Décision

Décision n° 2014-5 LP du 27 février 2015

Loi du pays portant création de centimes additionnels sur la taxe sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi dans les conditions prévues à l'article 104 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, de la loi du pays portant création de centimes additionnels sur la taxe sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces, le 2 décembre 2014, par recours du président de l'assemblée de la province Nord enregistré le même jour au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
Et, le 5 décembre 2014, par recours du président de l'assemblée de la province des Îles Loyauté enregistré le 4 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution et notamment ses articles 76 et 77 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, ensemble la décision du Conseil n° 99-410 DC du 15 mars 1999 ;

Vu le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;

Vu l'avis du Conseil d'État en date du 13 janvier 2011, transmis au Conseil constitutionnel en application de l'article 100 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée ;

Vu les observations présentées pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie par la SCP Potier de la Varde - Buk Lament, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et le 7 janvier 2015 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations présentées pour le président de la province Sud par la SCP Potier de la Varde - Buk Lament, enregistrées le 12 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et le 7 janvier 2015 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 12 décembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et le 7 janvier 2015 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le 29 octobre 2014, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté une loi du pays portant création de centimes additionnels sur la taxe sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces ; qu'à la demande de onze membres du congrès, et conformément aux articles 103 et 104 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée, ce texte a fait l'objet d'une nouvelle délibération, intervenue le 24 novembre 2014 ; que les auteurs des saisines contestent la procédure d'adoption de cette loi du pays ainsi que la conformité à la Constitution de ses dispositions ;

2. Considérant que le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois du pays doit s'exercer non seulement au regard de la Constitution, mais également au regard des orientations définies par l'accord de Nouméa et des dispositions organiques prises pour leur application ;

- SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION DE LA LOI DU PAYS :

3. Considérant que, selon les requérants, les modifications apportées à la proposition de loi du pays en cours d'examen n'ont été soumises ni à l'avis du comité des finances locales de la Nouvelle-Calédonie ni à l'avis du Conseil d'État ; que par suite, la procédure d'adoption de la loi aurait méconnu les articles 48 et 100 de la loi organique du 19 mars 1999 ;

4. Considérant, d'une part, que l'article 48 de cette loi organique dispose que le comité des finances locales de la Nouvelle-Calédonie « est consulté par le gouvernement sur tout projet ou proposition de loi du pays ou de délibération du congrès relatif aux relations financières entre la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes de Nouvelle-Calédonie » ; que la loi du pays déférée a pour objet exclusif de créer des centimes additionnels au profit des provinces ; qu'un tel objet ne concerne pas les relations financières entre la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes de Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'était pas tenu de consulter le comité des finances locales sur la proposition de loi du pays ;

5. Considérant, d'autre part, que le deuxième alinéa de l'article 100 de cette loi organique dispose : « Les propositions de loi du pays sont soumises, pour avis, au Conseil d'État par le président du congrès avant leur première lecture. Le vote du congrès intervient après que le Conseil d'État a rendu son avis » ;

6. Considérant que la proposition dont est issue la loi du pays soumise au Conseil constitutionnel a été déposée au congrès de la Nouvelle-Calédonie le 3 novembre 2010 ; que cette proposition de loi du pays a été soumise à l'avis du Conseil d'État, qui s'est prononcé le 13 janvier 2011 ; que l'adoption d'amendements par le congrès de Nouvelle-Calédonie après cette consultation, au demeurant pour tenir compte des observations du Conseil d'État, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'adoption de cette loi du pays ;

- SUR LES ARTICLES 1er ET 2 :

7. Considérant que l'article 897 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie est relatif aux centimes additionnels que les assemblées des provinces sont autorisées à percevoir en sus des taxes perçues au profit de la Nouvelle-Calédonie ; que l'article 1er de la loi du pays déférée complète cet article par six alinéas qui autorisent les provinces à voter et à percevoir des centimes additionnels à la taxe sur les spectacles et les produits des jeux afférents au produit net des jeux d'argent pratiqués dans les cercles et maisons de jeux, au jeu de bingo et aux machines à sous ; que la province compétente pour voter et percevoir des centimes additionnels à cette taxe, prévue par les articles 623 et suivants du même code, est celle où se situe le cercle ou la maison de jeux ; que ces centimes sont calculés sur la base d'un taux de taxe de 40 % auquel serait ajouté un complément de taxe au taux de 4,5 % pour le jeu de bingo et au taux de 5 % pour les machines à sous ; que l'article 2 de cette loi du pays en fixe la date d'entrée en vigueur ;

8. Considérant que, selon les requérants, cette loi du pays est accompagnée d'une proposition de délibération dont l'objet est de réduire les taux de la taxe sur les spectacles et les produits des jeux dans une proportion telle que la perte de recettes pour le budget de la Nouvelle-Calédonie sera équivalente au produit des centimes additionnels institués au profit des provinces par la loi du pays déférée ; que, compte tenu de l'implantation des cercles et établissements de jeux, la province Sud en serait le bénéficiaire exclusif ; que la combinaison de cette loi du pays et de la délibération en cours d'adoption sur les taux de la taxe conduirait ainsi à substituer une recette fiscale de la province Sud à une recette fiscale de la Nouvelle-Calédonie ; qu'il en résulterait un contournement de la clé de répartition de la dotation de fonctionnement des provinces, prélevée sur les ressources de la Nouvelle-Calédonie, fixée par l'article 181 de la loi organique du 19 mars 1999, et un détournement de la règle, prévue par ce même article, selon laquelle cette clé de répartition ne peut être modifiée qu'à une majorité des trois cinquièmes des membres du congrès ; qu'il en résulterait également une méconnaissance du « principe de rééquilibrage des ressources fiscales entre les provinces » et une atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales ;

9. Considérant que le Conseil constitutionnel n'est saisi et ne pouvait être saisi que de la loi du pays portant création au profit des provinces de centimes additionnels sur la taxe sur les spectacles et les produits des jeux ; que, pour statuer sur la conformité à la Constitution d'une loi du pays, le Conseil constitutionnel ne saurait prendre en compte un projet de disposition réglementaire qui, s'il est adopté, relèvera du contrôle de la juridiction compétente ;

10. Considérant qu'en adoptant la loi du pays déférée, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a entendu permettre à la province Sud de faire face aux difficultés financières qu'elle rencontre en autorisant les provinces à percevoir de nouvelles recette fiscales ; qu'en adoptant ces dispositions, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a exercé la compétence qu'il tient de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 pour créer des « impôts, droits et taxes au bénéfice des provinces… » ; que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les termes de l'article 52 de cette même loi organique, selon lesquels : « Les impôts, taxes et centimes additionnels institués au bénéfice des provinces… ne peuvent être assis ni sur le chiffre d'affaires, ni sur le revenu des personnes physiques, ni sur le bénéfice des personnes morales, ni sur les droits et taxes à l'importation... » ; qu'elles ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ni aucune autre disposition de la loi organique du 19 mars 1999 ; que, par suite cette loi du pays doit être déclarée conforme à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- La loi du pays portant création de centimes additionnels sur la taxe sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 février 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 27 février 2015.

JORF n°0051 du 1 mars 2015 page 4020, texte n° 32
ECLI : FR : CC : 2015 : 2014.5.LP

Les abstracts

  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.5. DISPOSITIONS TRANSITOIRES RELATIVES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE (article 77)
  • 14.5.2. Institutions de la Nouvelle-Calédonie
  • 14.5.2.5. Comité des finances locales

L'article 48 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que le comité des finances locales de la Nouvelle-Calédonie « est consulté par le gouvernement sur tout projet ou proposition de loi du pays ou de délibération du congrès relatif aux relations financières entre la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes de Nouvelle-Calédonie ». La loi du pays portant création de centimes additionnels sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces a pour objet exclusif de créer des centimes additionnels au profit des provinces. Un tel objet ne concerne pas les relations financières entre la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes de Nouvelle-Calédonie. Par suite, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'était pas tenu de consulter le comité des finances locales sur la proposition de loi du pays.

(2014-5 LP, 27 février 2015, cons. 4, JORF n°0051 du 1 mars 2015 page 4020, texte n° 32)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.5. DISPOSITIONS TRANSITOIRES RELATIVES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE (article 77)
  • 14.5.4. Transferts de compétence
  • 14.5.4.5. Fiscalité

En adoptant la loi du pays portant création de centimes additionnels sur la taxe sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a entendu permettre à la province Sud de faire face aux difficultés financières qu'elle rencontre en autorisant les provinces à percevoir de nouvelles recette fiscales. En adoptant ces dispositions, le congrès de la Nouvelle-Calédonie a exercé la compétence qu'il tient de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 pour créer des « impôts, droits et taxes au bénéfice des provinces… ». Les dispositions contestées ne méconnaissent pas les termes de l'article 52 de cette même loi organique, selon lesquels : « Les impôts, taxes et centimes additionnels institués au bénéfice des provinces… ne peuvent être assis ni sur le chiffre d'affaires, ni sur le revenu des personnes physiques, ni sur le bénéfice des personnes morales, ni sur les droits et taxes à l'importation... ».

(2014-5 LP, 27 février 2015, cons. 10, JORF n°0051 du 1 mars 2015 page 4020, texte n° 32)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.5. DISPOSITIONS TRANSITOIRES RELATIVES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE (article 77)
  • 14.5.5. Respect de la procédure d'adoption des lois du pays

Le deuxième alinéa de l'article 100 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose : « Les propositions de loi du pays sont soumises, pour avis, au Conseil d'État par le président du congrès avant leur première lecture. Le vote du congrès intervient après que le Conseil d'État a rendu son avis ».
La proposition dont est issue la loi du pays portant création de centimes additionnels sur la taxe sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces a été déposée au congrès de la Nouvelle-Calédonie le 3 novembre 2010. Cette proposition de loi du pays a été soumise à l'avis du Conseil d'État, qui s'est prononcé le 13 janvier 2011. L'adoption d'amendements par le congrès de Nouvelle-Calédonie après cette consultation, au demeurant pour tenir compte des observations du Conseil d'État, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'adoption de cette loi du pays.

(2014-5 LP, 27 février 2015, cons. 5, 6, JORF n°0051 du 1 mars 2015 page 4020, texte n° 32)

Selon les requérants, la loi du pays portant création de centimes additionnels sur la taxe sur les jeux, spectacles et divertissements au profit des provinces est accompagnée d'une proposition de délibération dont l'objet est de réduire les taux de la taxe sur les spectacles et les produits des jeux dans une proportion telle que la perte de recettes pour le budget de la Nouvelle-Calédonie sera équivalente au produit des centimes additionnels institués au profit des provinces par la loi du pays déférée. Compte tenu de l'implantation des cercles et établissements de jeux,  la province Sud en serait le bénéficiaire exclusif. La combinaison de cette loi du pays et de la délibération en cours d'adoption sur les taux de la taxe conduirait ainsi à substituer une recette fiscale de la province Sud à une recette fiscale de la Nouvelle-Calédonie. Il en résulterait un contournement de la clé de répartition de la dotation de fonctionnement des provinces, prélevée sur les ressources de la Nouvelle-Calédonie, fixée par l'article 181 de la loi organique du 19 mars 1999, et un détournement de la règle, prévue par ce même article, selon laquelle cette clé de répartition ne peut être modifiée qu'à une majorité des trois cinquièmes des membres du congrès. Il en résulterait également une méconnaissance du « principe de rééquilibrage des ressources fiscales entre les provinces ».
Le Conseil constitutionnel n'est saisi et ne pouvait être saisi que de la loi du pays portant création au profit des provinces de centimes additionnels sur la taxe sur les spectacles et les produits des jeux. Pour statuer sur la conformité à la Constitution d'une loi du pays, le Conseil constitutionnel ne saurait prendre en compte un projet de disposition réglementaire qui, s'il est adopté, relèvera du contrôle de la juridiction compétente.Les griefs sont écartés.

(2014-5 LP, 27 février 2015, cons. 8, 9, JORF n°0051 du 1 mars 2015 page 4020, texte n° 32)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.5. DISPOSITIONS TRANSITOIRES RELATIVES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE (article 77)
  • 14.5.8. Normes de contrôle

Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie doit s'exercer non seulement au regard de la Constitution, mais également au regard des orientations définies par l'accord de Nouméa et des dispositions organiques prises pour leur application.

(2014-5 LP, 27 février 2015, cons. 2, JORF n°0051 du 1 mars 2015 page 4020, texte n° 32)
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