Décision

Décision n° 2011-639 DC du 28 juillet 2011

Loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, le 13 juillet 2011, par MM. Jean-Marc AYRAULT, Jean-Paul BACQUET, Jacques BASCOU, Mmes Delphine BATHO, Chantal BERTHELOT, M. Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, M. Jean-Michel BOUCHERON, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Alain CACHEUX, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Gilles COCQUEMPOT, Mme Pascale CROZON, MM. Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, René DOSIÈRE, Julien DRAY, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Yves DURAND, Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Mmes Corinne ERHEL, Aurélie FILIPPETTI, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, M. Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Jean-Patrick GILLE, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Jean GRELLIER, David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Mme Marietta KARAMANLI, M. Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, M. Patrick LEMASLE, Mme Catherine LEMORTON, MM. Bernard LESTERLIN, Jean MALLOT, Mmes Jacqueline MAQUET, Jeanny MARC, Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Michel MÉNARD, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Mmes Marie-Renée OGET, George PAU-LANGEVIN, Sylvia PINEL, M. Philippe PLISSON, Mmes Catherine QUÉRÉ, Marie-Line REYNAUD , Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Marcel ROGEMONT, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, MM. Christophe SIRUGUE, Jean-Louis TOURAINE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 22 juillet 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 19 et 20 qui ont pour objet de modifier l'article L. 111-7-1 du code de la construction et de l'habitation ;

2. Considérant que le paragraphe I de l'article 19 de la loi déférée insère dans cet article L. 111-7-1 deux alinéas aux termes desquels : « Un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les conditions dans lesquelles des mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité prévues à l'article L. 111-7 lorsque le maître d'ouvrage apporte la preuve de l'impossibilité technique de les remplir pleinement du fait de l'implantation du bâtiment, de l'activité qui y est exercée ou de sa destination. - Ces mesures sont soumises à l'accord du représentant de l'État dans le département après avis conforme de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité » ;

3. Considérant que le paragraphe I de l'article 20 insère dans le même article L. 111-7-1 deux alinéas aux termes desquels : « Pour les logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l'entretien sont organisés et assurés de façon permanente, un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les exigences relatives à l'accessibilité prévues à l'article L. 111-7 et aux prestations que ceux-ci doivent fournir aux personnes handicapées. - Ces mesures sont soumises à l'accord du représentant de l'État dans le département après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité » ;

4. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ; qu'ils font également valoir que le législateur n'a pas suffisamment défini le champ et la nature des exceptions prévues par les dispositions contestées au principe d'accessibilité défini par l'article L.111-7 du code de la construction et de l'habitation ;

5. Considérant qu'aux termes des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. - Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;

6. Considérant qu'il est cependant possible au législateur, pour satisfaire à ces exigences, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;

7. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation : « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminées aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-3. Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage » ; que le premier alinéa de l'article L. 111-7-1 du même code confie à des décrets en Conseil d'État le soin de fixer les modalités relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées prévue à l'article L. 111-7 que doivent respecter les bâtiments ou parties de bâtiments nouveaux ;

9. Considérant que, d'une part, il est loisible au législateur de prévoir, s'agissant des logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l'entretien sont organisés et assurés de façon permanente, qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les exigences relatives à l'accessibilité prévue à l'article L. 111-7 et aux prestations que ces logements doivent fournir aux personnes handicapées ; que, par suite, le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence, ni les exigences découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 ; qu'en conséquence, l'article 20 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ;

10. Considérant que, d'autre part, pour les bâtiments et parties de bâtiments nouveaux, l'article 19 n'habilite pas le pouvoir réglementaire, comme il l'a fait à l'article 20, à fixer les exigences relatives à l'accessibilité que ceux-ci devraient respecter ; qu'aux termes des dispositions de cet article 19, dont la portée n'est pas éclairée par les travaux parlementaires, le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de « fixer les conditions dans lesquelles des mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité » prévues à l'article L. 111-7 ; qu'en adoptant de telles dispositions, qui ne répondent pas à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, le législateur n'a pas précisément défini l'objet des règles qui doivent être prises par le pouvoir réglementaire pour assurer l'accessibilité aux bâtiments et parties de bâtiments nouveaux ; que le législateur a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ; que, par suite, l'article 19 de la loi est contraire à la Constitution ;

11. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,

DÉCIDE :

Article 1.- L'article 19 de la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap est contraire à la Constitution.

Article 2.- L'article 20 est conforme à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Journal officiel du 30 juillet 2011, page 13011, texte n° 6
Recueil, p. 398
ECLI : FR : CC : 2011 : 2011.639.DC

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.1. Cas d'incompétence négative
  • 3.3.4.1.7. Autres droits et libertés

Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. Le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
Pour les bâtiments et parties de bâtiments nouveaux, l'article 19 de la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, déférée, n'habilite pas le pouvoir réglementaire, comme il l'a fait à l'article 20, à fixer les exigences relatives à l'accessibilité que ceux-ci devraient respecter. Aux termes des dispositions de cet article 19, dont la portée n'est pas éclairée par les travaux parlementaires, le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de " fixer les conditions dans lesquelles des mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité " prévues à l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation. En adoptant de telles dispositions, qui ne répondent pas à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, le législateur n'a pas précisément défini l'objet des règles qui doivent être prises par le pouvoir réglementaire pour assurer l'accessibilité aux bâtiments et parties de bâtiments nouveaux. Il a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence. Censure de l'article 19.

(2011-639 DC, 28 juillet 2011, cons. 7, 10, Journal officiel du 30 juillet 2011, page 13011, texte n° 6)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.10. AUTRES DROITS ET PRINCIPES SOCIAUX
  • 4.10.1. Droit à la protection sociale (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.10.1.1. Champ d'application
  • 4.10.1.1.5. Handicap et dépendance

Il est loisible au législateur de prévoir, s'agissant des logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l'entretien sont organisés et assurés de façon permanente, qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les exigences relatives à l'accessibilité prévue à l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation et aux prestations que ces logements doivent fournir aux personnes handicapées. Par suite, en adoptant l'article 20 de la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, le législateur n'a méconnu ni l'étendue de sa compétence, ni les exigences découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946. Validation.
Pour les bâtiments et parties de bâtiments nouveaux, le législateur n'habilite pas le pouvoir réglementaire à fixer les exigences relatives à l'accessibilité que ceux-ci devraient respecter. Par un article 19 dont la portée n'est pas éclairée par les travaux parlementaires, le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de " fixer les conditions dans lesquelles des mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité " prévues à l'article L. 111-7. En adoptant de telles dispositions, qui ne répondent pas à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, le législateur n'a pas précisément défini l'objet des règles qui doivent être prises par le pouvoir réglementaire pour assurer l'accessibilité aux bâtiments et parties de bâtiments nouveaux. Il a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence. Censure.

(2011-639 DC, 28 juillet 2011, cons. 9, 10, Journal officiel du 30 juillet 2011, page 13011, texte n° 6)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.3. Objectif d'accessibilité et d'intelligibilité (voir également ci-dessus Principe de clarté de la loi)

Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. Le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
Pour les bâtiments et parties de bâtiments nouveaux, l'article 19 de la loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, déférée, n'habilite pas le pouvoir réglementaire, comme le législateur l'a fait à l'article 20, à fixer les exigences relatives à l'accessibilité que ceux-ci devraient respecter. Aux termes des dispositions de cet article 19, dont la portée n'est pas éclairée par les travaux parlementaires, le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de " fixer les conditions dans lesquelles des mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité " prévues à l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation. En adoptant de telles dispositions, qui ne répondent pas à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, le législateur n'a pas précisément défini l'objet des règles qui doivent être prises par le pouvoir réglementaire pour assurer l'accessibilité aux bâtiments et parties de bâtiments nouveaux. Il a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence. Censure.

(2011-639 DC, 28 juillet 2011, cons. 7, 10, Journal officiel du 30 juillet 2011, page 13011, texte n° 6)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Projet de loi adopté le 28 juin 2011 (T.A. n° 150], Dossier complet sur le site du Sénat, Dossier complet sur le site de l'Assemblée nationale, Saisine par 60 députés, Observations du Gouvernement, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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