Décision

Décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008

Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, le 25 juillet 2008, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Mme Delphine BATHO, M. Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Bernard CAZENEUVE, Jean-Paul CHANTEGUET, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, M. Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Mme Odette DURIEZ, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mme Corinne ERHEL, MM. Laurent FABIUS, Albert FACON, Hervé FÉRON, Mme Aurélie FILIPPETTI, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Claude FRUTEAU, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Jean-Patrick GILLE, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Gaëtan GORCE, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, M. François HOLLANDE, Mme Monique IBORRA, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mmes Marietta KARAMANLI, Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, M. Michel LEFAIT, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Mme Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Arnaud MONTEBOURG, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henry NAYROU, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, George PAU-LANGEVIN, MM. Christian PAUL, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PÉREZ, Mme Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, MM. Philippe PLISSON, Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, MM. Christophe SIRUGUE, Pascal TERRASSE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ, Philippe VUILQUE, Mme Chantal BERTHELOT, MM. Gérard CHARASSE, René DOSIÈRE, Paul GIACOBBI, Christian HUTIN, Serge LETCHIMY, Albert LIKUVALU, Mmes Jeanny MARC, Martine PINVILLE, M. Simon RENUCCI, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Marcel ROGEMONT, Mmes Christiane TAUBIRA, Marie-Hélène AMIABLE, MM. François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Jacques FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXES, François de RUGY, Alfred MARIE-JEANNE et Mme Huguette BELLO, députés,
et, le même jour, par M. Jean-Pierre BEL, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Mmes Maryse BERGÉ-LAVIGNE, Marie-Christine BLANDIN, MM. Yannick BODIN, Didier BOULAUD, Mmes Alima BOUMEDIENE-THIERY, Yolande BOYER, Nicole BRICQ, Claire-Lise CAMPION, Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Yves DAUGE, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jacques GILLOT, Jean-Pierre GODEFROY, Mmes Odette HERVIAUX, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, M. Charles JOSSELIN, Mme Bariza KHIARI, M. Serge LAGAUCHE, Mme Raymonde LE TEXIER, MM. André LEJEUNE, Roger MADEC, Jacques MAHÉAS, François MARC, Marc MASSION, Pierre MAUROY, Jean-Luc MÉLENCHON, Louis MERMAZ, Gérard MIQUEL, Jean-Marc PASTOR, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-François PICHERAL, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Daniel REINER, Thierry REPENTIN, Roland RIES, Gérard ROUJAS, André ROUVIÈRE, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Michel SERGENT, Jacques SIFFRE, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, André VANTOMME, Mme Dominique VOYNET et M. Richard YUNG, sénateurs ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 30 juillet 2008 ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 3 et 18 ;

- SUR L'ARTICLE 3 :

2. Considérant que le VII de l'article 3 de la loi déférée modifie l'article L. 1111-2 du code du travail afin de préciser que, pour la mise en oeuvre de ce code, les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure sont pris en compte dans les effectifs de l'entreprise utilisatrice lorsqu'ils sont présents dans ses locaux et y travaillent depuis au moins un an ; que son VIII insère dans le même code un article L. 2314-18-1 qui prévoit, pour l'élection des délégués du personnel, une condition de présence dans l'entreprise utilisatrice de douze mois continus pour être électeurs et de vingt-quatre mois continus pour être éligibles ; que les salariés mis à disposition choisissent d'exercer leur droit de vote et de candidature dans l'entreprise qui les emploie ou dans celle où ils travaillent ; que son IX insère dans le code du travail un article L. 2324-17-1 qui soumet la participation des salariés mis à disposition à l'élection des représentants du personnel au comité d'entreprise à une présence de douze mois continus dans l'entreprise ; que ces salariés, qui ne sont pas éligibles, choisissent également d'exercer leur droit de vote dans l'entreprise qui les emploie ou dans celle où ils travaillent ;

3. Considérant que les requérants dénoncent les restrictions apportées par le législateur à l'exercice du droit de vote et d'éligibilité des salariés mis à disposition ; qu'ils lui reprochent d'avoir écarté des salariés qui sont intégrés de façon permanente et étroite à la communauté de travail que constitue l'entreprise et d'avoir méconnu, par suite, le principe de participation à la gestion de l'entreprise ; qu'ils font également valoir que les dispositions qu'ils critiquent conduiront à traiter différemment des salariés travaillant dans une même entreprise selon qu'ils sont ou ne sont pas liés à elle par un contrat de travail ;

4. Considérant, en premier lieu, que, si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son huitième alinéa, que : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; qu'ainsi, c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en oeuvre ;

5. Considérant que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ;

6. Considérant que le droit de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à « la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés ; que le législateur a entendu préciser cette notion d'intégration à la communauté de travail afin de renforcer la sécurité juridique des entreprises et des salariés ; qu'il a prévu, à cet effet, des conditions de présence continue dans les locaux de l'entreprise, fixées respectivement à douze et vingt-quatre mois, pour que les salariés mis à disposition puissent être électeurs ou éligibles dans l'entreprise où ils travaillent ; que ces dispositions ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que, si le législateur a précisé que ces salariés devraient exercer leur droit de vote dans l'entreprise qui les emploie ou dans l'entreprise utilisatrice, c'est afin d'éviter ou de restreindre des situations de double vote ; qu'ainsi, les critères objectifs et rationnels fixés par le législateur ne méconnaissent pas les exigences du huitième alinéa du Préambule de 1946 ;

7. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

8. Considérant qu'il était loisible au législateur, pour les motifs évoqués ci-dessus, de ne pas conférer à l'ensemble des travailleurs mis à disposition d'une entreprise le droit d'être électeurs ou d'être éligibles pour la désignation des délégués du personnel et des représentants des salariés au comité d'entreprise ; que la différence de traitement qu'il a établie est en rapport direct avec l'objectif qu'il s'était fixé ;

9. Considérant, dans ces conditions, que les griefs dirigés contre l'article 3 de la loi déférée doivent être rejetés ;

- SUR L'ARTICLE 18 :

10. Considérant que l'article 18 de la loi déférée porte sur la détermination du contingent d'heures supplémentaires, les modalités de dépassement de ce contingent et la contrepartie en repos ; que le I de cet article donne une nouvelle rédaction à l'article L. 3121-11 du code du travail et y insère un article L. 3121-11-1 ; que son II abroge les articles L. 3121-12 à L. 3121-14, L. 3121-17 à L. 3121-19 ainsi que les articles L. 3121-26 à L. 3121-32 qui constituent la division du code du travail consacrée au « repos compensateur obligatoire » ; que son III réécrit les deux premiers alinéas de l'article L. 3121-24 de ce code ; qu'enfin, son IV organise les conditions dans lesquelles ces nouvelles règles affectent les clauses des conventions et accords collectifs antérieurs relatifs aux heures supplémentaires et à leur compensation en repos ;

11. Considérant que ces dispositions ont pour objet, en premier lieu, de confier à la convention d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, à la convention de branche ou, à défaut, au décret, le soin de déterminer le contingent annuel des heures supplémentaires ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà de ce contingent annuel ; qu'en deuxième lieu, elles suppriment, pour les entreprises de plus de vingt salariés, le repos compensateur pour les heures supplémentaires accomplies à l'intérieur du contingent annuel ; qu'en troisième lieu, elles permettent qu'une convention ou un accord collectif au niveau de l'entreprise ou, subsidiairement, de la branche, d'une part, prévoie une telle compensation et, d'autre part, autorise le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires ainsi que des majorations par un repos compensateur équivalent ; qu'enfin, elles suppriment les obligations d'informer l'inspecteur du travail de l'accomplissement des heures supplémentaires dans la limite du contingent et d'obtenir son autorisation pour les heures supplémentaires accomplies au-delà de cette limite ;

12. Considérant que, selon les requérants, en laissant à l'accord d'entreprise ou, à défaut, à l'accord de branche « le soin de fixer l'ensemble des conditions d'accomplissement des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ainsi que les modalités de prise d'une contrepartie en repos pour toute heure effectuée au-delà du contingent » et « en supprimant l'ensemble des articles du code du travail relatifs au repos compensateur obligatoire », l'article 18 de la loi méconnaît l'article 34 de la Constitution ; qu'ils soulignent que la loi doit déterminer elle-même les principes fondamentaux du droit du travail et encadrer précisément « le champ ouvert à la négociation collective » ; qu'ils font valoir, en particulier, qu'au regard du onzième alinéa du Préambule de 1946, la suppression du repos compensateur obligatoire « constitue une remise en cause fondamentale de l'ordre public social » et que le renvoi à la négociation collective et, à défaut, au décret prive de garanties légales les exigences constitutionnelles en matière de protection de la santé ;

. En ce qui concerne la contrepartie en repos des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel :

13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 3121-11 du code du travail, tel qu'il résulte du I de l'article 18 : « Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel » ; qu'en outre, le II de l'article 18 abroge les articles L. 3121-26 à L. 3121-32 du code du travail relatifs au « repos compensateur obligatoire » ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux… du droit du travail » ; que le Préambule de 1946 dispose, en son huitième alinéa, que : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; qu'il résulte de ces dispositions que, s'il est loisible au législateur de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités concrètes d'application des principes fondamentaux du droit du travail et de prévoir qu'en l'absence de convention collective ces modalités d'application seront déterminées par décret, il lui appartient d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution ;

15. Considérant que les dispositions contestées prévoient une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, mais suppriment tout encadrement de sa durée minimale ou des conditions dans lesquelles elle doit être prise, alors que, par ailleurs, le seuil de déclenchement de cette obligation de repos n'est pas lui-même encadré par la loi ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur le grief tiré de la méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de 1946, le législateur n'a pas défini de façon précise les conditions de mise en œuvre du principe de la contrepartie obligatoire en repos et a, par suite, méconnu l'étendue de la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution ;

16. Considérant qu'en l'absence de toute autre garantie légale encadrant la détermination de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires prises au-delà du contingent annuel ou les conditions dans lesquelles elle doit être prise, doit être déclarée contraire à la Constitution la référence à « la durée » de la contrepartie obligatoire en repos, qui figure aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3121-11 du code du travail dans sa rédaction issue du I de l'article 18 de la loi déférée ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de déclarer également contraires à la Constitution les mots : « À titre transitoire et pendant cette période » figurant à la deuxième phrase du IV du même article 18 ;

. En ce qui concerne les conventions et accords antérieurs :

17. Considérant qu'aux termes de la première phrase du IV de l'article 18 : « Les clauses des conventions et accords conclus sur le fondement des articles L. 3121-11 à L. 3121-13 et L. 3121-17 du code du travail ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 713-11 du code rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur au plus tard jusqu'au 31 décembre 2009 » ;

18. Considérant que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que, s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de 1946 ;

19. Considérant que la première phrase du IV de l'article 18 a pour effet de supprimer, au 1er janvier 2010, toutes les clauses des conventions antérieures relatives aux heures supplémentaires afin que de nouvelles négociations soient engagées au niveau des entreprises ou, à défaut, des branches ; que cette suppression touche plusieurs centaines de conventions ou accords collectifs applicables à plusieurs millions de salariés ; qu'elle porte sur des clauses relatives au contingent d'heures supplémentaires dont la teneur ne méconnaît pas la nouvelle législation ; qu'elle affecte, d'une part, des conventions ou accords collectifs de branche autorisant déjà la négociation de conventions d'entreprise en vertu du 9 ° de l'article 43 de la loi du 4 mai 2004 susvisée et, d'autre part, des conventions d'entreprise ou d'établissement conclues sur le fondement de cette dérogation ; que, dès la publication de la loi, les parties à la négociation collective au niveau de l'entreprise ou de la branche peuvent, après dénonciation des conventions antérieures, négocier et conclure des accords, sans attendre le 1er janvier 2010, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi nouvelle ; qu'enfin, la suppression des clauses relatives aux heures supplémentaires au sein des conventions existantes en modifierait l'équilibre et conférerait à ces accords antérieurs d'autres effets que ceux que leurs signataires ont entendu leur attacher ;

20. Considérant, dès lors, qu'eu égard à l'atteinte ainsi portée aux conventions en cours, la première phrase du IV de l'article 18, qui supprime les clauses antérieures relatives aux heures supplémentaires, méconnaît les exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus et doit, par suite, être déclarée contraire à la Constitution ; qu'au demeurant, le législateur ayant entendu, en adoptant l'article 18, modifier l'articulation entre les différentes conventions collectives pour développer la négociation d'entreprise en matière d'heures supplémentaires, il s'ensuit qu'en l'absence de la première phrase de ce IV, les dispositions de son I s'appliquent immédiatement et permettent la négociation d'accords d'entreprise nonobstant l'existence éventuelle de clauses contraires dans des accords de branche ;

21. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,

D É C I D E :

Article premier.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de l'article 18 de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail :

  • au I, le membre de phrase : « la durée, » figurant aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3121-11 du code du travail ;
  • la première phrase du IV et, dans la deuxième phrase du IV, les mots : « À titre transitoire et pendant cette période ».

Article 2.- L'article 3 et le surplus de l'article 18 de la même loi ne sont pas contraires à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 août 2008, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.

Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3
Recueil, p. 352
ECLI : FR : CC : 2008 : 2008.568.DC

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.15. Droit du travail et droit de la sécurité sociale
  • 3.7.15.1. Droit du travail
  • 3.7.15.1.2. Droits des travailleurs
  • 3.7.15.1.2.2. Droit à la participation

Il résulte de l'article 34 de la Constitution et du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 que, s'il est loisible au législateur de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités concrètes d'application des principes fondamentaux du droit du travail et de prévoir qu'en l'absence de convention collective ces modalités d'application seront déterminées par décret, il lui appartient d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution. Le I de l'article 18 de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail prévoit une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, mais supprime tout encadrement de sa durée minimale ou des conditions dans lesquelles elle doit être prise, alors que, par ailleurs, le seuil de déclenchement de cette obligation de repos n'est pas lui-même encadré par la loi. Dès lors, le législateur n'a pas défini de façon précise les conditions de mise en œuvre du principe de la contrepartie obligatoire en repos et a, par suite, méconnu l'étendue de la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution. En l'absence de toute autre garantie légale encadrant la détermination de la contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires prises au-delà du contingent annuel ou les conditions dans lesquelles elle doit être prise, le Conseil a censuré le renvoi à la négociation collective ou, subsidiairement, au décret pour définir " la durée " de la contrepartie obligatoire en repos.

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 14, 15, 16, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.13. LIBERTÉ CONTRACTUELLE ET DROIT AU MAINTIEN DE L'ÉCONOMIE DES CONVENTIONS LÉGALEMENT CONCLUES
  • 4.13.2. Droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues
  • 4.13.2.1. Portée du principe

Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que, s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 18, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.13. LIBERTÉ CONTRACTUELLE ET DROIT AU MAINTIEN DE L'ÉCONOMIE DES CONVENTIONS LÉGALEMENT CONCLUES
  • 4.13.2. Droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues
  • 4.13.2.2. Conciliation du principe
  • 4.13.2.2.1. Avec des exigences constitutionnelles ou d'intérêt général

Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que, s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
La première phrase du IV de l'article 18 a pour effet de supprimer, au 1er janvier 2010, toutes les clauses des conventions antérieures relatives aux heures supplémentaires afin que de nouvelles négociations soient engagées au niveau des entreprises ou, à défaut, des branches ; cette suppression touche plusieurs centaines de conventions ou accords collectifs applicables à plusieurs millions de salariés ; elle porte sur des clauses relatives au contingent d'heures supplémentaires dont la teneur ne méconnaît pas la nouvelle législation ; elle affecte, d'une part, des conventions ou accords collectifs de branche autorisant déjà la négociation de conventions d'entreprise en vertu du 9° de l'article 43 de la loi du 4 mai 2004 et, d'autre part, des conventions d'entreprise ou d'établissement conclues sur le fondement de cette dérogation ; dès la publication de la loi, les parties à la négociation collective au niveau de l'entreprise ou de la branche peuvent, après dénonciation des conventions antérieures, négocier et conclure des accords, sans attendre le 1er janvier 2010, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi nouvelle ; enfin, la suppression des clauses relatives aux heures supplémentaires au sein des conventions existantes en modifierait l'équilibre et conférerait à ces accords antérieurs d'autres effets que ceux que leurs signataires ont entendu leur attacher ; dès lors, eu égard à l'atteinte ainsi portée aux conventions en cours, la première phrase du IV de l'article 18, qui supprime les clauses antérieures relatives aux heures supplémentaires, méconnaît les exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus et doit, par suite, être déclarée contraire à la Constitution ; au demeurant, le législateur ayant entendu, en adoptant l'article 18, modifier l'articulation entre les différentes conventions collectives pour développer la négociation d'entreprise en matière d'heures supplémentaires, il s'ensuit qu'en l'absence de la première phrase de ce IV, les dispositions de son I s'appliquent immédiatement et permettent la négociation d'accords d'entreprise nonobstant l'existence éventuelle de clauses contraires dans des accords de branche.

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 18, 19, 20, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.1. Principe

Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 7, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.5. Considérations d'intérêt général justifiant une différence de traitement
  • 5.1.5.9. Droit social

Il était loisible au législateur, pour préciser la notion d'intégration à la communauté de travail afin de renforcer la sécurité juridique des entreprises ayant recours à la sous-traitance et des salariés mis à leur disposition, de ne pas conférer à l'ensemble des travailleurs mis à disposition d'une entreprise le droit d'être électeurs ou d'être éligibles pour la désignation des délégués du personnel et des représentants des salariés au comité d'entreprise. La différence de traitement qu'il a établie est en rapport direct avec l'objectif qu'il s'était fixé.

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 8, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.5. GRIEFS (contrôle a priori des lois - article 61 de la Constitution)
  • 11.5.2. Griefs inopérants, manquant en fait, surabondants ou mal dirigés
  • 11.5.2.3. Griefs surabondants

Le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution, pour incompétence négative, le I de l'article 18 de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail fixant le principe d'une contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel " sans qu'il soit besoin pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur le grief tiré de la méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ".

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 15, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.7. EXAMEN DE LA CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.7.1. Nature du contrôle
  • 11.7.1.1. Pouvoir d'appréciation conféré au Conseil constitutionnel

La Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen.

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 5, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.10. DROIT SOCIAL
  • 16.10.12. Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 2008-789 du 20 août 2008)

Eu égard à l'atteinte portée aux conventions en cours, la première phrase du IV de l'article 18 de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui supprime les clauses antérieures relatives aux heures supplémentaires, méconnaît les exigences constitutionnelles relatives à la remise en cause des contrats légalement conclus et doit, par suite, être déclarée contraire à la Constitution. Compte tenu de la censure de cette phrase qui régissait l'application dans le temps du I de l'article 18, le Conseil juge qu'au demeurant, le législateur ayant entendu, en adoptant cet article, modifier l'articulation entre les différentes conventions collectives pour développer la négociation d'entreprise en matière d'heures supplémentaires, il s'ensuit que les dispositions de son I s'appliquent immédiatement.

(2008-568 DC, 07 août 2008, cons. 20, Journal officiel du 21 août 2008, page 13079, texte n° 3)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Législation consolidée, Projet de loi adopté le 23 juillet 2008 (T.A. n° 143), Dossier complet sur le site de l'Assemblée nationale, Dossier complet sur le site du Sénat, Saisine par 60 sénateurs, Saisine par 60 députés, Observations du gouvernement, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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