Décision

Décision n° 2010-41 QPC du 29 septembre 2010

Société Cdiscount et autre [Publication du jugement de condamnation]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12148 du 8 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société CDISCOUNT et M. Christophe C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 121-4 du code de la consommation.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code pénal ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 août 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

L'affaire ayant été appelée à l'audience publique du 14 septembre 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-4 du code de la consommation : « En cas de condamnation, le tribunal ordonne la publication du jugement. Il peut, de plus, ordonner la diffusion, aux frais du condamné, d'une ou de plusieurs annonces rectificatives. Le jugement fixe les termes de ces annonces et les modalités de leur diffusion et impartit au condamné un délai pour y faire procéder ; en cas de carence et sans préjudice des pénalités prévues à l'article L. 121-7, il est procédé à cette diffusion à la diligence du ministère public aux frais du condamné » ;

2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte aux principes de nécessité et d'individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d'individualisation des peines qui découle de cet article implique que la peine de publication du jugement ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ;

4. Considérant qu'en instituant une peine obligatoire directement liée à un comportement délictuel commis par voie de publicité, l'article L. 121-4 du code de la consommation vise à renforcer la répression des délits de publicité mensongère et à assurer l'information du public de la commission de tels délits ;

5. Considérant que le juge qui prononce une condamnation pour le délit de publicité mensongère est tenu d'ordonner la publication du jugement de condamnation ; que, toutefois, outre la mise en oeuvre des dispositions du code pénal relatives à la dispense de peine, il lui appartient de fixer, en application de l'article 131-35 du code pénal, les modalités de cette publication ; qu'il peut ainsi en faire varier l'importance et la durée ; que, dans ces conditions, le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine ; que, par suite, l'article L. 121-4 du code de la consommation n'est pas contraire à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;

6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE :

Article 1er.- L'article L. 121-4 du code de la consommation est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 septembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 29 septembre 2010.

Journal officiel du 30 septembre 2010, page 17783, texte n° 107
Recueil, p. 257
ECLI : FR : CC : 2010 : 2010.41.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.1. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
  • 4.1.1.6. Article 8

Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

(2010-41 QPC, 29 septembre 2010, cons. 3, Journal officiel du 30 septembre 2010, page 17783, texte n° 107)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.3. Principes de nécessité et de proportionnalité
  • 4.23.3.6. Non-automaticité des peines

Le principe d'individualisation des peines implique que la peine de publication du jugement ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.
En instituant une peine obligatoire directement liée à un comportement délictuel commis par voie de publicité, l'article L. 121-4 du code de la consommation vise à renforcer la répression des délits de publicité mensongère et à assurer l'information du public de la commission de tels délits.
Le juge qui prononce une condamnation pour le délit de publicité mensongère est tenu d'ordonner la publication du jugement de condamnation. Toutefois, outre la mise en œuvre des dispositions du code pénal relatives à la dispense de peine, il lui appartient de fixer, en application de l'article 131-35 du code pénal, les modalités de cette publication. Il peut ainsi en faire varier l'importance et la durée. Dans ces conditions, le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine.

(2010-41 QPC, 29 septembre 2010, cons. 3, 4, 5, Journal officiel du 30 septembre 2010, page 17783, texte n° 107)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.5. Principe d'individualisation des peines
  • 4.23.5.1. Valeur constitutionnelle
  • 4.23.5.1.2. Rattachement à l'article 8 de la Déclaration de 1789

Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, implique que la peine d'annulation du permis de conduire ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.

(2010-41 QPC, 29 septembre 2010, cons. 3, Journal officiel du 30 septembre 2010, page 17783, texte n° 107)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi Cass., Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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