Décision

Décision n° 2011-144 QPC du 30 juin 2011

Départements de l'Hérault et des Côtes-d'Armor [Concours de l'État au financement par les départements de la prestation de compensation du handicap]
Conformité - réserve

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 346227-347269 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les départements de l'Hérault et des Côtes-d'Armor, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 14-10-4, L. 14-10-5, L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites en intervention pour les départements du Cher et du Val-d'Oise par la SCP CGCB et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 mai et 7 juin 2011 ;

Vu les observations produites en intervention pour le département de Seine-Maritime par Bruno Kern Avocats SELAS, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 mai 2011 ;

Vu les observations produites pour le département des Deux-Sèvres par la SELARL Boissonnet Rubi Raffin Giffo, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 18 mai 2011 ;

Vu les observations produites pour le département de l'Hérault par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ;

Vu les observations produites pour les départements de l'Allier, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, de Vaucluse et de l'Essonne par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 19 mai 2011 ;

Vu les observations produites pour les départements des Côtes-d'Armor et de Seine-et-Marne par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 19 mai 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 mai 2011 ;

Vu les observations produites en intervention pour les départements de la Gironde, de Loire-Atlantique, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Nièvre, des Pyrénées-Atlantiques et de la Seine-Saint-Denis par la SCP Seban et Associés, enregistrées les 19 et 26 mai et 6 juin 2011 ;

Vu les observations produites en intervention pour les départements de l'Aude, des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Creuse, de la Drôme, du Finistère, du Gard, de la Haute-Garonne, du Gers, des Landes, de la Meuse, des Hautes-Pyrénées et du Tarn par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 26, 27 et 30 mai, 1er et 6 juin 2011 ;

Vu les nouvelles observations produites pour les départements de l'Hérault, de la Dordogne, de l'Isère et des Pyrénées-Orientales par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25 mai et 7 juin 2011 ;

Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit Public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 26 mai 2011 ;

Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mai 2011 ;

Vu les nouvelles observations produites pour les départements de l'Allier, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, de Vaucluse et de l'Essonne par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 6 juin 2011 ;

Vu les nouvelles observations produites en intervention pour les départements de la Gironde, de Loire-Atlantique, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Nièvre et de la Seine-Saint-Denis par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 6 juin 2011 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Jean-François Boutet, Me Frédéric Thiriez, Me Didier Seban, Me Pierre Pintat, Me Bertrand Vendé, avocat au barreau de Nantes, Me Ferdinand de Soto, avocat au barreau de Paris, Me Bruno Kern, Me Marc Richer, avocat au barreau de Paris, Me Dominique Foussard et Me Denis Garreau pour les départements requérants et intervenants, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 juin 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par :
« 1 ° Une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics. Cette contribution a la même assiette que les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie. Elle est recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties que lesdites cotisations ;
« 2 ° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 0,3 % ;
« 3 ° Une fraction de 0,1 point du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code ;
« 4 ° Une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, représentative d'une fraction identique pour tous les régimes, déterminée par voie réglementaire, des sommes consacrées par chacun de ceux-ci en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles ; cette fraction ne peut être inférieure à la moitié ni supérieure aux trois quarts des sommes en cause. Le montant de cette participation est revalorisé chaque année, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, conformément à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année considérée.
« 5 ° La contribution des régimes d'assurance maladie mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 314-3. Cette contribution est répartie entre les régimes au prorata des charges qui leur sont imputables au titre du I de l'article L. 14-10-5 » ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-5 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie retrace ses ressources et ses charges en six sections distinctes selon les modalités suivantes :
« I. Une section consacrée au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 314-3-1, qui est divisée en deux sous-sections.
« 1. La première sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 1 ° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2 ° du même article qui accueillent principalement des personnes handicapées. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction au moins égale à 10 % et au plus égale à 14 % du produit des contributions visées aux 1 ° et 2 ° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ;
« b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services.
« 2. La deuxième sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 3 ° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2 ° du même article qui accueillent principalement des personnes âgées. Elle retrace :
« a) En ressources, 40 % du produit des contributions visées aux 1 ° et 2 ° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ;
« b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services.
« Les opérations comptables relatives aux produits et aux charges de la présente section sont effectuées simultanément à la clôture des comptes de l'exercice.
« II. Une section consacrée à la prestation d'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-1. Elle retrace :
« a) En ressources, 20 % du produit des contributions visées aux 1 ° et 2 ° de l'article L. 14-10-4, le produit mentionné au 4 ° du même article et le produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3 ° du même article, diminué du montant mentionné au IV du présent article ;
« b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le montant de ce concours est réparti selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-6.
« III. Une section consacrée à la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit des contributions visées aux 1 ° et 2 ° de l'article L. 14-10-4 ;
« b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de la prestation de compensation et un concours versé pour l'installation ou le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. Les montants de ces concours sont répartis selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-7.
« Avant imputation des contributions aux sections mentionnées aux V et VI, l'ensemble des ressources destinées aux personnes handicapées, soit au titre des établissements et services financés par la sous-section mentionnée au 1 du I, soit au titre de la présente section, doit totaliser 40 % du produit des contributions visées aux 1 ° et 2 ° de l'article L. 14-10-4.
« IV. Une section consacrée à la promotion des actions innovantes et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service en faveur des personnes âgées. Elle retrace :
« a) En ressources, une fraction du produit visé au 3 ° de l'article L. 14-10-4, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'action sociale, de la sécurité sociale et du budget, qui ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 12 % de ce produit ;
« b) En charges, le financement de dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation des métiers qui apportent au domicile des personnes âgées dépendantes une assistance dans les actes quotidiens de la vie, ainsi que de dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures de médicalisation des établissements et services mentionnés au 3 ° de l'article L. 314-3-1.
« Les projets financés par cette section doivent être agréés par l'autorité compétente de l'État, qui recueille le cas échéant, dans les cas et conditions fixés par voie réglementaire, l'avis préalable de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
« V. Une section consacrée au financement des autres dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, qui retrace le financement des autres actions qui entrent dans le champ de compétence de la caisse, au titre desquelles notamment les dépenses d'animation et de prévention, et les frais d'études dans les domaines d'action de la caisse :
« a) Pour les personnes âgées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et du budget, des ressources prévues au a du 2 du I ;
« b) Pour les personnes handicapées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes handicapées et du budget, des ressources prévues au a du III.
« VI. Une section consacrée aux frais de gestion de la caisse. Les charges de cette section sont financées par un prélèvement sur les ressources mentionnées aux 1 ° à 4 ° de l'article L. 14-10-4, réparti entre les sections précédentes au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées.
« Par dérogation au I de l'article L. 14-10-8, les reports de crédits peuvent être affectés, en tout ou partie, à d'autres sections, par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du budget après avis du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie » ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-7 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « I. Les concours mentionnés au III de l'article L. 14-10-5 sont répartis entre les départements selon des modalités fixées par décrets en Conseil d'État pris après avis de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en fonction de tout ou partie des critères suivants :
« a) Le nombre de bénéficiaires dans le département, au titre de l'année écoulée, de la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1, corrigé, en cas de variation importante, par la valeur de ce nombre sur les années antérieures. Pour les années au cours desquelles cette prestation n'était pas ou pas exclusivement en vigueur, ce nombre est augmenté du nombre de bénéficiaires de l'allocation compensatrice mentionnée à l'article L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
« b) Les caractéristiques des bénéficiaires et des montants individuels de prestation de compensation qui ont été versés au titre de l'année écoulée, et notamment le nombre de bénéficiaires d'allocations de montant élevé ;
« c) Le nombre de bénéficiaires des prestations prévues aux articles L. 341-1, L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale ;
« d) Le nombre de bénéficiaires de l'allocation prévue à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale ;
« e) La population adulte du département dont l'âge est inférieur à la limite fixée en application du I de l'article L. 245-1 du présent code ;
« f) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales.
« Le versement du concours relatif à l'installation et au fonctionnement des maisons départementales s'effectue conformément à une convention entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et le département concerné, visant à définir des objectifs de qualité de service pour la maison départementale des personnes handicapées et à dresser le bilan de réalisation des objectifs antérieurs.
« II. Le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de la prestation de compensation de chaque département après déduction du montant réparti conformément au I et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse.
« L'attribution résultant de l'opération définie au I pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements.
« Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent plus le seuil défini au premier alinéa du présent II » ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-8 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « I. Les crédits affectés, au titre d'un exercice, aux sections et sous-sections mentionnées à l'article L. 14-10-5, qui n'ont pas été consommés à la clôture de l'exercice, donnent lieu à report automatique sur les exercices suivants.
« II. Les produits résultant du placement, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, des disponibilités qui excèdent les besoins de trésorerie de la caisse sont affectés au financement des charges mentionnées aux II et III de l'article L. 14-10-5 » ;

5. Considérant que, selon les départements requérants, ces dispositions, qui fixent les modalités du concours de l'État aux départements pour le financement d'une partie des charges exposées par eux au titre de la prestation de compensation du handicap mentionnée à l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, ne permettent de répondre, en l'absence de ressources suffisantes, ni à l'importance ni à la croissance de ces charges ; qu'ainsi, elles entraveraient la libre administration des collectivités territoriales en méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution ;

6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article L. 14-10-4, le paragraphe III de l'article L. 14-10-5 et sur les articles L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée ;

7. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans ce cas, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution ; que cette exigence constitutionnelle n'impose pas au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation ;

8. Considérant que la prestation de compensation du handicap a été créée par la loi du 11 février 2005 susvisée ; qu'elle a remplacé, de manière progressive, à compter du 1er janvier 2006, l'allocation compensatrice pour tierce personne financée par les départements, afin d'élargir, d'une part, le champ des charges supportées par les personnes en raison de leur handicap qui sont couvertes par un financement public et, d'autre part, le champ des bénéficiaires ; qu'ainsi, elle constitue, pour les départements, une extension de leurs compétences ;

9. Considérant, en premier lieu, que, selon les dispositions contestées, cette extension de compétences s'est accompagnée de la mise en place d'un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges exposées par les départements au titre de l'allocation de compensation du handicap ; que ce concours est financé par une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie ; que cette dernière est constituée d'une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics sur l'assiette des cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie et d'une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les produits du capital et revenus du patrimoine mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale ; que le concours de la caisse nationale peut, en outre, être financé par une part des produits financiers attribués à ladite caisse nationale sur le fondement du paragraphe II de l'article L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles ;

10. Considérant, en second lieu, que l'article L. 14-10-7 du même code, dans son paragraphe I, fixe avec précision les critères démographiques, sociaux et financiers qui permettent de répartir entre les départements le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges résultant de la prestation de compensation du handicap ; que le même article, dans son paragraphe II, prévoit que les charges nettes résultant de la différence entre les dépenses exposées au titre de ladite prestation et le concours de la caisse nationale ne peuvent être supérieures à un pourcentage, fixé par voie réglementaire, du potentiel fiscal de chaque département ; qu'en cas de dépassement de ce pourcentage, les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse nationale ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce pourcentage à un niveau qui permette, compte tenu de l'ensemble des ressources des départements, que le principe de la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas dénaturé ; qu'en outre, si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de la garantie prévue par l'article L. 14-10-7 du code de l'action sociale et des familles, il appartiendrait aux pouvoirs publics de prendre les mesures correctrices appropriées ;

12. Considérant que, sous les réserves énoncées au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 72-2 de la Constitution, ni à son article 72 ;

13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE :

Article 1er.- Sous les réserves énoncées au considérant 11, l'article L. 14-10-4, le paragraphe III de l'article L. 14-10-5, les articles L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, sont conformes à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 30 juin 2011.

Journal officiel du 1er juillet 2011, page 11303, texte n° 101
Recueil, p. 333
ECLI : FR : CC : 2011 : 2011.144.QPC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
  • 1.5.14. Titre XII - Des collectivités territoriales
  • 1.5.14.2. Autres principes et règles applicables aux collectivités locales (articles 72 à 74-1 de la Constitution)

Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire. Dans ce cas, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution. Cette exigence constitutionnelle n'impose pas au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation.

(2011-144 QPC, 30 juin 2011, cons. 7, Journal officiel du 1er juillet 2011, page 11303, texte n° 101)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
  • 14.1.3. Libre administration des collectivités territoriales
  • 14.1.3.2. Absence de violation du principe

Les dispositions relatives à la compensation partielle par l'État des charges supportées par les départements au titre de la prestation de compensation du handicap qui s'analyse comme une extension de compétences (articles L. 14-10-4, L. 14-10-5, L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles), d'une part, prévoient les ressources suffisantes pour financer cette compensation et, d'autre part, garantissent que chaque département ne voit pas les dépenses nettes restant à sa charge dépasser un certain pourcentage de son potentiel fiscal. Ainsi, le principe de la libre administration n'est pas dénaturé sous la double réserve que le pouvoir réglementaire fixe ce pourcentage à un niveau qui soit suffisant compte tenu l'ensemble des ressources des départements et que les pouvoirs publics prennent les mesures correctrices appropriées si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de ladite garantie prévue par l'article L. 14-10-7.

(2011-144 QPC, 30 juin 2011, cons. 8, 9, 10, 11, 12, Journal officiel du 1er juillet 2011, page 11303, texte n° 101)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.3. FINANCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
  • 14.3.4. Compensation financière des transferts, création et extension de compétences (article 72-2, alinéa 4)
  • 14.3.4.1. Généralités

Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire. Dans ce cas, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution. Cette exigence constitutionnelle n'impose pas au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation.

(2011-144 QPC, 30 juin 2011, cons. 7, Journal officiel du 1er juillet 2011, page 11303, texte n° 101)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.3. FINANCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
  • 14.3.4. Compensation financière des transferts, création et extension de compétences (article 72-2, alinéa 4)
  • 14.3.4.3. Création et extension de compétences
  • 14.3.4.3.2. Existence

Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire. Dans ce cas, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution. Cette exigence constitutionnelle n'impose pas au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation.

(2011-144 QPC, 30 juin 2011, cons. 7, Journal officiel du 1er juillet 2011, page 11303, texte n° 101)

Les dispositions relatives à la compensation partielle par l'État des charges supportées par les départements au titre de la prestation de compensation du handicap qui s'analyse comme une extension de compétences (articles L. 14-10-4, L. 14-10-5, L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles), d'une part, prévoient les ressources suffisantes pour financer cette compensation et, d'autre part, garantissent que chaque département ne voit pas les dépenses nettes restant à sa charge dépasser un certain pourcentage de son potentiel fiscal. Ainsi, le principe de la libre administration n'est pas dénaturé sous la double réserve que le pouvoir réglementaire fixe ce pourcentage à un niveau qui soit suffisant compte tenu l'ensemble des ressources des départements et que les pouvoirs publics prennent les mesures correctrices appropriées si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de ladite garantie prévue par l'article L. 14-10-7.

(2011-144 QPC, 30 juin 2011, cons. 8, 9, 10, 11, Journal officiel du 1er juillet 2011, page 11303, texte n° 101)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.15. DROIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
  • 16.15.12. Concours de l'État au financement des charges liées à la prestation de compensation du handicap (loi n° 2005-102 du 11 février 2005) - Préservation de la libre administration

Les dispositions relatives à la compensation partielle par l'État des charges supportées par les départements au titre de la prestation de compensation du handicap qui s'analyse comme une extension de compétences (articles L. 14-10-4, L. 14-10-5, L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles), d'une part, prévoient les ressources suffisantes pour financer cette compensation et, d'autre part, garantissent que chaque département ne voit pas les dépenses nettes restant à sa charge dépasser un certain pourcentage de son potentiel fiscal. Ainsi, le principe de la libre administration n'est pas dénaturé sous la double réserve que le pouvoir réglementaire fixe ce pourcentage à un niveau qui soit suffisant compte tenu l'ensemble des ressources des départements et que les pouvoirs publics prennent les mesures correctrices appropriées si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de ladite garantie prévue par l'article L. 14-10-7.

(2011-144 QPC, 30 juin 2011, cons. 11, Journal officiel du 1er juillet 2011, page 11303, texte n° 101)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi CE, Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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