plus ou moins éloigné de leur lieu habituel de travail n'est pas constitutive d'une rupture d'égalité, dès lors qu'elle résulte d'une différence de situation inhérente à la liberté de choix du domicile ». Dans le champ spécifique de la fiscalité, les déc. n° 99-424 DC du 29 déc. 1999, Loi de finances pour 2000, RJC I-871, à propos de la taxe Bonrepaux et n° 2000-437 DC du 19 déc. 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, Rec. p. 190, à propos de la ristourne dégressive de CSG. Sur ces décisions, « Les progrès de l'égalité devant l'impôt », RFFP, n° 76, 2001, p. 261.
(20) Par ex., déc. n° 2006-541 DC du 28 sept. 2006, cons. 9 et 10, JO du 3 oct. 2006, p. 14635 : si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. En l'espèce, la circonstance que l'accord sur l'application de l'article 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens, qui tend à réduire le coût des traductions des brevets européens, ne prenne pas en compte le degré de connaissance linguistique des personnes intéressées n'est pas de nature, par elle-même, à le faire regarder comme méconnaissant le principe d'égalité.
(21) Déc. n° 2000-434 DC du 20 juill. 2000, Loi relative à la chasse, Rec. p. 107.
(22) Nous nous permettons de prendre cet exemple car nous faisions précisément partie des commentateurs approuvant la décision du Conseil constitutionnel : Azoulay (Loïc), Revue juridique de l'environnement, 2001, p. 355 ; Luchaire (François), RD publ., 2000, p. 1542 ; Pariente (Alain), RFD const., n° 45, 2001, p. 95 ; Ribes (Didier), RFD const., n° 44, 2000, p. 833 ; Sauvageot (Frédéric), Les petites affiches, 18 déc. 2000, n° 251, p. 8 ; Schoettl (Jean-Éric), Les petites affiches, 24 juill. 2000, n° 146, p. 18.
(23) Bachelot (Roselyne), Le combat est une fête, Paris, Robert Laffont, 2006, p. 206-207.
(24) Arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale allemande du 23 oct. 1951, BVerfGE 1, 14, 32.
(25) Sur cette méthode, Morand (Charles-Albert), « Vers une méthodologie de la pesée des valeurs constitutionnelles », in De la Constitution. Études en l'honneur de Jean-François Aubert, Helbing & Lichtenhahn, Bâle - Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 57.
(26) On entend ici par cas concret le dispositif législatif examiné en tant qu'élément de concrétisation de principes contenus dans la Constitution. Dans le contrôle de constitutionnalité a posteriori et dit concret, l'examen porte également sur une norme de concrétisation de la Constitution, la différence résidant dans le degré de concrétisation, d'individualisation de la norme constitutionnelle.
(27) Déc. n° 86-217 DC du 18 sept. 1986, Liberté de communication, cons. 58, RJC I-290 et 88-248 DC du 17 janv. 1989, Conseil supérieur de l'audiovisuel, cons. 15, RJC I-341.
(28) Déc. n° 2001-454 DC du 17 janv. 2002, Loi relative à la Corse, Rec. p. 70 ; Favoreu (Louis), « Le respect de la répartition des compétences normatives établie par la Constitution », RFD const., n° 50, 2002, p. 410 ; Magnon (Xavier), « Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales », RRJ, 2003 (4), p. 2757.
(29) Discours de vœux au président de la République du 3 janv. 2006.
(30) Nous reprenons ici l'expression utilisée par le professeur Bertrand Mathieu pour décrire la même présence du principe de sécurité juridique dans la jurisprudence constitutionnelle [Mathieu (Bertrand), « La sécurité juridique : un principe constitutionnel clandestin mais efficient », in Droit constitutionnel. Mélanges Patrice Gélard, Paris, Montchrestien, 1999, p. 301].
(31) Breyer (Stephen), Pour une démocratie active, Paris, Odile Jacob, 2007, p. 57.
(32) Pour un bilan récent sur cette question des validations législatives, Mathieu (Bertrand), « Les rôles du juge et du législateur dans la détermination de l'intérêt général », Archives de philosophie du droit, n° 50, 2006, p. 41.
(33) Déc. n° 85-187 DC du 25 janv. 1985, État d'urgence en Nouvelle-Calédonie, RJC I-223 ; déc. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, Rec. p. 211.
(34) Jouanjan (Olivier), « Le Conseil constitutionnel est-il une institution libérale ? », Droits, n° 43, 2006, p. 88-89.
(35) Quelques décisions font cependant exception et doivent être saluées à ce titre, telles que la déc. 2005-530 DC du 29 déc. 2005, Loi de finances pour 2006, à propos du plafonnement global des avantages fiscaux.
(36) Favoreu (Louis), « La légitimité du juge constitutionnel », RIDC, 1994, n° 2, p. 570.
(37) Déc. n° 2006-540 DC du 27 juill. 2006, Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, cons. 15, JO du 3 août 2006, p. 11541.
(38) Champeil-Desplats (Véronique), « Les nouveaux commandements du contrôle de la production législative », L'architecture du droit. Mélanges en l'honneur de Michel Troper, Paris, Economica, 2006, p. 267.
(39) Déc. n° 2005-512 DC du 21 avr. 2005, Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, Rec. p. 72.
(40) Schoettl (Jean-Éric), Les petites affiches, 20 mai 2005, n° 100, p. 3.
(41) Champeil-Desplats (Véronique), « N'est pas normatif qui peut. L'exigence de normativité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 21, 2006, p. 63.
(42) Ribes (Didier), « Les experts au Palais-Royal. La place de l'expertise dans le contrôle de constitutionnalité », Droit de l'environnement, 2006, n° 142, p. 280.
(43) Schoettl (Jean-Éric), AJDA, 2000, p. 37.
(44) Déc. n° 86-218 DC du 18 nov. 1986, Découpage électoral, cons. 11, RJC I-291.
(45) Déc. n° 79-110 DC du 24 déc. 1979, Vote du budget I, RJC I-75.
(46) 46. Déc. n° 99-424 DC du 29 déc. 1999, Loi de finances pour 2000, cons. 4, Rec. p. 156. Une lecture attentive de la décision montre bien que la constitution d'une « cagnotte fiscale » n'avait pas échappé au contrôle du Conseil : « Considérant, en l'espèce, qu'il ne ressort pas des éléments fournis au Conseil constitutionnel que les évaluations de recettes pour 2000 prises en compte à l'article d'équilibre soient, eu égard à l'amplitude de la sous-estimation alléguée rapportée aux masses budgétaires, entachées d'une erreur manifeste ; que, compte tenu des règles de perception de l'impôt sur les sociétés, le rehaussement inscrit dans la loi de finances rectificative pour 1999 n'impliquait pas nécessairement un ajustement de l'évaluation pour 2000 du produit de cet impôt figurant dans l'état A annexé à l'article 67 de la loi déférée ; que, si, au cours de l'exercice 2000, les recouvrements de recettes constatés dépassaient sensiblement les prévisions, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre aux assemblées, comme il s'y est au demeurant engagé, un projet de loi de finances rectificative » (souligné par nous).

(47) Selon la formule de W. Jellinek citée par Xavier Philippe, in Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelle et administrative françaises, Paris, Economica, 1990.
(48) Pour une étude très approfondie de cette technique, Di Manno (Thierry), Le juge constitutionnel et la technique des décisions « interprétatives » en France et en Italie, précité.
(49) Dutheillet de Lamothe (Olivier), « L'effectivité et l'efficacité du contrôle de constitutionnalité en France ».
(50) CE, réf., ord., 26 juin 2006, Mme Ahamada Anfian, req. n° 294505, à paraître au Recueil Lebon.
(51) Di Manno (Thierry), « Les décisions de constitutionnalité précaire en Italie et en France », in La communicabilité entre les systèmes juridiques. Liber amicorum Jean-Claude Escarras, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 203.
(52) Déc. n° 2001-453 DC du 18 déc. 2001, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, cons. 76, Rec. p. 164.
(53) Déc. n° 2003-468 DC du 3 avr. 2003, Élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, Rec. p. 325.
(54) Sur ces techniques, Behrendt (Christian), Le juge constitutionnel, un législateur-cadre positif. Une analyse comparative en droit français, belge et allemand, Bruxelles-Paris, Bruylant-LGDJ, 2006.
(55) Déc. n° 97-395 DC du 30 déc. 1997, Loi de finances pour 1998, RJC I-732, à propos des fonds de concours, et déc. n° 2005-530 DC du 29 déc. 2005, Loi de finances pour 2006, Rec. p. 168, à propos des mono-programmes.
(56) Déc. n° 2006-543 DC du 30 nov. 2006, Privatisation de GDF, JO 8 déc. 2006, p. 18544.
(57) Mazeaud (Pierre), « La place des considérations extra-juridiques dans l'exercice du contrôle de constitutionnalité », Communication lors de la Xe conférence internationale organisée à Erevan du 29 sept. au 2 oct. 2005 par la Cour constitutionnelle d'Arménie sur le thème « les principes constitutionnels et la réalité politique dans l'exercice du contrôle constitutionnel ».
(58) Idem.
(59) La déc. n° 2001-455 DC du 12 janv. 2002, Modernisation sociale, nous paraît constituer un cas de prise en compte excessive de la dimension financière du jugement de constitutionnalité. Qu'il nous soit permis de renvoyer sur ce sujet à Ribes (Didier), « Le Conseil constitutionnel et le financement des retraites ou quand le législateur déshabille Pierre pour habiller Paul··· (à propos de la déc. 2001-455 DC du 12 janv. 2002) », RFD const., n° 51, 2002, p. 607.
(60) Mazeaud (Pierre), Discours de vœux au président de la République du 3 janv. 2007.
(61) Schoettl (Jean-Éric), « Intérêt général et Constitution », Rapport public du Conseil d'État 1999, Paris, La Documentation française, 1999, p. 375 ; Mathieu (Bertrand) et Verpeaux (Michel) (dir.), L'intérêt général, norme constitutionnelle, Paris, Actes du colloque du 6 oct. 2006 au Conseil constitutionnel, Dalloz, 2007.
(62) Champeil-Desplats (Véronique), « Le Conseil constitutionnel, protecteur des libertés ou cerbère de la production législative ? », in Frontières du droit, critique des droits. Billets d'humeur en l'honneur de Danièle Lochak, Paris, LGDJ, coll. « Recherches et travaux du réseau européen Droit et société à la maison des sciences de l'homme », 2007, p. 254.
(63) Par ex., Wachsmann (Patrick), « Des chameaux et des moustiques. Réflexions critiques sur le Conseil constitutionnel », in Frontières du droit, critique des droits. Billets d'humeur en l'honneur de Danièle Lochak, Paris, LGDJ, 2007, p. 279.
(64) Canivet (Guy), « Activisme judiciaire et prudence interprétative », Archives de philosophie du droit, tome 50, 2006, p. 7.
(65) Rivero (Jean), « Apologie pour les “faiseurs de systèmes” », D. 1951, chron. XXIII, p. 99.
(66) Une telle approche n'explique pas, par exemple, la jurisprudence relative aux cavaliers sociaux, spécialement dans sa dimension négative, c'est-à-dire s'agissant des cas de non-sanction.
(67) de Béchillon (Denys), « Le gouvernement des juges : une question à dissoudre », D. 2002, p. 973.
(68) Bazex (Michel), « L'ambition de la doctrine », in Frontières du droit, critique des droits. Billets d'humeur en l'honneur de Danièle Lochak, Paris, LGDJ, 2007, p. 367. Sur cette question, Jestaz (Philippe) et Jamin (Christophe), Paris, La doctrine, Dalloz, coll. « Méthodes du droit », 2004.
(69) Le Conseil constitutionnel, comme ses homologues, recourt aussi parfois au droit comparé, comme par exemple dans l'affaire du registre international (déc. n° 2005-514 DC du 28 avr. 2005, Registre international français). Cf. Jacquelot (Fanny), « Le juge constitutionnel et le droit comparé », Les petites affiches, 16 janv. 2007, n° 12, p. 8.