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Livres et idées

Jean GICQUEL - Professeur à l'Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne)

Dominique ROUSSEAU - Professeur à l'Université de Montpellier I, Directeur du Centre d'Etudes et de Recherches comparatives constitutionnelles et politiques

Patrick Gaïa - Professeur à la Faculté de droit et de science politique d'Aix-en-Provence

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 1 - décembre 1996

Michel Fromont, La justice constitutionnelle dans le monde

Michel Fromont, La justice constitutionnelle dans le monde Dalloz, collection : Connaissance du droit, 1996, 140 pages.

On ne pouvait imaginer plus belle manière pour inaugurer cette revue que de présenter ce bel ouvrage. En effet, quand un talentueux comparatiste, au prix d'une vigoureuse synthèse, offre au lecteur le fruit de son information et de sa réflexion, le plaisir intellectuel est pleinement assuré.

A la faveur d'une mise en perspective, l'idée anglaise à l'origine du contrôle de constitutionnalité dans les colonies d'Amérique, est revisitée pour utiliser le langage contemporain.

A cet égard, l'auteur retrace l'expansion continue du concept dans le temps et l'espace à partir du double foyer américain et européen. Paradoxalement, mais il y a lieu de s'en féliciter, l'autocratie apparaît, sous ce rapport, le chemin le plus court menant à l'Etat de droit, si l'on se réfère à l'exemple présent des régimes post-communistes. Faut-il, pour autant modéliser ce mouvement, selon la démarche de l'école aixoise à laquelle la doctrine, pour l'essentiel, s'est ralliée ? Non point.

Notre collègue s'emploie à en relativiser la signification en se basant sur la croissance dans la diversité des expériences de justice constitutionnelle. Sous cet aspect, celles des Etats latino-américains et plus encore de pays de comon law (Inde, Canada, Afrique du Sud) cultivent à la réflexion, moins le mimétisme que le syncrétisme, moins le conformisme que le particularisme.

Certes, un critère d'identification possède une insigne vertu didactique, mais au prix d'une vision réductrice. Cette loi du genre s'impose d'autant plus à l'attention que le droit comparé revêt, au cas particulier, un aspect renouvelé autant que diversifié.

Qu'est-ce à dire, en d'autres termes ? Sinon la réfutation de la typologie classique du contrôle de constitutionnalité, fondée sur la nature de l'organe juridictionnel compétent qui se conjugue soit au singulier soit au pluriel, au bénéfice d'un critère téléologique. Bref, un procès constitutionnel pour qui faire ? Il suit de là, qu'il serait préférable à l'avenir de se référer à l'objet de ce contentieux spécifique en distinguant la protection de l'individu face à l'Etat et la régulation du jeu politique entre ses acteurs. Au premier cas, une procédure concrète et subjective est empruntée ; au second, une procédure abstraite et objective.

Cette grille d'interprétation rappelle, si besoin était, que le contrôle de constitutionnalité est au service de la constitution tout entière, si l'on ose dire : constitution sociale et constitution politique selon le fameux distinguo doctrinal. De la même façon, la sauvegarde des libertés peut s'opérer au sein de l'Etat de manière cumulative par voie d'action et d'exception, contrairement à une interprétation autorisée (V. XXème anniversaire de la saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, RFDC 1994 p. 873).

Que ce contrôle de constitutionnalité soit devenu, sur ces entrefaites, la marque distinctive de notre culture, Michel FROMONT le démontre aisément. Cette influence croissante est à l'origine de l'irrigation du corps politique et de la structuration du corpus juridique.

De la condition de l'Etat (unitaire ou fédéral) aux relations entre les pouvoirs constitués et, de manière emblématique, à la défense des droits fondamentaux de la personne, tout converge et transite vers la norme suprême. Placé sous la garde du juge, le gouvernement de la constitution (G. VEDEL) est devenu, ainsi, une réalité incontournable.

En entonnant l'hymne de l'Etat de droit, l'auteur n'en garde pas moins sa sérénité au point de l'interrompre. Et de s'interroger in fine, sur la compatibilité entre le droit constitutionnel et le droit international, avivée par la construction européenne, et, plus encore, sur la relation entre la juridiction constitutionnelle et le pouvoir constituant, ce pouvoir de souveraineté. Michel FROMONT est ainsi parvenu au coeur du problème : l'Etat de droit ne saurait se confondre avec la démocratie ; de la même façon que la souveraineté de la constitution avec l'organe chargé de veiller à son respect. Le couronnement unitaire de l'Etat, que CARRE de MALBERG appelait de ses voeux, donne naissance au pouvoir de domination du peuple souverain. A tout prendre, l'absolutisme démocratique est préférable à l'impérialisme juridique ! C'est la raison d'adhérer au sage conseil de déférence prodigué par l'auteur au juge constitutionnel à l'égard du pouvoir constituant. On sait qu'un lit de justice (G. VEDEL) peut avoir raison de ses décisions. La révision constitutionnelle du 25 novembre 1993 relative au droit d'asile (article 53-1 de la Constitution) est venue rappeler fort judicieusement qu'en France, la meilleure cour suprême, c'est le peuple. (Charles de GAULLE)

On se permettra de donner un conseil : consulter et exploiter le livre de Michel FROMONT sans modération.

Jean GICQUEL
Professeur à l'Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne)

Les articles de Georges Vedel et Guillaume Draco

Georges VEDEL, « Réflexion sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel »,
MELANGES Roger PERROT, Dalloz 1996 p. 537 ;

Guillaume DRAGO, « Le contentieux constitutionnel des lois, contentieux d'ordre public par nature »,
MELANGES Roland DRAGO,Economica, 1996 p. 9.

Deux articles, deux variations sur la procédure suivie par le Conseil qui, en l'absence de règlement annoncé par l'article 56 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, ne cesse de nourrir la réflexion doctrinale.

L'art du paradoxe conduit le doyen VEDEL a démontré que les singularités, sous une apparente rusticité, ne sont, en vérité, que les manifestations spontanées de la conformité du droit commun juridictionnel (hormis l'absence d'un ministère public) à partir du moment où le Conseil constitutionnel est pensé et même vécu comme un juge.

Pour sa part, Guillaume DRAGO poursuit un dessein comparable, au delà des apparences, en plaidant la particularité du contentieux constitutionnel par rapport au contentieux administratif.

De la cause de la demande à l'utilisation des moyens d'ordre public, il est loisible, on le sait, au juge constitutionnel de moduler proprio motu l'étendue du contrôle opéré sur le texte de loi déféré. En sorte qu'il s'autorise à traiter par prétérition des moyens en statuant infra petita, mais, aussi et surtout, à soulever d'office, des griefs non articulés en agissant ultra petita.

En se référant au décret du 22 janvier 1992 qui impose, en cette circonstance, au juge administratif d'en informer les parties, à toutes fins utiles, notre Collègue en vient, à son tour, à souhaiter un approfondissement du principe de la contradiction en vue de respecter le droit commun.

Deux variations pour une seule invitation serait-on tenté de conclure. Sachant que le temps n'est plus ou le Conseil était un lieu de mystère (R. BADINTER), sa procédure ne saurait demeurer en l'état du délit d'initié, mais relever de la clarté de la codification. Là est la conclusion logique de la démarche observée à la lumière de la pratique des enseignements du droit comparé et des encouragements des auteurs.

Jean GICQUEL
Professeur à l'Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne)

Marcel Gauchet, La révolution des pouvoirs, la souveraineté, le peuple et la représentation

Marcel GAUCHET : La révolution des pouvoirs, la souveraineté, le peuple et la représentation,
Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1995.

La juridiction constitutionnelle intéresse. Ses partenaires institutionnels, bien sûr : le Parlement, le gouvernement et les juridictions judiciaire et administrative. Mais aussi, ses partenaires intellectuels : les juristes, et pas seulement les constitutionnalistes, les politistes, les historiens et les philosophes. Parmi ces derniers, Marcel GAUCHET vient de se distinguer en publiant un ouvrage intelligent et passionnant qu'il a titré, en écho à son livre, « La Révolution des Pouvoirs ».

Le corps du livre (183 pages sur 286) est consacré à démontrer, par l'étude des débats constitutionnels de la période 1789-1799, que les révolutionnaires ont pensé la nécessité d'un tiers pouvoir chargé de rappeler aux deux autres, le législatif et l'exécutif, le respect des principes fondateurs énoncés par le souverain dans la constitution. Après ce travail, où Marcel GAUCHET allie avec bonheur ses compétences d'historien et de philosophe, il n'est plus possible d'affirmer que la « pensée 1789 » est restée aveugle et muette devant le risque d'un absolutisme parlementaire succédant à l'absolutisme monarchique, qu'elle est la pensée du légicentrisme, ou encore le lieu où se construit l'hostilité française au principe d'un contrôle de constitutionnalité. Que la loi ne puisse tout faire est clairement posé par les hommes de 1789 dans la Déclaration des Droits : « la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société » dispose l'article 5 ; « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidement nécessaires » proclame l'article 8. Sans doute, aucun des nombreux projets de tiers pouvoir débattus pendant ces dix années, et minutieusement restitués par Marcel GAUCHET, n'a abouti ; il serait imprudent d'en conclure aussitôt que ces échecs disent la vérité de la pensée 1789. Il semble historiquement plus juste de penser qu'ils expriment seulement la vérité de la conjoncture politique de 1789. Le souvenir des Parlements de l'Ancien Régime et la nécessité d'opposer à l'unité du corps du Roi l'unité du corps de la Nation ont empêché les constituants de donner vie à un troisième pouvoir qui, en dissociant le corps de la Nation de celui de ses représentants, aurait fragilisé la légitimité déjà incertaine de leur revendication de pouvoir. En faisant revivre cette histoire-là, Marcel GAUCHET invite à ne pas transformer le produit des rapports de forces politiques en doctrine politique constituée : les révolutionnaires ont bien pensé la nécessité d'un tiers pouvoir, les contraintes de la lutte politique les ont empêchés de le réaliser et leur projet de construire une société politique où la figure du peuple serait souveraine a échoué. Tel est, semble-t-il, le premier enseignement qu'il est permis de tirer de l'ouvrage.

Mais, ce n'est pas le seul ni, peut-être, le plus important. Dans les pages qui entourent l'analyse des projets de troisième pouvoir soutenus pendant la période 1789-1799 et sur la base de ce qu'ils révèlent, Marcel GAUCHET propose , en effet, une compréhension du principe de la justice constitutionnelle particulièrement intéressante. Pour le dire brièvement, sans déformer sa thèse, il soutient qu'une juridiction constitutionnelle est ce qui permet d'établir symboliquement « la représentation de la représentation », la représentation de la suprématie du peuple sur ses délégués (page 49). L'idée est audacieuse et riche de débats nouveaux sur la légitimité démocratique de cette juridiction et de sa jurisprudence. Pour la justifier, il est généralement plaidé que le juge constitutionnel n'est qu'un aiguilleur des pouvoirs ou un représentant puisqu'il participe, au moins indirectement, à la formation de la volonté générale. Ici, la thèse est différente : le juge n'est pas un représentant supplémentaire du peuple à côté du parlement et de l'exécutif, il est l'institution qui (re)présente au peuple et à ses délégués la souveraineté du peuple telle qu'elle figure dans la constitution. Jeu de mots ? Plaisir de la nuance qui distingue ? Détail sans importance pour l'intelligibilité des Cours constitutionnelles contemporaines ? Entreprise d'idéalisation des juridictions constitutionnelles ? Certains le penseront, mais ils n'auront pas nécessairement raison car la thèse de Marcel GAUCHET a le mérite de réfléchir la nouvelle « géographie institutionnelle » produite par l'introduction du troisième pouvoir. En effet, en jugeant les lois en référence à la volonté constitutionnelle du peuple, il rend manifeste que les représentants ne sont pas les souverains mais seulement les délégués de la puissance souveraine ; chaque décision met en représentation la même scène, celle où les gouvernants ayant décidé au nom du peuple sont, d'un coup, ramenés à leur situation de simples délégués et confrontés, pour y être finalement soumis, à la source de leur délégation. Et cette scène produit, à l'instant, la figuration du peuple comme souverain puisque c'est au regard de ses droits, de sa volonté, que, dans chaque décision, sont jugées les actions normatives de ses délégués. Lorsque, par exemple, le Conseil censure une loi, il ne le fait pas au motif que les représentants ont méconnu la volonté des citoyens qui les ont élus, il ne le fait pas davantage au motif qu'il connaît et donc représente mieux que les élus la volonté du peuple qui s'est exprimée lors des élections, il censure en montrant aux représentants, -« vu la Constitution », ainsi commencent les décisions du Conseil- le texte où le peuple figure en souverain. En d'autres termes, le Conseil ne représente pas le souverain mais ce en quoi et ce par quoi le peuple se pense et se reconnaît souverain. La représentation des représentants comme délégués et du peuple comme souverain est donc bien une conséquence nécessaire du troisième pouvoir.

Evidemment, ce « point de vue » heurte la perception commune, et sa mise en forme savante, d'un Conseil inutile, voire contraire, à l'expression de la souveraineté du peuple. Pourtant, il est celui sans lequel la personne du peuple souverain reste absente de la sphère du pouvoir, il est celui qui donne consistance et réalité à ce qui est absent en montrant la souveraineté du peuple. Le peuple, en effet, ne se saisit pas lui-même directement comme souverain, il n'est pas transparent à lui même. De même que « pour avoir une idée de la totalité de notre aspect physique nous devons recourir à notre image réfléchie dans un miroir », il est indispensable , pour que le peuple « se voit » comme souverain qu'un miroir lui réfléchisse son image de peuple souverain. Le miroir, c'est la constitution jurisprudentielle que le Conseil présente au peuple pour qu'il se représente sa souveraineté et aux délégués pour qu'ils se représentent leur subordination au souverain. Le tiers pouvoir est, ainsi, l'institution qui réfléchit la structure diabolique de la représentation politique.

Marcel GAUCHET, bien sûr, ne dit rien sur l'actuel Conseil constitutionnel. Mais, il fait mieux. Dans un pays où chacun a été habitué à imaginer l'idéal démocratique sous la forme d'une relation entre deux pouvoirs seulement, il propose, sur la base d'une remise en perspective historique des débats constitutionnels de 1789, les outils philosophiques permettant de penser la nécessité, et plus encore, la nécessité démocratique du tiers pouvoir. Il faudra certainement du temps pour que s'accomplisse la révolution culturelle appelée par la Révolution des pouvoirs. Raison de plus pour ne pas en perdre davantage, pour lire ce livre maintenant et provoquer, comme il se doit en démocratie, la dispute des idées.

Dominique ROUSSEAU
Professeur à l'Université de Montpellier I
Directeur du Centre d'Etudes et de Recherches comparatives constitutionnelles et politiques

Francisco Rubio-Llorente, Derechos fundamentales y principios constucionales

DERECHOS FUNDAMENTALES Y PRINCIPIOS CONSTUCIONALES (DOCTRINA JURISPRUDENCIAL), Francisco Rubio-Llorente avec la collaboration de Ma. Angeles Ahumada Ruiz, Angel J. Gomez Montoro, Antonio Lopez Castillo et José L. Rodriguez Alvarez/Ariel Derecho, Barcelona, 1995

Présentation

La Constitution espagnole a moins de vingt ans ; entrée en vigueur le 27 décembre 1978, c'est néanmoins l'une des constitutions les plus modernes et les plus élaborées qui soit. Avec ses cent soixante neuf articles c'est aussi l'une des plus complètes et des plus longues des pays d'Europe occidentale. L'un des traits majeurs de la modernité de la Constitution espagnole réside dans l'institution d'un Tribunal constitutionnel qui traduit le ralliement de l'Espagne au mouvement de généralisation des cours constitutionnelles en Europe.

Alors qu'il n'a pratiquement commencé à fonctionner qu'en juillet 1980, l'oeuvre du Tribunal constitutionnel est aujourd'hui considérable. Avec plus de trois mille sentences rendues en quinze ans, la Haute juridiction a non seulement apporté la preuve s'il en était encore besoin que la Constitution est une norme vivante applicable au quotidien, mais aussi qu'elle est douée, du fait de l'intervention de son interprète authentique, d'un formidable potentiel créatif qui permet son ajustement permanent aux exigences de l'évolution et de l'adaptation de nos sociétés modernes.

L'ouvrage collectif réalisé sous l'impulsion et la direction de Francisco Rubio-Llorente se veut le reflet à la fois fidèle, précis et attentif de la « doctrine jurisprudentielle » du Tribunal constitutionnel telle qu'elle s'est développée, affinée et enrichie sous l'effet de son principal levier : le recours d'amparo. L'ambition de cette oeuvre, tout en se réclamant d'une modestie et d'une simplicité ouvertement affichées par ses auteurs, n'en poursuit pas moins un but tout à fait essentiel : regrouper en un seul volume les arrêts marquants d'une jurisprudence portant sur les cinquante-cinq premiers articles de la loi fondamentale, regroupés dans ses titres un et deux. En réalité, le parti adopté dès l'origine de circonscrire ainsi l'application jurisprudentielle de la Constitution se justifie parfaitement par l'idée que les dispositions y afférentes constituent le soubassement même de tout l'ordonnancement juridique.

On ne peut que se féliciter de l'initiative qu'ont pris les auteurs de cet ouvrage en se lançant dans une tâche de pareille envergure qui, soulignent-ils, a nécessité plus de deux ans de travail. Ce livre vient opportunément rappeler ce lieu commun qui est pourtant l'essence de l'idée de justice constitutionnelle, et que le Conseil constitutionnel lui-même n'hésitait pas dans une décision déjà datée à inscrire au fronton des exigences de l'État de Droit : la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution. Aussi, ne saurait-elle être interprétée puis appliquée sans l'éclairage que l'interprète suprême de la Constitution apporte aux normes constitutionnelles auxquelles elles sont confrontées. La portée et l'impact de cet ouvrage n'ont d'ailleurs pas été ignorés par le Tribunal constitutionnel lui-même, dont certains membres, bien que ne figurant pas parmi les auteurs en raison de leurs obligations de réserve, ont néanmoins tenu à apporter leur soutien et leur contribution.

La particularité de ce travail considérable ne réside pas uniquement dans l'intérêt pratique que sept cent cinquante pages regroupant sur chaque disposition constitutionnelle la législation et la jurisprudence, peuvent présenter pour le praticien comme pour l'étudiant, mais il constitue également, en organisant les considérants clés des arrêts de manière claire et structurée selon un plan d'idées, un instrument efficace pour la réflexion.

Le titre frappant et évocateur, « em>Droits fondamentaux et principes constitutionnelsprincipes constitutionnels, principes qui sous-tendent l'armature constitutionnelle dans son ensemble. Ainsi notamment, le principe d'égalité, le droit de propriété, la liberté de l'enseignement parmi les droits fondamentaux évoqués donnent lieu, après un rappel de la norme constitutionnelle visée, à une présentation tant de la législation que de la jurisprudence pertinente depuis l'origine jusqu'en 1994, il en va de même pour les principes constitutionnels tels que le principe de souveraineté nationale, ou bien encore le principe d'indivisibilité de la Nation espagnole.

Les conditions semblent ainsi réunies pour que ce recueil savant de la jurisprudence du Tribunal constitutionnel espagnol devienne un ouvrage indispensable pour l'analyse du droit positif constitutionnel et occupe une place de choix dans les meilleures bibliothèques. Il fournit par ailleurs un éclairage pour le moins bienvenu à tous ceux qui entendent porter un jugement parfois critique sur notre propre système de justice constitutionnelle, sans toujours prendre la peine de regarder d'un oeil attentif ce qui se passe au-delà de nos frontières. De ce point de vue, l'exemple espagnol montre que replacer le fonctionnement de la justice constitutionnelle dans une perspective comparative doit devenir une exigence scientifique élémentaire mais incontournable : nous avons beaucoup à apprendre du modèle espagnol, il a aussi sans doute beaucoup à nous offrir.

Patrick Gaïa
Professeur à la Faculté de droit et de science politique d'Aix-en-Provence