Décision

Décision n° 2012-4633 AN du 15 février 2013

A.N., Français établis hors de France (8ème circ.)
Annulation - Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la requête n° 2012-4633 AN présentée pour Mme Valérie HOFFENBERG, demeurant à Paris, 8ème arrondissement, par Me Philippe Blanchetier, avocat au barreau de Paris, enregistrée le 28 juin 2012 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé en juin 2012, dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les mémoires en défense, présentés pour Mme Daphna POZNANSKI-BENHAMOU, députée, par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 2 août et 19 décembre 2012 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur et le ministre des affaires étrangères, enregistrées comme ci-dessus le 3 août 2012 ;

Vu les mémoires complémentaires présentés pour la requérante, enregistrés comme ci-dessus les 16 novembre 2012 et 28 janvier 2013 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 19 novembre 2012, rejetant le compte de campagne de Mme POZNANSKI-BENHAMOU ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Les parties et leurs conseils ayant été entendus ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant, qu'aux termes des cinq premiers alinéas de l'article L.O. 136-1 du code électoral : « Saisi d'une contestation formée contre l'élection ou dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
« Saisi dans les mêmes conditions, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.
« Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
« L'inéligibilité déclarée sur le fondement des trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision.
« Lorsque le Conseil constitutionnel a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office » ;

2. Considérant qu'il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique ; que si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat règle directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du même code ;

3. Considérant que le compte de campagne de Mme POZNANSKI-BENHAMOU, candidate aux élections qui se sont déroulées les 2 et 16 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 19 novembre 2012 au motif que celle-ci avait réglé directement une part substantielle des dépenses engagées en vue de l'élection, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-4 ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses payées directement par Mme POZNANSKI-BENHAMOU, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4, représentent 17,95 % du montant total des dépenses engagées et 13,24 % du plafond des dépenses ; que, par suite, les sommes en cause ne sauraient être regardées comme faibles par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeables au regard du plafond de dépenses autorisées ; que c'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme POZNANSKI-BENHAMOU ;

5. Considérant qu'eu égard, d'une part, au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont Mme POZNANSKI-BENHAMOU ne pouvait ignorer la portée et, d'autre part, au montant et à la part des dépenses ainsi acquittées, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de Mme POZNANSKI-BENHAMOU à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision et, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs de la requête, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France,

D É C I D E :

Article 1er.- Mme Daphna POZNANSKI-BENHAMOU est déclarée inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2.- Les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France sont annulées.

Article 3.- La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, à Mme POZNANSKI-BENHAMOU et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 février 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 15 février 2013.

JORF du 19 février 2013 page 2841, texte n° 77
Recueil, p. 279
ECLI : FR : CC : 2013 : 2012.4633.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.3. Règlement des dépenses

Rejet du compte de campagne par la CNCCFP au motif que la candidate a réglé directement une part substantielle des dépenses engagées en vue de l'élection, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral.

Il résulte de l'instruction que les dépenses payées directement par la candidate, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4, représentent 17,95 % du montant total de ses dépenses et 13,24 % du plafond des dépense autorisées. Rejet à bon droit. Eu égard au caractère substantiel des obligations méconnues, dont la candidate ne pouvait ignorer la portée, inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs de la requête, annulation des opérations électorales qui se sont déroulées dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France.

(2012-4633 AN, 15 février 2013, cons. 2, 3, 4, 5, JORF du 19 février 2013 page 2841, texte n° 77)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.9. Inéligibilité du candidat élu
  • 8.3.5.9.1. Annulation de l'élection

Rejet à bon droit du compte de campagne en raison de la méconnaissance des dispositions du troisième alinéa de l'article L.52-4 du code électoral. Inéligibilité de la candidate élue à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la décision.
Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs de la requête, annulation des opérations électorales qui se sont déroulées dans la 8ème circonscription des Français établis hors de France.

(2012-4633 AN, 15 février 2013, cons. 5, JORF du 19 février 2013 page 2841, texte n° 77)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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