Décision

Décision n° 2015-476 QPC du 17 juillet 2015

Société Holding Désile [Information des salariés en cas de cession d'une participation majoritaire dans une société - Nullité de la cession intervenue en méconnaissance de cette obligation]
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 mai 2015 par le Conseil d'État (décision n° 386792 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour la société Holding Désile, par la SELARL Cabinet Yves Sexer, avocat au barreau de Paris, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 20 et 98 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2015-476 QPC.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 juin 2015 ;

Vu les observations produites pour la société requérante par la SELARL Cabinet Yves Sexer, enregistrées le 29 juin 2015 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Yves Sexer pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 juillet 2015 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 31 juillet 2014 susvisée : « Le titre III du livre II du même code [de commerce] est complété par un chapitre X ainsi rédigé : « Chapitre X
« De l'information des salariés en cas de cession de leur société
« Section 1
« De l'instauration d'un délai permettant aux salariés de présenter une offre de rachat des parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital dans les sociétés de moins de cinquante salariés
« Art. L. 23-10-1.-Dans les sociétés qui n'ont pas l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise en application de l'article L. 2322-1 du code du travail, lorsque le propriétaire d'une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d'une société à responsabilité limitée ou d'actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d'une société par actions veut les céder, les salariés en sont informés, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de présenter une offre d'achat de cette participation.
« Le représentant légal notifie sans délai aux salariés cette information, en leur indiquant qu'ils peuvent présenter au cédant une offre d'achat.
« La cession peut intervenir avant l'expiration du délai de deux mois dès lors que chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d'offre.
« La cession intervenue en méconnaissance du présent article peut être annulée à la demande de tout salarié.
« L'action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de la cession de la participation ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés.
« Art. L. 23-10-2.- A leur demande, les salariés peuvent se faire assister par un représentant de la chambre de commerce et de l'industrie régionale, de la chambre régionale d'agriculture, de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat territorialement compétentes en lien avec les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire et par toute personne désignée par les salariés, dans des conditions définies par décret.
« Art. L. 23-10-3.-L'information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues en application de la présente section, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les membres des comités d'entreprise à l'article L. 2325-5 du code du travail, sauf à l'égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre d'achat.
« Art. L. 23-10-4.-Les articles L. 23-10-1 à L. 23-10-3 sont applicables à la cession d'une participation dans une société soumise à une réglementation particulière prescrivant que tout ou partie de son capital soit détenu par un ou plusieurs associés ou actionnaires répondant à certaines conditions en termes notamment de qualification professionnelle, sous réserve :
« 1 ° Soit qu'un au moins des salariés pouvant présenter l'offre d'achat remplisse les conditions requises ;
« 2 ° Soit que la cession ne porte pas sur la partie du capital soumise à la réglementation et détenue par l'associé ou l'actionnaire répondant aux conditions requises.
« Art. L 23-10-5.-La cession intervient dans un délai maximal de deux ans après l'expiration du délai prévu à l'article L. 23-10-1. Au-delà de ce délai, toute cession est soumise aux articles L. 23-10-1 à L. 23-10-3.
« Art. L. 23-10-6.-La présente section n'est pas applicable :
« 1 ° En cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession de la participation à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ;
« 2 ° Aux sociétés faisant l'objet d'une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires régie par le livre VI.
« Section 2
« De l'information des salariés leur permettant de présenter une offre de rachat des parts sociales ou actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital, dans les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés
« Art. L. 23-10-7.-Dans les sociétés soumises à l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise en application de l'article L. 2322-1 du code du travail et se trouvant, à la clôture du dernier exercice, dans la catégorie des petites et moyennes entreprises au sens de l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, lorsqu'il veut céder une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d'une société à responsabilité limitée ou des actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d'une société par actions, le cédant notifie sa volonté de céder à la société.
« Au plus tard en même temps qu'il procède, en application de l'article L. 2323-19 du code du travail, à l'information et à la consultation du comité d'entreprise, le chef d'entreprise porte à la connaissance des salariés la notification prévue au premier alinéa du présent article et leur indique qu'ils peuvent présenter au cédant une offre de rachat.
« La cession intervenue en méconnaissance du présent article peut être annulée à la demande de tout salarié.
« L'action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de la cession de la participation ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés.
« En cas d'absences concomitantes du comité d'entreprise et de délégué du personnel, constatées conformément aux articles L. 2324-8 et L. 2314-5 du code du travail, la cession est soumise au délai prévu au premier alinéa de l'article L. 23-10-1 du présent code.
« Art. L. 23-10-8.- A leur demande, les salariés peuvent se faire assister par un représentant de la chambre de commerce et de l'industrie régionale, de la chambre régionale d'agriculture, de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat territorialement compétentes en lien avec les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire et par toute personne désignée par les salariés, dans des conditions définies par décret.
« Art. L. 23-10-9.-L'information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues en application de la présente section, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les membres des comités d'entreprise à l'article L. 2325-5 du code du travail, sauf à l'égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre d'achat.
« Art. L. 23-10-10.-Les articles L. 23-10-7 à L. 23-10-9 sont applicables à la cession d'une participation dans une société soumise à une réglementation particulière prescrivant que tout ou partie de son capital soit détenu par un ou plusieurs associés ou actionnaires répondant à certaines conditions en termes notamment de qualification professionnelle, sous réserve :
« 1 ° Soit qu'un au moins des salariés pouvant présenter l'offre d'achat remplisse les conditions requises ;
« 2 ° Soit que la cession ne porte pas sur la partie du capital soumise à la réglementation et détenue par l'associé ou l'actionnaire répondant aux conditions requises.
« Art. L. 23-10-11.-La cession est de nouveau soumise aux articles L. 23-10-7 à L. 23-10-9 lorsqu'elle intervient plus de deux ans après l'expiration du délai prévu à l'article L. 23-10-7.
« Si pendant cette période de deux ans le comité d'entreprise est consulté, en application de l'article L. 2323-19 du code du travail, sur un projet de cession des éléments faisant l'objet de la notification prévue à l'article L. 23-10-7, le cours de ce délai de deux ans est suspendu entre la date de saisine du comité et la date où il rend son avis et, à défaut, jusqu'à la date où expire le délai imparti pour rendre cet avis.
« Art. L. 23-10-12.-La présente section n'est pas applicable :
« 1 ° En cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession de la participation à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ;
« 2 ° Aux sociétés faisant l'objet d'une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires régie par le livre VI » ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 98 de la même loi : « Les articles 19 et 20 s'appliquent aux cessions conclues trois mois au moins après la date de publication de la présente loi » ;

3. Considérant que, selon la société requérante, d'une part, les dispositions de l'article 20 de la loi du 31 juillet 2014, en imposant d'informer chaque salarié préalablement à la cession d'une participation majoritaire dans une société de moins de deux cent cinquante salariés, portent une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété du cédant ; que, d'autre part, les mêmes dispositions, en sanctionnant la méconnaissance de cette obligation d'information par la nullité de la cession, méconnaissent les principes de proportionnalité et de personnalité des peines et portent une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété ; que, par ailleurs, l'article 98 de la même loi porte atteinte au droit au maintien des contrats et conventions légalement conclus ;

4. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article L. 23-10-1, le premier alinéa de l'article L. 23-10-3, l'article L. 23-10-7 et le premier alinéa de l'article L. 23-10-9 du code de commerce issus de l'article 20 de la loi du 31 juillet 2014 ainsi que sur les mots « et 20 » figurant à l'article 98 de la même loi ;

- SUR LES TROIS PREMIERS ALINÉAS DE L'ARTICLE L. 23-10-1, LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE L. 23-10-3, LES PREMIER, DEUXIÈME ET CINQUIÈME ALINÉAS DE L'ARTICLE L. 23-10-7 ET LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE L. 23-10-9 DU CODE DE COMMERCE :

5. Considérant que la société requérante soutient que les dispositions contestées, en imposant, en cas de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital des sociétés de moins de deux cent cinquante salariés, d'informer individuellement chaque salarié deux mois au plus tard avant la cession, méconnaissent la liberté d'entreprendre et le droit de propriété du cédant ;

6. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;

7. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

8. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des deux premiers alinéas de l'article L. 23-10-1 et des deux premiers alinéas de l'article L. 23-10-7 du code de commerce que le cédant d'une participation majoritaire dans une société de moins de deux cent cinquante salariés doit, par l'intermédiaire du représentant légal dans les sociétés de moins de cinquante salariés et par l'intermédiaire du chef d'entreprise dans les sociétés de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés, informer individuellement chaque salarié de sa volonté de céder afin de permettre à ceux-ci de présenter une offre d'achat ; qu'en imposant une telle obligation, le législateur a entendu encourager, de façon générale et par tout moyen, la reprise des entreprises et leur poursuite d'activité ; que le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du premier alinéa de l'article L. 23-10-1 et du premier alinéa de l'article L. 23-10-7 que l'information des salariés doit intervenir, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, au plus tard deux mois avant la cession et, dans les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés, au plus tard en même temps qu'il est procédé à l'information et à la consultation du comité d'entreprise en application de l'article L. 2323-19 du code du travail ; que le délai de deux mois, auquel il peut être dérogé dès lors que chaque salarié a fait connaître sa décision de ne pas présenter d'offre, permet aux salariés de formuler, le cas échéant, une offre de reprise ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 23-10-3 et du premier alinéa de l'article L. 23-10-9, l'information peut être délivrée par tout moyen dès lors que ce moyen est de nature à rendre certaine la date de réception ; que, par ailleurs, en application du second alinéa de l'article L. 23-10-3 et du second alinéa de l'article L. 23-10-9, les salariés sont soumis à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues ; qu'il s'ensuit que, compte tenu de cet encadrement, l'atteinte à la liberté d'entreprendre qui résulte de l'obligation d'informer les salariés d'une volonté de céder une participation majoritaire dans une société employant moins de deux cent cinquante salariés n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par la loi ; que le grief tiré de ce que les trois premiers alinéas de l'article L. 23-10-1, le premier alinéa de l'article L. 23-10-3, les deux premiers alinéas de l'article L. 23-10-7 et le premier alinéa de l'article L. 23-10-9 du code de commerce méconnaîtraient la liberté d'entreprendre doit être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'obligation d'information n'interdit pas au propriétaire de céder librement sa participation dans la société à l'acquéreur de son choix et aux conditions qu'il estime les plus conformes à ses intérêts ; que, par suite, les dispositions contestées ne portent aucune atteinte au droit de propriété du cédant ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les trois premiers alinéas de l'article L. 23-10-1, le premier alinéa de l'article L. 23-10-3, les premier, deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-7 et le premier alinéa de l'article L. 23-10-9 du code de commerce, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

- SUR LES QUATRIÈME ET CINQUIÈME ALINÉAS DE L'ARTICLE L. 23-10-1 ET SUR LES TROISIÈME ET QUATRIÈME ALINÉAS DE L'ARTICLE L. 23-10-7 DU CODE DE COMMERCE :

12. Considérant que la société requérante soutient que les dispositions contestées, en prévoyant que la méconnaissance de l'obligation d'information des salariés peut, à la demande de tout salarié, entraîner l'annulation de la cession et en ne prévoyant pas une prescription effective de cette action en nullité, méconnaissent les principes de proportionnalité et de personnalité des peines ; qu'elles portent également une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété du cédant et du cessionnaire ;

13. Considérant que le quatrième alinéa de l'article L. 23-10-1 et le troisième alinéa de l'article L. 23-10-7 du code de commerce prévoient que peut être annulée une cession intervenue en méconnaissance de l'obligation d'information prévue par ces articles ; que cette action en nullité peut être exercée par un seul salarié, même s'il a été informé du projet de cession ; qu'il ressort du cinquième alinéa de l'article L. 23-10-1 et du quatrième alinéa de l'article L. 23-10-7 qu'à défaut de publication de la cession cette action en nullité ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle tous les salariés ont été informés de cette cession ; que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation ; que l'obligation d'information a uniquement pour objet de garantir aux salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s'impose au cédant ; qu'ainsi, au regard de l'objet de l'obligation dont la méconnaissance est sanctionnée et des conséquences d'une nullité de la cession pour le cédant et le cessionnaire, l'action en nullité prévue par les dispositions contestées porte une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-1 et les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 23-10-7 doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

- SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES DE L'ARTICLE 98 DE LA LOI DU 31 JUILLET 2014 :

14. Considérant que la société requérante soutient que les dispositions contestées de l'article 98 de la loi du 31 juillet 2014, en permettant l'application des dispositions de l'article 20 à des cessions de parts sociales, actions ou valeurs mobilières de société employant moins de deux cent cinquante salariés alors même que l'engagement de céder était antérieur à l'entrée en vigueur de ces dispositions, portent atteinte au droit au maintien des contrats et conventions légalement conclus ;

15. Considérant que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 ;

16. Considérant qu'en vertu de l'article 98 de la loi du 31 juillet 2014 l'obligation d'information prévue par les articles L. 23-10-1 et L. 23-10-7 du code de commerce ne s'applique qu'aux cessions intervenues trois mois au moins après la date de publication de la loi ; que, dans la mesure où l'information des salariés doit, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, être délivrée deux mois avant la date effective de la cession et, dans les entreprises de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés, au plus tard lors de l'information et de la consultation du comité d'entreprise, le législateur a permis que toutes les cessions auxquelles les dispositions contestées s'appliquent, y compris celles résultant d'engagements conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi déférée, puissent respecter l'obligation d'information prévue aux articles L. 23-10-1 et L. 23-10-7 ; qu'ainsi le grief tiré de l'atteinte au droit au maintien des contrats légalement conclus doit être écarté ; que les dispositions contestées de l'article 98 de la loi du 31 juillet 2014, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

- SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ :

17. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;

18. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-1 et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 23-10-7 du code de commerce prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date,

D É C I D E :

Article 1er.- Les quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-1 et les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 23-10-7 du code de commerce issus de l'article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire sont contraires à la Constitution.

Article 2. - Sont conformes à la Constitution :

  • les trois premiers alinéas de l'article L. 23-10-1, le premier alinéa de l'article L. 23-10-3, les premier, deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-7 ainsi que le premier alinéa de l'article L. 23-10-9 du code de commerce issus de l'article 20 de la loi du n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire ;
  • les mots « et 20 » figurant à l'article 98 de la même loi.

Article 3. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 18.

Article 4. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23- 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juillet 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 17 juillet 2015.

JORF n°0165 du 19 juillet 2015 page 12291, texte n° 48
ECLI : FR : CC : 2015 : 2015.476.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.7. DROIT DE PROPRIÉTÉ
  • 4.7.3. Protection contre la dénaturation du droit de propriété
  • 4.7.3.2. Garanties légales
  • 4.7.3.2.2. Absence d'atteinte au droit de propriété

L'obligation d'information des salariés, qui s'impose en cas de cession d'une particpiation majoritaire en vertu de l'article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, n'interdit pas au propriétaire de céder librement sa participation dans la société à l'acquéreur de son choix et aux conditions qu'il estime les plus conformes à ses intérêts. Par suite, les dispositions contestées ne portent aucune atteinte au droit de propriété du cédant.

(2015-476 QPC, 17 juillet 2015, cons. 10, JORF n°0165 du 19 juillet 2015 page 12291, texte n° 48 )
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.13. LIBERTÉ CONTRACTUELLE ET DROIT AU MAINTIEN DE L'ÉCONOMIE DES CONVENTIONS LÉGALEMENT CONCLUES
  • 4.13.2. Droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues
  • 4.13.2.1. Portée du principe

En vertu de l'article 98 de la loi du 31 juillet 2014 l'obligation d'information prévue par les articles L. 23-10-1 et L. 23-10-7 du code de commerce ne s'applique qu'aux cessions intervenues trois mois au moins après la date de publication de la loi. Dans la mesure où l'information des salariés doit, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, être délivrée deux mois avant la date effective de la cession et, dans les entreprises de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés, au plus tard lors de l'information et de la consultation du comité d'entreprise, le législateur a permis que toutes les cessions auxquelles les dispositions contestées s'appliquent, y compris celles résultant d'engagements conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi déférée, puissent respecter l'obligation d'information prévue aux articles L. 23-10-1 et L. 23-10-7. Ainsi le grief tiré de l'atteinte au droit au maintien des contrats légalement conclus doit être écarté.

(2015-476 QPC, 17 juillet 2015, cons. 16, JORF n°0165 du 19 juillet 2015 page 12291, texte n° 48 )
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.21. LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
  • 4.21.2. Liberté d'entreprendre
  • 4.21.2.5. Conciliation du principe
  • 4.21.2.5.2. Avec l'intérêt général

Il ressort des deux premiers alinéas de l'article L. 23-10-1 et des deux premiers alinéas de l'article L. 23-10-7 du code de commerce que le cédant d'une participation majoritaire dans une société de moins de deux cent cinquante salariés doit, par l'intermédiaire du représentant légal dans les sociétés de moins de cinquante salariés et par l'intermédiaire du chef d'entreprise dans les sociétés de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés, informer individuellement chaque salarié de sa volonté de céder afin de permettre à ceux-ci de présenter une offre d'achat. En imposant une telle obligation, le législateur a entendu encourager, de façon générale et par tout moyen, la reprise des entreprises et leur poursuite d'activité. Le législateur a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
D'autre part, il ressort du premier alinéa de l'article L. 23-10-1 et du premier alinéa de l'article L. 23-10-7 que l'information des salariés doit intervenir, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, au plus tard deux mois avant la cession et, dans les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés, au plus tard en même temps qu'il est procédé à l'information et à la consultation du comité d'entreprise en application de l'article L. 2323-19 du code du travail.; Le délai de deux mois, auquel il peut être dérogé dès lors que chaque salarié a fait connaître sa décision de ne pas présenter d'offre, permet aux salariés de formuler, le cas échéant, une offre de reprise. En vertu du premier alinéa de l'article L. 23-10-3 et du premier alinéa de l'article L. 23-10-9, l'information peut être délivrée par tout moyen dès lors que ce moyen est de nature à rendre certaine la date de réception. Par ailleurs, en application du second alinéa de l'article L. 23-10-3 et du second alinéa de l'article L. 23-10-9, les salariés sont soumis à une obligation de discrétion s'agissant des informations reçues. Il s'ensuit que, compte tenu de cet encadrement, l'atteinte à la liberté d'entreprendre qui résulte de l'obligation d'informer les salariés d'une volonté de céder une participation majoritaire dans une société employant moins de deux cent cinquante salariés n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi par la loi.

(2015-476 QPC, 17 juillet 2015, cons. 8, 9, JORF n°0165 du 19 juillet 2015 page 12291, texte n° 48 )

L'annulation de la cession intervenue en méconnaissance de l'obligation d'information prévue l'article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, qui peut être exercée par un seul salarié, même s'il a été informé du projet de cession et dont la prescription ne court, à défaut de publication de la cession,qu'à compter de la date à laquelle tous les salariés ont été informés de cette cession alors que la loi ne détermine pas les critères en vertu desquels le juge peut prononcer cette annulation et que l'obligation d'information a uniquement pour objet de garantir aux salariés le droit de présenter une offre de reprise sans que celle-ci s'impose au cédant, porte, au regard de l'objet de l'obligation dont la méconnaissance est sanctionnée et des conséquences d'une nullité de la cession pour le cédant et le cessionnaire, une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre. Censure.

(2015-476 QPC, 17 juillet 2015, cons. 13, JORF n°0165 du 19 juillet 2015 page 12291, texte n° 48 )
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.6. Portée des décisions dans le temps
  • 11.8.6.2. Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)
  • 11.8.6.2.2. Abrogation
  • 11.8.6.2.2.1. Abrogation à la date de la publication de la décision

La déclaration d'inconstitutionnalité des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 23-10-1 et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 23-10-7 du code de commerce prend effet à compter de la publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

(2015-476 QPC, 17 juillet 2015, cons. 18, JORF n°0165 du 19 juillet 2015 page 12291, texte n° 48 )
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