Décision

Décision n° 92-313 DC du 23 septembre 1992

Loi autorisant la ratification du traité sur l'Union européenne
Incompétence pour statuer

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 20 septembre 1992, postérieurement à 20 heures, par MM Pierre Mazeaud, Franck Borotra, Gabriel Kaspereit, Claude-Gérard Marcus, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Eric Raoult, Philippe Legras, Robert-André Vivien, Robert Pandraud, Pierre Mauger, André Rossi, Pierre Raynal, Christian Cabal, Pierre Pasquini, Jean-Michel Couve, Henri de Gastines, Jean-Louis Debré, Christian Estrosi, Jean Royer, Alain Griotteray, Pierre Bachelet, Alain Jonemann, Patrick Balkany, François d'Aubert, Roland Nungesser, Xavier Deniau, Edouard Frédéric-Dupont, Lucien Richard, Jean Valleix, Mme Nicole Catala, MM Xavier Dugoin, Jean-Paul de Rocca-Serra, Bernard Debré, Alain Cousin, Jean-Claude Mignon, Georges Gorse, Jacques Baumel, Jacques Masdeu-Arus, Didier Julia, Louis de Broissia, Georges Tranchant, Eric Dolige, Mme Christine Boutin, M Pierre Couveinhes, Mme Elisabeth Hubert, MM Jean Besson, Daniel Goulet, Christian Bergelin, Jean-Luc Préel, Henri Bayard, Philippe de Villiers, Gilbert Mathieu, Claude Dhinnin, Robert Galley, Jean Charroppin, Michel Inchauspé, Louis Goasduff, Alain Mayoud, Gérard Léonard, Roland Vuillaume, Jean-Michel Ferrand, Arthur Dehaine, Pierre Micaux, députés, sur la base de l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la conformité à celle-ci du texte de la loi autorisant la ratification du traité sur l'Union européenne, adopté par voie de référendum ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par l'ordonnance n° 59-223 du 4 février 1959 et par les lois organiques n° 74-1101 du 26 décembre 1974 et n° 90-383 du 10 mai 1990 ;

Vu le code électoral, notamment ses articles LO 136, LO 136-1, LO 150, LO 151, LO 296 et LO 297 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution ; qu'elle n'est susceptible d'être précisée et complétée par voie de loi organique que dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel ; que le Conseil constitutionnel ne saurait être appelé à se prononcer au titre d'autres chefs de compétence que ceux qui sont expressément prévus par la Constitution ou la loi organique ;

2. Considérant que l'article 61 de la Constitution donne au Conseil constitutionnel mission d'apprécier la conformité à la Constitution des lois organiques et des lois ordinaires qui, respectivement, doivent ou peuvent être soumises à son examen, sans préciser si cette compétence s'étend à l'ensemble des textes de caractère législatif, qu'ils aient été adoptés par le peuple à la suite d'un référendum ou qu'ils aient été votés par le Parlement, ou si, au contraire, elle est limitée seulement à cette dernière catégorie ; que, toutefois, au regard de l'équilibre des pouvoirs établi par la Constitution, les lois que celle-ci a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le Peuple français à la suite d'un référendum contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 60, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale ;

3. Considérant, au demeurant, que ni l'article 60 de la Constitution, qui détermine le rôle du Conseil constitutionnel en matière de référendum, ni l'article 11 ne prévoient de formalité entre l'adoption d'un projet de loi par le peuple et sa promulgation par le Président de la République ;

4. Considérant, au surplus, que les dispositions de l'article 17 de l'ordonnance portant loi organique susmentionnée du 7 novembre 1958 ne font état que des « lois adoptées par le Parlement » ; que l'article 23 de la même ordonnance dispose que : « Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de la loi, le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture » ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune disposition de la Constitution, non plus d'ailleurs que d'une loi organique prise sur son fondement, ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour se prononcer sur la demande susvisée concernant la loi adoptée par le Peuple français par voie de référendum le 20 septembre 1992,

Décide :
Article premier :
Le Conseil constitutionnel n'a pas compétence pour se prononcer sur la demande susvisée.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 25 septembre 1992, page 13337
Recueil, p. 94
ECLI : FR : CC : 1992 : 92.313.DC

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.5. RÉFÉRENDUMS
  • 8.5.6. Contentieux
  • 8.5.6.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.5.6.1.4. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.5.6.1.4.3. Contrôle de la constitutionnalité du projet de loi adopté par référendum

La compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution. Elle n'est susceptible d'être précisée et complétée par voie de loi organique que dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel. Le Conseil constitutionnel ne saurait être appelé à se prononcer au titre d'autres chefs de compétence que ceux qui sont expressément prévus par la Constitution ou la loi organique. L'article 61 de la Constitution ne précise pas si la compétence qu'il confère au Conseil constitutionnel s'étend à l'ensemble des textes à caractère législatif, y compris ceux adoptés par le Peuple à la suite d'un référendum, ou si elle est limitée à ceux qui ont été votés par le Parlement. Toutefois, au regard de l'équilibre des pouvoirs établi par la Constitution, les lois que celle-ci a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le Peuple français à la suite d'un référendum contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 60, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale. Au demeurant, ni l'article 60, ni l'article 11 de la Constitution ne prévoient de formalité entre l'adoption d'un projet de loi par le Peuple et sa promulgation par le Président de la République. Au surplus, les dispositions de l'article 17 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ne font état que des " lois adoptées par le Parlement ". L'article 23 de la même ordonnance dispose qu'en cas de déclaration de contrariété à la Constitution d'une disposition de la loi déférée qui ne soit pas inséparable de l'ensemble de cette dernière, le Président de la République peut " soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture ". Incompétence, dès lors, du Conseil constitutionnel pour se prononcer sur une demande tendant au contrôle de la conformité à la Constitution de la loi, autorisant la ratification du traité sur l'Union européenne, adoptée par le Peuple français par voie de référendum le 20 septembre 1992.

(92-313 DC, 23 septembre 1992, cons. 1, 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 25 septembre 1992, page 13337)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.3. CHAMP D'APPLICATION DU CONTRÔLE DE CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION
  • 11.3.1. Incompétence du Conseil constitutionnel
  • 11.3.1.2. Lois adoptées par voie de référendum

La compétence du Conseil constitutionnel est strictement délimitée par la Constitution. Elle n'est susceptible d'être précisée et complétée par voie de loi organique que dans le respect des principes posés par le texte constitutionnel. Le Conseil constitutionnel ne saurait être appelé à se prononcer au titre d'autres chefs de compétence que ceux qui sont expressément prévus par la Constitution ou la loi organique. L'article 61 de la Constitution ne précise pas si la compétence qu'il confère au Conseil constitutionnel s'étend à l'ensemble des textes à caractère législatif, y compris ceux adoptés par le peuple à la suite d'un référendum, ou si elle est limitée à ceux qui ont été votés par le Parlement. Toutefois, au regard de l'équilibre des pouvoirs établi par la Constitution, les lois que celle-ci a entendu viser dans son article 61 sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées par le peuple français à la suite d'un référendum contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 60, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale. Au demeurant, ni l'article 60 ni l'article 11 de la Constitution ne prévoient de formalité entre l'adoption d'un projet de loi par le peuple et sa promulgation par le Président de la République. Au surplus, les dispositions de l'article 17 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ne font état que des "lois adoptées par le Parlement". L'article 23 de la même ordonnance dispose qu'en cas de déclaration de contrariété à la Constitution d'une disposition de la loi déférée qui ne soit pas inséparable de l'ensemble de cette dernière, le Président de la République peut "soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture". Incompétence, dès lors, du Conseil constitutionnel pour se prononcer sur une demande tendant au contrôle de la conformité à la Constitution de la loi, autorisant la ratification du traité sur l'Union européenne, adoptée par le peuple français par voie de référendum le 20 septembre 1992.

(92-313 DC, 23 septembre 1992, cons. 5, Journal officiel du 25 septembre 1992, page 13337)
À voir aussi sur le site : Saisine par 60 députés, Références doctrinales.
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