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Textes à l'appui : Sélection de décisions de la Cour constitutionnelle de Slovénie

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 19 (Dossier : Slovénie) - janvier 2006

Sélection de décisions de la Cour constitutionnelle de Slovénie

(résumés)


Décision n° Up-422/02 du 10 mars 2005 (JO de la République de Slovénie)

Dans cette affaire, un écrivain avait été condamné par le tribunal de première instance à dédommager une personne qui se reconnaissait dans l'un des personnages de son oeuvre et qui estimait avoir subi un préjudice moral. La cour d'appel avait rejeté le pourvoi formé par l'écrivain et la Cour suprême son recours en révision.

Le requérant estimait cependant que les jugements contestés avaient violé non seulement sa liberté d'expression protégée par l'article 39 de la Constitution et par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, mais aussi sa liberté de création artistique. Il reconnaissait que la protection de l'honneur et des droits d'autrui était un objectif légitime, pouvant justifier une restriction de la liberté d'expression ; néanmoins il était d'avis qu'il fallait interpréter ces restrictions dans un sens étroit et qu'elles devaient être nécessaires pour atteindre l'objectif en question. Il considérait aussi que la notion d'« atteinte à l'honneur et à la dignité » figurant au premier paragraphe de l'article 200 du code des obligations était imprécise et donnait aux juridictions la possibilité de statuer très librement sur l'existence de la responsabilité civile.

La Cour constitutionnelle a constaté qu'il s'agissait pour la première fois de trancher un conflit entre liberté d'expression (art. 39, Const.) et liberté de création artistique (art. 59, Const.), d'une part, protection de la vie privée et droits de la personne (art. 35, Const.), d'autre part.

La Cour a estimé qu'il convenait de respecter la spécificité de la création artistique dont l'essence est le travail libre et créatif, porteur des sentiments et des expériences d'un artiste : un écrivain doit pouvoir choisir en toute liberté un thème et le traiter librement. Le droit à la liberté de création artistique peut cependant entrer en collision avec les droits de la personne protégés par la Constitution : dans une telle hypothèse il convient de trouver un juste équilibre.

En l'occurrence les juridictions faisaient valoir que, même lorsqu'il s'agit d'une oeuvre littéraire retraçant une histoire fictive (comme c'était le cas en l'espèce), le droit de l'auteur à la liberté de création artistique se trouve limité dès lors que quelqu'un se reconnaît dans l'oeuvre et se sent offensé. En statuant ainsi, et donc en éliminant entièrement le droit de l'auteur à la liberté de création artistique, les juridictions ont protégé outre mesure, selon la Cour constitutionnelle, le droit du demandeur à l'honneur et à la dignité. La Cour a donc annulé les jugements pour non conformité au droit à la liberté de création artistique protégé par l'article 59 de la Constitution. L'affaire a été renvoyée devant les juges du fond.

Décision n° Up-472/02 du 7 octobre 2004 (JO de la République de Slovénie, n° 114/2004)

Un tribunal de première instance a pris en compte le témoignage du représentant d'une partie alors que ce témoignage se fondait sur le contenu d'une conversation téléphonique entre deux parties dont l'une ignorait qu'elle était écoutée. Sur ce fondement, le tribunal a résilié un contrat de vente et ordonné au requérant de restituer l'immeuble dont l'autre partie était propriétaire.

La cour d'appel, puis la Cour suprême, ont rejeté l'appel du requérant. Cette dernière a repris l'argumentation du tribunal de première instance : il convient de donner une même valeur à l'enregistrement sonore d'une conversation téléphonique et à des notes écrites relatant une conversation ; ce qui est vrai lorsque l'enregistrement est réalisé par une personne participant à la conversation l'est aussi lorsque l'enregistrement est effectué à sa demande par un tiers. En outre, s'agissant d'une conversation d'affaires au téléphone, le tribunal a considéré que les participants ne pouvaient revendiquer une quelconque intimité. La Cour suprême ayant déjà précisé sa position juridique sur cette question, elle n'a pas expliqué pourquoi les preuves relatives à la conversation contestée étaient admissibles.

Le requérant a considéré que ses droits avaient été violés. Il faisait également valoir que l'enregistrement avait été préparé à l'avance et que l'avocat de la partie adverse avait pris part à cette préparation.

La Cour constitutionnelle n'a pas contesté le fait que la Cour suprême puisse se prévaloir d'une position juridique formulée au cours de la phase précédente du même procès pour ne pas répondre à toutes les observations du requérant. Elle a cependant examiné les fondements juridiques de la décision contestée en ce qui concerne la protection des droits de l'homme. Il lui revenait de dire si un droit constitutionnel du requérant avait été violé par la position de la Cour suprême sur l'admissibilité de la preuve.

Le requérant invoquait une double violation de ses droits : le droit au respect de la vie privée (art. 35, Const.) et le droit à la sécurité de la correspondance (art. 37, Const.).

La vie privée de l'homme, dont l'inviolabilité est garantie par l'article 35 de la Constitution, recouvre également le droit à sa propre voix - tout homme doit pouvoir décider lui-même de l'image qu'il entend donner de sa personnalité lorsqu'il communique avec les autres - et la maîtrise de ce qui pourra être entendu de ses communications. L'enregistrement d'une communication méconnaît ces droits : il rend possible la reproduction d'une voix et d'une conversation ; la personne concernée ne peut plus elle-même décider qui pourra entendre le contenu de la communication.

La Cour constitutionnelle a constaté que la Cour suprême n'avait pas recherché si le requérant avait été informé qu'un tiers écoutait sa conversation au téléphone. Le fait que l'écoute ou l'enregistrement des conversations téléphoniques soit courant dans certains domaines (conversations d'affaires) ne peut pas remplacer le consentement de l'interlocuteur. Par ailleurs, l'enregistrement d'une conversation téléphonique ne peut être mis sur le même plan que des notes écrites, lesquelles sont subjectives et ne font que refléter ce que leur auteur a considéré comme étant important. L'enregistrement est un message conservé d'une manière authentique et qui, comme il a déjà été dit, donne un pouvoir sur une autre personne en rendant possible la reproduction de ses propos.

La Cour constitutionnelle a estimé qu'une telle ingérence dans la vie privée pouvait être admise lorsque des circonstances particulièrement importantes justifiaient l'atteinte à la vie privée et que la réalisation de telles circonstances devait être d'autant plus solidement établie qu'il s'agissait d'un droit protégé par la Constitution. Le principe de proportionnalité trouve ici à s'appliquer. Or, en l'espèce, tout en ignorant les circonstances ayant justifié l'ingérence en cause, la Cour suprême a considéré que la preuve acquise par l'interrogatoire d'un témoin et par l'écoute de l'enregistrement d'une conversation ne constituait pas une atteinte au droit au respect de la vie privée.

En conséquence, selon la Cour constitutionnelle, le droit du requérant au respect de sa vie privée et à la sécurité de sa correspondance ont été violés. Les décisions contestées ont été annulées et l'affaire renvoyée à un nouveau procès.

Décision n° U-I-93/03 du 8 juillet 2004 (JO de la République de Slovénie, n° 132/2004)

Plusieurs dispositions de la loi sur l'exécution forcée et la sûreté étaient contestées par des pétitionnaires. L'une de ces dispositions prévoyait qu'un bien immobilier pouvait être vendu, dans le cadre d'une procédure exécutoire, lors de la deuxième audience, à un prix inférieur à sa valeur estimée, sous réserve que ce prix ne soit pas inférieur à la moitié de celle-ci. Était également contestée une disposition qui encadrait le déroulement du procès dans l'hypothèse où un immeuble n'aurait pu être vendu à la deuxième audience : l'exécution devait être interrompue si le créancier ne proposait pas une nouvelle vente dans un délai de six mois à compter de la deuxième audience, ou si un immeuble n'avait pu être vendu à la troisième audience à un prix au moins égal à la moitié de sa valeur.

Les requérants considéraient que ces dispositions méconnaissaient le droit de propriété et le principe d'égalité. Selon eux, la méconnaissance de ce dernier était d'autant plus évidente lorsque l'acquéreur de l'immeuble est le créancier. Ces dispositions contreviendraient à l'article 33 de la Constitution, les débiteurs pouvant perdre jusqu'à la moitié de la valeur de leur immeuble ; serait également violé leur droit au respect de la vie familiale énoncé par l'article 53.

La Cour constitutionnelle a considéré que la loi devait prendre en considération tant l'intérêt du créancier, en assurant l'efficacité de l'exécution forcée, que la protection du débiteur, qui est inhérente à l'État de droit. Une ingérence dans le droit de propriété, lequel est protégé par la Constitution, doit être fondée sur un objectif légitime et justifié.

La Cour a constaté que, dans le cadre d'une procédure exécutoire, le créancier disposait d'une position privilégiée. Toutefois, prenant en considération le fait que la vente de l'immeuble du débiteur n'est conçue que comme un moyen ultime de payer le créancier, que cette cession n'intervient qu'en raison du manquement du débiteur à remplir ses obligation, et que la réglementation offre à celui-ci d'autres possibilités d'y faire face, la Cour constitutionnelle a jugé que cette réglementation - quoique rendant possible la vente de l'immeuble du débiteur à un prix inférieur à sa valeur estimée - ne portait pas, par elle-même, une atteinte excessive au droit de propriété du débiteur.

En revanche, la Cour a jugé cette réglementation contestable lorsque c'est le créancier lui-même qui acquiert l'immeuble aux enchères à un prix inférieur à sa valeur estimée, et que de surcroît la créance ne peut être couverte par le montant de la vente. La Cour constitutionnelle considère que, dans une telle situation, il est porté au droit de propriété du débiteur une ingérence disproportionnée.

En conséquence, la Cour a constaté la non-conformité à la Constitution de cette disposition, fixé le délai dans lequel le législateur devait remédier à ce défaut et déterminé la manière d'exécuter sa décision. Jusqu'à ce que le législateur règle cette question, dans les cas où un immeuble serait acquis à un prix inférieur à sa valeur par un créancier sans que sa créance soit ainsi acquittée, il convient de considérer que le créancier est payé à hauteur de cette valeur.

Par ailleurs, est déclarée contraire à la Constitution, en tant qu'elle concerne la situation précitée, la disposition de la loi sur l'exécution forcée et la sûreté déterminant la suite de la procédure exécutoire lorsqu'un immeuble n'a pas été vendu à la deuxième audience et les cas dans lesquels l'exécution forcée est interrompue.

Décision n° U-I-284/94 du 24 juin 1998 (JO de la République de Slovénie, n° 14/99); décision n° U-I-246/02 du 3 avril 2003 (JO de la République de Slovénie, n° 36/2003)

La Cour constitutionnelle a dû traiter à plusieurs reprises de la question des citoyens de l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie qui, après l'indépendance de la Slovénie, n'ont pas acquis la nationalité slovène pour des raisons diverses. En particulier, les citoyens des autres républiques de l'ancienne Yougoslavie qui, à cette époque, avaient un domicile déclaré en Slovénie, et qui n'ont pas sollicité la nationalité slovène ou dont la demande a été refusée, ont été radiés du registre des habitants par l'administration le 26 février 1992 et portés sur le registre des étrangers sans que cette décision leur soit notifiée. Contraints d'avoir le statut d'étranger, ils ne pouvaient déclarer leur domicile qu'en vertu d'une autorisation de résidence ou d'un permis de travail délivrés préalablement.

Dans sa décision n° U-I-284/94, la Cour constitutionnelle a jugé que l'administration avait violé les principes de l'État de droit, et notamment le principe de confiance, la loi n'ayant pas réglé la question du statut juridique des citoyens des autres républiques ayant leur domicile dans la République de Slovénie et vivant effectivement sur son territoire. Une fois radiés du registre des habitants, ces citoyens se trouvaient dans une situation pire que celle des personnes ayant le statut d'étranger avant l'indépendance de la République de Slovénie. La Cour constitutionnelle a estimé qu'aucune raison ne justifiait cette discrimination. C'est pourquoi elle a estimé que le principe constitutionnel d'égalité avait été violé faute de règlement juridique du statut de ces personnes.

Par la décision n° U-I-246/02, la Cour constitutionnelle s'est ensuite prononcée sur la constitutionnalité de la loi relative au règlement du statut des citoyens des autres pays successeurs de l'ancienne Yougoslavie dans la République de Slovénie. En vertu de cette loi, les citoyens ayant perdu le statut des personnes domiciliées en Slovénie pouvaient acquérir un statut convenable, mais uniquement pour l'avenir ; n'était pas couverte la période écoulée à compter du 26 février 1992. La Cour a jugé que la loi violait les principes de l'État de droit et de sécurité juridique, en tant qu'elle déniait à ces personnes leur droit au domicile à partir du 26 février 1992. C'est pourquoi elle a imposé au ministère des Affaires intérieures de prendre de nouvelles décisions à propos des citoyens concernés de sorte que le droit au domicile depuis le 26 février 1992 leur soit reconnu.

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle a jugé que les principes de l'État de droit exigeaient que le statut des citoyens des autres républiques victimes d'une mesure d'éloignement forcé fût réglé séparément. Ainsi a-t-elle constaté la non-conformité de la loi à la Constitution en raison du fait qu'elle ne réglait pas le problème de l'autorisation de résidence permanente des citoyens des autres républiques radiés du registre des habitants et éloignés de force en application de la loi sur les étrangers. La même loi aurait dû définir plus précisément la notion de « vie effective dans le passé après la radiation du registre des habitants », cette notion représentant un critère fondamental pour acquérir l'autorisation de résidence permanente. En aucun cas la situation de ces personnes ne devait être plus défavorable que celle des personnes ayant le statut d'étranger avant l'indépendance de la République de Slovénie.

Décision n° U-I-127/01 du 12 février 2004 (JO de la République de Slovénie, n° 25/2004)

Des pétitionnaires - l'association pour la liberté de décision - contestaient une disposition de la loi sur les maladies contagieuses rendant la vaccination obligatoire. Ils faisaient valoir que certains vaccins contiennent des substances très toxiques pouvant porter atteinte de façon permanente à la santé alors que la médecine moderne ne sait pas prévoir toutes les conséquences de la vaccination chez les individus. Étant donné que, dans les cas extrêmes, la vaccination peut même causer la mort de la personne vaccinée, ils considéraient lesdites dispositions contraires à l'article 17 de la Constitution, qui proclame l'inviolabilité de la vie humaine, ainsi qu'à son article 18, qui interdit la torture et toutes les expérimentations médicales ou autres sur l'homme sans son consentement. Les dispositions de la loi constitueraient, en outre, une ingérence dans le droit à la vie privée protégé par l'article 35 de la Constitution, ainsi que dans les droits de la personne, la vaccination obligatoire portant atteinte à l'intégrité psychique de l'homme en privant les patients ou les parents d'enfants mineurs de la possibilité de décider librement. Les pétitionnaires invoquaient l'article 51 de la Constitution selon lequel il est impossible de contraindre quelqu'un à un traitement médical sauf dans les cas déterminés par la loi. Ils affirmaient que la vaccination ne pouvait être considérée comme un traitement médical puisqu'elle est pratiquée sur des personnes en bonne santé. La vaccination serait même constitutive d'un abus pratiqué sur les enfants, en contradiction avec l'article 56 de la Constitution qui détermine les droits spécifiques des enfants.

La Cour constitutionnelle a jugé que la loi contestée n'était pas contraire à la Constitution.

La vaccination obligatoire constitue une ingérence dans certains droits de l'homme, notamment le droit de décider librement de soi-même, de protéger son intégrité physique (art. 35, Const.) et de choisir ses soins médicaux. Mais le législateur, en rendant la vaccination obligatoire, cherchait à protéger la population contre les maladies contagieuses. En effet, la vaccination permet de protéger un individu contre une infection et de prévenir le développement des épidémies qui ont, dans le passé, porté atteinte à la santé de la population et dans certains cas causé la mort d'un grand nombre d'individus. Elle immunise les patients ; la vaccination d'un nombre important de personnes permet d'instaurer une « immunité collective de la population ». La propagation des maladies contagieuses et la naissance des épidémies ne peuvent être prévenues que par un degré suffisant de vaccination de la population.

La Cour constitutionnelle a constaté que la Constitution donnait elle-même la possibilité de fixer par la voie législative les mesures sanitaires sans le consentement de l'individu et que, dès lors, le législateur pouvait déterminer des cas de vaccination obligatoire afin d'atteindre l'objectif poursuivi.

Étant donné que la vaccination assure la protection collective de la population contre les maladies contagieuses, la Cour a estimé qu'un individu ne pouvait se prévaloir de son droit de décider librement.

Enfin, les cas de vaccination obligatoire déterminés par le législateur sont une mesure appropriée pour atteindre l'objectif légitime poursuivi, à savoir la protection et la prévention contre les maladies contagieuses.

La Cour constitutionnelle a également fait valoir que le bénéfice de la vaccination pour la santé d'un individu et de la communauté dépassait le dommage possible qui pourrait résulter des effets secondaires de cette mesure. Les experts estiment que le risque couru par un individu d'être atteint d'une lésion à cause de la vaccination est nettement inférieur au risque que représenterait pour lui la maladie. Dans les cas où la vaccination représenterait un risque trop grand pour la santé d'un individu, la loi permet d'apprécier les raisons qui justifient de se soustraire à une vaccination. L'absence de vaccination obligatoire entraînerait le risque de voir se développer à nouveau des maladies contagieuses et des épidémies dès lors que le nombre des vaccinés tomberait en deçà d'un seuil critique. Les conséquences pour la santé ou pour la vie des gens seraient sans nul doute beaucoup plus graves que le risque lié à la vaccination.

Par ces motifs la Cour constitutionnelle a jugé que les bénéfices que la vaccination apporte à la santé d'un individu et à la population en général sont supérieurs à la gravité des conséquences de l'ingérence dans les droits constitutionnels d'un individu. En conséquence, la vaccination n'est pas une mesure disproportionnée.

Elle a également jugé qu'il n'était pas possible de reprocher aux dispositions contestées de méconnaître l'article 56 de la Constitution. En effet, la Constitution oblige l'État à assurer aux enfants un soin et une protection. La protection des enfants est assurée, notamment, par les prescriptions régissant les domaines du droit de la famille, du droit du travail et de la sécurité sociale. La protection et les soins spéciaux doivent également être assurés aux enfants dans le domaine de la protection contre la maladie. En imposant la vaccination obligatoire, le législateur a agi conformément au devoir d'assurer à tous, et en particulier aux enfants, les mesures préventives et curatives propres à assurer un niveau de santé aussi élevé que possible.

Le grief des pétitionnaires considérant la vaccination obligatoire comme un abus sur les enfants a ainsi été déclaré non-fondé.

Décision n° U-I-60/03 du 4 décembre 2003 (JO de la République de Slovénie, n° 131/2003)

Le requérant contestait les dispositions du septième chapitre de la loi sur la procédure concernant l'internement des personnes dans les hôpitaux psychiatriques ainsi que la disposition de l'article 49 de la loi sur l'activité sanitaire se référant à cette procédure. Il prétendait que les causes d'internement prévues par la loi allaient au-delà des limitations aux droits de l'homme prévues par la Constitution et les normes internationales. Les mesures en cause constitueraient une ingérence soit dans le droit à la liberté personnelle (art. 19, Const.), soit dans les autres libertés fondamentales, comme la liberté de mouvement (art. 32, Const.), le droit à la dignité et à la sécurité personnelles (art. 34, Const.), l'inviolabilité de l'intégrité corporelle et spirituelle, de l'individualité ainsi que des droits de la personne (art. 35, Const.), le droit à la protection des données personnelles (art. 38, Const.) et le droit à la protection médicale (art. 51, Const.). Le requérant soutenait que la législation n'assurait aux personnes internées malgré elles aucune sécurité juridique et qu'elles étaient privées de liberté d'une manière totalement arbitraire. Il relevait que la législation ne leur donnait aucune aide juridique (avocat, par exemple) et ne prévoyait pas les conditions et la durée de la détention (fixées par l'article 20). Le requérant contestait également les interventions médicales sans consentement du patient, l'interdiction de consulter le dossier médical et les compétences du médecin traitant pour donner les informations sur son état de santé aux parents proches.

La Cour constitutionnelle a estimé que l'internement en cause constituait une ingérence grave dans les droits de l'homme et les libertés fondamentales, en particulier dans les droits garantis par les articles 19, 35 et 51 précités de la Constitution. Selon elle, la législation doit régir le maintien forcé dans les unités fermées des hôpitaux psychiatriques de telle sorte que soit assurée la réalisation efficace de l'objectif légitime qui justifie une mesure de ce type (c'est-à-dire la prévention du danger que le malade constitue soit pour les autres, soit pour lui-même et la suppression des causes qui en sont à l'origine), et que soit garanti en même temps le respect des droits et des libertés fondamentales des malades conformément aux normes internationales.

Le septième chapitre de la loi sur la procédure non contentieuse a fixé la procédure régissant les personnes internées en unité fermée sans leur consentement ou sans décision juridictionnelle. L'hôpital doit en informer la juridiction dans les 48 heures au plus tard. La loi a déterminé aussi les circonstances justifiant la privation de liberté (la nature de la maladie mentale ou l'état psychique qui menace ou cause le dommage grave à la vie de l'individu ou de tiers). Une fois le tribunal averti de l'internement, il déclenche la procédure au cours de laquelle la personne détenue, les médecins et, s'il le faut, les tiers, sont interrogés pour pouvoir statuer sur le maintien ou non de l'internement en s'appuyant sur des preuves. Le tribunal détermine aussi la durée de l'internement qui ne doit pas être supérieure à un an. Il doit rendre une décision dans le délai de 30 jours au plus tard à compter du jour où il a été averti de la détention. La personne détenue ou ses proches parents ainsi que son représentant, son tuteur, l'organe de la sécurité sociale et l'hôpital peuvent interjeter appel de cette décision dans le délai de trois jours. La Cour doit se prononcer également dans un délai de trois jours. Cette décision est susceptible d'un pourvoi en révision.

La Cour constitutionnelle a considéré que le maintien forcé dans une unité fermée d'un hôpital psychiatrique était une mesure à laquelle on ne peut recourir que dans les cas où le danger ne saurait être prévenu par d'autres mesures. Comme le législateur n'a pas prévu de telles autres mesures, il a commis une ingérence contraire à l'article 2 de la Constitution dans la liberté personnelle (art. 19, Const.). Selon la Cour constitutionnelle, il faut expliquer au malade détenu, d'une manière adaptée et en prenant en considération son état de santé, les raisons de son internement. Le malade doit être en outre informé sur la possibilité d'avoir un avocat choisi librement.

La Cour constitutionnelle a considéré qu'une des libertés fondamentales qui doit être assurée est le droit à un recours judiciaire contre la mesure d'internement. Le législateur aurait donc dû déterminer des délais plus courts pour juger de la légitimité de la détention puisque seul un contrôle judiciaire rapide peut assurer la protection efficace des droits du malade. En outre, la décision d'internement doit inclure des données sur la personne détenue, sur son état de santé, sur la personne qui l'a amenée à l'hôpital psychiatrique, sur les causes qui ont justifié la mesure d'internement, seule base sur laquelle le tribunal pourra apprécier la nécessité de la détention forcée (ultima ratio). Par conséquent, la Cour constitutionnelle a estimé que la législation contestée n'était pas conforme au droit à la protection juridictionnelle garantie par le premier paragraphe de l'article 23 de la Constitution.

Il faut également assurer au malade, qui n'est pas capable de comprendre et de défendre ses droits au cours de la procédure, une représentation appropriée. La loi en cause ne le faisant pas, la Cour constitutionnelle l'a déclarée non conforme aux articles 22 et 25 de la Constitution.

Par ailleurs, la mesure d'internement est logiquement liée au traitement. Son objectif est, entre autres, la disparition des causes qui l'ont entraînée. La détention du malade implique, selon la Cour constitutionnelle, certaines formes de traitement qui résultent de cet objectif. Cela ne signifie pourtant pas une autorisation illimitée de prendre des mesures de traitement sans contrôle extérieur adéquat. Le législateur devrait, d'un côté, définir les soins qui découlent de l'objectif et de la nature de la mesure d'internement et, d'un autre côté, déterminer les soins qui dépassent ce cadre et exigent le consentement exprès du malade. La Cour constitutionnelle a constaté que le manque de réglementation concernant le statut du malade et de ses droits pendant l'internement constituait un vide juridique qui n'était pas conforme au principe de la sécurité juridique (art. 2, Const.) et était donc inconstitutionnel.

La législation contestée n'était pas non plus conforme au troisième paragraphe de l'article 51 de la Constitution qui impose au législateur de déterminer les cas où il peut être recouru au traitement forcé. Selon la Cour, pour protéger les droits du malade, le législateur devrait définir clairement les cas et les conditions dans lesquels il serait admissible de prendre des mesures de contrainte et de restriction. Il faudrait, en outre, prévoir certains mécanismes de contrôle sur le recours aux mesures en question. La Cour constitutionnelle a constaté que la loi sur la procédure non contentieuse ne régissait pas certaines questions importantes liées à l'internement. C'est pourquoi elle a, conformément à l'article 48 de la loi sur la Cour constitutionnelle, déclaré les articles 70-81 de la loi sur la procédure non contentieuse non conformes à la Constitution. Elle a aussi précisé les conditions d'application de la décision d'internement. Elle a ordonné que, jusqu'au vote des dispositions, les conditions suivantes soient remplies : lors de l'ouverture de la procédure, un avocat doit être commis d'office par la cour compétente auprès de chaque personne détenue, tandis que l'information soumise à la cour compétente pour se prononcer sur la décision d'internement doit comprendre aussi les raisons justifiant la nécessité de la détention.

En revanche, les dispositions de la loi sur les actes médicaux pendant l'hospitalisation dans l'hôpital psychiatrique effectués sans le consentement du malade (premier paragraphe de l'article 49) ont été déclarées conformes à la Constitution puisque les conditions précisées dans ledit article sont destinées uniquement au jugement du médecin qui, s'appuyant sur les standards médicaux objectifs, diagnostique l'existence d'une maladie mentale et apprécie, d'un point de vue professionnel, la portée du danger que le malade représente pour les autres ou pour lui-même.

La Cour constitutionnelle n'a pas non plus déclaré contraires à la Constitution les restrictions relatives à l'examen des documents concernant l'état de santé d'un individu (sixième alinéa de l'article 47 de la loi sur l'activité médicale) puisqu'il ne s'agit que d'une exception pour les cas urgents. Le médecin est en principe tenu de donner au malade, à sa demande et sans conditions, la possibilité de prendre connaissance de toutes les données objectives et originelles concernant sa santé et de les reproduire. Dans les cas exceptionnels, le médecin peut limiter ou interdire la consultation de ses notes personnelles et de ses opinions si leur découverte est susceptible de nuire gravement au traitement ou au rapport entre le malade et le médecin. Il est fondamental qu'en cas de litige avec le médecin, le malade fasse valoir son droit d'examiner son dossier devant le tribunal administratif.

Les dispositions sur l'intervention médicale urgente sans consentement préalable du malade (art. 48 de la loi sur l'activité sanitaire) ont été considérées comme conformes à la Constitution lorsque le malade, compte tenu de son état de santé, ne peut formuler sa volonté et que l'intervention s'avère urgente. Le médecin est alors tenu de tout faire pour sauver la vie du malade. N'est pas non plus contraire à la Constitution le quatrième paragraphe de l'article 51 de la loi sur l'activité sanitaire qui prévoit que le médecin qui soigne le malade peut donner des informations sur l'état de santé de son patient aux proches parents de ce dernier ou à son tuteur. Chacun peut demander que les personnels auxiliaires de médecine ne puissent transmettre, sans son consentement exprès, des informations sur son état de santé, même à ses parents les plus proches.

Décision n° U-I-272 du 8 mai 2003 (JO de la République de Slovénie, n° 48/2003)

La Cour constitutionnelle a statué sur la constitutionnalité de l'article 49 de la loi sur la police qui détermine des mesures policières pouvant être approuvées par le directeur général de la police ou son adjoint.

Selon les requérants, ces mesures constituaient une ingérence inadmissible dans la vie privée des individus protégée par les articles 35 (inviolabilité de l'intégrité physique et psychique de l'homme, de sa vie privée ainsi que de ses droits personnels) et 37 (secret de sa correspondance) de la Constitution. N'étant pas définies d'une manière suffisamment précises, ces mesures rendraient possible une conduite arbitraire de la police et ne seraient pas conformes au principe de proportionnalité. En outre, le contrôle sur l'exercice des mesures policières relevait du pouvoir exécutif alors qu'il aurait dû être de la compétence du pouvoir judiciaire. Enfin, les auteurs de la saisine critiquaient les facilités résultant du fait que les mesures policières pouvaient être mises en oeuvre dès qu'il y avait des raisons de soupçonner la culpabilité d'un individu.

Dans le système pénal slovène, il existe trois catégories de mesures policières. En premier lieu, le directeur général de la police peut ordonner des mesures d'observation et de poursuite secrètes avec l'aide de la coopération policière. En deuxième lieu, le procureur de l'État peut ordonner des mesures relatives à l'usage des documents falsifiés ainsi que des mesures d'achat, d'acceptation et de dons, qui sont en apparence des cadeaux. Enfin des mesures peuvent être ordonnées par les juridictions (contrôle du système de télécommunications grâce aux écoutes et à l'enregistrement, contrôle des paquets, du système informatique des banques et d'autres personnes morales commerciales, utilisation d'écoutes et surveillance, entrée clandestine, etc.). Pour les mesures ordonnées par le directeur général de la police, il suffit de simples soupçons, tandis que pour les mesures ordonnées par le procureur de l'État ou par une juridiction, il est nécessaire que l'existence de soupçons soit liée à la commission d'une infraction. Les mesures ordonnées par le directeur général de la police ne s'appliquent que pour une durée de trois mois, mais peuvent être prolongées dans les cas importants pour une nouvelle période de trois mois renouvelable.

La question posée était de savoir si les mesures contestées portaient atteinte à la vie privée de l'homme ou aux droits protégés par l'article 35 de la Constitution.

Les droits individuels protègent tous les éléments de la personnalité d'un individu qui ne sont pas protégés par d'autres dispositions constitutionnelles (dispositions sur la liberté de conscience, la liberté d'opinion, la protection des données personnelles, etc.). Les mesures policières qui impliquent l'observation d'une personne dans les lieux privés qu'elle tient pour intimes représentent une immixtion dans sa vie privée. Si la surveillance se prolonge au point d'aboutir à tout connaître de la vie d'un individu, il s'agit, selon la Cour Constitutionnelle, d'une ingérence dans les droits personnels. Une telle immixtion doit être réglée d'une manière précise et non équivoque afin d'exclure toute possibilité de conduite arbitraire de la part de l'État.

Selon la Cour constitutionnelle, le premier paragraphe de l'article 49 de la loi sur la police qui énumérait les mesures policières pouvant être ordonnées par le directeur général de la police n'était pas conforme aux principes constitutionnels puisqu'il ne précisait pas les contours des mesures et leurs limites. Il ne fixait pas davantage le contenu des compétences des autorités de police et n'apportait pas de réponse à une des questions fondamentales relative à ce genre de mesures, à savoir celle de la complicité en matière pénale.

La Cour constitutionnelle a estimé, en outre, que la loi sur la police permettait d'ordonner les mesures du premier paragraphe de l'article 49 à l'égard des infractions poursuivies d'office. Cette compétence trop large n'était pas conforme au principe de proportionnalité qui interdit les ingérences excessives de l'État même lorsqu'il poursuit un objectif légitime. La Cour constitutionnelle a examiné la proportionnalité sous trois aspects : 1) l'ingérence est-elle nécessaire, autrement dit, est-il impossible d'atteindre l'objectif par un moyen plus modéré que celui qui a été utilisé ?; 2) l'ingérence est-elle appropriée, à savoir est-il effectivement possible d'atteindre l'objectif poursuivi grâce à elle ?; 3) la gravité de l'ingérence dans les droits de l'homme est-elle proportionnelle à la valeur de l'objectif poursuivi ou aux avantages qui en découlent (principe de la proportionnalité au sens strict)? En cas de réponse positive à ces trois questions, l'ingérence est considérée comme admissible. En l'espèce, le recours aux mesures d'enquête clandestines était possible pour toutes les infractions, sans tenir compte de la peine encourue, des circonstances de leur commission ou du bien protégé. En droit comparé, des mesures semblables sont généralement limitées aux infractions commises d'une manière organisée et considérées comme particulièrement dangereuses. Le principe de proportionnalité n'était donc pas respecté.

La Cour constitutionnelle s'est prononcée aussi sur le troisième paragraphe de l'article 49 qui donnait la possibilité de renouveler les mesures tous les trois mois. Ce paragraphe n'a pas résisté à l'épreuve des tests de proportionnalité puisque l'objectif poursuivi - permettre à la police de découvrir et poursuivre les auteurs des infractions - aurait pu être atteint par une ingérence plus limitée (par exemple une durée plus courte de la mesure principale).

La Cour constitutionnelle a donc prononcé des déclarations de non conformité à la Constitution, en imposant au législateur de fixer les mesures en cause de telle manière que la limite entre les mesures policières et les mesures ordonnées par une juridiction ou le procureur de l'État soient clairement fixées dans la loi sur la procédure pénale, que soit assurée une gradation convenable des mesures selon la gravité de l'infraction et qu'enfin, il soit possible de contrôler a posteriori la légalité de la mesure.

Trois décisions

Décision n° U-I-315/02

du 3 octobre 2002

(JO de la République de Slovénie,

n° 87/2002),

décision n° U-I-345/02

du 14 novembre 2002

(JO de la République de Slovénie,

n° 105/2002)

et décision n° U-I-416/98

du 22 mars 2001

(JO de la République de Slovénie,

n° 28/01)

Trois affaires différentes ont soulevé un même problème portant sur la représentation de la communauté tsigane dans les organes des collectivités locales.

Dans le premier cas, le requérant, qui voulait être candidat au poste de représentant de la communauté tsigane aux élections locales, ne le pouvait pas parce que les statuts de la commune ne le prévoyaient pas. La loi sur les collectivités locales dispose pourtant que la communauté tsigane a le droit d'avoir un représentant au conseil municipal dans les régions autochtones. Les communes où vit la communauté tsigane n'ont d'une manière générale pas respecté les dispositions de la loi au motif qu'il ne serait pas évident de déterminer quelles sont les régions peuplées par les Tsiganes et que la loi n'a pas précisé les conditions effectives d'application de cette mesure.

La Constitution dispose que le statut et les droits de la communauté tsigane sont réglés par la loi. Cette disposition permet au législateur d'assurer à cette communauté ethnique l'exercice des droits reconnus à tous mais aussi des droits spécifiques, assimilables à une discrimination positive en faveur de la minorité. La Constitution ne donne toutefois pas aux Tsiganes le statut d'une minorité nationale, comme c'est le cas pour les communautés italienne et hongroise, puisqu'il s'agit non d'une nation mais des descendants d'un peuple nomade venant de l'Inde qui sont dispersés pratiquement dans tous les pays européens.

La Cour constitutionnelle a estimé, dans la décision n° U-I-416/98, que la disposition de la loi qui faisait de cette population une population autochtone sur la base du seul critère de sa représentation au conseil municipal par un élu n'était pas suffisamment claire (les critères de l'autochtone sont flous et varient d'un pays à l'autre), ce qui a donné la possibilité aux collectivités locales d'appliquer la loi d'une manière différente et arbitraire.

Le requérant mettait aussi en cause la constitutionnalité et la légalité du règlement de la commune. La Cour a constaté que la commune en question pouvait, en vertu de la disposition de la loi sur les collectivités locales, remplir son obligation légale puisqu'il existe sur son territoire une communauté autochtone tsigane. Elle n'en a pas moins estimé que la loi sur les collectivités locales était contraire au principe de l'État de droit (art. 2, Const.) en raison de son manque de clarté. Le règlement de la commune n'était quant à lui pas conforme à la loi sur les collectivités locales.

La décision n° U-I-315/02 a porté, elle aussi, sur le problème des Tsiganes. Dans cette affaire, les maires de certaines communes contestaient la réglementation adoptée par le législateur à la suite de la décision précitée de la Cour constitutionnelle. Par la loi modifiant la loi sur les collectivités locales, le législateur a explicitement déterminé les communes qui devaient assurer à la communauté tsigane un représentant dans le conseil municipal ce qui serait, selon eux, non conforme au principe de la séparation des pouvoirs (art. 3, Const.) et de l'État de droit (art. 2, Const.).

La Cour constitutionnelle a jugé qu'une telle réglementation ne signifie pas une ingérence dans le statut et les compétences des communes. Elle a néanmoins conclu que la loi n'était pas conforme à la Constitution, car il incombe à l'Assemblée nationale de prescrire par voie législative les critères et autres mesures spécifiques en vertu desquels les communes pourront apprécier l'existence de la communauté tsigane sur leurs territoires respectifs.

La dernière décision sur ce problème est la décision n° U-I-345/02 par laquelle la Cour constitutionnelle a constaté, à la demande du Gouvernement, que les statuts des communes qui restaient muets sur la représentation de la communauté tsigane au Conseil municipal n'étaient pas conformes à la loi sur les collectivités locales.

Décision n° Up-13/99 du 8 mars 2001 (JO de la République de Slovénie, n° 28/2001)

Dans l'affaire ayant donné lieu à cette décision, le requérant avait été enlevé et emmené en Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale.

Il avait formé une demande devant les juridictions slovènes contre la République fédérale d'Allemagne pour le temps qu'il avait dû passer en camp de concentration, pour la douleur morale provoquée par le décès de ses parents, le bonheur ruiné et les biens détruits. Dans le recours constitutionnel, il a contesté l'argument qui lui avait été opposé par la partie défenderesse, qui prétendait jouir de l'immunité dans les procédures devant les juridictions des autres pays. À son avis, l'immunité de juridiction n'était pas un droit absolu et le fait de s'en prévaloir violait son droit à la protection judiciaire prévu par l'article 23 de la Constitution.

Dans sa réplique, la République fédérale d'Allemagne a fait valoir que l'immunité des États était reconnue comme principe du droit coutumier international, à raison de l'égalité souveraine des États dans leurs relations. La conduite des forces occupantes ou militaires, qu'elle soit légitime ou non, s'analyserait en l'attitude souveraine jure imperii d'un État, de sorte qu'elle ne pourrait être contestée devant la juridiction d'un autre État.

Les juridictions slovènes avaient rendu des décisions sur les dispositions de procédure civile aux termes desquelles le jugement des actes des États étrangers requiert l'application des règles du droit international. Le requérant contestait ces décisions sur la base du droit à la protection judiciaire de l'article 23 de la Constitution, prétendant que l'opinion des juridictions selon laquelle un pays étranger peut se prévaloir de l'immunité judiciaire pour des actes jure imperii était erronée. Il contestait le fait que les juridictions se soient référées à la loi sur la procédure civile et à l'application du droit international coutumier au cas où un État étranger est attrait devant une juridiction slovène.

Le recours constitutionnel a été rejeté. La Cour constitutionnelle a constaté qu'il n'existait aucun traité ou convention réglant l'immunité des États et que l'évolution tendait plutôt à la limiter. Il était cependant impossible de conclure que l'immunité de juridiction soit limitée au point qu'on puisse considérer l'attitude des juridictions slovènes comme arbitraire et constitutive d'une violation de l'article 23 de la Constitution. La Cour constitutionnelle a constaté que l'exclusion de la protection judiciaire représentait une ingérence dans ledit droit constitutionnel, mais que cette ingérence était néanmoins admissible au regard du principe de proportionnalité.

Décision n° Up-78/00 du 29 juin 2000 (JO n° 66/2000) et décision n° U-1-221/00 du 9 novembre 2000 (JO n° 113/2000)

La Cour a statué sur un recours constitutionnel concernant le droit d'asile. Elle a constaté que l'acte individuel attaqué avait été pris sur la base d'une loi contraire à la Constitution. Conformément au deuxième paragraphe de l'article 59 et à l'article 30, la Cour constitutionnelle a apprécié la constitutionnalité de la loi et estimé que certains de ses articles n'étaient pas conformes à la Constitution. Elle les a en conséquence annulés.

Le requérant avait été privé de sa liberté à la frontière entre la Slovénie et l'Italie en exécution d'un mandat d'arrêt délivré par la Fédération russe en raison de plusieurs faits d'escroquerie. Il prétendait que ce n'était qu'un prétexte des autorités russes pour se débarrasser de lui parce qu'il disposait de preuves relatives aux infractions de certains hommes politiques importants en Russie. Sa demande d'asile en Slovénie avait été refusée par une décision du ministère de l'Intérieur. Il avait alors formé un recours contentieux devant le Tribunal administratif qui, en confirmant la décision du ministère, avait refusé sa demande d'asile.

Attaquant ces décisions, le requérant a allégué qu'en dépit de sa demande expresse, il se trouvait dépourvu du conseiller d'asile qui aurait dû être commis d'office auprès de lui, aux termes des articles 9 et 19 de la loi sur l'asile. Il a soutenu en outre que les décisions ne se seraient pas prononcées sur les preuves à même de confirmer ses prétentions.

Le ministère de l'Intérieur avait rejeté la demande d'asile du requérant constitutionnel au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions d'octroi de l'asile telles qu'elles sont fixées par la Convention sur le statut des réfugiés et par le Protocole sur le statut des réfugiés. Il avait de même estimé que n'était pas violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il avait également considéré comme contraire à l'article 4 de la loi sur l'asile, de reconnaître l'asile à une personne suspectée d'avoir commis une grave infraction de nature non politique avant l'arrivée en Slovénie. Le tribunal avait, pour sa part, constaté l'absence de fondement des allégations du requérant en ce qui concerne le droit à un « conseiller d'asile », ce droit n'étant pas absolu et le requérant ayant par ailleurs bénéficié d'un avocat au cours du procès. Il était donc impossible de prétendre que le requérant constitutionnel aurait été empêché de défendre ses droits avec efficacité.

La Cour constitutionnelle a examiné ces allégations dans le cadre des garanties déterminées par l'article 18 de la Constitution, qui interdit toute torture, punition ou traitement inhumain ou dégradant et de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Les décisions contestées des juridictions avaient confirmé le refus du droit d'asile en niant toute crédibilité aux allégations du requérant et le Tribunal administratif avait lui-même jugé qu'il existait une suspicion d'infraction. La Cour constitutionnelle a jugé, au contraire, que les preuves fournies par le requérant ne le permettaient pas. Elle a constaté que, dans la décision administrative comme dans la décision judiciaire, les éléments concernant l'existence d'une éventuelle menace n'étaient pas motivés. C'est ainsi à tort que le Tribunal administratif n'avait apprécié le bien-fondé ni du soupçon d'infraction ni des allégations concernant le prétendu mensonge relatif au procès pénal dirigé contre lui en Russie. En conséquence, la Cour constitutionnelle a considéré que les deux décisions avaient violé le droit du requérant constitutionnel à une protection égale des droits dans les procédures prévues par l'article 22 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle a également constaté qu'aux termes de la loi sur l'asile, la procédure de la reconnaissance du droit d'asile se termine par la notification du jugement du Tribunal administratif ayant force de chose jugée et qu'il n'est pas susceptible d'appel devant la Cour suprême. La loi sur le contentieux administratif, en revanche, prévoit que le jugement de la juridiction administrative de première instance est susceptible d'appel, sauf si la loi en dispose autrement. Par conséquent, la Cour constitutionnelle a examiné la conformité de la loi sur l'asile à la Constitution. La Cour a admis que la rapidité du procès a pour objectif d'abréger la période d'incertitude du demandeur d'asile et, de fait, réduit les frais de l'État en ce qui concerne son séjour. Néanmoins, la poursuite d'un tel objectif ne doit pas violer le droit à l'appel. Estimant que la disposition en cause de la loi sur l'asile violait le droit constitutionnel au recours judiciaire (art. 25, Const.), la Cour constitutionnelle l'a annulée.

Décision n° U-I-228/00 du 26 octobre 2000 (JO de la République de Slovénie, n° 96/2001)

Le requérant était une société viti-vinicole qui contestait d'une part un règlement sur le vin d'appellation contrôlée (ci-après le règlement) qui aurait été dépourvu de base légale, d'autre part, la modification de la loi sur le vin et les autres produits des raisins et du vin (ci-après loi sur le vin). Il estimait que les deux réglementations étaient contraires au principe de la libre initiative économique posé par l'article 74 de la Constitution ainsi qu'au principe de l'égalité devant la loi prévu par le deuxième paragraphe de l'article 14 de la Constitution. Conformément à ces réglementations, les viticulteurs du cvicek qui ne disposent pas de cave dans le vignoble de la Basse Carniole ne sont pas autorisés à produire le cvicek doté d'une appellation d'origine contrôlée. Le requérant, qui se trouvait dans cette situation, prétendait que le législateur avait eu pour seul objectif d'assurer le monopole de production du cvicek aux viticulteurs de la région vinicole de la Basse Carniole.

La Cour constitutionnelle a jugé que, par l'adoption de la loi sur le vin, le législateur avait voulu assurer le développement de l'industrie viticole et en particulier orienter la viniculture vers une production de qualité, ce qui impliquait la protection des viticulteurs. À cette fin, la loi a assuré la protection rigoureuse de l'origine géographique du vin, ce qui est dans l'intérêt du producteur et du consommateur. Elle l'a fait de manière non arbitraire, puisque conformément au cinquième paragraphe de son article 4, un règlement spécial a été rédigé concernant la description détaillée de la région viticole d'origine contrôlée.

La Cour constitutionnelle a également estimé que la réglementation contestée ne constituait pas une ingérence dans le principe de la libre initiative économique. Selon les termes du premier paragraphe de l'article 74 de la Constitution, l'initiative économique est libre, mais une conception de la liberté d'entreprise exagérément libérale ne serait pas conforme à la Constitution. Le législateur a le droit de la limiter si l'intérêt général le justifie manifestement (protection de la santé publique et de la vie des hommes, protection de la nature, protection des consommateurs et des employés, etc.). Il peut alors soumettre à certaines conditions subjectives ou objectives l'activité des entrepreneurs sur le fondement de l'article 74 de la Constitution. Celui-ci dispose, en son deuxième paragraphe, que la loi détermine les conditions à remplir pour la création d'une entreprise et que l'activité économique ne doit pas être exercée contrairement à l'intérêt général. Si la loi contestée ne l'avait pas fait, il y aurait eu un vide juridique anticonstitutionnel.

La Cour constitutionnelle a enfin jugé que la réglementation contestée n'était pas contraire au deuxième paragraphe de l'article 14 de la Constitution. Elle a constaté que les conditions fixées pour obtenir le droit à l'appellation d'origine contrôlée sont les mêmes pour tous dans la région en cause et sur tout le territoire, puisque la loi opère une distinction non entre les viticulteurs, mais au regard des caractéristiques particulières d'une récolte (raisin et vin) qui sont le résultat de la nature (sol, climat, eau, flore et faune) ou des procédés de production traditionnels. Ni la loi ni le règlement n'ont pour objet d'empêcher la production du vin des raisins qui servent à la production du cvicek. Ils empêchent seulement de donner à ce vin l'appellation de cvicek PTP.

Décision n° U-I-158/95 du 2 avril 1998 (JO de la République de Slovénie, n° 70/98)

Le requérant et le pétitionnaire contestaient la constitutionnalité des articles 11 et 19.a de la loi sur les affaires intérieures, relatifs à la restriction du droit au secret de la correspondance et autres moyens de communication, dans le cadre d'une procédure pénale, en la comparant avec la loi sur la procédure pénale, qui a trait au même sujet.

La loi sur la procédure pénale et la loi sur les affaires intérieures étaient en contradiction sur plusieurs points Ainsi, la loi sur la procédure pénale détermine explicitement les infractions permettant de mettre en oeuvre des mesures restreignant le droit en question, tandis que la loi sur les affaires intérieures dispose de manière imprécise que le recours à des méthodes spéciales est possible dans les cas de crimes organisés particulièrement dangereux commis par des groupes criminels internationaux. Selon la loi sur la procédure pénale, les mesures ne peuvent être proposées que par le procureur et leur la validité est limitée dans le temps tandis que, selon la loi sur les affaires intérieures, c'est le ministre de l'Intérieur qui propose les mesures. Le requérant et le pétitionnaire soutenaient donc qu'était méconnue la confiance en la sécurité et en la prévisibilité juridiques et qu'étaient violés l'article 14 de la Constitution sur l'égalité devant la loi, l'article 2 sur le principe de l'État de droit, l'article 29, alinéa 4 de la Constitution selon lequel la personne accusée d'avoir commis une infraction ne peut être obligée de déposer contre elle-même ou contre ses proches. Ils faisaient aussi valoir que la disposition de l'article 19 de la loi sur les affaires intérieures, par son manque de précision et par son arbitraire, violait le droit constitutionnel à la dignité et à la sécurité personnelles (art. 34, Const.) et à la protection du droit au respect de la vie privée et des droits de la personne.

La Cour constitutionnelle a rappelé qu'elle n'est pas compétente pour statuer sur la conformité d'une loi avec une autre. Elle ne doit se prononcer que sur le point de savoir si les disparités au sein d'un ordre juridique violent les principes de l'État de droit et si la législation contestée est conforme ou non à la Constitution. L'article 11 de la loi sur les affaires intérieures prévoyait une exception au principe de l'inviolabilité du secret de la correspondance dans le cas où une décision a été rendue par une juridiction, sur proposition motivée du ministre des Affaires intérieures. L'article 19 déterminait les méthodes et les moyens utilisés par les services chargés de l'exécution des mesures, les obligeant à recourir aux plus appropriés, en soulignant notamment la distinction entre les méthodes qui requéraient une décision judiciaire préalable et celles dont l'application pouvait être approuvée par le ministre.

La Cour constitutionnelle a estimé que les mesures en cause avaient certainement constitué une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et a annulé les dispositions contestées de la loi sur les affaires intérieures. Elle a rappelé que l'article 15 de la Constitution donne la possibilité de restreindre les droits dans les cas où elle-même en dispose ainsi ou quand il est nécessaire de le faire pour la protection des droits des tiers. Ces restrictions doivent être interprétées strictement et conformément au principe de proportionnalité. La Cour constitutionnelle a eu recours au test de proportionnalité (expliqué plus en détail dans le résumé de la décision n° U-I-272/98) et constaté qu'en raison de la généralité de la réglementation, le législateur n'avait pris en considération ni les valeurs constitutionnelles, ni la nécessité de prévoir dans la loi les ingérences dans les droits constitutionnels. Ainsi, la réglementation des mesures qui pouvaient être approuvées par le ministre et auxquelles les autorités avaient recours sans décision judiciaire - coopération clandestine, surveillance secrète et rachat des objets - étaient trop imprécises tant en ce qui concerne l'autorité compétente que l'étendue de sa compétence. La réglementation des mesures nécessitant une décision judiciaire préalable - contrôle du téléphone et autres moyens de communication, contrôle de la correspondance et autres envois - était un peu plus précise, mais pas suffisamment pour être conforme aux conditions requises par l'article 37 de la Constitution et par son article 35 (droit au respect de la vie privée, droits de la personne). Selon la Cour, seule une réglementation détaillée était de nature à empêcher l'arbitraire ou les abus, en définissant par exemple, les catégories de personnes et les infractions autorisant la mise sur écoute, le degré de suspicion requis, la durée des écoutes, les modalités de leur réalisation et du traitement des résumés des conversations, les mécanismes de contrôle.

Décision n° U-1-132/95 du 8 janvier 1998 (JO de la République de Slovénie, n° 11/98)

Les pétitionnaires contestaient la disposition de la loi sur la procédure pénale qui prévoyait qu'un travail d'expertise pouvait être confié à un organe de l'État. Ils soutenaient que l'expertise doit être élaborée par une personne ou une institution professionnelle impartiale et indépendante et que tel n'était pas le cas du Centre des recherches criminologiques auprès du ministère de l'Intérieur dont les employés sont des fonctionnaires qui préparent des dénonciations qui ont pour but d'aboutir au procès pénal.

La Constitution détermine, dans les articles 22 et 23, les garanties fondamentales d'un procès juste et équitable. L'article 22 assure à chacun une protection égale de ses droits dans les procédures devant les ordres judiciaire et administratif, tandis que l'article 23 proclame le droit à un juge indépendant, impartial qui statue sur les droits et les obligations d'un individu ainsi que sur les accusations formulées contre lui dans les délais raisonnables.

La Cour constitutionnelle a d'abord souligné que l'expert, comme le témoin, participe à la constatation des faits essentiels dans une affaire, mais qu'à la différence du témoin, il doit rédiger un rapport sur ses constatations, peut proposer des preuves et consulter le dossier. Le seul fait qu'un organe ou un institut rédige la dénonciation ou participe en vertu de la loi à la poursuite pénale suscite, quant à son impartialité, un doute tel qu'il ne peut être expert, sauf à violer l'article 22 précité. Tel est le cas du Centre des recherches criminologiques qui peut recevoir des instructions de la part du ministère. La loi sur la procédure pénale elle-même exige un expert impartial, puisqu'à défaut, il peut être récusé et que toute personne concernée peut demander à la juridiction de vérifier si la mesure a satisfait aux exigences légales, sous le contrôle de la Cour constitutionnelle. Celle-ci a donc jugé que le fait de confier un travail d'expertise à un organe qui, conformément à la loi, participe à la poursuite pénale, constituait une violation de l'article 22 de la Constitution.