Décision

Décision n° 2004-19 I du 23 décembre 2004

Situation de Monsieur Serge DASSAULT, sénateur de l'Essonne, au regard du régime des incompatibilités parlementaires
Compatibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Saisi le 2 décembre 2004 par le président du Sénat, au nom du bureau de cette assemblée, dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.O. 151 du code électoral, d'une demande tendant à apprécier si M. Serge Dassault, sénateur de l'Essonne, se trouve dans un cas d'incompatibilité ;

Vu les observations produites par M. Dassault, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 10 et 21 décembre 2004 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 146, L.O. 151 et L.O. 297 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la question posée au Conseil constitutionnel est de savoir si les fonctions déclarées par M. Serge Dassault en application de l'article L.O. 151 du code électoral sont compatibles avec son mandat parlementaire ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L.O. 146 du code électoral, applicable en l'espèce : « Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans : - 1º les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'Etat ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ; - 2º les sociétés ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et les organes de direction, d'administration ou de gestion de ces sociétés ; - 3º les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un Etat étranger ; - 4º les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ; - 5º les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1º, 2º, 3º et 4º ci-dessus. - Les dispositions du présent article sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, exerce en fait la direction de l'un des établissements, sociétés ou entreprises ci-dessus visés » ;

3. Considérant, en premier lieu, que tout texte édictant une incompatibilité et qui a donc pour effet de porter une atteinte à l'exercice d'un mandat électif doit être strictement interprété ; que tel est le cas de l'article L.O. 146 du code électoral ;

4. Considérant, en second lieu, que, pour l'appréciation de la situation d'un parlementaire au regard de l'article L.O. 146, le Conseil constitutionnel doit se placer à la date à laquelle il prend sa décision ; qu'il n'y a donc pas lieu de tenir compte de circonstances ayant pris fin antérieurement à cette décision ;

. En ce qui concerne les 1 ° à 4 ° de l'article L.O. 146 :

5. Considérant que, si M. Dassault exerce dans certaines sociétés des fonctions visées par le premier alinéa de l'article L.O. 146, il résulte de l'instruction que lesdites sociétés n'entrent pas dans le champ d'application de cet article ; que, par ailleurs, il n'exerce au sein des sociétés qui entrent dans le champ d'application de l'article L.O. 146 aucune des fonctions qui sont visées par le premier alinéa de cet article ;

. En ce qui concerne le 5 ° de l'article L.O. 146 :

6. Considérant que le 5 ° de l'article L.O. 146 interdit aux parlementaires d'exercer certaines fonctions dans les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés visées aux 1º, 2º, 3º et 4º du même article ; qu'en revanche, il ne mentionne pas les sociétés qui, à l'instar du Groupe industriel Marcel Dassault, présidé et dirigé par M. Serge Dassault, détiennent de telles participations ;

. En ce qui concerne le dernier alinéa de l'article L.O. 146 :

7. Considérant qu'il ne résulte pas des éléments d'information dont dispose le Conseil constitutionnel que M. Dassault exerce en fait, au jour de la présente décision, directement ou par personne interposée, la direction de l'une ou de plusieurs des sociétés, et notamment de la société anonyme Dassault aviation, entrant dans le champ d'application de l'article L.O. 146 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'état de la législation régissant les incompatibilités avec le mandat parlementaire, il n'est pas établi que M. Dassault se trouve dans un des cas d'incompatibilité prévus à l'article L.O. 146 du code électoral ; qu'il appartiendrait au bureau du Sénat ou au garde des sceaux, ministre de la justice, de saisir à nouveau le Conseil constitutionnel de la situation de l'intéressé si le justifiaient des faits ou informations postérieurs à la présente décision,

Décide :
Article premier.- M. Serge Dassault, au jour de la présente décision, ne se trouve dans aucun des cas d'incompatibilité prévus à l'article L.O. 146 du code électoral.
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président du Sénat, à M. Dassault et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 décembre 2004, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.

Journal officiel du 29 décembre 2004, page 22245, texte n° 100
Recueil, p. 233
ECLI : FR : CC : 2004 : 2004.19.I

Les abstracts

  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.2. Procédure

Tout texte édictant une incompatibilité et qui a donc pour effet de porter une atteinte à l'exercice d'un mandat électif doit être strictement interprété. Tel est le cas de l'article L.O. 146 du code électoral. Pour l'appréciation de la situation d'un parlementaire au regard de l'article L.O. 146, le Conseil constitutionnel doit se placer à la date à laquelle il prend sa décision. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte de circonstances ayant pris fin antérieurement à cette décision. S'il n'est pas établi, au vu des informations dont dispose le Conseil constitutionnel le jour de sa décision, que l'intéressé se trouve dans le cas d'incompatibilité prévu au deuxième alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral, il appartiendrait au bureau du Sénat ou au ministre de la justice, de saisir à nouveau le Conseil de sa situation si le justifiaient des faits ou informations postérieurs à la présente décision.

(2004-19 I, 23 décembre 2004, cons. 3, 4, 8, Journal officiel du 29 décembre 2004, page 22245, texte n° 100)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.1. Sociétés percevant des avantages d'une personne publique (L.O. 146, 1°)

Sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public. Si l'intéressé exerce dans certaines sociétés des fonctions visées par le premier alinéa de l'article L.O. 146 du code électoral, il résulte de l'instruction que lesdites sociétés n'entrent pas dans le champ d'application de cet article. Par ailleurs, il n'exerce au sein des sociétés qui entrent dans le champ d'application de l'article L.O. 146 aucune des fonctions qui sont visées par le premier alinéa de cet article.

(2004-19 I, 23 décembre 2004, cons. 5, 7, Journal officiel du 29 décembre 2004, page 22245, texte n° 100)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.2. Sociétés financières (L.O. 146, 2°)

Les différentes catégories de personnes visées au 3° de l'article L.O. 146 du code électoral doivent être prises en compte de façon cumulative ; par ailleurs, la notion d'" activité principale ", qui figure dans ce même alinéa, doit s'entendre comme représentant " plus de 50 % " de l'activité de la société considérée (solution implicite).

(2004-19 I, 23 décembre 2004, cons. 5, 7, Journal officiel du 29 décembre 2004, page 22245, texte n° 100)

Sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'État, d'une collectivité ou d'un établissement public. Si l'intéressé exerce dans certaines sociétés des fonctions visées par le premier alinéa de l'article L.O. 146, il résulte de l'instruction que lesdites sociétés n'entrent pas dans le champ d'application de cet article. Par ailleurs, il n'exerce au sein des sociétés qui entrent dans le champ d'application de l'article L.O. 146 aucune des fonctions qui sont visées par le premier alinéa de cet article.

(2004-19 I, 23 décembre 2004, cons. 5, 7, Journal officiel du 29 décembre 2004, page 22245, texte n° 100)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.5. Sociétés mères (L.O. 146 5°)

Le 5° de l'article L.O. 146 interdit aux parlementaires d'exercer certaines fonctions dans les sociétés dont plus de la moitié du capital est constituée par des participations de sociétés visées aux 1º, 2º, 3º et 4º du même article. En revanche, il ne mentionne pas les sociétés qui détiennent de telles participations. Il n'appartient pas au juge des incompatibilités d'ajouter à la loi.

(2004-19 I, 23 décembre 2004, cons. 6, Journal officiel du 29 décembre 2004, page 22245, texte n° 100)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.6. Direction de fait (L.O. 146, dernier alinéa)

Il ne résulte pas des éléments d'information dont dispose le Conseil constitutionnel que l'intéressé exerce en fait, au jour de la présente décision, directement ou par personne interposée, la direction de l'une ou de plusieurs des sociétés entrant dans le champ d'application de l'article L.O. 146 du code électoral.

(2004-19 I, 23 décembre 2004, cons. 7, Journal officiel du 29 décembre 2004, page 22245, texte n° 100)
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