Décision

Décision n° 2011-4538 SEN du 12 janvier 2012

Sénat, Loiret
Rejet - Conformité [QPC]

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la requête présentée par M. Grégory BUBENHEIMER, demeurant à Cléry-Saint-André (Loiret), enregistrée le 29 septembre 2011 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans la circonscription du Loiret en vue de la désignation de trois sénateurs ;

Vu le mémoire présenté par M. Grégory BUBENHEIMER à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrée le 29 septembre 2011, et relative à la conformité de l'article L. 289 du code électoral aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

Vu le mémoire en défense présenté par MM. Éric DOLIGÉ et Jean-Noël CARDOUX, sénateurs, enregistré le 26 octobre 2011 ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Pierre SUEUR, sénateur, enregistré le 3 novembre 2011 ;

Vu les observations du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, enregistrées le 9 novembre 2011 ;

Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites par M. SUEUR, enregistrées le 15 décembre 2011 ;

Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites par MM. DOLIGÉ et CARDOUX, enregistrées le 21 décembre 2011 ;

Vu les observations sur la question prioritaire de constitutionnalité, produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 décembre 2011 ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 10 janvier 2012 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE :

1. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales ou les listes électorales consulaires de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte de candidature » ; que, s'agissant des élections sénatoriales, les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription sont l'ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales du département et non les seuls membres du collège électoral sénatorial défini à l'article L. 280 du même code ; qu'en conséquence la requête de M. BUBENHEIMER est recevable ;

- SUR LA RÉGULARITÉ DE LA DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS DU CONSEIL MUNICIPAL DE LA COMMUNE DE BEAUGENCY :

2. Considérant qu'à l'appui de sa requête dirigée contre l'élection organisée le 25 septembre 2011 dans le département du Loiret en vue de la désignation de trois sénateurs, M. BUBENHEIMER conteste uniquement la régularité des opérations de désignation des délégués du conseil municipal de Beaugency au sein du collège des électeurs sénatoriaux ;

. En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 289 du code électoral : « Dans les communes visées aux chapitres III et IV du titre IV du livre Ier du présent code, l'élection des délégués et des suppléants a lieu sur la même liste suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir.
« Chaque conseiller municipal ou groupe de conseillers municipaux peut présenter une liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants.
« L'ordre des suppléants résulte de leur rang de présentation.
« En cas de refus ou d'empêchement d'un délégué, c'est le suppléant de la même liste venant immédiatement après le dernier délégué élu de la liste qui est appelé à le remplacer.
« Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable » ;

4. Considérant que M. BUBENHEIMER soutient qu'en prévoyant, dans les communes de plus de 3 500 habitants, le recours à la méthode de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne et non de la règle du plus fort reste, ces dispositions font obstacle à ce que l'ensemble des groupes politiques minoritaires d'un conseil municipal puisse être représenté dans le collège des électeurs sénatoriaux et méconnaissent de ce fait le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui découle de l'article 4 de la Constitution ;

5. Considérant qu'il ne résulte toutefois ni des dispositions de cet article ni d'aucun principe constitutionnel que tous les groupes politiques représentés au sein d'un conseil municipal devraient disposer de délégués à l'issue de la désignation des électeurs sénatoriaux ; que le choix d'un mode de désignation de ces délégués, dans les communes de plus de 3 500 habitants, suivant le système de la représentation proportionnelle, a précisément pour effet d'assurer une plus large représentation des groupes minoritaires des conseils municipaux ; qu'en optant pour l'application de la règle de la plus forte moyenne, le législateur n'a porté aucune atteinte au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions ; que l'article L. 289 du code électoral n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par suite, il doit être déclaré conforme à la Constitution ;

. En ce qui concerne le fond :

6. Considérant que M. BUBENHEIMER ne conteste pas que la désignation des délégués du conseil municipal de la commune de Beaugency a été opérée conformément aux règles fixées par le code électoral ; qu'il résulte de ce qui précède que sa requête doit être rejetée,

D É C I D E :

Article premier.- L'article L. 289 du code électoral est conforme à la Constitution.

Article 2.- La requête de M. Grégory BUBENHEIMER est rejetée.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 janvier 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91
Recueil, p. 67
ECLI : FR : CC : 2012 : 2011.4538.SEN

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
  • 1.5.2. Titre Ier - De la souveraineté
  • 1.5.2.11. Pluralisme et représentation équitable des partis (article 4)

Il ne résulte ni du principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui découle de l'article 4 de la Constitution ni d'aucun principe constitutionnel que tous les groupes politiques représentés au sein d'un conseil municipal devraient disposer de délégués à l'issue de la désignation des électeurs sénatoriaux.

(2011-4538 SEN, 12 janvier 2012, cons. 5, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.1. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
  • 4.1.1.3. Article 4

Applicable à la vie politique, le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui découle de l'article 4 de la Constitution est au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit.

(2011-4538 SEN, 12 janvier 2012, cons. 4, 5, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.1. PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL
  • 8.1.3. Droits et libertés des partis et organisations politiques
  • 8.1.3.4. Pluralisme (voir également : Titre 4 Droits et libertés - Liberté de la communication)

Il ne résulte ni des dispositions de l'article 4 de la Constitution ni d'aucun principe constitutionnel que tous les groupes politiques représentés au sein d'un conseil municipal devraient disposer de délégués à l'issue de la désignation des électeurs sénatoriaux. Le choix d'un mode de désignation de ces délégués, dans les communes de plus de 3 500 habitants, suivant le système de la représentation proportionnelle, a précisément pour effet d'assurer une plus large représentation des groupes minoritaires des conseils municipaux. En optant pour l'application de la règle de la plus forte moyenne, le législateur n'a porté aucune atteinte au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions. L'article L. 289 du code électoral n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Par suite, il doit être déclaré conforme à la Constitution.

(2011-4538 SEN, 12 janvier 2012, cons. 5, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.1. Opérations préalables au scrutin
  • 8.4.1.1. Listes des électeurs sénatoriaux
  • 8.4.1.1.1. Désignation des délégués

Le requérant ne conteste pas que la désignation des délégués du conseil municipal de la commune de Beaugency a été opérée conformément aux règles fixées par le code électoral. Dès lors que le Conseil constitutionnel a, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité déposée par le requérant à l'occasion de sa requête sur l'élection sénatoriale, déclaré l'article L. 289 du code électoral conforme à la Constitution, la requête tendant à l'annulation de l'élection doit être rejetée.

(2011-4538 SEN, 12 janvier 2012, cons. 6, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.7. Contentieux - Compétence
  • 8.4.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.4.7.1.5. Question prioritaire de constitutionnalité

Le Conseil constitutionnel abandonne sa jurisprudence antérieure selon laquelle " il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi de recours contre l'élection de sénateurs, d'apprécier la conformité à la Constitution des dispositions législatives " (voir 80-889 SEN du 2 décembre 1980, Sénat, Eure). Il admet qu'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) puisse être posée directement devant lui à l'occasion d'une contestation portant sur l'élection d'un sénateur.
Cette QPC porte sur l'article L289 du code électoral qui prévoit notamment que dans les communes de plus de 3500 habitants, l'élection des délégués et des suppléants a lieu sur la même liste suivant le système de représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne. C'est le choix de cette règle qui est contesté sur le fondement du principe de pluralisme garanti par l'article 4 de la Constitution.
Il ne résulte toutefois ni des dispositions de cet article ni d'aucun principe constitutionnel que tous les groupes politiques représentés au sein d'un conseil municipal devraient disposer de délégués à l'issue de la désignation des électeurs sénatoriaux. Le choix d'un mode de désignation de ces délégués, dans les communes de plus de 3 500 habitants, suivant le système de la représentation proportionnelle, a précisément pour effet d'assurer une plus large représentation des groupes minoritaires des conseils municipaux. En optant pour l'application de la règle de la plus forte moyenne, le législateur n'a porté aucune atteinte au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions. L'article L. 289 du code électoral n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Par suite, il doit être déclaré conforme à la Constitution.

(2011-4538 SEN, 12 janvier 2012, cons. 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.7. Contentieux - Compétence
  • 8.4.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.4.7.1.6. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.4.7.1.6.1. Conformité à la Constitution d'un texte législatif

Le Conseil constitutionnel abandonne sa jurisprudence antérieure selon laquelle " il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi de recours contre l'élection de sénateurs, d'apprécier la conformité à la Constitution des dispositions législatives " (voir 80-889 SEN du 2 décembre 1980, Sénat, Eure). Il admet qu'une question prioritaire de constitutionnalité puisse être posée directement devant lui à l'occasion d'une contestation portant sur l'élection d'un sénateur.

(2011-4538 SEN, 12 janvier 2012, cons. 1, 2, 3, 4, 5, 6, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.8. Contentieux - Recevabilité de la réclamation
  • 8.4.8.3. Qualité pour agir

Aux termes du second alinéa de l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le droit de contester une élection appartient à toutes les personnes inscrites sur les listes électorales ou les listes électorales consulaires de la circonscription dans laquelle il a été procédé à l'élection ainsi qu'aux personnes qui ont fait acte de candidature ". S'agissant des élections sénatoriales, les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription sont l'ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales du département et non les seuls membres du collège électoral sénatorial défini à l'article L. 280 du même code.

(2011-4538 SEN, 12 janvier 2012, cons. 1, Journal officiel du 14 janvier 2012, page 750, texte n° 91)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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