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Textes à l'appui - Sélection de décisions de la Cour constitutionnelle d'Ukraine

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 16 (Dossier : Ukraine) - juin 2004
Sélection de décisions de la Cour constitutionnelle d'Ukraine (résumés)

I. Décision du 11 juillet 1997, n° 3-ZP/97 : Contrôle de constitutionnalité de l'interprétation officielle par le Parlement de l'article 98 de la Constitution

Saisie par le président de l'Ukraine, la Cour constitutionnelle réaffirme par cette décision, que d'après la nouvelle Constitution de 1996, les pouvoirs d'interprétation officielle de la Constitution et des lois de l'Ukraine lui appartiennent (art. 150, al. 2). Conformément à l'article 147 de la Constitution, elle est l'organe unique de justice constitutionnelle en Ukraine. Ces changements sont déterminés par la transition du pays vers un régime de séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire (art. 6, al. 1, Const.). Ces pouvoirs coopèrent selon le système constitutionnellement fixé de freins et contrepoids, en exerçant leurs compétences dans les limites établies par la Constitution, et en conformité avec les lois (l'art. 6, al. 2, Const.).

Puisque, avant l'entrée en vigueur de la Constitution de 1996, la Cour constitutionnelle n'existait pas encore, le paragraphe 6 du chapitre XV « Dispositions transitoires » de la Constitution avait prévu qu'avant la création de la Cour constitutionnelle, c'était le Parlement (Verkhovna Rada de l'Ukraine) qui procéderait à l'interprétation des lois.

Outre cet argument principal en faveur de la position du Parlement, d'autres arguments ont été présentés lors de la procédure. Ainsi, l'obligation pour l'organe législatif d'adopter la loi « Sur la Chambre des comptes » et la précision insuffisante de la place de la Chambre des comptes d'après l'article 98 de la Constitution auraient donné au Parlement le droit d'interpréter officiellement la Constitution.

Ces arguments ne sont pas convaincants. Dans la Constitution, le terme « loi » s'emploie dans le sens étroit, et concerne seulement les « lois de l'Ukraine », c'est-à-dire que ce terme est souvent employé dans le groupe de mots « Constitution de l'Ukraine et lois de l'Ukraine » (art. 10, 15, 36, 79, 126, 150, etc., Const.).

L'emploi de ce groupe de mots dans la Constitution, à savoir dans l'article 150, n'est pas accidentel. En 1996 la Constitution a été adoptée par le Parlement au nom du Peuple ukrainien (préambule de la Constitution), qui, d'après l'article 5 de la Constitution, a le droit exclusif de déterminer et de modifier le régime constitutionnel en Ukraine. Ce droit ne peut pas être usurpé par l'État, ses institutions ou ses fonctionnaires. Ainsi, l'adoption de la Constitution par le Parlement en 1996 était un acte de réalisation de la souveraineté du peuple, qui ne donnait au Parlement le pouvoir d'adopter la Constitution que dans la présente situation. Ce principe est affirmé par l'article 85, alinéa 1 de la Constitution, qui ne prévoit pas la possibilité pour le Parlement d'adopter une Constitution dans l'avenir, et aussi par l'article 156 de la Constitution, selon lequel les modifications de dispositions qui établissent les fondements du régime constitutionnel, après leur adoption par le Parlement, doivent être validés par référendum.

La suite logique de ces dispositions est de réserver les pouvoirs d'interprétation officielle de la Constitution à la Cour constitutionnelle, juridiction spécialisée indépendante, et non plus au Parlement.

L'argument selon lequel la précision insuffisante du statut de la Chambre des comptes dans la Constitution ne pouvait être surmontée autrement que par une interprétation de la Constitution en vigueur doit être rejeté. Si le Parlement avait pensé que l'article 98 de la Constitution déterminait insuffisamment la situation de la Chambre des comptes, il aurait pu résoudre cette question en adoptant des modifications à la Constitution conformément à l'article 155 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle la résolution du Parlement du 1er octobre 1996 « Sur l'interprétation de l'article 98 de la Constitution de l'Ukraine ».

II. Décision du 3 octobre 1997, n° 4-ZP/97 : Interprétation contraignante de la date d'entrée en vigueur de la Constitution

Saisie par un particulier - M. Olexandr Barabash - la Cour constitutionnelle a résolu, par voie d'interprétation, un problème concernant la date d'entrée en vigueur de la Constitution ukrainienne de 1996.

En juin 1996 M. Barabash, en s'appuyant sur le texte de la nouvelle Constitution, a déposé à la Cour suprême une plainte dirigée contre la décision de la Commission électorale centrale (CEC), par laquelle cette Commission lui refusait de réexaminer la question de l'invalidation de l'élection d'un député au Parlement (Verkhovna Rada) ukrainien.

Dans un arrêt du 26 septembre 1996, la Cour suprême a estimé qu'il n'existait aucune raison de contester la décision de la CEC et de faire droit au requérant. La cour a indiqué qu'au moment de l'adoption de cette décision, la Constitution n'était pas encore en vigueur. Contestant cet arrêt, M. Barabash a saisi de nouveau la Cour suprême, toujours au même motif. Par un arrêt du 12 novembre 1996, la Cour suprême, s'appuyant sur l'article 94, alinéa 5 de la Constitution, qui stipule qu'« une loi entre en vigueur dix jours après sa publication officielle, sauf mention contraire figurant dans la loi elle-même, mais au plus tôt le jour de sa publication », a estimé que les normes constitutionnelles ne sauraient être appliquées pour examiner la recevabilité de la requête, la Constitution n'ayant été officiellement publiée que le 13 juillet 1996.

Mais la Cour constitutionnelle a admis que les dispositions de l'article 94 de la Constitution relatives à l'entrée en vigueur des « lois », concernaient les actes du corps législatif et non la Constitution elle-même.

Le raisonnement de la Cour constitutionnelle a été le suivant. La Constitution, en tant que loi fondamentale de l'État, est l'émanation du pouvoir constituant, lequel appartient au peuple. Le pouvoir constituant est en effet à la base de tous les autres, puisque c'est la Constitution en tant que telle qui reconnaît le principe de la séparation des pouvoirs de l'État en une branche législative, une branche exécutive et une branche judiciaire, et définit les principes de l'organisation de ces différents pouvoirs, y compris le pouvoir législatif. L'adoption de la Constitution par le Parlement ukrainien est le résultat de l'exercice de ce pouvoir constituant par le Parlement.

La Constitution est entrée en vigueur le jour de son adoption par le Parlement ukrainien, plus précisément au moment de la déclaration des résultats du vote définitif sur le projet de Constitution en séance plénière du Parlement du 28 juin 1996.

III. Décision du 25 décembre 1997, n° 9-ZP/97 : Interprétation contraignante de la responsabilité devant le juge du cabinet des ministres de l'Ukraine en cas d'emprunt de l'URSS

Saisie par 21 habitants de la ville de Zhovti Vody, la Cour constitutionnelle par la voie de l'interprétation officielle des articles 55, 64, 124 de la Constitution a admis que le cabinet des ministres (gouvernement ukrainien) relève de la juridiction de droit commun en ce qui concerne la responsabilité vis-à-vis des personnes privées, pour des obligations de l'emprunt d'État de l'ex-URSS.

La Cour constitutionnelle a établi que l'article 55, alinéa 1 de la Constitution contient une norme générale qui autorise toute personne à saisir la Cour si ses droits ou ses libertés ont été ou sont violés, s'il y a des obstacles pour leur exercice ou s'il y a d'autres lésions des droits et libertés. La norme citée oblige les tribunaux à recevoir les dossiers pour examen même si la loi n'est pas explicite sur les recours devant la justice.

Le rejet par un tribunal de demandes et d'autres plaintes est une violation du droit constitutionnel au recours qui, conformément à l'article 64 de la Constitution, ne peut pas être limité. La disposition de l'article 55, alinéa 1 de la Constitution fixe l'une des garanties les plus importantes d'exercice des droits et des libertés de l'homme et du citoyen.

L'article 55, alinéa 1 de la Constitution est conforme aux obligations internationales de l'Ukraine, issues en particulier de la ratification par l'Ukraine du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention européenne des droits de l'homme, qui d'après l'article 9 de la Constitution font partie intégrante du droit national de l'Ukraine.

Dans ce cas les personnes autorisées à saisir la Cour constitutionnelle (les habitants de la ville de Zhovti Vody) sont les parties aux rapports juridiques nés du fait de l'achat des obligations de l'emprunt national exempt d'intérêt de l'ex-URSS de 1990.

En refusant d'accepter leurs demandes, les tribunaux ukrainiens se référaient à l'absence d'obligations de l'Ukraine par rapport à la dette intérieure de l'ex-URSS, y compris les obligations de l'emprunt national exempt d'intérêt de 1990.

Toutefois, la loi de l'Ukraine « Sur les garanties d'État relatives à la restitution des épargnes des citoyens de l'Ukraine », n° 537 du 21 novembre 1996 modifiée, établit les obligations de l'État par rapport à la sécurité, la conservation et la restitution de la valeur réelle des épargnes et la compensation des citoyens de l'Ukraine. Cette situation est apparue suite à la dévalorisation des fonds d'épargne déposés avant le 2 janvier 1992 dans les agences de la Banque d'épargne de l'URSS qui fonctionnaient sur le territoire de l'Ukraine, ainsi que des titres d'État, particulièrement des obligations de l'emprunt national exempt d'intérêt de 1990.

Or la compétence des tribunaux de droit commun s'applique aux rapports juridiques qui sont nés de l'achat par les ressortissants ukrainiens des obligations de l'emprunt national exempt d'intérêt de 1990, dans les agences de la Banque d'épargne de l'URSS, qui fonctionnaient sur le territoire de l'Ukraine.

IV. Décision du 26 janvier 1998, n° 1-RP/98 : Contrôle de constitutionnalité de la loi portant élection des députés du peuple de l'Ukraine

Saisie par deux groupes de parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine), la Cour constitutionnelle dans sa décision du 26 janvier 1998 a déclaré contraires à la Constitution plusieurs dispositions de la nouvelle loi électorale d'Ukraine du 24 septembre 1997 et a reconnu l'existence d'une " question
politique ".

Les parlementaires présument qu'est inconstitutionnelle la disposition de la loi qui déclare que les partis politiques obtenant moins de 4 % des voix ne participent pas à la répartition de la moitié des sièges du Parlement, proportionnellement entre tous les partis politiques, qui ont obtenu au moins 4 % des voix. L'autre moitié des sièges est réservée aux candidats qui se sont présentés individuellement. La question est de savoir si le seuil de 4 % est contraire à la Constitution.

Conformément aux principes constitutionnels du scrutin, la disposition selon laquelle les électeurs qui n'ont pas participé au scrutin sont considérés comme représentant les mêmes opinions que les électeurs qui ont voté est inconstitutionnelle. Elle est contraire à l'article 69 de la Constitution qui stipule que « l'expression de la volonté du peuple s'effectue par les élections, le référendum et les autres formes de la démocratie directe ». Ainsi, la volonté du peuple doit s'exprimer directement.

La clause de la loi électorale qui prive les personnes détenues du droit de vote est inconstitutionnelle. Les droits électoraux, c'est-à-dire le droit d'élire des députés au Parlement et celui d'être élu, sont des droits constitutionnels. Aux termes de l'article 70 de la Constitution, seules les personnes jugées incapables par un tribunal ne peuvent pas voter. La clause de la loi qui prive les détenus de ces droits est inconstitutionnelle. Aux termes de l'article 76, alinéa 3 de la Constitution, ne peuvent pas être élues au Parlement les personnes condamnées pour avoir commis une infraction préméditée si leur condamnation figure dans leur casier judiciaire. Dans la mesure où la loi électorale est en contradiction avec cette clause, elle est inconstitutionnelle.

La loi électorale précise que les députés candidats à un nouveau mandat, ainsi que les militaires, certains agents d'organismes dépendant du ministère des Affaires intérieures, les juges, les procureurs et les fonctionnaires ne peuvent présenter leur candidature qu'à condition de s'engager à quitter leur emploi pendant leur campagne. Cette clause enfreint le principe du suffrage universel et égal.

La loi électorale limite dans certains cas le droit d'une personne d'exercer un recours devant les tribunaux concernant le contentieux des élections parlementaires. Cette clause est contraire à l'article 55, alinéa 2 de la Constitution, qui garantit le « droit d'exercer un recours judiciaire à l'encontre des décisions, des actes ou du refus d'agir des pouvoirs publics ». On ne peut accepter aucune exception à ce droit et les limitations de la loi restreignant l'accès au recours judiciaire sont inconstitutionnelles.

La loi n'offre pas de chances égales dans le système de double mode de scrutin. Il existe des différences concernant la nomination des candidats et l'établissement des listes. Des conditions différentes sont exigées pour désigner les candidats des partis selon que le député est élu dans sa circonscription au scrutin majoritaire ou au scrutin de liste. Il existe également des règles différentes concernant la publicité en période préélectorale en fonction du mode de scrutin Toutes ces distinctions sont contraires à la Constitution.

La loi électorale d'Ukraine a été jugée inconstitutionnelle, essentiellement parce qu'elle viole les principes d'égalité en matière de droit de vote. Il est inconstitutionnel d'empêcher les détenus de voter, d'empêcher les candidats de saisir les tribunaux en cas de litige électoral, et d'exiger des candidats issus de la fonction publique de démissionner lorsqu'ils sont en campagne électorale. L'Ukraine a un système de double mode de scrutin, la moitié des députés étant élus comme candidats individuels et l'autre moitié étant issue des partis politiques proportionnellement au pourcentage des voix obtenues par chaque parti. Certaines dispositions de ce système de double mode de scrutin sont inconstitutionnelles lorsque l'une des formes d'élection présente des avantages par rapport à l'autre ; tel est le cas lorsqu'un candidat se présente individuellement tout en figurant sur la liste de son parti parmi les membres qui deviendront députés si le parti obtient suffisamment de voix : la situation est contraire à la Constitution. Cette disposition injuste offre à une même personne deux chances de se faire élire député.

Toutefois, la clause prévoyant qu'un parti doit franchir le seuil de 4 % des voix pour pouvoir prétendre à des sièges au Parlement est une question politique, dont la Cour se déclare incompétente pour en connaître.

Enfin, le fait que la loi accorde l'immunité aux candidats est contraire à la Constitution ; l'immunité est une protection extraordinaire que seule la Constitution peut accorder.

V. Décision du 9 juin 1998, n° 8-RP/98 : Interprétation contraignante des dispositions des articles 158 et 159 sur l'amendement à la Constitution

Saisie par le président de l'Ukraine, la Cour constitutionnelle par voie d'interprétation officielle a dissipé plusieurs incertitudes et doutes sur le contenu des prescriptions de la loi fondamentale concernant le rôle du Parlement (Verkhovna Rada) dans le processus de révision de la Constitution, en particulier, des dispositions de l'article 158, alinéa 2, de la Constitution, qui prévoit que pendant la durée de son mandat le Parlement ne peut pas réviser deux fois les mêmes dispositions de la Constitution, aussi bien que celles de l'article 159 de la Constitution relatives au caractère obligatoire pour le Parlement de la décision de la Cour constitutionnelle sur la conformité du projet de loi sur la révision de la Constitution aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution.

La Cour a admis que le recours à la Cour constitutionnelle pour l'examen de la conformité des projets de révision de la Constitution aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution est obligatoire pour le Parlement (l'art. 147, al. 1 et l'art. 159, Const.). Les dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution interdisent de réviser la Constitution d'une façon non conforme aux dispositions stipulées dans ces articles.

En réalisant le contrôle constitutionnel a priori de la conformité aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution des projets de loi de révision de la Constitution, la Cour constitutionnelle ne limite pas les pouvoirs du Parlement d'introduire des modifications à la loi fondamentale, mais garantit la constitutionnalité de leur édiction par le Parlement, ce qui est une des garanties fondamentales de la stabilité de la Constitution.

Les différents types de contrôle constitutionnel mentionnés correspondent aux différents actes contrôlés par la Cour constitutionnelle : l'issue du contrôle constitutionnel, prévu par l'article 150 de la Constitution, prend la forme d'une décision, et celle du contrôle a priori, prévu par l'article 159 de la Constitution, se concrétise par un avis de la Cour constitutionnelle.

En dépit des différences de forme, les décisions et les avis de la Cour constitutionnelle sont également contraignants. Aux termes de l'article 124, alinéa 3 de la Constitution, d'après lequel la procédure judiciaire est exercée par la Cour constitutionnelle et les juridictions de droit commun aussi bien que de l'alinéa 5 de cet article, selon lequel toute décision judiciaire, adoptée par l'une des juridictions au nom de l'Ukraine est contraignante sur tout le territoire de l'Ukraine. Or, un avis de la Cour constitutionnelle est aussi contraignant.

Le requérant désirait obtenir de la Cour constitutionnelle l'interprétation officielle des dispositions de l'article 159 de la Constitution en vue de savoir à quel moment le Parlement doit recevoir l'avis de la Cour constitutionnelle, c'est-à-dire soit avant l'examen préliminaire par le Parlement d'un projet de loi, soit après son approbation préliminaire.

En vertu de l'article 85, alinéa 1, de la Constitution, le Parlement a le pouvoir de réviser la Constitution dans le cadre et selon la procédure établis au chapitre XIII de la Constitution. Aux termes de l'article 155 de la Constitution le Parlement exerce ses pouvoirs de manière indépendante ou, aux termes de l'article 156 de la Constitution, avec l'approbation de ce projet de loi par un référendum national fixé par le président de l'Ukraine. Le projet de loi sur la révision de la Constitution qui, conformément aux dispositions de ces articles, est présenté au Parlement, n'est examiné par lui qu'à condition qu'il y ait un avis de la Cour constitutionnelle relatif à sa conformité aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution.

Or, le projet de loi qui, selon l'avis de la Cour constitutionnelle, était conforme aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution, et qui a été amendé lors de la session plénière du Parlement, doit être soumis à nouveau à la Cour constitutionnelle pour examen de sa conformité aux dispositions de ces articles de la Constitution, ceci avant qu'il ne puisse être adopté par le Parlement.

Le requérant désirait également obtenir de la Cour constitutionnelle une interprétation officielle des dispositions de l'article 159 de la Constitution relative au point de savoir qui est habilité à saisir la Cour constitutionnelle pour obtenir son avis sur la conformité du projet de loi sur la révision de la Constitution aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle a décidé que seul le Parlement pouvait saisir la Cour constitutionnelle pour lui demander de faire cette interprétation officielle de la Constitution.

VI. Décision du 1er octobre 1998, n° 13-RP/98 : Contrôle de constitutionnalité de l'article 14, alinéa 1 du code de la procédure d'arbitrage

Saisie par le président de l'Ukraine, la Cour constitutionnelle affirme dans cette décision que les pouvoirs de la Cour supérieure d'arbitrage relatifs à l'examen des affaires dans lesquelles le cabinet des ministres de l'Ukraine est partie, y compris les affaires de contestation de l'invalidation de ses actes, sur la base prévue par la législation aux articles 12, alinéa 1 et article 14, alinéa 1 du code de la procédure d'arbitrage, sont conformes à l'article 124, alinéa 2 de la Constitution, d'après lequel « la compétence des tribunaux s'applique à tous les rapports juridiques qui naissent dans l'État » et aussi à l'article 13, alinéa 4 de la Constitution, d'après lequel l'État garantit la protection des droits de tous les sujets de droit de la propriété et de la vie économique.

La Cour supérieure d'arbitrage est une juridiction supérieure dans le domaine des relations économiques qui existent entre les personnes morales, les pouvoirs publics et autres acteurs (art. 1 et 10 de la loi de l'Ukraine « Sur la cour d'arbitrage »). Entrent dans sa compétence les affaires du contentieux économique, dans lesquelles le cabinet des ministres de l'Ukraine est partie, aussi bien que les affaires sur l'invalidation de ses actes s'ils violent les droits des intéressés.

Établi par l'article 106, alinéa 1, page 16 de la Constitution, le pouvoir du président d'abroger des actes du cabinet des ministres n'influence pas la portée des compétences des cours d'arbitrage, particulièrement celle de la Cour supérieure d'arbitrage

La Cour constitutionnelle a déclaré conforme à la Constitution de l'Ukraine l'article 14, alinéa 1 du code de la procédure d'arbitrage sur les compétences de la Cour supérieure d'arbitrage.

VII. Décision du 9 février 1999, n° 1-RP/99 : Interprétation contraignante de l'article 58, alinéa 1 de la Constitution

Saisie par la Banque nationale, la Cour constitutionnelle par la voie de l'interprétation officielle des dispositions de l'article 58, alinéa 1 de la Constitution a précisé les conditions de la non rétroactivité des lois et des actes réglementaires à l'égard des personnes physiques et des personnes morales.

La Cour a admis que selon les principes généraux du droit, les lois et les actes réglementaires ne sont pas rétroactifs. Ce principe de non rétroactivité est consacré par l'article 58, alinéa 1 de la Constitution. L'article 58 se trouve dans le chapitre II « Droits, libertés et obligations de l'homme et du citoyen » qui contient les droits constitutionnels, les libertés et les obligations du citoyen et leurs garanties.

Les dispositions de certains articles de la Constitution qui établissent le statut juridique de l'église et des organisations religieuses en Ukraine (art. 35), des partis politiques et des organisations non gouvernementales (art. 36, 37), garantissent leurs activités au nom des droits et des libertés de l'homme et du citoyen, et en particulier de la liberté de conscience et de religion, de la liberté d'association.

La Cour constitutionnelle a établi que les dispositions de l'article 58, alinéa 1 de la Constitution sur la rétroactivité des lois et des actes réglementaires, dans les cas où ils atténuent ou annulent la responsabilité des personnes, concernent les personnes physiques et non les personnes morales. Cependant la rétroactivité de tels textes ne peut être prévue directement dans une loi ou dans un acte réglementaire.

VIII. Décision du 27 octobre 1999 n° 9-RP/99 : Interprétation contraignante de l'article 80, alinéa 3 de la Constitution

Saisie par le ministère des Affaires intérieures, la Cour constitutionnelle par voie d'interprétation officielle a précisé les conditions constitutionnelles nécessaires à l'application des dispositions de l'article 80, alinéa 3 de la Constitution sur l'inviolabilité des parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine).

La Cour a admis que la notion de responsabilité pénale n'étant pas juridiquement définie. Elle s'interprète différemment dans la doctrine du droit pénal et dans le code de procédure pénale. En vertu de l'article 62.1 de la Constitution, une personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n'est pas établie par une procédure judiciaire et le jugement d'un tribunal. Au sens de l'article 3 du code pénal, la responsabilité pénale ne peut procéder que de la commission d'une infraction, c'est-à-dire d'un acte grave commis intentionnellement ou par négligence. Nul ne peut être déclaré coupable d'un délit pénal et frappé d'une peine si ce n'est par un tribunal et conformément à la loi. Le seul fait d'engager une procédure pénale contre un individu, de l'arrêter, de le mettre en détention ou de le traduire en justice ne peut se définir comme déterminant sa responsabilité pénale, laquelle ne peut découler que d'une décision de justice motivée.

La Cour constitutionnelle précise qu'il faut avant tout distinguer entre la notion de « responsabilité pénale » et la notion de « poursuite pénale ». La responsabilité pénale intervient dès le moment où l'arrêt d'accusation d'un tribunal acquiert la force de chose jugée ; tandis que « la poursuite pénale », comme la poursuite criminelle, commence dès le moment de la présentation de l'accusation à un parlementaire. Conformément au code pénal et de procédure pénale, l'accord du Parlement pour engager la poursuite pénale contre un député devant un tribunal doit être reçu avant la présentation à ce député de l'inculpation pour crime.

Le statut de député est déterminé par la Constitution et la loi. L'immunité parlementaire, qui représente une importante protection constitutionnelle, n'est pas un privilège pour le parlementaire ; elle est au contraire une garantie publique et juridique de son activité.

Conformément aux dispositions de l'article 80, alinéa 2 de la Constitution, les parlementaires ne sont pas responsables pour leurs votes ou leurs déclarations devant le Parlement et ses organes, sauf diffamation. Autrement dit, ils ne peuvent être tenus pour responsables en droit d'un acte lié à leur fonction, même après expiration de leur mandat.

L'immunité d'un parlementaire exige que des règles particulières soient respectées lorsqu'il s'agit d'appréhender un député ou de lui faire endosser une responsabilité pénale : dans les deux cas, l'accord du Parlement est indispensable (art. 80, al. 3, Const.).

En conformité avec les lois en vigueur, les parlementaires sont couverts par cette immunité depuis la validation de leur élection sur la base des résultats certifiés par la commission électorale compétente jusqu'au terme de leur mandat, en conformité avec les procédures prévues par la loi. Une procédure pénale engagée contre un candidat à l'élection accusé d'un délit pénal ou arrêté pour ce motif avant son élection peut se poursuivre avec l'accord du Parlement après son élection. Le principe d'égalité de tous les parlementaires en matière d'immunité parlementaire est ainsi respecté.

IX. Décision du 12 décembre 1999, n° 10-RP/99 : Interprétation contraignante de l'article 10, alinéa 1 de la Constitution

Saisie par des parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine) demandant l'interprétation officielle des dispositions de l'article 10, alinéa 1 et 2 de la Constitution concernant la nature obligatoire de la « langue d'État » et de son utilisation par les institutions de l'État et leurs fonctionnaires et dans les établissements d'enseignement public en Ukraine, la Cour constitutionnelle a admis dans cette décision que par « langue d'État » il faut entendre la langue officielle de l'État, dont l'État rend l'usage obligatoire dans les communications au sein de tous les organismes publics de la société.

L'article 10, alinéa 1, de la Constitution désigne l'ukrainien comme langue officielle, ce qui est absolument conforme au rôle joué par la nation ukrainienne dans la formation de l'État. Comme le rappelle le préambule de la Constitution, c'est cette nation qui a jadis peuplé le territoire ukrainien, a constitué la majorité de sa population et a donné son nom au pays.

La notion de langue officielle est un élément constitutif d'un ensemble d'une portée et d'une teneur plus larges, à savoir du « régime constitutionnel » dont les symboles nationaux sont également une composante. Le droit de déterminer et de modifier le régime constitutionnel appartient au peuple (art. 5, al. 3, Const.).

Les activités publiques dans lesquelles est utilisée la langue officielle sont en premier lieu celles où s'exercent les fonctions des institutions et organes des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ainsi que d'autres organes de la puissance publique et des collectivités locales (langue de travail, textes de lois, travaux de bureau et documents, relations entre ces organismes et institutions, etc.). Comme le prévoient l'article 10, alinéa 5 et l'article 92, alinéa 4 de la Constitution, l'usage de la langue d'État peut être imposé par la voie législative aussi dans d'autres secteurs.

La question de l'utilisation de l'ukrainien et d'autres langues dans les établissements d'enseignement public est également réglée par la loi. Les normes régissant la pratique des langues conformément à l'article 92, alinéa 1, de la Constitution doivent être fixées par le législateur. Une bonne connaissance de l'ukrainien est requise, notamment, des candidats à certains postes (art. 103, 127 et 148, Const.). L'usage de l'ukrainien comme langue officielle est rendu obligatoire par le droit constitutionnel.

Conformément à l'article 10, alinéa 3, de la Constitution, le libre développement, l'emploi et la protection du russe et des autres langues des minorités nationales de l'Ukraine sont garantis. Il est interdit de concéder des privilèges ou imposer des restrictions en fonction de la langue utilisée au sens de l'article 24, alinéa 2, de la Constitution.

En tant que langue officielle, l'ukrainien doit obligatoirement être pratiqué, sur toute l'étendue du territoire national, par les pouvoirs publics et les collectivités locales dans l'exercice de leurs fonctions (textes de lois, activités professionnelles, travaux de bureau, documentation, etc.), ainsi que dans les autres secteurs de la vie publique prévus par l'article 10, alinéa 5, de la Constitution. Outre la langue officielle, les administrations locales, les institutions de la République autonome de Crimée et les autorités locales peuvent, dans l'exercice de leurs fonctions, se servir, dans les limites et selon les règles fixées par la loi, du russe et des autres langues des minorités nationales.

L'ukrainien est la langue pratiquée dans les établissements d'enseignement primaire, secondaire général, professionnel et supérieur de l'État et des collectivités en Ukraine. Mais, conformément aux dispositions de l'article 53, alinéa 5 de la Constitution, les langues des minorités nationales peuvent être enseignées et étudiées dans les établissements d'enseignement de l'État et des collectivités.

X. Décision du 29 décembre 1999, n° 11-RP/9 : Contrôle de constitutionnalité des dispositions du code pénal concernant la peine de mort

Saisie par un groupe de 51 parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine), la Cour constitutionnelle a tranché en faveur de l'inconstitutionnalité absolue (en temps de paix comme en temps de guerre) de l'application de la peine de mort.

Avant tout, la Cour a souligné que la Constitution fait de l'être humain, de sa vie et de sa santé, de son intégrité et de sa dignité, de son inviolabilité personnelle et de sa sécurité les valeurs sociales suprêmes (art. 3, al. 1), et dispose que l'État a pour obligation principale d'affirmer et de protéger les droits et libertés individuels (art. 3, al. 2).

Les dispositions constitutionnelles essentielles reconnaissant le droit à la vie sont celles qui stipulent que ce droit est intégral (art. 27, al. 2), inaliénable et inviolable (art. 21). Ce droit est protégé par l'État et appartient dès leur naissance aux êtres humains.

Aux termes de la Constitution, les droits et libertés constitutionnels, en particulier le droit à la vie, sont protégés et ne peuvent être supprimés (art. 22, al. 2). Elle déclare aussi qu'il est interdit de procéder à des modifications de la Constitution visant à éliminer les droits et libertés des êtres humains et des citoyens (art. 157, al. 1). De même, il est défendu de restreindre la portée et la teneur des droits et libertés lors de l'adoption ou de la modification de lois (art. 22, al. 3, Const.).

Les dispositions de l'article 22, alinéa 2 de la Constitution font obligation à l'État de protéger les droits et libertés constitutionnels, en premier lieu le droit à la vie, et de s'abstenir d'adopter des lois susceptibles d'aboutir à la suppression de ces droits et libertés, y compris le droit à la vie. Le fait pour l'État d'ôter la vie à un être humain, à titre d'exécution d'une sanction, fût-ce en toute légalité, équivaut à une élimination du droit intégral à la vie, acte prohibé par la Constitution.

Chacun a le droit au libre épanouissement de sa personnalité tant que les droits et libertés d'autrui ne sont pas violés. La Constitution attribue à chaque être humain le droit absolu à la vie (art. 27, al. 1) et lui garantit la protection de ce droit contre toute suppression. Elle stipule simultanément que chacun a le droit de défendre sa vie et sa santé, ainsi que la vie et la santé d'autrui, contre toute ingérence illégale (art. 27, al. 3). Certaines dispositions du code pénal portent sur les faits et gestes d'une personne qui se trouve dans la nécessité de se défendre pour protéger sa vie et sa santé ou la vie et la santé d'autres personnes, ou pour prévenir ou mettre un terme à des ingérences dangereuses du point de vue social.

Le soutien constitutionnel au droit absolu à la vie, de même qu'à d'autres droits et libertés, repose sur les principes fondamentaux suivants : toutes les dérogations aux droits et libertés des êtres humains et des citoyens doivent procéder de la Constitution et non de la législation ou d'autres mesures réglementaires. Conformément à l'article 64, alinéa 1 de la Constitution, « Les droits et libertés constitutionnels de l'individu et du citoyen ne peuvent être soumis à des restrictions, sauf dans les cas prévus par la Constitution ».

Aucune disposition de la Constitution ne prévoit que la peine de mort puisse faire exception à cette règle concernant le droit absolu à la vie.

Il convient de tenir compte, en outre, de l'incompatibilité de la peine de mort avec la finalité de la sanction, et aussi de la possibilité d'une erreur judiciaire, ce qui irait à l'encontre de la garantie constitutionnelle accordée à la protection des droits et libertés individuels (art. 58 Const.).

De surcroît, la peine capitale est contraire à l'article 28 de la Constitution ukrainienne, qui fait écho à l'article 3 de la CEDH et qui dispose : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Le droit inaliénable à la vie est partie intégrante du droit à la dignité de la personne humaine. C'est l'un des droits fondamentaux de l'homme, celui qui conditionne la possibilité de jouir d'autres droits et libertés. Il ne peut être ni limité ni supprimé. Les dispositions des articles du code pénal qui prévoient parmi les sanctions la peine capitale sont inconstitutionnelles.

XI. Décision du 27 mars 2000, n° 3-RP/2000 : Contrôle de constitutionnalité du décret présidentiel annonçant l'organisation d'un référendum national à l'initiative du peuple

La Cour constitutionnelle à été saisie par deux groupes de parlementaires (103 et 108 " députés du peuple de l'Ukraine ") qui contestaient dans leur requête la constitutionnalité d'un décret du président de l'Ukraine annonçant l'organisation d'un référendum national faisant suite à une initiative du peuple.

La Cour précise avant tout que le référendum national est l'un des moyens auxquels le Parlement (Verkhovna Rada) et le président peuvent recourir, dans le cadre des pouvoirs que leur attribue la Constitution, pour permettre au peuple d'exprimer sa volonté (art. 69). En particulier, selon la Constitution, le Parlement peut s'en prévaloir à propos de problèmes relatifs au territoire national (art. 73 et 85, al. 2), et le président pour une modification de la Constitution (art. 156). Le recours au référendum n'est pas autorisé pour les projets de lois concernant les impôts, le budget et l'amnistie (art. 74, Const.).

La Constitution prévoit en outre qu'un référendum national peut être ordonné par le président pour donner suite à « une initiative populaire », c'est-à-dire à la demande d'au moins trois millions de citoyens ukrainiens jouissant du droit de vote, et à condition que les signatures en faveur du référendum aient été recueillies au minimum dans les deux tiers des oblasts (régions) à raison de cent mille signatures au moins dans chaque oblast (art. 72, al. 2). En même temps, la Constitution ne prévoit pas la possibilité qu'un tel référendum, même organisé sur initiative du peuple, puisse avoir pour effet de mettre prématurément un terme au mandat du Parlement ou de toute autre organe constitutionnel. C'est pourquoi le vote d'une motion de défiance envers le parlement violerait le principe constitutionnel qui veut que les pouvoirs publics exercent leurs fonctions conformément à la Constitution et aux principes de l'État de droit.

Aux termes de la Constitution, c'est le peuple qui est le détenteur de la souveraineté et la seule et unique source du pouvoir, qu'il exerce directement ou par l'intermédiaire des pouvoirs publics et des autorités locales. Le droit de déterminer et de modifier le régime constitutionnel appartient exclusivement en Ukraine au peuple et ne peut être usurpé par l'État, ses institutions ou ses fonctionnaires (art. 5, Const.).

Le référendum national réclamé par une initiative populaire ne peut pas changer directement la Constitution. À l'appui du droit exclusif conféré au peuple de définir et de modifier le régime constitutionnel, la Constitution a instauré une procédure claire et nette pour sa révision. Les changements ressortissent à la compétence du Parlement, dont il use dans les limites et selon les règles prévues par le titre XIII de la Constitution (les articles 154-159). En dehors de ces règles, le vote d'une motion de défiance à l'encontre du Parlement et l'adoption d'une nouvelle Constitution par voie d'un référendum national sont inconstitutionnels.

Si d'autres questions soulevées dans le décret présidentiel sont approuvées par le référendum national organisé à la suite d'une initiative populaire, elles devront obligatoirement être examinées par les pouvoirs publics, conformément aux dispositions prévues par la Constitution et la législation.

XII. Décision du 12 juillet 2000, n° 9-RP/2000 : Contrôle de constitutionnalité de la loi sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires

Se référant aux dispositions des articles 89, 93 et 94 de la Constitution, 54 parlementaires (" députés du peuple de l'Ukraine ") ont demandé à la Cour constitutionnelle la déclaration de non-conformité à la Constitution de la loi, par laquelle le Parlement a ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992.

Dans sa décision la Cour constitutionnelle signale avant tout que les procédures relatives à la signature et à la publication officielle des lois sont clairement définies à l'article 94 de la Constitution, selon lequel une loi adoptée par le Parlement est signée par le président du Parlement, puis transmise par lui sans délai au président de l'Ukraine ; dans les quinze jours suivant la réception de la loi, le président doit signer et promulguer cette loi, ou bien la renvoyer devant le Parlement pour réexamen assortie de propositions motivées ; si la loi n'est pas renvoyée pour réexamen dans le délai prescrit, elle est réputée approuvée par le président et elle est signée et publiée ; si, après réexamen, la loi est adoptée sans changement par le Parlement à la majorité de deux tiers au moins de ses membres, le président est obligé de signer et de promulguer la loi dans les dix jours ; elle ne peut pas entrer en vigueur avant la date de sa publication.

La Constitution ne prévoit pas d'exception à ces règles concernant la signature et la promulgation des lois sur la ratification des traités internationaux.

Pourtant, la loi « Sur les traités internationaux de l'Ukraine » de 1993 dispose que ces traités sont ratifiés par le Parlement par le vote d'une loi spéciale sur la ratification, qui est signée par le président du Parlement (art. 7, al. 1). Contrairement aux exigences de l'article 94 de la Constitution, cette loi ne prévoit pas la transmission d'une loi de ratification au président de l'Ukraine pour qu'elle soit contresignée et promulguée immédiatement après avoir été signée par le président du Parlement.

Dans notre cas, la signature d'une loi de ratification par le président du Parlement, en application de l'article 7, alinéa 1 de la loi précitée, était interprétée comme un acte final suffisant qui devait être suivi de la promulgation de la loi. Cela est contraire aux exigences de l'article 94 de la Constitution. Par conséquent, les dispositions de l'article 7 de la loi ne sont pas conformes à la Constitution, dans la mesure où elles définissent une procédure particulière pour la signature d'une loi de ratification d'un traité international de l'Ukraine.

La loi portant ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992, adoptée le 24 décembre 1999, a été déclarée inconstitutionnelle au motif qu'elle ne respectait pas les exigences de la procédure de ratification. Les dispositions de l'article 7, alinéa 1 de la loi « Sur les traités internationaux de l'Ukraine » ont aussi été déclarées inconstitutionnelles dans la mesure où la procédure qu'elles fixaient pour la signature d'une loi sur la ratification par l'Ukraine d'un traité international ne respectait pas les dispositions constitutionnelles sur la signature et la promulgation des lois par le président de l'Ukraine.

XIII. Décision du 16 novembre 2000, n° 13-RP/2000 : Interprétation contraignante des dispositions constitutionnelles et législatives concernant le droit d'être assisté par un défenseur de son choix

Saisie par un particulier, M. G. Soldatov, demandant l'interprétation constitutionnelle des dispositions de l'article 59 de la Constitution, de l'article 44 du code pénal et de procédure, de l'article 268 du code des infractions administratives, en ce qui concerne le droit au libre choix d'un défenseur, la Cour constitutionnelle constate qu'afin de garantir l'exercice des droits et des libertés de l'homme et du citoyen, la Constitution fixe des garanties juridiques. Particulièrement, l'article 59, alinéa 1, de la Constitution fixe le droit de chacun à l'assistance juridique. Ce droit est une possibilité garantie par la Constitution en faveur des personnes privées qui répondent à certains critères.

L'État détermine la liste des bénéficiaires de l'assistance juridique et leurs droits. L'analyse de la législation récente sur ce point permet de déterminer par qui l'assistance juridique peut être fournie :

  • les pouvoirs publics dont les compétences les amènent à garantir l'assistance juridique (le ministère de la Justice, le ministère du Travail et de la Politique sociale, le notariat, etc.);

  • le barreau comme institution non-étatique professionnelle dont une des fonctions est la protection de l'individu, et qui doit garantir l'assistance juridique devant les tribunaux et devant les autres pouvoirs publics (art. 59, al. 2, Const.);

  • les responsables des activités commerciales qui fournissent l'assistance juridique aux clients selon des modalités prévues par la législation ;

  • les associations des citoyens pour l'exercice et la protection de leurs droits et libertés (art. 36, al. 1, Const.).

La disposition de l'article 59, alinéa 1 de la Constitution garantit à chacun le droit au libre choix d'un défenseur de ses droits. La notion de « défenseur » n'est pas définie par la législation. Dans le texte de la Constitution cette notion est employée aussi dans l'article 29, alinéa 4, dont les dispositions garantissent à chaque détenu une possibilité d'avoir l'assistance d'un défenseur.

Ayant fixé le droit de chaque personne privée à l'assistance juridique, la norme constitutionnelle selon laquelle « chacun est libre de choisir un défenseur de ses droits » (art. 59, al. 1, Const.) est générale dans son contenu et concerne non seulement le suspect, l'accusé ou le prévenu, mais aussi d'autres personnes privées qui jouissent du droit au libre choix de leur défenseur afin de défendre leurs droits et leurs intérêts légaux, dans les conflits qui surgissent dans les rapports juridiques civils, de travail, administratifs et autres, et non seulement pénaux. Le droit à la défense peut être exercé par un individu dans la procédure civile, d'arbitrage, administrative et pénale.

La disposition de l'article 59, alinéa 1 de la Constitution qui prévoit que « chacun est libre de choisir un défenseur de ses droits » s'interprète comme le droit constitutionnel d'un suspect, accusé ou prévenu, d'une personne qui fait l'objet de poursuites administratives d'obtenir l'assistance d'un professionnel du domaine concerné, et qui, aux termes de la loi, a le droit de fournir une assistance juridique.

Aux termes de l'article 59, alinéa 2, de la Constitution : « Afin de garantir le droit à la protection en cas d'accusation [...] l'existence du barreau en Ukraine assure au suspect, accusé ou prévenu, une possibilité d'exercer son droit à choisir librement comme défenseur dans la procédure un avocat, membre de ce barreau. »

La Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de l'article 44, alinéa 1, du code pénal et de procédure qui limitent le droit d'un suspect, accusé et prévenu à choisir librement comme défenseur de ses droits un avocat, en excluant la possibilité de choisir un autre spécialiste du droit, même s'il s'est vu reconnaître l'aptitude à fournir l'assistance juridique ; de même pour la disposition de l'article 268, alinéa 1, du code des infractions administratives, qui concerne le droit à choisir son défenseur pour celui qui fait l'objet de poursuites administratives.

XIV. Avis du 21 décembre 2000, n° 4-V/2000 : Avis contraignant sur la conformité aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution d'un projet d'amendement à l'article 98 de la Constitution

Saisie par le Parlement (Verkhovna Rada), la Cour constitutionnelle a estimé que le projet de loi « Sur la révision l'article 98 de la Constitution » du 21 2000 est conforme aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution et peut être adopté définitivement par le Parlement.

Le Parlement a saisi la Cour constitutionnelle en lui demandant de formuler un avis sur la conformité aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution du projet de loi dans la rédaction suivante : « Article 98. Le contrôle parlementaire de la préparation et de l'exécution du Budget national de l'Ukraine et des budgets locaux dans le chapitre du financement des administrations et des collectivités locales relatif aux recettes et dépenses est exercé au nom de la Verkhovna Rada de l'Ukraine par la Chambre des comptes d'Ukraine. Les compétences, l'organisation et l'activité de la Chambre des comptes d'Ukraine sont déterminées par la loi ».

Conformément à l'article 85, alinéa 1, page 1 de la Constitution, les pouvoirs du Parlement comprennent « la révision de la Constitution de l'Ukraine dans le cadre prévu par le chapitre XIII de cette Constitution ». Les demandes relatives aux modifications sont prévues par les articles 157 et 158 de la Constitution. Conformément à l'article 157, alinéa 1, de la Constitution, il est interdit de réviser la Constitution si ces amendements prévoient la suppression ou la restriction des droits ou des libertés de l'homme et du citoyen ou s'ils visent à porter atteinte à l'indépendance ou à l'intégrité territoriale de l'Ukraine. L'article 158 de la Constitution interdit de présenter au Parlement pendant un an un projet de loi sur la révision de la Constitution qui a été examiné par le Parlement mais qui n'a finalement pas été adopté. Il est interdit aussi au Parlement de modifier deux fois les mêmes dispositions de la Constitution pendant la durée de son mandat.

Le projet de loi présenté à la Cour constitutionnelle est examiné par le Parlement pour la première fois, les dispositions de l'article 98 de la Constitution n'ayant pas été modifiées auparavant Donc, les exigences de l'article 158 de la Constitution de l'Ukraine ont été satisfaites.

Conformément à la Constitution, la Chambre des comptes contrôle l'utilisation des ressources du Budget national au nom du Parlement (l'art. 98). Dans le projet de loi considéré il est proposé, en particulier, d'autoriser la Chambre des comptes à exercer des pouvoirs constitutionnels de contrôle parlementaire de la préparation et de l'exécution du budget national de l'Ukraine.

Cette question a déjà fait l'objet d'un examen par la Cour constitutionnelle dans l'affaire née de la saisine du Parlement relative à la conformité du projet de loi « Sur la modification de l'article 98 de la Constitution de l'Ukraine » aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution (avis n° 1-v/99 du 25 mars 1999). Conformément à l'avis de la Cour constitutionnelle, l'autorisation donnée à la Chambre des comptes pour contrôler la préparation et l'exécution du Budget national n'est pas en contradiction avec les dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution. Le contrôle parlementaire délégué à la Chambre des comptes dans ce domaine ne prévoit ni l'abolition ou la restriction des droits et des libertés de l'homme et du citoyen ni l'atteinte à l'indépendance ou la violation de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

XV. Décision du 23 mai 2001, n° 6-RP/2001 : Contrôle de constitutionnalité des paragraphes 3, 4 et 5 de l'article 248-3 du code de procédure civile concernant le droit à la protection judiciaire

Saisie par la déléguée de la Verkhovna Rada aux droits de l'homme, la Cour constitutionnelle a été invitée à trancher un différend concernant la constitutionnalité des dispositions de plusieurs articles du code de procédure civile (art. 248-3, al. 3, 248-3, al. 4, 248-3, al. 5).

La Cour admet que la protection des droits et des libertés de l'individu détermine le contenu et l'orientation des activités de l'État (art. 3, al. 2, Const.). En employant différents moyens juridiques, ce dernier fait assurer la protection des droits et libertés de tous les citoyens par les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, qui doivent exercer leurs fonctions dans le cadre prévu par la Constitution et dans le respect du code de procédure civile. L'article 8, alinéa 2 de la Constitution précise que ces règles sont directement applicables.

Le droit de saisir un tribunal aux fins de protéger des droits et libertés constitutionnels découle directement de la Constitution qui le garantit. Ce droit constitutionnel ne peut pas être supprimé (art. 22, al. 2, Const.).

En vertu de l'article 55, alinéa 1 de la Constitution, les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont protégés par les tribunaux. Les citoyens ont le droit de saisir le juge de droit commun pour faire protéger leurs droits et libertés.

Le droit à la protection judiciaire s'applique aux libertés et droits fondamentaux ; ce droit est inaliénable et ne peut faire l'objet d'aucune restriction, même pendant l'état de siège ou l'état d'urgence (art. 8, 55 et 64, Const.). Cela est pleinement conforme à l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule que toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi.

Après avoir précisé le droit des citoyens et autres personnes à la protection judiciaire de leurs droits et libertés, la Constitution garantit à toute personne le droit d'introduire un recours devant un tribunal contre les jugements, actions ou omissions des autorités publiques centrales ou territoriales et de leurs fonctionnaires de toutes catégories.

En vertu de l'article 248-1, alinéa 3, du chapitre 31-A du code de procédure civile, les personnes dont les décisions, actions ou omissions peuvent faire l'objet d'un recours devant un tribunal sont les suivantes : « Les organes des pouvoirs publics et leurs fonctionnaires ; les collectivités locales et leurs fonctionnaires ; les directeurs d'institutions, d'organisations, de sociétés et d'associations quel qu'en soit le régime de propriété ; les services officiels et les administrateurs d'associations de citoyens ainsi que les personnes investies de fonctions d'organisation et d'exécution, administratives et économiques, ou s'acquittant de ces responsabilités en vertu de pouvoirs spéciaux. » L'objet du recours en justice au sens de ce chapitre peut être une action ou omission - réglementaire ou autre - commise par l'une des autorités susvisées, qui a pris soit individuellement, soit en concertation avec d'autres une décision d'agir (ou de ne pas agir) comme elle l'a fait.

Les dispositions de l'article 55 de la Constitution concernant la possibilité pour les citoyens de porter plainte contre les décisions portant atteinte à leurs libertés et droits fondamentaux s'appliquent également aux décisions de justice, aux actions ou omissions en matière d'enquête et de procédure administrative ainsi qu'aux actions des fonctionnaires du parquet. Il est également possible de contester les actes d'instruction.

On peut aussi introduire des recours contre les actes de procédure pris par les juges au sujet de questions liées à la compétence des tribunaux en matière de règlement de différends, aux procédures préalables aux audiences et aux décisions procédurales rendues en première instance ou en appel. Ces recours doivent être formés selon les formes prévues par les règles de procédure en vigueur.

Conformément à l'article 248-3 alinéa 5 du code de procédure civile, aucun tribunal n'est compétent pour connaître des requêtes concernant « les actes et actions des associations de citoyens, qui, aux termes de leurs statuts, relèvent du fonctionnement interne ou de la compétence exclusive de ces associations ».

XVI. Décision du 14 novembre 2001, n° 15-RP/2001 : Contrôle de constitutionnalité de la « propiska » ex-soviétique rétablie par un acte du cabinet des ministres de l'Ukraine

Se référant à l'article 33 de la Constitution, 48 parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine) demandent à la Cour constitutionnelle de déclarer non conforme à la Constitution l'article 4, alinéa 1, du règlement sur le service des passeports du ministère des Affaires intérieures ; ce service avait pour tâche l'obtention de renseignements sur la population, la « propiska » ex-soviétique (« passeportisation » générale de la population, autorisation de l'enregistrement du lieu de résidence de chacun, contrôle des personnes à leur domicile et autres fonctions similaires).

La Cour constate qu'en vertu de l'article 33 de la Constitution, toute personne séjournant légalement sur le territoire ukrainien jouit de la liberté de mouvement, de la liberté de choix de son lieu de résidence et du droit de quitter librement l'Ukraine. La liberté d'aller et venir et la liberté de choix de la résidence constituent des garanties essentielles de la liberté de la personne et sont des droits inviolables et incontestables (en vertu de l'art. 21, Const.). En tant que tels, ils ne peuvent être limités que dans des cas envisagés par l'article 64, alinéa 1, de la Constitution.

Les libertés d'aller et venir et de choisir librement son domicile, en tant que droits de l'homme inviolables, sont consacrés par divers instruments juridiques internationaux : la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et le protocole n° 4 à la Convention ruropéenne des droits de l'homme. L'article 2 du protocole 4 à la CEDH, en particulier, déclare que quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence et que ce droit ne fera pas l'objet des restrictions, à l'exception de celles prévues par la loi.

Conformément à l'article 92, alinéa 1 de la Constitution, les droits et libertés de l'individu ainsi que les garanties de leur exercice ne peuvent être déterminés que par la loi. La Cour a constaté que la « propiska » (enregistrement du domicile officiel) est généralement appliquée d'une manière assez restrictive, et relève de règlements ministériels.

L'article 4, alinéa 1, du règlement n° 700 relatif au service des passeports du ministère des Affaires intérieures, approuvé par le cabinet des ministres (gouvernement) le 10 octobre 1994, prévoit que ledit service appliquera une procédure restrictive au choix du lieu de résidence. Il entre en conflit avec l'article 33, alinéa 1 et l'article 64, alinéa 1, de la Constitution.

La Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de l'article 4, alinéa 1 de ce règlement.

XVII. Décision du 29 mai 2002, n° 10-RP/2002 : Interprétation contraignante des dispositions de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution relatif aux soins médicaux gratuits

Saisie par 53 parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine) demandant l'interprétation officielle des dispositions constitutionnelles sur les soins médicaux gratuits, la Cour constitutionnelle a décidé que le terme « gratuit » (tel qu'utilisé dans le texte de l'article 49 de la Constitution) n'a pas de signification indépendante. Son contenu est déterminé par son contexte ou par l'interrelation logique entre l'expression et les mots avec lesquels elle est employée. Dans la phrase « fournit des soins médicaux gratuits » le dernier mot, à la lumière de l'ensemble de l'article 49 de la Constitution, signifie qu'un individu qui reçoit des soins médicaux dans des établissements de santé publique n'est pas obligé de rembourser leur coût, sous forme de paiement ou toute autre forme, quelle que soit la date à laquelle ces soins médicaux ont été fournis.

Le contenu du terme « soins médicaux » a été précisé par la Cour constitutionnelle sur la base de l'analyse grammaticale et par une étude des décrets promulgués. Du point de vue linguistique, le mot « soins » signifie « l'assistance, le soutien » (physique, matériel, moral, etc.); la protection de quelqu'un ; le fait de secourir une personne en danger ; d'exercer une certaine influence, de produire les résultats nécessaires, d'apporter un bien-être, une amélioration, une guérison, des activités orientées vers la réalisation des demandes ou des besoins d'une personne dans des circonstances individuelles. D'un point de vue juridique, le terme « soins médicaux » est utilisé dans le préambule ainsi que dans les articles 4, 16, 25, 33, 37, 52, 58, 60 et 78 de la loi « Principes législatifs de la protection de la santé » (« les Principes »). Les articles 33, 35, 58, 67, 68 et 77 des principes définissent l'ensemble des composantes des soins médicaux (rapides, d'urgence, primaires, spécialisés, strictement spécialisés, etc.) avec les définitions pertinentes des glossaires spécifiques de définitions et de termes de l'Organisation mondiale de la santé, reconnus par les principes (art. 3). La phrase « soins médicaux gratuits » signifie que l'assistance fournie dans les établissements de santé publique ne peut donner lieu à des frais imposés aux citoyens sous quelque forme que ce soit (en espèces ou autre) que ce soit sous la forme de « cotisations volontaires » aux différentes caisses médicales ou de cotisation obligatoire à l'assurance maladie, etc.

La Cour a estimé que l'article 49, alinéa 1 de la Constitution garantit le droit à une assurance maladie qui est volontaire plutôt qu'obligatoire. L'introduction d'une assurance maladie publique n'est pas en contradiction avec la disposition constitutionnelle selon laquelle « les hôpitaux publics fournissent des soins médicaux gratuits » si (et uniquement si) les parties soumises aux paiements ou aux cotisations à l'assurance obligatoire sont des organisations, des institutions, des entreprises, d'autres sociétés commerciales, des fondations publiques, etc. Cependant, les services médicaux allant au-delà des soins médicaux (« services médicaux secondaires », « services paramédicaux » selon la terminologie de l'Organisation mondiale de la santé) peuvent être fournis aux citoyens dans lesdits établissements à titre payant.

La Cour a estimé que la disposition relative aux soins médicaux gratuits fournis par les établissements de santé publique n'exclut pas le financement de ce secteur par le développement de mécanismes extrabudgétaires pour recueillir des fonds supplémentaires, notamment l'établissement de services hospitaliers payants (syndicats, fondations).

L'article 49, alinéa 3, de la Constitution doit être interprété au sens que les « établissements de santé publique » sont tenus de fournir des soins médicaux gratuits à tout individu, quel que soit leur objet et sans paiement préalable, immédiat ou postérieur desdits soins.

La définition du terme « soins médicaux », les conditions d'introduction de l'assurance maladie (y compris l'assurance maladie d'État), la création et l'utilisation de caisses médicales volontaires, les procédures pour garantir les services médicaux essentiels dans les établissements de santé publique, ainsi que la liste de ces services, doivent être fixées par la loi.

XVIII. Décision du 2 juillet 2002, n° 13-RP/2002 : Interprétation contraignante des dispositions de l'article 12, alinéa 1 du code de justice économique sur la contestation des actes auprès des tribunaux économiques

Saisie par la société « Consortium Stirol », la Cour constitutionnelle, par voie de l'interprétation officielle, a résolu une question litigieuse sur la possibilité de contester la légalité des actes réglementaires auprès des tribunaux économiques.

La Cour a admis que les dispositions de l'article 58 de la Constitution sur la non rétroactivité des lois et des actes réglementaires ne sont pas applicables à l'article 12, alinéa 1, du code de justice économique, qui a étendu la compétence des tribunaux économiques à l'examen des affaires portant en particulier sur les litiges relatifs à l'invalidation des actes réglementaires et non réglementaires.

En vertu de la Constitution, les tribunaux de droit commun sont compétents pour trancher les litiges sur la validité à la fois des actes réglementaires et des actes non réglementaires. Comme les dispositions de la Constitution sont directement applicables, le fait de modifier l'article 12 du code de justice économique à compter de l'entrée en vigueur de la Constitution ne peut être un motif de refus d'examen de l'affaire.

Les tribunaux économiques faisant partie des tribunaux de droit commun doivent examiner les affaires sur l'invalidation des actes réglementaires et non réglementaires quelle que soit la date de leur adoption.

XIX. Décision du 21 novembre 2002, n° 18-RP/2002 : Contrôle de la constitutionnalité des dispositions des actes du cabinet des ministres concernant la jouissance gratuite des manuels par les écoliers

La requête a été déclarée recevable sur saisine de 47 parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine), demandant d'établir la non-conformité à la Constitution de plusieurs décrets du cabinet des ministres par lesquels était réaffirmée une obligation des écoliers d'apporter une contribution financière pour la jouissance des manuels et d'autres ouvrages didactiques à l'école primaire et secondaire.

La Cour constitutionnelle a rappelé que le droit de chacun à l'éducation est consacré par l'article 53, alinéa 1 de la Constitution.

En analysant l'article 53 de la Constitution, la Cour constitutionnelle constate que les dispositions des alinéas 1 et 2 de cet article reconnaissent le droit de chacun à l'éducation et établissent l'obligation de suivre l'enseignement secondaire général. Cela veut dire que la nécessité d'une telle formation concerne non seulement les écoliers mais aussi leurs parents qui sont obligés de créer les conditions nécessaires à cette scolarisation, et de l'État qui est obligé de garantir la possibilité de chacun à obtenir l'instruction complète générale.

Le contenu de la législation applicable relative à l'enseignement prévoit que l'instruction générale est assurée notamment par des manuels scolaires. L'efficacité de l'acquisition des connaissances dépend de la garantie de l'accès des écoliers aux manuels puisque leur disponibilité est un critère important de la qualité de la formation.

Le manuel de classe est un moyen traditionnel, permettant l'assimilation des connaissances par les écoliers. La garantie de l'acquisition de l'instruction complète générale, son accessibilité et le caractère gratuit des établissements d'État et municipaux vont de pair avec la gratuité des manuels scolaires.

Le nombre des exemplaires des manuels et les commandes en vue de leur impression pour l'ensemble des établissements d'enseignement secondaire nationaux et municipaux sont déterminés par le cabinet des ministres. La publication des manuels est à la charge du budget national.

Prenant en compte les considérations sus évoquées, la Cour constitutionnelle a déclaré non conformes aux dispositions de l'article 53 de la Constitution de l'Ukraine les décrets du cabinet des ministres de l'Ukraine qui prévoyaient le paiement d'une contribution pour l'usage des manuels dans les établissements d'enseignement secondaire d'État et municipaux.

XX. Décision du 11 mars 2003, n° 6-RP/2003 : Contrôle de la constitutionnalité du droit du président de l'Ukraine d'opposer son veto à une loi portant amendement de la Constitution

Saisie par 73 parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine) demandant la déclaration de la non-conformité à la Constitution de l'application par le président de l'Ukraine de son droit de veto à la loi portant révision de l'article 98 de la Constitution, adoptée par le Parlement le 17 janvier 2002 sous le n° 2983-III, la Cour constitutionnelle a estimé que la procédure de l'adoption par le Parlement (Verkhovna Rada) des lois portant révision de la Constitution, établie par le chapitre XIII de la Constitution, ne prévoit pas de clause spécifique concernant la signature et la promulgation de telles lois. Cependant, la Constitution ne contient pas de limitation relative à la possibilité d'utilisation par le président du droit de veto relatif aux lois adoptées par le Parlement, et notamment aux lois portant révision de la Constitution. On peut en déduire que le président a le droit du veto sur toutes les lois. Cette position juridique est présentée dans l'avis de la Cour constitutionnelle n° 1-v/2001 du 14 mars 2001 (l'affaire sur l'amendement des articles 84, 85 et autres de la Constitution).

Les dispositions de l'article 94, l'article 106, alinéa 1, de la Constitution concernant la signature et la promulgation officielle des lois, l'exercice par le président du droit de veto (avec renvoi pour réexamen au Parlement accompagné de ses propositions écrites motivées) et la procédure de réexamen de telles lois s'appliquent aussi aux lois qui sont adoptées par le Parlement conformément au chapitre XIII de la Constitution.

Le président exerce son droit de veto sur une loi adoptée par le Parlement après réception de cette loi pour la ratification. C'est une forme constitutionnelle de participation du président au processus législatif.

La ratification ou le renvoi d'une loi pour réexamen au Parlement est un droit constitutionnel exclusif du président. La Constitution n'établit pas les motifs pour lesquels le président peut renvoyer une loi au Parlement. L'examen du contenu des propositions du président relatives à la loi en cas de renvoi au Parlement n'appartient pas à la Cour constitutionnelle.

Ceci étant, l'exercice par le président de son droit de veto sur la loi portant amendement de l'article 98 de la Constitution avec renvoi au Parlement est conforme à la Constitution.

XXI. Décision du 11 décembre 2003, n° 20-RP/2003 : Contrôle de constitutionnalité des dispositions de la loi sur la création de la Cour de cassation d'Ukraine

Saisie par 62 parlementaires (députés du peuple de l'Ukraine), la Cour constitutionnelle affirme dans cette décision que les dispositions de la loi sur l'organisation judiciaire de l'Ukraine du 7 février 2002, en vertu desquelles était créée une nouvelle Cour de cassation d'Ukraine, ne sont pas conformes à la Constitution.

La Cour constate que l'article 18, alinéa 2, de cette loi prévoit la mise en place d'une Cour de cassation comme partie intégrante du système des juridictions de droit commun et fixe les délais pour la mise en place de la Cour de cassation et les modalités de l'exercice de ses activités (al. 3, p. 5 du chapitre VII « Les dispositions finales et transitoires »).

La Constitution a déterminé l'organisation du système judiciaire de droit commun et a prévu toutes leurs composantes : la Cour suprême, des cours supérieures spécialisées, des cours d'appels, des tribunaux de première instance. Ce système judiciaire repose sur les principes de territorialité et de spécialisation (art. 215, al. 1-4, Const.).

L'existence du système des juridictions de droit commun prévu par la Constitution est confirmée aussi par la disposition de l'article 131, alinéa 1, de la Constitution qui stipule que le Conseil supérieur de la justice a le pouvoir d'exercer la procédure disciplinaire et d'examiner les plaintes concernant la poursuite disciplinaire des juges qui sont prévues par l'article 125 de la Constitution.

L'organisation du système des juridictions de droit commun obéit à des modalités d'organisation et des règles de procédure différentes les unes des autres (notamment pour les instances d'appel et de cassation). L'organisation interne et l'activité des institutions judiciaires, la composition de la juridiction dans ses différentes formations etc. sont déterminées exclusivement par la loi d'après l'article 92, alinéa 1, de la Constitution.

La Cour constitutionnelle a déclare non conformes à la Constitution les dispositions de la loi relative à l'organisation judiciaire de l'Ukraine concernant la Cour de cassation d'Ukraine (art. 18, al. 2, p. 3): la composition de la Cour de cassation d'Ukraine, sa compétence, les pouvoirs des juges, le statut du président, des vice-présidents et du présidium de la Cour de cassation d'Ukraine (art. 32, 33, 34, 35, 36, 37), le délai de sa mise en place et le financement de son fonctionnement (al. 3, p. 5 du chapitre VII « Les dispositions finales et transitoires »). Toutes ces dispositions étaient prévues dans le cadre de l'organisation des juridictions de droit commun.