Décision

Décision n° 2012-4551 AN du 15 février 2013

A.N., Français établis hors de France (1ère circ.)
Annulation - Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu les requêtes n° 2012-4551 AN présentées par M. Pierre CIRIC, demeurant à New-York (États-Unis d'Amérique), enregistrées les 18 et 27 juin 2012 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé en juin 2012, dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les mémoires en défense, présentés pour Mme Corinne NARASSIGUIN, députée, par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 2 août, 4 octobre et 20 décembre 2012 ;

Vu les mémoires complémentaires présentés par le requérant, enregistrés comme ci-dessus les 21 septembre, 22 octobre, 9 novembre, 20 décembre 2012 et 14 janvier 2013 ;

Vu le nouveau mémoire, présenté pour le requérant par Me Caroline Gaffodio, avocate au barreau de Paris, enregistré comme ci-dessus le 7 février 2013 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur et le ministre des affaires étrangères, enregistrées comme ci-dessus le 3 août 2012 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 22 novembre 2012, rejetant le compte de campagne de Mme Corinne NARASSIGUIN ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Les parties et leurs conseils ayant été entendus ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant, qu'aux termes des cinq premiers alinéas de l'article L.O. 136-1 du code électoral : « Saisi d'une contestation formée contre l'élection ou dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
« Saisi dans les mêmes conditions, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.
« Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
« L'inéligibilité déclarée sur le fondement des trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision.
« Lorsque le Conseil constitutionnel a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office » ;

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du même code : « Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. . . » ; qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 330-7 du même code : « Pour l'application de l'article L. 52-6. . . Le compte unique mentionné au deuxième alinéa est ouvert en France » ;

3. Considérant que le mandataire financier de Mme NARASSIGUIN a ouvert deux comptes bancaires, l'un dans une banque en France, l'autre dans une autre banque aux États-Unis ; qu'il résulte de l'instruction que ces deux comptes ont été utilisés de manière concomitante durant toute la durée de la campagne électorale ; que le montant total des opérations retracées sur le compte bancaire ouvert aux États-Unis représente 12,2 % du montant des dépenses inscrites au compte de campagne de Mme NARASSIGUIN ; que cette dernière n'a pas fait usage des dispositions du premier alinéa de l'article L. 330-6-1 qui permet, par dérogation à l'article L. 52-4, aux mandataires des candidats des circonscriptions des Français établis hors de France d'autoriser une personne par pays de la circonscription, autre que le candidat ou son suppléant, à régler des dépenses mentionnées dans l'autorisation ; que les caractéristiques propres aux circonscriptions des Français établis hors de France, notamment à la première d'entre elles, ne sauraient justifier une telle méconnaissance des dispositions précitées ; que c'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme NARASSIGUIN ;

4. Considérant qu'eu égard au caractère substantiel des obligations méconnues, dont Mme NARASSIGUIN ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de Mme NARASSIGUIN à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision et, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs de la requête, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France ;

- SUR LES CONCLUSIONS TENDANT AU REMBOURSEMENT DES FRAIS EXPOSÉS DANS L'INSTANCE :

5. Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, celles de l'article 700 du code de procédure civile et celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas applicables devant le Conseil constitutionnel ; que, dès lors, de telles conclusions ne peuvent être accueillies,

D É C I D E :

Article 1er.- Mme Corinne NARASSIGUIN est déclarée inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2.- Les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France sont annulées.

Article 3.- La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, à Mme NARASSIGUIN et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 février 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 15 février 2013.

JORF du 19 février 2013 page 2837, texte n° 72
Recueil, p. 265
ECLI : FR : CC : 2013 : 2012.4551.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.4. Circonscriptions des Français établis hors de France

Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-6 du même code : " Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières... ". Aux termes du paragraphe II de l'article L. 330-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 52-6... Le compte unique mentionné au deuxième alinéa est ouvert en France ".
Le mandataire financier de Mme NARASSIGUIN candidate élue dans 1ère circonscription des Français établis hors de France a ouvert deux comptes bancaires, l'un dans une banque en France, l'autre dans une autre banque aux États-Unis. Il résulte de l'instruction que ces deux comptes ont été utilisés de manière concomitante durant toute la durée de la campagne électorale. Le montant total des opérations retracées sur le compte bancaire ouvert aux États-Unis représente 12,2 % du montant des dépenses inscrites au compte de campagne de Mme NARASSIGUIN. Cette dernière n'a pas fait usage des dispositions du premier alinéa de l'article L. 330-6-1 qui permet, par dérogation à l'article L. 52-4, aux mandataires des candidats des circonscriptions des Français établis hors de France d'autoriser une personne par pays de la circonscription, autre que le candidat ou son suppléant, à régler des dépenses mentionnées dans l'autorisation. Les caractéristiques propres aux circonscriptions des Français établis hors de France, notamment à la première d'entre elles, ne sauraient justifier une telle méconnaissance des dispositions précitées. C'est donc à bon droit que la CNCCFP a rejeté le compte de campagne de Mme NARASSIGUIN.

(2012-4551 AN, 15 février 2013, cons. 2, 3, JORF du 19 février 2013 page 2837, texte n° 72)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.9. Inéligibilité du candidat élu
  • 8.3.5.9.1. Annulation de l'élection

C'est à bon droit que la CNCCFP a rejeté le compte de campagne de Mme NARASSIGUIN. Eu égard au caractère substantiel des obligations méconnues, dont Mme NARASSIGUIN ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de Mme NARASSIGUIN à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision et, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs de la requête, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France.

(2012-4551 AN, 15 février 2013, cons. 3, 4, JORF du 19 février 2013 page 2837, texte n° 72)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.7. Contentieux - Compétence
  • 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.3.7.2.9. Frais irrépétibles

Les dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, celles de l'article 700 du code de procédure civile et celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas applicables devant le Conseil constitutionnel. Dès lors, des conclusions tendant au remboursement de frais exposés dans l'instance ne peuvent être accueillies.

(2012-4551 AN, 15 février 2013, cons. 5, JORF du 19 février 2013 page 2837, texte n° 72)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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