Décision

Décision n° 2007-4359 AN du 27 mars 2008

A.N., Rhône (11ème circ.)
Annulation - Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 janvier 2008, la décision en date du 7 janvier 2008 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Georges FENECH, candidat élu à l'élection législative qui a eu lieu les 10 et 17 juin 2007 dans la 11ème circonscription du Rhône ;

Vu la demande d'audition présentée pour M. FENECH, enregistrée le 5 février 2008 ;

Vu le mémoire en défense présenté pour M. FENECH, enregistré le 8 février 2008 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le député et ses conseils ayant été entendus ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : « Tout candidat à une élection désigne un mandataire au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique... - Le mandataire... règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou un groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal... » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » ; qu'en vertu du second alinéa de l'article L.O. 128 du même code, est inéligible pendant un an celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu'il est énoncé à l'article L.O. 136-1 de ce code que la Commission précitée « saisit le Conseil constitutionnel du cas de tout candidat susceptible de se voir opposer les dispositions du deuxième alinéa de l'article L.O. 128. Le Conseil constitutionnel constate, le cas échéant, l'inéligibilité et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, il le déclare, par la même décision, démissionnaire d'office » ;

2. Considérant, en premier lieu, que si M. FENECH soutient que c'est à tort que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a estimé qu'il ne justifiait pas, par les éléments qu'il produisait devant elle, de la correspondance entre le montant des retraits d'espèces effectués sur le compte du mandataire financier et celui des dépenses présentées comme payées en espèces, une telle affirmation revêt en tout état de cause, dans la décision de la Commission, un caractère surabondant et n'en constitue pas le fondement ;

3. Considérant, en second lieu, que si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat règle directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ;

4. Considérant que M. FENECH et plusieurs personnes participant à sa campagne électorale ont réglé directement, postérieurement à la désignation du mandataire financier et sans l'intervention de celui-ci, des sommes d'un montant total de 6 261 €, exposées pour les besoins de cette campagne ; qu'à supposer même que la part de ces dépenses réglées par M. FENECH lui-même corresponde, ainsi qu'il le soutient, à des concours en nature du candidat, les autres dépenses réglées sans l'intervention du mandataire financier représentent 8,17 % du total des dépenses du compte de campagne et 7,6 % du plafond, fixé à 64 313 € pour cette élection ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. FENECH, le règlement par une militante, en lieu et place du mandataire financier, des factures d'achat de denrées alimentaires nécessaires à la préparation de buffets dans le cadre de l'organisation de réunions électorales ne saurait constituer un don en nature de la part de cette personne ; que, si M. FENECH invoque l'indisponibilité de son mandataire financier pour raison de santé, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance a présenté en l'espèce le caractère d'un événement de force majeure ; que, s'il fait état de sa bonne foi et de ce que les sommes réglées directement par les militants ont été remboursées à ces derniers par le mandataire financier et portées au compte de campagne, ces circonstances ne sont pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 52-4, lesquelles ont été méconnues en l'espèce ; que c'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne ; que, par suite, il appartient au Conseil constitutionnel, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de constater l'inéligibilité de M. FENECH pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision et de le déclarer démissionnaire d'office,

D É C I D E :
Article premier.- M. Georges FENECH est déclaré inéligible pour une durée d'un an à compter du 27 mars 2008.
Article 2.- M. FENECH est déclaré démissionnaire d'office.
Article 3.- La présente décision sera notifiée à M. FENECH et au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 mars 2008, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.

Journal officiel du 3 avril 2008, page 5647, texte n° 110
Recueil, p. 160
ECLI : FR : CC : 2008 : 2007.4359.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Les dépenses réglées directement par le candidat et plusieurs personnes participant à sa campagne électorale, postérieurement à la désignation de son mandataire et sans l'intervention de celui-ci, représentent, même en déduisant les dépenses qui correspondraient, selon le candidat, à des concours en nature de sa part, 8,17 % du total des dépenses du compte de campagne et 7,6 % du plafond. Contrairement à ce que soutient le candidat, le règlement par une militante, en lieu et place du mandataire financier, des factures d'achat de denrées alimentaires nécessaires à la préparation de buffets dans le cadre de l'organisation de réunions électorales ne saurait constituer un don en nature de la part de cette personne. Inopérance de l'indisponibilité de son mandataire financier pour raison de santé, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance a présenté en l'espèce le caractère d'un événement de force majeure, de sa bonne foi et de ce que les sommes réglées directement par les militants ont été remboursées à ces derniers par le mandataire financier et portées au compte de campagne. Rejet à bon droit. Inéligibilité. Démission d'office.

(2007-4359 AN, 27 mars 2008, cons. 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 3 avril 2008, page 5647, texte n° 110)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.9. Inéligibilité du candidat élu
  • 8.3.5.9.2. Démission d'office du candidat élu

Après avoir constaté le rejet à bon droit du compte de campagne d'un candidat proclamé élu pour violation de l'article L. 52-4 du code électoral, le Conseil constitutionnel constate, en application de l'article L.O. 136-1, son inéligibilité pour une durée d'un an à compter de la décision et le déclare démissionnaire d'office.

(2007-4359 AN, 27 mars 2008, cons. 5, Journal officiel du 3 avril 2008, page 5647, texte n° 110)
À voir aussi sur le site : Références doctrinales, Version PDF de la décision.
Toutes les décisions